+ Babou

C'est marrant comme après s'être fait sauver les miches par le public on se sent mieux. J'avais vraiment eu les boules d'être nominés dès la première semaine, j'imagine que n'importe qui aurait été dans le même état d'esprit que moi, mais comme j'avais dit à Grayson, il fallait bien des premiers. Je n'ai jamais été premier dans aucune catégories. Jamais à l'école, ni à la natation, ni dans le coeur de mon père alors que je suis censé être son unique fils, mais je ne lui en veux pas trop, au final, ça m'aurait appris à être un peu moins sûr de moi, à moins me reposer sur mes lauriers, à en faire plus, au moins pour lui prouver ma valeur à lui. Je me fiche de ce que pensent les autres, ils doivent se dire que je ne suis qu'un putain de fils de riche né avec une cuillère en argent dans la bouche qui n'a jamais vécu sans fric, et j'ai envie de les laisser penser. Ce n'est pas important. De toute façon, maintenant que nous sommes ici, la classe sociale n'est pas supposée compter, hm. On est tous égaux, on s'aime tous beaucoup et blablabla. Je ne dis pas que je n'aime pas les gens, mais ils ont tendance à se faire de fausses idées, à juger trop vite. C'est mon cas aussi, je le reconnais, je suis un petit con, que voulez-vous. D'ailleurs, c'est en voyant Babou à la lisière de la forêt que j'y pense. Quand j'ai entendu son prénom la première fois, je me suis dis que c'était presque comme le nom de l'ami singe de Dora, et que ça ressemblait à babouin, ce qui n'est pas très sympa. Surtout que ça doit simplement être un surnom, en tout cas, je trouve ça mignon, finalement. Ouais, aussi mignon que la demoiselle qui se fait appeler comme tel. Je crois qu'elle ne m'a pas vu, je peux donc la surprendre en arrivant par derrière elle à pas fautrés. « Fais attention au loup si tu vas chez mère-grand. » Que je souffle, un sourire aux lèvres. Elle a donc le rôle du petit chaperon rouge et moi du loup. Cette idée a quelque chose qui me plait, on se demande pourquoi.

J'ai fais peur à la petite brune, c'était prévisible et totalement compréhensible. Je suis un sacré con de lui faire peur comme ça, mais moi ça me fait rire intérieurement, et sourire extérieurement. En plus je lui parle de loup, ce qui ne doit pas franchement la rassurer. D'ailleurs c'est ce qu'elle me dit et mon sourire s'étale encore plus sur mon visage, au point de me faire légèrement ricaner lorsqu'elle me demande si je compte lui faire mal, auquel cas elle ferait sans doute mieux de s'enfuir en courant. « Est-ce que j'ai l'air dangereux ? » Je ne crois pas, mais c'est vrai que la surprendre comme ça et garder ce sourire aux lèvres ne doit pas l'aider à me trouver inoffensif. Elle toujours l'air effrayé. « Tu sais, je ne pense pas que la production aurait permis l'accès à la forêt s'il y avait des bêtes à l'intérieur. Il n'aurait pas non plus laissé rentrer un cinglé dans le jeu, donc rassure-toi, je ne vais pas te manger. » Non merci, l'anthropophagie, très peu pour moi. Je la regarde un instant puis hausse un sourcil. « Qu'est-ce que tu fais, tu continues ou tu fais demi-tour ? » Que je lui demande en pointant successivement le chemin qui mène vers le coeur même des bois et le chemin retour en direction du nid. J'imagine qu'elle préférera qu'on rebrousse chemin maintenant que je lui ai foutue la frousse. Enfin, elle n'a plus grand chose à craindre, je serais là pour la protéger au cas où on se fasse attaquer. Ou pas, en fait. Je risque surtout de sauver ma peau avant la sienne. C'est égoïste mais c'est tout simplement l'instinct de survie. Dommage pour elle, je ne suis pas un genre de héros prêt à donner sa vie pour une jolie fille, et puis après tout, une de perdue, dix de retrouvées, donc bon.

