« Suis-moi, s'il te plait. » Tels avaient été les mots que Raphaël avait adressés à Zofia lorsqu'il l'avait croisée au détour d'un couloir. Une demande, pas un ordre. D'où le "s'il te plait", en somme. Parce qu'autant il ne l'obligeait évidemment pas à le suivre, autant il est vrai que le suisse apprécierait grandement que sa camarade accepte de se rendre avec lui dans l'endroit qu'il se voyait occuper en sa compagnie durant une bonne partie de l'après-midi. Et cet endroit n'était alors autre que l'auberge, et plus précisément la partie musicale de celle-ci, le petit coin où se trouvait maints instruments de musique. Alors oui, il est vrai que Raphaël ne savait jouer d'aucun instrument. Mais à cet instant précis, ça n'était assurément qu'un fâcheux détail. Et ça, il ne tarda d'ailleurs pas à l'expliquer à son ancienne camarade, lorsqu'ils arrivèrent à l'endroit en question. Attention, il allait partir dans un délire mémorable. « Alors hm, si nous sommes ici cette après-midi, c'est parce que je prévoyais de t'interpréter le tube Stronger, de Britney Spears, pour que tu assimiles bien que je ne suis plus aussi faible qu'auparavant, que l'intimidation ne fonctionne plus aussi bien sur celui que je suis devenu ... » Alors, histoire d'être bien clairs, non, ça n'avait rien d'une blague. Raphaël était incroyablement sérieux, et donc, effectivement, c'était effrayant. « ... Tu ne peux pas imaginer dans quel délire mon imagination a pu m'emporter. Je m'imaginais notamment monter sur le piano, déchirer ma chemise et j'ai même failli demander à Malik et Nicole de jouer les extras pour donner un peu de peps à ma prestation .... » Oui non mais, comprenez-bien que depuis qu'il allait mieux, Raphaël était un peu plus dérangé qu'avant. Si tant est que ce soit possible, au fond. « ... Mais maintenant que nous sommes tous les deux dans cet endroit, je dois dire que je prends conscience de l'absurdité de cette idée, de la folie qui a assurément été la mienne lorsque j'ai sérieusement envisagé de la matérialiser ... » Parce que franchement, il était bien la dernière personne dans ce village à pouvoir s'adonner à une telle activité. « ... Parce que bon, je ne sais toujours pas chanter, Zofia. » A la rigueur, danser sur un piano, ça passait encore, mais chanter comme une casserole en prétendant avoir gagné en assurance, non, ça n’était pas envisageable. Bon, si elle voulait rire, c'était maintenant ou jamais, par contre.

Certes, il était plus probable que Raphaël demande Nicole en mariage - pourquoi elle ? allez savoir - plutôt qu'il se mette à chanter et à danser sur un piano, mais cela ne coûtait rien de se laisser aller à un délire imaginaire des plus saugrenus. De toute manière, lorsque le jeune homme exprima le contenu dudit délire à son ancienne camarade Zofia ici présente, il va de soi qu'il avait pris conscience du fait qu'il aurait finalement été bien incapable de faire preuve d'autant de cran, de laisser de coté sa peur paralysante du ridicule. Il était comme ça, à avoir perpétuellement peur du regard et du jugement d'autrui. Parce qu'autant il était parvenu à faire suffisamment de progrès pour ne plus voir en le moindre de ses semblables une véritable menace, autant il peinait toujours autant à se dire qu'il pouvait agir comme il le voulait sans que cela ait nécessairement besoin d'être jugé par les autres. Il était encore en plein travail sur lui-même, alors il va de soi que certains points méritaient encore d'être peaufinés, celui-ci constituant alors un parfait exemple. Quoi qu'il en soit, s'il y a bien une seconde chose dont il n'avait pas tardé à prendre conscience, c'était la grande probabilité qu'il y avait que sa camarade se mette à éclater de rire, probablement bientôt hilare après avoir entendu un scénario comme celui-ci, aussi irréalisable qu'impensable. Non mais sérieusement, était-il ne serait-ce qu'envisageable que Raphaël campe le rôle qu'il venait de décrire ? Assurément pas. Et elle devait probablement savoir qu'il n'aurait pas guéri de sa crainte de se donner en spectacle en seulement quelques semaines, et cela, malgré le fait que le suisse insinue clairement