Le temps était neigeux et le jardin brillait de mille feux, rien ne trompait, nous étions bien le jour de Noël. Aussitôt j'avais émergée de mon court sommeil que je me dirigeai vers l'extérieur pour griller une cigarette. M'accaparant de multiples gilets et autres étoles, je voulus d'abord trouver refuge sur le balcon mais je distinguai déjà en m'approchant que plusieurs silhouettes s'y tenaient. Bredouille, je descendis donc les escaliers grinçant pour aller m'asseoir sur un banc au milieu du manteau neigeux qui recouvrait le gazon. Je poussai la porte de la maison après avoir lancé quelques "joyeux Noël" aux candidats courageux déjà levés puis allai m'avachir sur un siège, nicotine en bouche. Mon attention se porta ainsi sur un candidat apparemment retombé en enfance le temps (ou pas) d'une journée. Je le dévisageai un moment, admirative face à l'entrain dont il faisait preuve pour, visiblement, ériger son bonhomme de neige. Il croisa enfin mes pupilles et je me décidai à engager la conversation.

J'espère qu'il sera pas aussi populaire que celui d'Héléna, elle ne parle que de ça.

Un bonhomme de neige. Blaise semblait être un grand enfant qui se cherchait encore. Certes il était amusant mais ses pitreries pouvaient se révéler assez indigestes, par exemple le soir de sa nomination où il avait trouvé bon de se présenter dans le plus simple appareil. Je ne connaissais pas son âge mais s'il avait eu seize ans, rien ne m'aurait étonné. Soit, il était bon aussi de ne pas côtoyer que des gens trop solennels ce pourquoi je renvoyai son sourire au jeune homme qui s'attelait à sa sculpture avec minutie.

Je ne te connais pas alors, c'est ironique ? Je ne t'ai pas découvert si modeste depuis que tu es là.

Je conclus ma déclaration en haussant les épaules, me réduisant à penser que je m'étais trompée sur lui. J'avais vu en Blaise quelqu'un d'assez extravagant et qui n'hésitait pas à se présenter sur tous les fronts. D'après ses dires, j'avais eu tort.

Le monologue de Blaise m'avait remarquablement atteinte, et pour cause j'avais envie d'exploser de rire tant il était absurde. Par une simple question j'avais déclenché le moulin à paroles qui tentait de se justifier d'une pseudo-accusation. J'arquai un sourcil, complètement surprise par ces déclarations qui n'avaient pas lieu d'être, sauf si le jeune gay de la maison lisait dans les pensées. Certes, j'avais la sentiment qu'il était encore peu mature dans sa tête mais avais-je fait une quelconque allusion de ce ressenti ? Aucune. Aucune car je n'avais pas envie justement, de me prononcer tant que je n'avais pas découvert sa personne à part entière. Je laissai un long blanc après sa presque remise en place puis me levai, écrasant ma cigarette en chemin. Lui accroupi, moi perchée à un mètre quatre vingt du sol, j'avais clairement l'impression d'être face à un bébé. Posant mon regard dans le ciel, je réagis enfin aux réprobations du candidat, bien subtilement comme à mon habitude.

Sais-tu seulement faire la nuance entre un jugement et une impression ?

Je levai les yeux au ciel, machinalement, tant j'étais exacerbée.

Et, pardonne moi de te dire ça mais ai-je une seule fois osé te dire que tu étais un gamin ? Ne cherche pas, ça n'est jamais arrivé. Et ça n'arrivera pas.

J'étais presque clairement vexée face au jeune homme qui s'était effectivement permis de prétendre que je jugeais les gens sans même les connaître étant l'une des rares personnes qui ne le faisait pas ici. Gardant mon sang froid comme à mon habitude, je commençai à rebrousser chemin vers mon banc.

Tu ne sais même pas ce que je pense de toi, peut-être que tu dis vrai, peut-être pas, moi-même je n'en sais rien. Mais cesse de vouloir essayer de lire dans mes ressentis, c'est un massacre.

Blaise était-il sincèrement en train de s'excuser ? Je me retournai aussitôt que j'avais entendu le mot désolé. D'une part j'étais gênée qu'il se fasse une fausse idée de ma personne, mais je l'étais encore plus lorsqu'il s'agissait pour lui de demander pardon. M'avançant de nouveau vers lui, je m'assis à même la neige pour que nos regards se fassent face. Caressant la surface lisse de son bonhomme de neige, j'essayai tant bien que mal de le rassurer.

Tu n'as pas à te faire pardonner de quoique ce soit. Et sache que si un jour je te disais que tu as une âme d'enfant, c'est que je l'envie.

J'esquissai alors un sourire honnête. Sachant que je passais souvent pour une vieille fille, une pointe de folie n'aurait pu me faire de mal et d'ailleurs, et j'aurais presque pu envier l'insouciance du jeune homme.

Tu me filerais un complexe si tu baptisais ce gros bonhomme grassouillet de mon nom. Je pense très fort à quelqu'un à qui cela conviendrait... mais je te laisse deviner.

Je commençais seulement à découvrir les côtés positifs de la fraîcheur et la spontanéité de Blaise et il était agréable de constater que le jeune homme ne cherchait pas à creuser pour essayer de me découvrir. Tous ceux qui s'y étaient essayé n'y étaient pas parvenus, et le candidat semblait d'ores et déjà avoir compris que vouloir me connaître n'avait pas de spécial intérêt. Je ris à sa remarque, comprenant ainsi que j'étais dans un bon jour car habituellement mon visage serais resté fermé.

Ah, je faisais pas allusion à lui mais je vais passer pour une moqueuse si je te révèle le fond de ma pensée. Allons-y pour Franz.

Esquissant un sourire, je broyai une poignée de neige entre mes mains puis vins la déposer dans un creux de son bonhomme de neige, de quoi le renflouer d'avantage.

Tu te plais ici Blaise ?