Je ne crois pas être quelqu'un de particulièrement dangereux, ou du moins, ce n'est pas l'adjectif qu'on emploie le plus souvent pour me désigner, c'est pourquoi je demande son avis à la brune me concernant. D'accord, je lui ai fait peur, mais c'était simplement pour blaguer, je ne lui veux aucun mal. Elle me dit que non, je n'ai pas vraiment l'air dangereux comme ça, mais d'après ce qu'elle a vu à la télé, les meurtriers cachent souvent bien leur jeu. « C'est pas faux. » Que je commente en inclinant légèrement la tête. Je ne serais par exemple pas étonné le moins du monde si mon père, aussi charismatique soit-il, était un serial killer ciblant principalement les jolies blondes plus jeunes que lui. Mais bref, ça le regarde s'il tue des gens, je ne veux surtout pas être mêlé à ça. La brune brune fini par s'excuser de m'avoir pris pour un tueur ou quelque chose du genre et dire que je ne suis certainement pas bien méchant. Un sourire narquois se dessine sur mes lèvres. Je ne suis pas un ange, mais elle a raison, je ne suis pas bien menaçant, parfois je peux l'être, mais ce n'est pas dans ma nature profonde. Puis elle m'explique que c'est le contexte qui lui a fait penser cela. « De toute façon, tu as eu raison de te méfier, on ne sait jamais. » Que je dis en haussant les épaules. Mieux vaut être prudent, surtout quand on est un petit bout de chou perdu dans un forêt. Je lui demande donc si elle continue, ou si elle préfère rentrer au nid. Je comprendrais si elle voulait plutôt rebrousser chemin, et dans les deux cas cela me ferait plaisir de l'accompagner. J'aime être vu en compagnie de jolies filles. Elle me répond qu'elle reste, pensant qu'elle n'a rien à craindre tout compte fait. « Je n'en serais pas si sûr, si j'étais toi. Après tout, tu ne me connais pas. » Oui, un coup j'essaye de lui faire comprendre que je suis un gars bien et après je la mets en garde à propos de moi. Elle ne doit plus tellement arriver à suivre. Je la fixe un instant avant de lui tourner le dos et de commencer à m'enfoncer dans la forêt, espérant qu'elle soit sur mes talons car je n'avais pas l'intention d'aller plus loin sans compagnie, je me serais trop ennuyé. J'aurais été obligé de contempler la beauté de la nature en silence, ce qui n'est vraiment pas mon truc.

Oui, je suis un méchant garçon, je ne cherche qu'à lui faire peur depuis le moment où je l'ai aperçu dans les bois, mais il faut me comprendre, c'est plutôt facile et amusant d'effrayer une petite chose sans défenses comme elle. Enfin, si ça se trouve elle serait capable de me mettre K.O. en deux secondes, après, je le connais autant qu'elle me connait et si ça se trouve elle sait très bien se battre pour remettre les imbéciles comme moi à leur place. Elle pense donc n'avoir rien à craindre mais à sa place je n'en serais pas si sûr. Elle semble un peu apeurée mais elle me rappelle ce que je viens de dire, soit qu'un fou n'aurait pas été accepté aux castings. Je lui souris puis je commence à m'enfoncer dans la forêt. Elle semble hésiter un instant à me suivre mais fini par me suivre, me demandant de l'attendre. Je ralentis un peu pour que nous puissions marcher et parler en même temps plus aisément. Elle me demande comment je m'appelle et ce que je viens faire dans cette émission. « Je suis Esteban, tu sais le mec à la pièce espagnole du groupe de Skyler, pendant les castings. » Que je lui dis, un peu déçu qu'elle ne s'en souvienne pas alors que moi je me rappelle parfaitement d'elle, de son haut noir, de son prénom et de son bracelet aussi. M'enfin, ce n'est pas bien grave, je ne peux pas marquer les esprits de tous le monde, ça serait trop facile. « Et si je suis ici, très chère Babou, c'est bien évidement pour chercher de nouvelles proies. » Que je lance tout en laissant un rictus se dessiner sur mes lèvres. Elle va surement s'enfuir en courant, la pauvre petite. « Non, je plaisante. Je suis là parce que je m'ennuyais chez moi. » Ce n'est pas là toute la vérité, mais c'est tout ce qu'elle a besoin de savoir, de toute façon, je doute qu'elle trouve la raison première digne d'intérêt.