“ in a tidal wave of mystery,
you'll still be standing next to me ”

feat. orson

L'informatique et Freddie n'avaient jamais été de grands complices. Comme tout le monde, elle était amenée à l'utiliser à certaines occasions, mais laissait généralement ça aux autres, à ceux qui étaient plus à l'aise avec les machines et préférait généralement écrire à la main ou faire des recherches dans des archives. Mais ici, il était notamment question de tenir un blog, petite chose dont Freddie mesurait difficilement l'intérêt et qui lui avait très certainement valu d'être considérée comme une candidate discrète car peu disposée à poster sa tronche sous toutes ses coutures. Soit. Toujours est-il qu'étant loin de s'y connaître, ça n'était jamais une mince affaire pour elle de se coller derrière un ordinateur et d'entreprendre de le faire fonctionner. Oui parce que Freddie avait beau y mettre autant de bonne volonté que possible, le fait est que la machine coopérait rarement du premier coup, comme ici, alors qu'elle était parvenue à l'allumer correctement et même à y effectuer quelques actions des plus sommaires. Sauf que voilà, il eut fallu de quelques petites minutes pour que l'appareil ne réponde plus de rien et la laisse seule avec son incompréhension. Qu'avait-elle fait ? Qu'avait-elle touché ? Risquait-elle d'empirer les choses en éteignant brusquement l'ordinateur ? Croyez bien que cette idée lui avait nettement effleuré l'esprit mais qu'elle préférait voir s'il n'était pas possible que la machine se débloque d'elle-même, des fois qu'elle ait pitié d'elle. Oui, c'était un peu comme attendre qu'une solution lui tombe du siècle, d'autant plus qu'elle n'avait pas franchement prévu que quelqu'un débarque à ce moment précis. Oh elle aurait l'air fine, n'est-ce pas, lorsqu'elle serait incapable de continuer ce qu'elle faisait et ne pourrait tout au plus que donner l'illusion que la machine acceptait encore de lui répondre. Surtout que là, il s'agissait d'Orson, qu'ainsi donc à choisir, elle aurait préféré être ridicule devant quelqu'un d'autre, hein. « C'est pas moi. J'ai rien fait. C'était déjà comme ça quand je suis arrivée » qu'elle s'empressa bêtement d'énoncer, se voulant aussi convaincante que possible, prenant même un air fataliste pour crédibiliser son jeu. Et elle faisait déjà mentalement le décompte du moment où il se foutrait d'elle, hm.

Orson n'était pas habituellement très gadgets et consort. Il trouvait toutes ses babioles informatiques trop envahissantes à son goût. A l'air de la communication excessive et constante, il n'avait ni compte Facebook, ni compte Twitter jusqu'à sa participation à cette émission de télé-réalité. Son téléphone portable lui permettait de rester en contact continuel avec ses clients et certains de ses proches. Sinon, il s'en serait bien passé. Par contre, il ne se séparait jamais de son agenda électronique pour ses rendez-vous et autres réunions. Il se passerait bien volontiers de son ordinateur, mais pour certaines de ses recherches, cela s'avérait parfois pratique. Il lui arrivait parfois de s'enfermer à la bibliothèque des heures durant, de consulter des archives. Il avait toujours sur lui des calepins pour la prise de notes. Une méthode pour le moins archaïque, surtout à une époque où ils prônaient l'efficacité et l'instantanéité. On n'arrête pas le progrès, dit-on. Il s'était déjà servi d'un Ipad, mais il n'en voyait pas l'utilité. Néanmoins, il était quelqu'un de curieux. Il aimait en découvrir les mécanismes, donc il avait passé toute la matinée à comprendre comment cet objet hi-tech fonctionnait. Il était comme fasciné par les quelques applications (c'est-à-dire pas grand choses) à disposition dont celui où on pouvait annoter des choses à l'aide du styler tel un calepin. C'était pratique, léger et bien sûre, portable. Il circulait d'une pièce à l'autre, la tablette en main, obnubilé par ce qu'il découvrait. Il pensait s'en acheter une de tablette à la sortie, tiens. Il entra dans la salle informatique et aperçut un visage familier. Elle avait l'air embarrassé. Serait-ce avoir avec l'ordinateur ? On dirait que le système ne répondait plus. Il dissimula un sourire amusé en arborant une expression plus détachée. - Je n'ai rien dit., qu'il lui fit remarquer avec malice. Elle ne savait plus où se mettre. La présence du jeune homme la gênait un peu sans doute. Il déposa sa tablette sur le bureau et vint s'asseoir calmement sur une chaise à côté de la sienne. Il se tourna vers elle. - Ne mens pas. Je sais que c'est toi., finit-il par lâcher d'un air suspicieux. Il plissa légèrement les yeux de façon accusatrice et pointa un doigt accusateur sur sa personne. Histoire de la taquiner davantage. Ne pouvant pas garder son sérieux plus longtemps, il éclata de rire. - Je ne dirai rien à personne. A condition que tu me dises quel a été le moment le plus embarrassant de ton existence ? C'était une manière subtile de l'amener à parler un peu plus d'elle. Il ignorait beaucoup choses sur elle, outre que le fait qu'ils avaient des caractères semblables comme elle avait pu le constater la semaine dernière, à la piscine.