qu'il avait changé, qu'il était plus fort, plus résistant qu'auparavant. Peut être était-ce vrai, effectivement. Mais pour autant, il va de soi qu'il n'était pas nécessairement disposé à agir comme il l'avait naïvement imaginé. Et lorsque le rire de sa camarade retentit à travers la pièce, il ne put que soupirer, tant il s'était attendu à ce qu'elle ne se retienne pas bien longtemps. Bon, après tout, il l'avait bien cherché, vu qu'il venait là de lui tendre une perche mo-nu-men-ta-le. Un truc de fou, oui oui. Et du coup, il ne lui en voulait pas. De toute façon, il n'était plus capable de lui en vouloir depuis qu'il avait compris qu'elle n'avait pas de réel mauvais fond. Pour preuve, il aurait juré qu'elle s'était réellement intéressé à lui, quelques temps auparavant. Moqueuse ou pas dans l'immédiat, il préférait passer outre. Il parvint même à sourire d'une manière partiellement amusée lorsque sa camarade prit la parole. Il haussa alors doucement les épaules, mais ne tarda pas à afficher une expression un peu plus terne, lorsqu'elle poursuivit. Que cherchait-elle subitement ? A le faire douter ? A le faire psychoter ? A l'embarrasser ? A le perturber ? A ce qu'il remette en questions tout ce qui était l'objet de ses pensées depuis plusieurs jours ? Il était perdu. Ah oui, pour le coup, il était perdu. « Oui, je ... j'ai changé. Bien sûr que j'ai changé. Je le sens, je le constate ... Je ne suis plus comme avant, je suis plus ... moins ... enfin je ... » Particulièrement gêné, il tâcha de calmer sa respiration, qui avait cru bon de s'emballer, alors qu'il s'en serait bien passé. « Oh non, ne recommence pas. » Son ton était mi-suppliant, mi-catégorique. Il aurait aimé pouvoir lui hurler de ne pas reprendre ses tentatives de déstabilisation, mais il n'était hélas capable de beaucoup mieux pour le moment. « Tu as contribué à cette évolution, alors ne ... ne gâche pas tout, s'il te plait. » C'était une manière de la remercier, sans doute. C'était maladroit, mais sincère. Il pensait réellement qu'elle était parvenue à engendrer une prise de conscience chez lui. Mais il était également sérieux : il ne voulait pas qu'elle mette à mal tous ses efforts. Elle l'avait aidé à avancer, elle n'avait pas le droit de le faire régresser.

D'accord, peut être bien que la guérison de Raphaël n'était encore qu'en chargement, ou du moins, qu'elle n'était pas encore complète. D'ailleurs, il n'avait jamais tellement prétendu être pleinement guéri de ses nombreux problèmes, simplement avoir accompli un nombre non négligeable de progrès, ce qui lui avait tout de même permis de laisser de coté beaucoup de ses craintes, de ses terreurs, lui qui avait bien longtemps été paralysé par bon nombre de ces dernières. Il allait mieux, c'était indéniable. Il n'était peut être pas encore tout à fait sorti de ses ennuis, et aurait probablement à faire de nombreux autres efforts, mais il avait tout de même tendance à penser que puisqu'il était parvenu à lancer ce processus de guérison, le plus dur était déjà derrière lui. Le reste se ferait à condition d'efforts et de volonté, et il était maintenant certain qu'il ne laisserait rien tomber. Ceci dit, il était certain que les tentatives de déstabilisation de Zofia ici présente parvenaient toujours à avoir un certain impact sur lui. Il était moins paniqué à l'idée qu'elle puisse faire exprès de l'embarrasser, mais il est vrai que cela n'était pas sans l'atteindre. C'était des choses encore plausibles, hélas, tant qu'il n'était pas tout à fait guéri. Le tout était alors probablement de ne pas se laisser démonter par ce genre de constats, et de se dire justement que d'ici quelques temps, plus rien de tout ça ne parviendrait probablement à l'atteindre. Si dans l'immédiat il bafouillait encore clairement, ce ne serait bientôt plus qu'un mauvais souvenir, il le savait, ou du moins, il s'en persuadait pour ne surtout pas être tenté d'abandonner. Ce serait un profond gâchis et il s'en voudrait atrocement. Sa camarade sembla alors d'accord avec l'idée de ne pas chercher à faire barrage à la guérison à laquelle il espérait bientôt accéder. Mais elle disait cela si