Freddie & Danaé
#6

Je n’ai même plus le droit de faire croire que je suis timide ou pudique depuis que tout le monde a eu l’occasion de me voir en train de faire des choses peu catholique avec Zoran, mais pourtant c’est bel et bien le cas. En fait je crois bien que ce sont les caméras qui me frustrent un petit peu et que quand j’étais en compagnie du brun j’ai complètement oublié que y’avait un truc qui était en train de me filmer et que des centaines de milliers de personnes étaient en train de m’observer. Heureusement que j’ai réussi à reprendre un petit peu du poil de la bête et que je me sens moins bête maintenant. C’est peut-être le fait que ma partenaire me dise que ce genre de chose est plus ou moins naturel. En tout cas si avoir des relations sexuelles est quelque chose de naturel alors se montrer en maillot de bain est aussi quelque chose de naturel qui ne doit pas me faire peur. Je n’ose pas encore traverser le château en bikini, mais dès que je me trouve près de la piscine, voilà que je balance mon peignoir dans un coin. Je ne suis franchement pas rassuré du tout. J’ai mon petit cœur qui cogne comme un dingue contre ma poitrine, mais je ne peux plus receler maintenant et surtout je ne dois pas reculer maintenant parce que sinon les gens vont me prendre pour une nana complètement barjot. C’est peut-être déjà le cas en fait. Tant pis. Je ne remarque même pas qu’il y a quelqu’un dans la pièce. Je suis tellement focalisé sur le fait de me baigner sans avoir peur que des hommes malveillants me regardent que je ne m’occupe pas de ce qui est en train de se passer tout autour de moi. Par chance je suis plutôt bonne nageuse. Je fais un plongeon digne de celui d’une sirène, ou pas, et termine ma longueur sous l’eau, remontant à la surface tout près du bord. Là, je me sens un petit peu plus à l’aise. On voit beaucoup moins mon corps déjà. Je frotte mes yeux bleus avec mes mains pour éviter qu’il ne soit tout rouge avec le chlore. Je reprends ma respiration et là … Freddie. Elle me regarde en souriant. Je dois avouer qu’elle me fait un petit peu peur là. Machinalement, j’attrape mon nez avec l’une de mes mains. « Quoi ? » que je demande timidement. « J’ai un truc sur le visage ? » Oui parce que là elle me regarde quand même avec pas mal d’attention alors je commence un petit peu à flipper. Après tout c’est peut-être une folle qui sort tout droit de prison et qui ne pense qu’à une chose, me tuer. J’ai le droit de m’inquiéter. C’est tout à fait légitime. Je recule légèrement, attrapant un ballon en plastique qui flotte à la surface. « Si t’essaye de m’attaquer, fais gaffe j’ai de quoi me défendre hein. » Avec un ballon à plastique ? Beh oui bien évidemment ma petite Danaé. Elle doit trembler de peur là la grande Freddie.

En sortant la tête de l’eau je m’attends à tout sauf à trouver Freddie en train de me fixer comme si j’avais quelque chose d’horrible en plein milieu du visage. Instinctivement j’attrape mon nez. J’espère qu’il n’est pas tout rouge ou bien qu’il n’a pas triplé de volume à cause du chlore. Oui je supporte assez mal le chlore. Je l’interroge. Hors de question qu’elle reste là à rire de moi sans que je sache pourquoi. Enfin, j’ai l’impression qu’elle est en train de rire de moi. Peut-être que ce n’est pas le cas. « Ça dépend, elle était déjà sur ton front cette méduse quand t'es entrée, ou ... ? » Une méduse ? Elle me fait sérieusement peur là. Je viens poser mes mains sur mon front. Je ne sens rien. Que ma peau et mes os. Qu’elle idiote. Elle vient de me faire peur. Je ne sais pas si c’est halloween qui monte au cerveau de tout le monde, mais là je commence vraiment à avoir envie de prendre mes jambes à mon cou et de m’enfuir de ce château. En tout cas je n’ai rien sur le front et ça c’est l’essentiel. Je la regarde et fait une grimace enfantine en lui tirant la langue. « Très drôle franchement hein. » Oui je ne trouve rien de mieux à lui dire. Je préfère me défendre. J’attrape un ballon en plastique qui flotte à la surface. Je ne suis pas sûre que ça fasse bien mal, mais bon c’est déjà ça. C’est un sourire plus carnassier qui vient se dessiner sur les lèvres de Freddie. Elle me fait vraiment très peur là. « La confiance règne, décidément » Je l’ai vexé ? Je baisse un petit peu la garde et termine par lâcher définitivement le morceau de plastique alors que la brunette se laisse tomber dans l’eau. « Soit dit en passant, je me suis pris tellement de ballons de football en pleine tronche au lycée que ton truc en plastoc ne risque pas de m'arrêter. » Oh, c’est triste ça. Je l’observe un instant. « Tu n’étais pas une nana populaire si je comprends bien ? » Eh bien ici, elle prend sa revanche. Freddie c’est une fille assez simple et j’aime bien ça. Elle est un brin loufoque aussi. J’aime bien ça aussi. Je lui adresse un sourire. « Moi tout le monde me prenait pour un ovni parce que je n’avais pas le droit de faire certaines choses. » Beh oui, je n’ai jamais fumé une cigarette de toute ma vie. Je ne bois que très peu d’alcool. Je n’allais pas vraiment aux soirées étudiantes lorsque j’étais en fac. Je n’étais pas comme les autres en fait. « Dis, tu penses qu'on aurait une chance sur combien de s'en sortir si la bonde de fond cédait d'un seul coup et prévoyait de nous happer ? » C’est une question très intéressante. Machinalement je regarde le fond du bassin. « Aucune. » Je lève les yeux vers ma camarade. « C’est halloween qui vous rends tous comme ça ? » Je ne donne pas plus de précision. J’ai besoin de savoir. Ils me font peur à parler de catastrophe en permanence.