C'était maintenant chose officielle, Freddie était autant à l'aise devant un ordinateur que derrière des fourneaux. L'informatique, qu'on se le dise, elle le laisser aux autres, ou disons à ceux qui ne risquaient pas de planter tout un système en une seule petite manipulation, qu'elle serait incapable de déterminer d'ailleurs. Oui parce que c'était aussi ça son problème, le fait de faire les choses mal sans savoir comment elle avait bien pu se démerder pour se planter. Semble-t-il qu'elle avait été un peu trop optimiste au moment où elle avait noté que l'ordinateur s'était allumé sans encombre, et qu'elle avait été loin de se douter qu'il ne resterait pas coopératif bien longtemps. Parce que bon, c'était une chose de planter un ordinateur - c'était toujours frustrant et peu reluisant, certes - mais c'en était une autre de risquer d'endommager le matériel informatique que la Production avait du payer une petite fortune. Non pas que Freddie ait subitement peur d'être jetée aux lions, mais il est vrai qu'elle n'était pas particulièrement rassurée à l'idée qu'on puisse remarquer qu'elle avait légèrement merdouillé. Le pire étant alors que quelqu'un choisisse de débarquer au moment précis où elle envisageait de supplier l'ordinateur de se remettre à fonctionner correctement. Clairement, elle ne saurait assassiner sa fierté devant qui que ce soit. Donc disons qu'elle allait d'abord tâcher de ne pas avoir l'air trop bête devant Orson, hein, ce serait déjà pas mal. Elle s'empressa en tout cas de prétendre qu'elle n'y était pour rien, comme s'il était un tant soit peu probable qu'elle soit entrée ici en ayant trouvé l'ordinateur dans cet état et qu'elle ait précisément choisi de s'asseoir en face, comme si ce genre de choses étaient susceptibles de l'intéresser lorsque ça ne la concernait pas. Alors certes, de prime abord, il n'avait émis aucun commentaire, mais voilà que maintenant il prétendait savoir que c'était de sa faute. Le bougre ! « Tu tires des conclusions beaucoup trop hâtives, mon cher, et puis tu ne peux rien prouver, ça moi je le sais, alors arrête ton char » qu'elle fit mine de s'offusquer, ayant bien sûr saisi à son ton qu'il n'était pas bien sérieux et souriant lorsqu'il se mit à rire. Elle rit cependant déjà moins lorsqu'il la somma de se confier sur ce qui avait été le moment le plus embarrassant de sa vie, fronçant même doucement les sourcils et lui adressant une moue presque consternée. « C'est marrant, si j'étais parano, je jurerais que t'es entrain de me faire un odieux chantage. » Oh oui, ça y ressemblait fort. Mais bon, ça n'était pas comme si ça risquait de lui coûter un bras que de se confier à lui. Elle savait encore ce qu'elle pouvait dire ou non, et ne risquait certainement pas de se compromettre aussi facilement. « Je vivais encore chez mes pères et je venais d'avoir mon permis … Un soir, alors que je garais ma voiture, un chat s'est précipité sous mes roues et … disons qu'il a très mal fini. Persuadée d'avoir reconnu celui de la gardienne de ma résidence, je me suis précipitée chez ma voisine de pallier, une amie depuis le lycée, et lui ai demandé de m'aider à faire croire à la propriétaire du chat qu'on l'avait trouvé comme ça, sans avoir pu m'empêcher de glisser que je ne comptais pas la plaindre, vu qu'elle était généralement aimable comme une porte de prison, et qu'en plus de ça son chat était à peine plus laid écrasé que de son vivant. » Ce qui, formulé comme ça, était un peu limite, c'est vrai. « C'est quand elle a fondu en larmes que je me suis souvenue que le chat de la gardienne était mort d'une leucémie l'année d'avant et que mon amie avait elle aussi récemment adopté un angora roux … Quoi que légèrement en charpie, désormais. » Alors oui, l'on pouvait effectivement dire que cet épisode avait été l'un des plus gênants de sa vie, parce qu'elle n'en était évidemment pas fière, hm. « Maintenant que tu dois me prendre pour un monstre, s'il te plait, confie-moi quelque chose de tout aussi honteux. » Juste histoire qu'elle se sente moins seule, oui.