facilement qu'il en vint malheureusement bientôt à penser que c'était trop simplement, justement, et donc qu'une telle abdication devait nécessairement cacher quelque chose. Oh, il n'insinuait pas qu'elle veuille nécessairement agir au plus mal - finalement, elle n'avait jamais fait que l'embarrasser, elle ne l'avait jamais tellement blessé - mais disons qu'il craignait qu'elle le teste. Et justement, c'est ce qu'il pensa plus précisément encore lorsque son ancienne camarade posa ses mains sur son torse. Bon, déjà, il faut savoir qu'il n'eut aucun mouvement de recul, aucun tremblement, aucun acte de panique. Il était certes intrigué, un peu embarrassé, mais pas bouleversé par ce contact. Depuis la dernière fois qu'elle l'avait touché, il avait travaillé sur les contacts physiques et estimait les supporter de plus en plus facilement. Après tout, ce qu'il s'était passé avec Lulu prouvait bien qu'on pouvait désormais le toucher sans qu'il se sente nécessairement en danger. Alors Raphaël resta plutôt tranquille, les yeux rivés vers ceux de Zofia, souriant même partiellement à l'écoute de ses propos. Il imaginait mal qui que ce soit - à part peut être Lulu, justement - vouloir le "tripoter". Mais cette pensée l'amusait. Elle n'enleva pas ses mains et il n'y vit pas tellement d'inconvénient, tant qu'elle les retirait quand même un jour, genre, avant l'année prochaine. Dans l'immédiat, cela ne le gênait décidément pas. Lorsque Zofia le questionna, le suisse fut forcé de réfléchir un instant. Que faire avec elle, et compte tenu de tout ce qu'il avait par le passé refusé de lui accorder, hm ? « Danser ? » lâcha-t-il alors spontanément. Danser comme avec Asmaa, par exemple. Bon, Zofia n'était pas Asmaa, certes, mais qu'importe, ce serait peut être tout comme. « Attention, je ne dis pas que je sais danser, parce que ça n'est toujours pas le cas. Mais je n'ai plus peur d'être ridicule, désormais. Alors si tu veux bien d'un lamentable cavalier, je dois pouvoir nous trouver une musique douce et inspirante. » Parce que par "danser", il avait probablement insinué "produire un slow", ou quelque chose du genre. Ah non, il ne se voyait pas imiter Prince, soyons clairs. Il était déjà suffisamment courageux de prendre l'initiative de lui proposer une telle activité, sachant que le balais qu'il avait toujours eu dans le cul semblait toujours assez bien en place, hm.

Il aura au final fallu de longues et pénibles années de souffrance, ainsi qu'une participation improbable à un jeu télévisé, pour que Raphaël prenne pleinement conscience de la gravité de son état, de l'urgence qu'il y avait de faire en sorte que celui-ci change, de la nécessité de faire des efforts, et cela, en nombre conséquent. Le fait est qu'il avait passé de nombreuses années à vivre sous l'emprise d'une personne qui avait progressivement cherché à le déshumaniser, qui avait longtemps profité de sa grande naïveté pour l'empêcher de découvrir le monde, de s'épanouir, mais qu'il avait toujours réussi à pardonner, de par le fait qu'elle avait souffert par le passé, et qu'il s'était naïvement laissé convaincre qu'il avait ni plus ni moins été la cause de ses souffrances. Or, cette aventure lui aura également fait prendre conscience du fait que ça n'était pas le cas. Il avait défendu un secret qui avait rapidement été trouvé, et finalement, Arès lui avait probablement rendu un grand service en le démasquant, puisqu'il put ainsi y réfléchir, poser un regard aussi impartial que possible sur son vécu et se rendre compte qu'il était fou de se montrer aussi paranoïaque, aussi méfiant. Il s'était fermé à un Monde qui avait longtemps voulu s'ouvrir à lui, à une époque qu'il n'avait jamais cherché à comprendre, à des gens qui auraient pu l'aimer et l'aider à s'intégrer à la société. Il était resté seul trop longtemps. Il était resté malheureux trop longtemps. Et tout cela était en train d'évoluer considérablement. Bien sûr, il n'atteindrait pas son idéal dans les prochains temps, s'armant de toute manière d'une redoutable patience pour un jour y parvenir, mais il était indéniable que Raphaël avait changé. Il n'y avait qu'à observer de quelle