Je n’aurais jamais pensé que passer les castings pour une émission de télé-réalité aurait été aussi fatiguant. La première inscription sur internet était le passage le plus facile, les entretiens, eux, nécessitaient d’avoir suffisamment confiance en soi pour paraitre à l’aise devant la caméra et les producteurs et c’est là que ça se gâtait grandement pour moi. Comment avoir l’air de posséder un égo suffisamment gonflé lorsqu’en réalité je n’avais pas du tout confiance en moi ? C’était sur cette question que je m’étais présentée aux castings et, à présent que j’en avais terminé avec cette nouvelle étape je ne pouvais pas vraiment me prononcer sur mes chances d’intégrer l’aventure. Je suppose que ma candidature avait à peu près autant de probabilité d’être sélectionnée que les autres, comme d’habitude je tâchais donc de percevoir le verre à moitié-plein plutôt que le verre à moitié-vide… L’espoir fait vivre après tout et, à première vue, je risquais de vivre très vieille. Quoiqu’il en soit, la pression était retombée et j’avais fait un petit arrêt dans la loge maquillage pour m’appliquer une nouvelle couche de gloss et vérifier que mes cheveux n’allaient pas trop dans tous les sens. En entrant, je m’étais aperçue qu’une jeune femme se tenait ici, s’appliquant une couche de fond de teint si je ne me trompais pas. Souriante je m’étais avancée de sorte à me positionner à côté d’elle, face à la glace puis, tout en sortant mon tube de gloss je lui avais demandé gentiment. « Tu sais si la production a mis à disposition des brosses à cheveux ? »  

Je ne sais pas pourquoi est-ce que j’avais ouvert la bouche, était-ce une tentative un peu désespérée de faire connaissance gentiment avec cette fille qui, de toute évidence n’avait pas un bon fond du tout ? C’était bien possible. Toujours est-il que j’avais immédiatement regretté d’avoir fait un tel geste puisque cette dernière n’avait pas loupé l’occasion pour me faire comprendre qu’elle n’allait pas opter pour un moment de sympathie afin de faire plus ample connaissance. « J'ai une tête à savoir ? J'ai des cheveux parfaits moi, je ne me pose pas ce genre de question.» Je n’avais certes pas auditionné pour les Bisounours ou le fabuleux monde de Dora L’Exploratrice mais malgré tout j’aurais aimé avoir l’occasion de rencontrer des gens un peu plus agréables, qui savaient par exemple ce qu’était un sourire agréable, plein de chaleur… A croire qu’ici ce n’était qu’utopie. « Excuse-moi princesse, j’oubliais à quel point tu étais trop incroyablement parfaite pour te mêler à la normalité. » Je n’étais pour une fois pas ironique, juste blasée. Être envoyée sur les roses à la première occasion me lassait déjà terriblement. « T'es plus du genre radine en te disant que tout le monde t'offrira un truc ou t'as juste pas de tête et t'oublies tout ? » Bonne question, sans répondre immédiatement je m’étais penchée pour prendre mon sac et fouiner histoire d’en sortir une brosse qui m’appartenait. « C’était une simple question de curiosité… Je ne suis ni radine ni stupide ! Et toi, t'es hautaine au naturel ou c'est juste une manière de te faire remarquer ? »

Je n’étais pas du genre peau de vache mais lorsque je me sentais attaquée je ne pouvais pas non plus me comporter comme toutes les gentilles filles qui peuplaient ce monde et étaient capables de se taire peu importe les circonstances. Non, ce n’était pas du tout mon genre, tu me cherchais, tu me trouvais et j’étais peut-être stupide d’agir ainsi mais nous avions tous nos défauts non ? Personne n’était parfait aux dernières nouvelles. La jeune femme s’était finalement retournée pour pouvoir me regarder. Si elle n’avait pas été une telle garce avec moi j’aurais facilement pu lui trouver quelques qualités physiques. « Hé détourne pas ce que j'ai dis, j'ai pas dit que tu étais stupide et radine même si je suis sûre que t'es l'une de deux. Je te laisse choisir lequel. » Ce qui était certain c’est qu’il n’y avait aucun doute concernant le fait qu’elle soit stupide de son côté. Ne savait-elle pas qu’il y avait un certain nombre de choses qu’il ne fallait pas dire comme ça, un minimum de respect à avoir pour les autres, en particulier quand on ne les côtoyait pas ? « Je trouve ça complètement hypocrite de balancer que je suis hautaine alors que, soit dit en passant, je n'ai que fait de te mettre devant un fait, surtout quand madame est curieuse. La prochaine étape c'est de savoir si tu peux chourrer discretos du maquillage ? » Je m’étais à mon tour retournée de sorte à pouvoir la regarder, d’humeur à me moquer un peu d’elle soudainement. « Bah ouais, tu as peut-être déjà découvert mon secret, peut-être que je suis cleptomane et que je ne peux résister à mes pulsions ? » Il n’y avait pas besoin d’être très intelligent pour comprendre que je me moquais d’elle. « Tu juges quand même un peu facilement les autres non ? Enfin… Le physique importe-t-il à ce point pour toi ? » J’étais à présent plus sympathique, posant la question avec une certaine gentillesse qui allait peut-être me revenir en pleine gueule.

