W. INDIA.

Je suis stupide c'est constat plutôt frappant mais j'imagine que si je le sais ce n'est sans doute pas si terrible. Enfin j'en sais trop rien de toute façon il n'y a rien que je puisse faire contre ça. Enfin si mais il faut le vouloir et je crois qu'au fond, tout au fond je me complais dans la stupidité. Je réfléchis moins et c'est plus simple. Je devrais me faire un peu violence, mais quand je le fais j'ai l'impression que je le fais mal ou pas avec les bonnes personnes. Je me suis fait violence avec Ivan, enfin pas trop c'était plutôt naturel quand j'y pense même si ce n'est pas plus rassurant mais voilà ce qu'il se passe maintenant, je me suis trop fait violence et c'est encore pire qu'avant dans ma tête. J'avais pas besoin de ça, enfin bref. Là si je dois me faire violence c'est parce que je suis consciente d'être une idiote d'éviter Celse, en plus j'aime beaucoup passer du temps avec lui. Il m'apaise mais il me trouble aussi, parce que j'ai l'impression qu'il lit en moins trop facilement et ça me déstabilise. Et puis il y a cette histoire de baiser qui doit paraître un tantinet ridicule maintenant, surtout quand tout le monde à pu voir que je n'en faisais pas autant d'histoire avec mon partenaire, c'est juste que c'est différent, je ne saurais pas trop l'expliquer ou je n'ai pas envie de chercher d'explications mais c'est différents. Pour autant j'ai beau être consciente de tout ça, je ne change pas pour autant, je tourne les talons dès que je le peux et j'ai l'impression d'être une enfant. Ce que je suis parfois surtout pour ce genre de choses j'ai l'impression. En tout cas je n'ai pas perdu trop de temps à trouver un livre, Sartre, oui j'ai envie de me prendre la tête sur quelque chose d'autres que mes propres pensées même si Sartre ne va pas trop m'aider mais ça n'a pas la moindre importance, mon bien en mains je ressors sauf que je croise Celse et je reste un peu bête. Je réponds à son sourire par automatisme et aussi parce que ça me semble naturel, pourtant je le suis du regard pour une fois. Ça peut arriver ce genre de choses aussi. Il me montre un livre et sa réplique me fait sourire bien malgré moi mais je ne dis pas grand chose, rien en fait. J'avance ensuite parce que je ne vais pas rester là comme une idiote murée dans le silence. « Qu'est-ce que c'était ?   » J'essaie d'être naturellement même si mon malaise apparent ne lui échappera pas, il n'est pas stupide. « Avec tous les ouvrages qu'il y a ici tu n'as pas réussi à en trouver un dans ta langue natale ? C'est quand même assez honteux.  » Il y a du français, dieu merci, de l'anglais de l'allemand, j'ai vu du russe je crois même si je ne suis pas experte, peut être que ça peut être sa langue j'en sais rien. Je maîtrise que deux langues et j'estime que c'est déjà bien. Je n'arrive pas à dépasser les banalités mais je lui souris et je lui parle, même que je le regarde je suis en progrès constant. il faut dire que ça m'a quand même manqué sa présence.

