Il y a des après-midis où il faisait bon se trouver dehors. Celle-ci, par exemple, offrait son lot de chaleur et d'éclaircies, ainsi il était plus qu'agréable de se balader dans le jardin, au milieu d'une végétation éparse qui ajoutait au confort qu'il y avait déjà à profiter des lieux. Jorah marchait ainsi depuis quelques minutes maintenant, sans destination particulière, si ce n'est celle où le mèneraient ses pieds, qui pour le moment l'avaient déjà conduit au square, au sein duquel il était resté un petit moment, puis duquel il était ressorti, étant revenu sur ses pas sans pour autant avoir l'intention de rentrer, puisqu'il serait dommage de ne pas saisir ce genre d'occasions pour prolonger des balades comme celles-ci. Mais voilà qu'alors qu'il s'évada quelques peu dans les nombreuses pensées qui lui traversèrent l'esprit à ce moment-là, quelqu'un cria son nom et le sortit de ses rêveries. De là où il se tenait, et pour avoir plus ou moins identifié la voix qui s'était adressée à lui, il lui semblait qu'il s'agissait de Babou, dont les aigus étaient particulièrement identifiables. Un sourire amusé naquit sur ses lèvres lorsque la demoiselle lui adressa de grands signes, lui qui pourtant avait d'ors et déjà prévu d'avancer en sa direction. C'est d'ailleurs ce qu'il fit, en l'espace de quelques pas, arrivant bientôt à sa hauteur et constatant que ce qui avait attiré son attention quelques mètres plus tôt semblait être le résultat d'un malheureux accident, avec du vernis rose. A peine eut-il le temps de songer à la questionner que Babou s'empressa de lui expliquer sa mésaventure, le faisant rire légèrement, pas par moquerie mais plutôt d'une façon attendrie. Elle avait l'air de voir la situation comme un drame suprême, or ça n'était jamais qu'un peu de vernis renversé. Certes, elle en avait partout sur elle, mais elle avait eu de la chance dans son malheur, elle s'était trouvée dehors. « Couverte de rose, tu dis ? Boh, c'est vraiment parce que tu me le dis, hein, je t'assure que ça se voit à peine » qu'il lança d'abord, sur un ton taquin. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on ne risquait pas de la louper, maintenant il espérait qu'elle ne s'offusquerait pas de sa tentative d'humour. Toujours est-il qu'alors qu'elle semblait chercher une explication là où il n'était certainement question que d'une étourderie quand on en faisait tous beaucoup, Jorah s'inquiéta du fait qu'elle semble compter sur lui pour parer à la situation. Elle était mignonne, mais un peu trop optimiste ! « C'est à dire que je suis pas certain de pouvoir te pondre une solution-miracle, Babou » qu'il souffla, avec honnêteté, parce qu'il n'était pas confronté à ce genre de situations tous les jours, autant le dire. « J'aurais bien une idée, cela dit, mais je doute qu'elle t'enchante ... » qu'il reprit, plus énigmatique, restant un moment à l'observer, sans ajouter mot, tandis qu'un sourire amusé gagna ses lèvres. Il était cruel de maintenir le suspense, mais il avait surtout un peu peur de sa réaction.

Jorah ignorait comment Babou avait fait son compte, mais le fait est qu'elle était bel et bien recouverte d'un vernis rose qu'on pouvait difficilement louper, et ce, même de loin. Cela dit, inutile de dramatiser, ça n'était toujours qu'un accident comme un autre, et on n'avait jamais vu personne succomber à ce genre de choses, du moins jusqu'à preuve du contraire. Le problème étant que ça restait assez handicapant, c'est vrai. Jorah voyait bien, par exemple, qu'elle n'osait pas bouger, surement de peur d'empirer les choses. Il lui faudrait pourtant se débarrasser de tout ça, à moins d'avoir l'intention de s'accommoder de cette couleur, mais c'était peu probable, même pour une fille. Sauf que Babou semblait fonder tous ses espoirs en Jorah qui, pourtant, ne s'y connaissait pas plus qu'un autre en la matière. Son domaine à lui, c'était le maquillage, qu'il recouvre un seul visage ou tout un corps mais le vernis, ça restait relativement différent, et il n'était pas certain de savoir l'aider, vu qu'il était peu probable qu'il lui ponde l'idée du siècle, quand il n'y avait de toute façon pas trente mille solutions envisageables dans ces cas-là, ça paraissait évident. Mais Babou insistait alors il se voyait mal l'envoyer pêtre, parce que ça n'était pas son genre. Surtout qu'au fond, trouver une idée, ça restait assez possible, mais celle qui lui vint immédiatement à l'esprit était susceptible de ne pas particulièrement plaire à la brune, autant le dire. D'où le fait qu'il prenne son temps pour la lui énoncer, ménagant un suspense redoutable, malgré l'insistance de la jeune femme. Son commentaire sur ses idées prétenduement lumineuses lui tira en tout cas un rire franc. Elle avait la mémoire courte, ou quoi ? « Lumineuse comme la fois où je t'ai foutu une araignée dans la main, tu veux dire ? C'est vrai que t'avais l'air de particulièrement apprécier, sur le moment » qu'il commenta, pour la taquiner et aussi parce que ça lui faisait plaisir de se remémorer cette scène assez coquace. Surtout que ça s'était bien fini, cette histoire. Finalement, le brun prit un air infiniment concentré, se pinçant les lèvres et lui adressant un regard profond. « Bon, bon. Si tu veux savoir, je me dis qu'avec toutes les plantes qu'il y a autour de nous, ce serait malheureux qu'il n'y ait pas un tuyau d'arrosage qui traine ici ou là »  qu'il soumit, les mains dans les poches, en haussant les épaules pour se donner l'air de rien. « Tu vois où je veux en venir ... ? » Et là, c'était certainement le moment où elle était censée le traiter de barge et entreprendre de courir à l'autre bout du jardin. M'enfin, en même temps, c'était ça ou rien. Et puis, une bonne douche, ça rafraichit et c'est jamais de trop.