J'avais passé une mauvaise journée. C'était à vrai dire véritablement la première fois que cela m'arrivait depuis que j'étais ici, mais j'avais passé une mauvaise journée. Et c'était pas uniquement dû au fait qu'il avait plu des trombes d'eau toute la journée, même si forcément cela n'avait pas aidé à me mettre de meilleure humeur ; Non, à vrai je crois que j'avais simplement le blues, depuis que je m'étais levé. Benjamin me manquait. Ma maison me manquait, mes habitudes me manquaient, ma planche de surf me manquait ... c'était un tout, mais c'était surtout Benjamin, inutile de me voiler la face. Du coup j'avais passé la totalité de ma journée à attendre que le soir arrive, et que je puisse aller me coucher en me disant que demain ça irait mieux ; J'avais à peine grignoté un truc vers vingt-heures, et j'étais monté me coucher pas longtemps après dans l'espoir de trouver le sommeil rapidement. Espoir vain, la chambre s'était peu à peu remplie et lorsque Camille était monté se coucher à son tour, bon dernier comme il en avait l'habitude, je ne dormais toujours pas. J'avais fait mine de dormir pourtant, parce que même si j'aimais beaucoup Camille ce soir je n'avais pas vraiment envie de parler, pas plus à lui qu'à quelqu'un d'autre. Ceci dit sa présence à côté de moi avait tout de même réussi à m'apaiser assez pour que je me laisse enfin gagner par le sommeil ... avant de me réveiller en sursaut moins de deux heures plus tard. Pour quelle raison, je n'en savais strictement rien, sans doute avais-je dû rêver ... de quoi, je n'en savais rien non plus, mais c'était peut-être ceci dit, parce que si cela m'avait réveillé de cette façon c'était que ça ne devait pas être bien agréable, hm. Passant une main sur mon visage en soupirant, j'avais attendu quelques minutes que les battements de mon cœur retrouvent un rythme plus ou moins normal, et finalement je m'étais levé, en essayant d'être le plus discret possible pour ne réveiller ni Camille ni quelqu'un d'autre. Passant par la salle de bain pour boire un peu au robinet et m'asperger le visage d'eau, puis par le dressing où j'avais attrapé mon short de sport et un tee-shirt gris roulé en boule dans mes affaires et par dessus lequel j'avais rajouté ma veste, j'avais ensuite fait un détour par la cuisine pour y attraper une bouteille de bière au frigo, et finalement j'étais sortit me poser sur les marches dehors, devant l'entrée du château. Il faisait meilleur que durant la journée finalement, et les nuages avaient momentanément disparu, laissant la lumière de la lune éclairer les environs ; Il ferait sans doute beau demain. Enfin, tout à l'heure. Ça valait sans doute même pas le coup que je retourne me coucher de toute façon. Décapsulant ma bière à la main avec toute l'habitude dont je pouvais faire preuve, je m'étais laissé perdre un peu par mes pensées lorsqu'une voix derrière moi me fit sursauter, si bien que je manquais presque lâcher ma bouteille. « Tu m'as fait peur je t'avais pas entendu arriver. » avais-je dit à Camille pour me justifier, lorsque j'avais compris qu'il s'agissait de lui. J'avais tout de même tenté un vague sourire, pour la forme, avant de me demander ce qu'il faisait là alors que je l'avais entendu monter se coucher y'avait à peine deux heures « C'est moi qui t'ai réveillé ? Je suis désolé ... » Je l'étais, sincèrement. C'était pas parce que j'arrivais pas à fermer l’œil que je voulais empêcher les autres de pouvoir le faire. A vrai dire j'aurais bien aimé pouvoir faire comme eux, justement.

Comme à mon habitude, j'avais passé une petite heure assis sur le sol de la bibliothèque, adossé contre l'une des rangées de bouquins, finissant un nouveau livre. A vrai dire, je me demandais bien combien j'arriverais à en lire avant de quitter le nid. Je devais bien en être à une vingtaine, et n'étais clairement pas au bout de ne serait-ce qu'un rayon. Cet endroit était une véritable mine d'or à mes yeux, et c'est probablement pour cette raison que je tentais de l'exploiter le plus possible. Et puis de toute façon, passé deux heures, il ne restait plus beaucoup de candidats éveillés, d'ailleurs, j'étais presque certain qu'Akela était déjà couché, entrain de dormir. Parce que je savais que nous n'avions pas forcément les mêmes horaires, et puis je n'avais pas besoin de beaucoup d'heures de sommeil, peut-être un peu trop habitué à travailler jusqu'à tard le soir pour me lever aux aurores, histoire de me motiver. J'avais pris un rythme peut-être un peu trop rude, mais y étais maintenant parfaitement habitué. Fermant le bouquin que j'avais entre les mains, après avoir dévoré la dernière page, je décidais de me relever pour le déposer à sa place. Direction la chambre maintenant, puisqu'il fallait tout de même être raisonnable et que j'essayais de ne pas me coucher plus tard qu'à deux heures, histoire d'arriver un minimum à suivre le rythme des autres candidats. Comme prévu, Akela était déjà là, allongé et probablement devait-il déjà dormir, c'est pourquoi j'avais tenté de faire le moins de bruit possible lorsque je m'étais glissé à ses côtés, vêtu simplement d'un débardeur bleu marine et d'un pantalon en tissu noir. Je n'avais d'ailleurs pas mis longtemps à m'endormir, certainement trop fatigué. Mais ce n'est qu'une poignée d'heures plus tard que je sentis un mouvement brusque à mes côtés, m'extirpant de ce fait de mes rêves. C'était Akela, qui semblait avoir fait un mauvais rêve. Et avant même que je n'ai le temps de réagir, celui ci avait quitté le lit pour finalement sortir de la pièce. Tout de même un peu inquiet, j'avais donc embarqué la couverture sur mes épaules, pour descendre une à une les marches de l'escalier, les yeux encore légèrement clos. C'est sur l'une des marches, à l'entrée du château que j'avais finalement retrouvé mon partenaire. « Akela ? » lâchais-je quelque peu incertain alors que le jeune homme venait de sursauter « Tu m'as fait peur je t'avais pas entendu arriver. » arrivant à ses côtés, celui ci avait reprit la parole « C'est moi qui t'ai réveillé ? Je suis désolé ... » un sourire compatissant s'esquissa presque aussitôt sur mes lèvres, alors que je prenais place près de lui, recouvrant les épaules du jeune homme de la couverture, histoire qu'il n'attrape pas trop froid. « C'est rien... Qu'est ce qu'il se passe ? Enfin... Tu veux en parler ? » parce que sinon, on pouvait rester là, silencieux, jusqu'à ce qu'il aille mieux, moi ça me dérangeait pas trop.