J'aimerais que ce soit simple pour moi aussi, j'aimerais bien pouvoir regarder les gens comme ils me regardent, j'aimerais bien que rien de soit douloureux et que tout soit fluide, que toutes ces questions qui m'envahissent quand je croise une personne disparaissent, honnêtement ça me ferait des vacances. C'est fatiguant de devoir toujours luter, de constamment me débattre avec mes émotions. De constamment me faire violence alors que j'ai envie de faire des choses. Oui j'aimerais pouvoir passer du temps avec Celse sans que ce soit compliqué, j'aimerais tellement pouvoir le regarder comme il me regarde, j'aimerais le comprendre aussi, j'aimerais savoir ce qu'il attend de moi, savoir s'il attend quelque chose finalement. C'est probable que je me sois faite des idées, c'est possible aussi que mes ressentis soient faussés, je n'ai pas la science infuse et en général j'interprète mal les choses, les relations avec autrui me dépassent, surtout quand l'autre est un homme. C'est la fin de tout. Je fais un blocage, il l'a compris depuis longtemps je crois. J'ai l'impression qu'il comprend plus de chose que moi et c'est troublant. C'est troublant parce que je n'aime pas ça, je n'aime pas me montrer sous ce genre, ma faiblesse j'essaye de la camoufler au mieux même si personne ne sera plus jamais dupe, je suis faible, je l'ai toujours été. Mais pour autant j'essaye d'être forte c'est dur mais j'essaye et j'ai besoin de prendre sur moi et de soutenir le regard de Celse, toutes ces petites choses qui semblent simple pour une personne normale et qui ne le sont pas pour moi. C'est assez difficile mais j'essaye de tenir le coup parce que j'aimerais pouvoir passer plus de temps en sa compagnie parce que c'était plutôt simple au début et j'aimerais retrouver cette simplicité. Je sais qu'il n'en tient qu'à moi mais ce n'est pas aussi facile. Si tout était facile ça se saurait je crois. Quoi qu'il en soit je m'approche de lui et je lui réponds de façon particulièrement banale mais je réponds, je ne pars pas en courant.  « Je voulais le lire dans sa langue originale, tu sais, pour capter les nuances » Oh oui je sais alors évidemment ça me fait sourire.  « C'est très compliqué de réussir à transposer la pensée de l'auteur sans la dénaturer par des mots qui risquent d'en changer le sens, mais tu sais, il y a de très bon traducteurs.  » Je souris toujours mais par là je ne dis pas que je suis experte, ou excellente je n'aurais jamais la prétention de le dire et je ne peux même pas lui apporter des conseils je ne connais pas traducteurs tchèques. « Mais j’ai présumé de mes forces traductrices » Je souris de nouveau.  « C'est un métier.   » Je réponds légèrement espiègle. Et oui, on peut être très bon dans une langue sans pour autant parvenir à comprendre totalement un livre. « Il y a une version française, mais je crois m’être écœuré de Conrad pour les années à venir. » Oui bon c'est sûr que ce n'est pas ce que je préfère, même si au fond je ne suis pas certaine d'avoir déjà lu un de ses livres même dans mes souvenirs les plus lointain.  « J'imagine que tu ne perds pas grand chose...  » Je dis dans un haussement d'épaules alors qu'il semble intéressé par mon propre livre. L'Etre et le Néant, on a connu plus... non en fait je ne sais pas comment qualifier ce livre mais certainement pas comme mon futur libre de chevet. Et son regard ne m'étonne pas, si bien que je me contente de bouger un peu l'épaule pas tout à fait certaine de ce que je dois dire à ce sujet. Finalement à l'entente de sa citation j'en viens à me demander si je suis une bonne client, pas sûre en fait, quant à sa question elle mérite une certaine réflexion.  « Je suis un peu l'antithèse de ce qu'il avance, le parfait opposé, donc j'ai un peu de mal à adhérer à certaine de ses doctrines, mais je reste persuadée qu'il n'a pas écrit que des âneries. Enfin c'est assez difficile parce que j'étais trop jeune quand j'ai lu ça pour la dernière fois ma vie n'avait rien de semblable avec ce qu'elle est aujourd'hui et qui sait peut être que je vais y trouver les réponses à mes questions.   » Je suis un peu trop optimiste je crois, ou dépassé, ou peut être complètement paumée, je crois que ce serait beaucoup plus plausible finalement.  « Mais j'avoue que j'aimerais assez connaître ton avis sur le sujet.    » S'il en a un après tout, peut être qu'il veut juste savoir si je suis une encagée moi aussi, enfin cela dit j'imagine qu'il n'a pas besoin de poser la question pour avoir la réponse ça crève les yeux que non.