manière il s'adressait à Zofia, comment il se comportait à son égard, comment il gérait la présente situation. Comme la dernière fois qu'il s'était retrouvé seul avec la jeune femme, il était fébrile. Mais contrairement à la dernière fois, qui avait eu lieu quelques semaines plus tôt, il cherchait à gérer cette fébrilité. Et l'on pouvait dire que le résultat était plutôt probant, puisqu'il ne tremblait pas, ne bafouillait que quelques peu, se laissait toucher, essayait de plaisanter, et alla même jusqu'à soumettre une incroyable idée d'activité à la jeune femme : danser. Oui, lui qui avait auparavant refusé de danser pour elle, ou comme ici avec elle, tenait à lui faire cette proposition. Pour autant, il affirma bien vite, sans doute pour la prévenir, qu'il n'en était pas moins un piètre danseur. Mais c'est bien l'intention qui compte, non ? Hm. C'est alors que sa camarade sembla s'étonner d'un détail : la vitesse à laquelle il avait changé. Interrogation légitime, et à laquelle le suisse tâcherait naturellement de répondre le plus sincèrement possible. Parce qu'il voyait en cette question un caractère positif. Zofia lui apparaissait décidément comme un être ayant un bon fond. Il était simplement dommage, à ses yeux, qu'elle ne le mette pas davantage en avant. « Je pense que j'avais tout pour évoluer, mais que je ne m'étais pas laissé la moindre chance de changer avant d'entrer ici. J'attendais un déclic, un élément déclencheur, et cette aventure en a décidément été un. Alors tout s'est fait très vite, c'est vrai. De par mes rencontres, les amitiés que j'ai lié, ma sociabilisation progressive, mon travail sur moi-même, le fait que mon secret ait été découvert, le fait que je sois tombé amoureux, le fait aussi d'avoir été "secoué" par certaines personnes ... oui, de par tout cela, j'ai changé en un laps de temps relativement court. Cependant, pour m'être supporté pendant de longues et éprouvantes années, pour m'être longtemps coupé du Monde et de ses habitants, je crois pouvoir dire qu'il était temps, oh oui grand temps, que ce changement survienne. Si une fois enclenché il a été rapide, c'est d'autant plus satisfaisant. Il me fallait simplement ce genre d'expérience pour évoluer. Ce fut rude et difficile, mais ça en valait infiniment la peine. » Parce qu'il ne pourrait plus revivre ce qu'il avait trop longtemps vécu. Avoir peur de tout, de tout le monde, tout le temps, partout ... S'empêcher de voir du monde, parfois même de manger, de quitter son lit ... Passer des nuits à pleurer, à prier, à se torturer l'esprit avec de sombres pensées ... Tout cela était terminé. Pour toujours. Jamais il ne retomberait là dedans. Il ne voulait pas, non. Alors que Dieu pense à ne pas le laisser tomber, lui qui avait trop longtemps regardé ailleurs, qui l'avait trop longtemps ignoré, alors qu'il s'était tourné vers lui en tout dernier recourt, un recourt souvent bien vain à une époque. Quoi qu'il en soit, il était donc question de danser. Parce que maintenant qu'il l'avait dit, et à supposer qu'il ait changé d'avis - ce qui n'était même pas le cas - Raphaël se devait de s'y tenir et donc d'offrir une danse à sa camarade. Celle-ci sembla alors partante. Bien, parfait. Dans un sourire assez prononcé, Raphaël s'éloigna de sa camarade pour bientôt faire en sorte de diffuser une musique qui leur permettrait logiquement de danser. Il opta alors pour cheek to cheek, tout en sachant pertinemment qu'il n'avait pas la moindre chance de danser comme Fred Astaire, ni aujourd'hui, ni jamais. Pour autant, il préférait garder en tête qu'il lui fallait simplement se détendre, s'amuser, à travers quelques pas de danse. Alors il revint vers sa camarade, un peu timidement c'est vrai, plaçant une main dans son dos - sans trop la presser - et tâchant d'utiliser l'autre pour saisir la sienne. « Laissons-nous porter par cette si belle chanson. Nos erreurs et nos maladresses rendront notre danse plus authentique. » Eh oui, il tâchait d'être optimiste. Alors il adressa un sourire à sa camarade et tâcha de guider ses pas. Il n'était pas sûr de ce qu'il faisait, et franchement, c'était tout à fait plaisant.