La plupart des gens qui me côtoyaient plus ou moins régulièrement s'imaginaient que j'étais ce type toujours de bonne humeur, toujours à faire des farces ou raconter des âneries pour faire rire la galerie, et que parce que j'étais le genre qui prenait la vie du bon côté, mon optimisme naturel ne me quittait jamais. Qu'il ne m'arrivait pas à moi aussi d'avoir des coups de blues, des baisses de moral ou de motivation, des moments où j'avais simplement envie qu'on me foute la paix le temps d'avaler ce qui n'allait pas et de passer à autre chose. Et cela m'arrangeait bien, que l'on me voit comme ça, que l'on ne songe même plus à me demander si j'allais bien puisqu'on partait du principe que j'allais toujours bien ; Parce qu'ainsi je n'avais pas à inventer d'excuse ou bien à me justifier quand ce n'était pas le cas. Bien sûr ce numéro ne fonctionnait pas avec tout le monde, mes proches savaient faire la différence entre un vrai sourire et un sourire pour donner le change, ma mère, mes soeurs, Benjamin ... pour eux il n'y avait rien de plus facile que de lire en moi comme dans un livre ouvert. Sans doute parce qu'à eux je n'étais pas capable de mentir, même pour la bonne cause. Enfin bref, j'étais du coup bien content qu'on m'ait foutu la paix toute la journée, parce que j'étais pas d'humeur ... et parce que j'avais pas envie d'être inutilement désagréable avec quelqu'un d'autre, aussi. « Akela ? » Camille. C'était surtout envers lui, que j'avais pas envie d'être désagréable., et c'est sans doute pour cette raison que j'aurais préféré ne pas le voir descendre ... Mais maintenant qu'il était là, je n'allais pas non plus l'envoyer sur les roses, d'autant plus que j'étais visiblement la cause de son réveil, alors qu'il s'était couché il y a peu de temps. M'excusant donc de l'avoir réveillé, j'avais réalisé alors que j'avais toujours ma bière à la main. « Je ... J'avais soif et, enfin j'ai pris le premier truc qui venait. » avais-je tenté de me justifier, principalement parce que cela ne donnait pas une image vraiment terrible, celle du type qui se levait dans la nuit pour boire de l'alcool, hm. Bon c'était juste une bière cela dit, c'était pas non plus la mer à boire, mais n'empêche. S'installant finalement à côté de moi, il avait laissé la couverture qu'il trainait sur mes épaules, geste qui malgré tout m'avait arraché un sourire, parce quie c'était du Camille tout craché. La gentillesse à l'état pur, quoi. « C'est rien ... Qu'est ce qu'il se passe ? Enfin ... Tu veux en parler ? » Secouant machinalement la tête à la négative, j'avais bu une nouvelle gorgée de ma bière avant de laisser un sourire léger se dessiner sur mes lèvres ; Fallait que je trouve quoi répondre qui ne soit pas une mensonge - parce que je n'avais pas envie de lui mentir, à lui - mais qui n'engage pas d'autres questions. « Parler de quoi ? » que j'avais alors demandé d'un ton presque amusé « J'arrive juste pas à dormir, mais ça va passer. Demain soir, enfin ce soir, je serais tellement fatigué que je dormirais sans doute comme un bébé. » Du moins j'espérais vraiment que ce serait le cas, parce qu'il n'était pas question que je passe une seconde journée et une seconde nuit comme celle-là. J'avais encore l'espoir que Camille m'ait d'ailleurs juste entendu me lever, et pas me réveiller en sursaut comme le dernier des gamins. Soupirant, j'avais tourné ma tête vers lui avant de lui faire remarquer « Tu vas attraper froid si tu restes comme ça, viens. » et de tendre tout en tenant la couverture, que j'avais passé autour de ses épaules aussi ; Elle était bien assez grande pour deux, et puis j'avais une veste en plus de ça. J'avais pas envie qu'il attrape la crève à cause de moi. Mes yeux se perdant un instant dans le vague devant moi, j'avais reposé ma bière à mes pieds, sur une des marches « Tu peux retourner dormir, tu sais. Je serais toujours là demain. » Et de meilleure humeur sans aucun doute. Quoi que j'avais déjà l'impression que ça allait un peu mieux ...