Une méduse sur le front. Non, mais sérieusement, je me demande pourquoi je crois à une stupidité pareille. Il n’y a pas de méduse dans le bassin et je le sais très bien, sauf que Freddie me fait tellement peur à me regarder de la sorte que je ne peux m’empêcher de tomber dans son piège et de venir vérifier que rien de gluant ne repose sur ma tête et ne vienne dégouliner sur mon joli petit front tout pâle. Beh oui, je ne suis franchement pas très coloré. Je ne viens pas des îles, mais du nord de la France et je n’ai pas des origines d’ici et d’ailleurs. Enfin si, j’ai des origines allemandes, mais on ne peut pas dire que les allemands soient mats de peau. C’est comme ça et ce n’est pas autrement. Je ne vais pas en faire tout un plat. En tout cas je commence à me perdre dans mes pensées lorsque la voix de la brunette vient me rappeler à l’ordre. « Je sais, on me dit souvent que j'ai raté ma vocation de comique » Sa vocation de comique ? Entre les têtes réduites et les méduses, je ne sais pas vraiment si on peut parler de comique. Ou alors d’un humour un peu noir. Je hausse les épaules, mais ne répond rien. Je n’en sais rien pour être franche. Je l’imagine mal dans la peau d’un comique tout seul, mais je la vois bien dans celle d’un clown. Je ne sais pas si c’est méchant ou non de dire ça alors je préfère me taire. Autant parler d’autre chose. Nos années lycées par exemple. Oui d’un ballon en plastique comme arme de défense on en vient à discuter popularité au lycée, mais après tout ce sont deux choses liées à jamais. T’es pas populaire, tu manges un ballon en pleine figure. « Le lycée est un petit monde impitoyable où ceux qui n'aspirent pas aux mêmes futilités que les autres ne sont rien. Alors oui, en dépit du fait que je n'ai surtout jamais eu beaucoup de réflexes, je suppose que certaines balles ne me sont pas arrivées en pleine poire par hasard. » Je suis tout à fait d’accord avec elle et je le lui montre d’un petit signe de la tête accompagné d’un sourire. Cela me fait de la peine tout de même de l’imaginer en train de se protéger des balles qui pleuvent sur elle alors je balance mon morceau de plastique de l’autre côté de la pièce, en essayant d’être le plus discrète possible. J’crois que c’est raté. Je lui fais une confidence. Quelque chose que je ne dis à personne en général. Je n’étais pas la nana la plus populaire de mon lycée. J’étais tout le contraire. « Parce que tes parents t'en défendaient ? » En grande partie, oui. « J’ai quelques petits soucis cardiaques alors il y avait plein de choses que je ne pouvais pas faire comme les autres. » Depuis le temps, je m’en suis remise. Au début, j’ai trouvé ça injuste. Moi aussi j’avais envie d’essayer de fumer une clope devant l’établissement, à la fin des cours, tout en attendant le bus, mais non. La plupart du temps je me mettais le plus loin possible pour ne pas avoir à respirer la fumée. Je pousse un soupir en y pensant. C’est la vie. Je n’y peux rien. Halloween devient notre nouveau sujet de discussion lorsqu’elle glisse dans l’eau pour me rejoindre. « Halloween ne risque pas de me changer, cette fête m'a toujours indifférée. » Même enfant ? C’est étrange ça. « Et j'avais déjà un petit grain hier, hein, au cas où tu ne l'avais pas encore noté » Sa remarque me fait sourire. Bien évidemment que j’ai déjà remarqué la chose, mais je ne dis rien parce que j’aime bien ce côté un peu fou qu’a la demoiselle et que je ne veux pas qu’elle en change une seule seconde. Au moment où je vais pour prendre la parole, elle me pose une question. « Je te trouve nerveuse. Est-ce qu'Halloween y est du coup pour quelque chose ? » Pas vraiment. Je fais une petite grimace. « C’est une fête que je n’affectionne pas trop pour le côté horreur. Je préfère prendre la chose comme une occasion, en plus de carnaval, pour me déguiser. » que je viens lui confier. « Les esprits et toutes les choses qui vont avec, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. » Certainement parce que je crois à toute ces choses-là, mais ça je me garde bien de le lui dire. Faudrait pas qu'elle me prenne pour une dingue.