Spoiler:

Il paraissait évident que Zofia avait quelques peu tendance à déplorer le changement d'attitude de son ancien camarade, qui lui apparaissait présentement comme un jeune homme un peu plus confiant, plus sûr de lui, moins timide, moins gêné, moins coincé. Raphaël pouvait le lire dans les yeux de la jeune femme. Il la savait sadique et avide de situations où elle pourrait embarrasser autrui et jouir de son impact sur lui. Malheureusement, elle avait moins de chances d'y parvenir à nouveau avec Raphaël, qui avait fait bon nombre d'efforts pour justement ne plus subir ce genre de situations affreusement perturbantes. Il n'était pas encore totalement guéri, et bataillant encore très dur contre son "ancien lui" et ses nombreux problèmes, mais il estimait que le simple fait de lire un peu de contrariété dans les yeux de Zofia laissait penser que son évolution était visible, flagrante, qu'elle n'était aucunement imaginaire, comme il avait pu le croire à une ou deux occasions, ces derniers jours. Alors finalement, le fait qu'elle soit déçue avait quant à lui tendance à le rassurer. Si elle estimait ne plus pouvoir prendre autant de plaisir à passer du temps avec lui - il savait qu'elle s'était bien amusée à le déstabiliser, au début de l'aventure - il avait naturellement tendance à se dire qu'il était véritablement en bonne voie, que cela annonçait du bien, de l'encore mieux. Par conséquent, il se sentit capable de relever un nouveau défi personnel : danser avec Zofia. Quelques semaines plus tôt, et lorsque la jeune femme le lui avait demandé, le suisse n'avait pu que refuser. Il s'était senti bien incapable d'effectuer le moindre pas de danse pour elle, mais à ce jour, c'était différent. La confiance qu'il avait gagné, les cours qu'il avait pris avec Asmaa, tout cela lui permettait présentement de prendre ce genre d'initiatives. C'était nécessaire. Oui, pour continuer de progresser, pour continuer de faire des progrès, il lui fallait se défier de la sorte, se mettre à l'épreuve, évaluer sa capacité à effectuer des actions qu'il aurait été bien incapable d'effectuer quelques temps auparavant. Il avait donc aujourd'hui la ferme intention de danser avec son ancienne camarade, et pas sur n'importe quelle musique, puisque c'est sur la voix de Fred Astaire que les deux jeunes gens purent bientôt débuter une chorégraphie certes hésitante, mais qui ne se voulait de toute manière pas exceptionnelle. Aux paroles de la jeune femme, Raphaël ne put que laisser échapper un rictus. Le ridicule, il n'en avait plus peur, non. Mais soit, si elle y tenait ... « J'en assumerai la pleine responsabilité » annonça-t-il alors, dans un fin sourire, tandis que ses pas tâchaient d'être plus assurés, plus gracieux, non sans mal, il est vrai. Il faut dire que le suisse n'était clairement pas un danseur dans l'âme. Malgré tout l'admiration qu'il avait pour Fred Astaire, son rêve n'avait jamais été de danser comme lui. Quoi qu'à cet instant, il n'aurait pas dit non à certains qualités de danseur, effectivement. Mais voilà que bientôt, la voix de Zofia se fit de nouveau entendre, de quoi rapidement confirmer ce que le grand brun avait précédemment pensé, et donc, pas imaginé. Elle se disait "un peu contrariée", et cela ne l'étonnait pas. Il pouvait même la comprendre, et ne s'en offusquait pas. Il la connaissait relativement peu, mais il avait appris à analyser sa façon de faire, et clairement, il pouvait comprendre sa contrariété. Il était même en partie désolé d'en être la cause. En partie seulement, oui. « Tu ne réussiras pas à me faire culpabiliser, Zofia. Je suis fier d'avoir changé, d'être parvenu à évoluer. C'est un miracle, à mes yeux. J'ai longtemps prié pour avoir la force et la volonté nécessaires pour être capable de fournir autant d'efforts, alors ça n'est pas maintenant que j'ai accompli une grosse part du travail que je vais regretter quoi que ce soit. » Il ne voulait pas paraitre dur, simplement lui expliquer combien tout cela était important pour lui, combien il était fier de son parcours, au final. « Ne le prends pas mal, mais j'ai bel et bien changé, que cela te plaise ou non. » Là encore, il disait cela sur un ton des plus calmes, parce qu'il tâchait simplement de lui faire comprendre la symbolique d'un tel changement, l'importance d'une telle évolution. Savoir qu'elle était contrariée était dommage, mais c'était surtout tant pis pour elle. « Pince-moi les fesses » finit-il par lâcher, s'arrêtant brusquement de danser, un peu surpris par ses propres propos, mais plutôt satisfait d'oser dire ce genre de choses et inciter sa camarade à agir d'une manière qui aurait pu le faire décéder quelques temps plus tôt. Elle disait s'être imaginée sa réaction dans un pareil cas de figure. Et bien, lui aussi était curieux de savoir comment cela pourrait le faire réagir, hm.