Plus le temps passait et plus cette fille me paraissait ne pas avoir la moindre richesse dans sa personnalité. Il était rare que je sois aussi catégorique, moi qui aimait donner un large panel de chances à chacune des personnes qui faisait ma connaissance afin d’en apprendre un maximum sur eux avant de me faire un avis définitif sur qui ils étaient. Non, elle n’avait franchement rien d’intéressant en plus d’avoir une fâcheuse habitude de se mettre en avant avec prétention. « Et si je te dis que je m'en fou ? » Peut-être que j’étais réellement parvenue à la cerner alors ? Non parce que j’attendais cette réponse et je ne m’étais pas trompée. La jeune femme pouvait peut-être être cassante mais cela la rendait très prévisible. « Alors je te répondrais que c’est un sentiment partagé puisque j’éprouve le même sentiment à ton égard. » Je ne me démonte pas, au contraire, je ne la quitte pas des yeux une seule seconde.

« Ecoute, c'est pas personnel, tu débarques là avec ta tête mais c'est pas ta faute, je veux dire, vous êtes beaucoup à être moche ici alors peut-être que t'as une chance finalement, hein ? Alors te met pas à pleurer, ça me donne envie d'acheter un chiot les gens qui pleurent. » Je me sentais vraiment stupide à présent, je pensais qu’elle pouvait être un minimum humaine, moi-même je m’étais montrée plus sympathique et sincère en lui posant cette simple question mais non… Finalement elle ne dégageait rien d’autre que de la superficialité. « Je ne risque pas de pleurer… Tu es peut-être belle chérie mais on en reparlera lorsque tu n’auras pas de maquillage sur la gueule et puis… La beauté n’est pas uniquement physique et c’est hélas la seule chose que tu as pour toi ! »

C’est incroyable non ? En regardant la jeune femme surement pas au maximum de sa connerie je me disais que même les personnages les plus impitoyables du genre au cinéma n’arrivaient pas à sa cheville et, ne vous méprenez pas, ce n’était pas un compliment du tout. J’en venais même à me demander si elle savait ce qu’était l’humanité ? Non parce qu’elle ne semblait pas elle-même savoir ce que cela voulait dire et peut-être même qu’elle se fichait de parfois être gentille envers les autres. La seule chose qui semblait lui plaire c’était de rabaisser les autres et de prendre son pied en les voyant en souffrir. C’était en tout cas la rapide analyse que je faisais de son comportement, les conclusions personnelles que j’en tirais sans vraiment savoir à quoi me fier. Cette fille m’était tellement insignifiante que perdre du temps à réfléchir sur ce qu’elle pouvait ou non être me faisait perdre du temps et c’est donc là-dessus que j’allais m’arrêter de penser. De toute manière, elle était loin de m’atteindre comme elle l’aurait surement voulu avec ses pics. « Oh pauvre chou. » Elle s’apprêtait à me rendre la pareille et j’étais prête, parée à l’accueillir, à réceptionner ce qu’elle ne manquerait pas de me mettre en pleine gueule juste pour m’arracher d’éventuelles larmes. Elle s’était redressée pour pouvoir m’imposer sa hauteur, comme si j’étais la plus grosse merde qu’il lui fut offert de rencontrer depuis le début de sa vie. « Et bien, moi au moins j'ai quelque chose. » Sans prévenir je m’étais également redressée à l’image d’un Mammouth, en n’hésitant pas à la bousculer au passage pour me permettre de prendre un peu de place. « Tant mieux pour toi ! On en reparle dans dix ans. » Il était peut-être temps que j'arrête de perdre du temps avec elle non ?

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