Je ne suis pas une grande sportive, je dirais même que j’en suis l’extrême opposé. Pourtant, ce n’est pas que je déteste bouger, au contraire. Gamine, j’étais le genre de fille un peu hyperactive qui énervait son voisin, en classe, car elle était incapable d’arrêter de gigoter sur sa chaise. Ça n’a pas vraiment changé en vieillissant, bien que j’aie appris à me contrôler. Il le fallait bien. Ma façon à moi de canaliser toute cette énergie, c’était la course. Au petit matin, avant que le monde ne s’éveille, je partais seule faire de longs kilomètres sans m’arrêter. Avec les années, j’ai un peu perdu cette habitude, par manque de temps. Il faut dire qu’avec le boulot, c’est plutôt après ce dernier que je coure, tant il se sauve, parfois. Souvent. Bref, ce n’est pas l’important. Désormais enfermer dans ces lieux, loin de mon horaire de vie régulier, j’en perds un peu mes repères. Et ces vieux symptômes d’hyperactivité ressortent, rendant mes vaines tentatives de m’occuper plutôt compliquer. Car il m’est impossible de rester en place plus d’une quinzaine de minutes, évidemment. Je fini, dans un soupir, par refermer le livre que je tentais de me mettre sous la dent. C’est peine perdue, je dois m’occuper autrement. Et je me dis qu’aller courir ne serait pas une aussi mauvaise idée – en dehors du fait que le soleil brille de plein fouet dans le ciel et qu’il fait relativement chaud, dehors. Tant pis, rien ne peut m’arrêter, maintenant que je me suis mis cette idée en tête. J’enfile un short et camisole de sport, coince mes pieds dans des souliers adaptés à cette activité physique, puis file à l’extérieur, n’oubliant surtout pas un élément essentiel : ma bouteille d’eau. Je dois courir depuis une bonne vingtaine de minutes lorsque ma route croise, pas grand hasard, une candidate qui se balade toute seule. Je ralentis mon pas pour me poser à sa hauteur. « On ne se connait pas, je suis Medhi. » lui dis-je pour m’introduire. « Tu permets que je fasse un bout de chemin avec toi? » Je me la joue poli, on m’a dit que ça donnait une meilleure impression. J’en profite pour avaler de longues gorgées d’eau pour me rafraichir.

J'observe un buisson en me demandant si je suis déjà passée devant. Je ne sais plus, à vrai dire. J'entends une foulée de pas, je tourne la tête, la pivotant, et je vois blondie faire du sport, j'imagine sa trajectoire en suivant les trois axes x,y,z et c'est pour ma gueule. Cimer. Je ralentis le pas et comme je l'avais calculé, elle vient à me rencontre. Elle se présente. Medhi. Ce n'est pas un prénom de mec à la base ? Non parce qu'en plus s'ils ont en plus des prénoms chelou, je ne vais pas m'en sortir, entre l'autre, blondie Titi, le prénom mythologique, Ulysse, et Archidrôle, là, on va jamais y arriver. M'enfin, je ne me fais pas d'illusion, je ne retiendrais pas son prénom, dès qu'elle partira, j'aurais à vrai dire oublier son existence. C'est dur. Enfin, elle pourrait se révéler intéressante, au final, je n'ai jamais dis le contraire mais je n'ai plus la fois en l'espèce humain et son intérêt, voyez-vous. « Krisjana » je balance simplement en espérant qu'elle continue sa route en faisant son petit sport du dimanche, mais apparemment la belle blonde ne semble pas décidée à y aller. C’est bien ma veine. Elle veut même faire un bout de chemin avec moi. Euh ... «Comme tu veux » je lui dis parce que je me vois mal lui refuser cela. Tout le monde a droit d'approcher mon aura rayonnante, je les comprends, je les comprends.  «Tu peux aussi faire un bout de la conversation, je ne suis pas douée » je confesse alors, en haussant les épaules.

J’ai connu des gens avec plus d’enthousiasme que la candidate que je viens d’aborder. Soit je l’ai prise par surprise, ou qu’en fait, je la dérange dans ce qu’elle était en train de faire. C'est-à-dire, je n’en sais trop rien. Elle se présente comme étant Krisjana. « Joli prénom. » lui fis-je la remarque, simplement. Parce que c’est la vérité même, et que ça m’a traversé l’esprit. Comme si on ne pouvait plus faire de compliments spontanés, de nos jours. Elle accepte bien que je marche à ces côtés, même si je ne suis pas réellement convaincue que ça vient du cœur. Bon, j’ai forcé un peu la dose en m’imposant à ma camarade, je peux aussi partir si ça ne lui plait pas. Du moment qu’elle me le fait savoir, je vais pas m’imposer plus que nécessaire. Mais non. Seul problème, je suis seul maître de notre discussion, puisque la belle semble à court d’idées. « Hm, d’accord. » Facile à dire, difficile à trouver. Me voilà moi-même privée de parole, mon esprit réfléchissant à toute allure pour trouver un sujet de conversation qui sera à la fois intéressant, mais pas trop chiant. Je sors le premier truc à me venir en tête. « Il doit bien y avoir quelque chose qui te manque, à l’extérieur du Nid. Un objet, une personne, un animal… Parles-moi en. » Après tout, je veux bien apprendre à connaître les gens, mais pas avec ces questions qu’on entend à maintes reprises, jour après jour. Et pour montrer ma bonne volonté, après avoir prit une nouvelle gorgée de ma gourde, je réponds moi-même à cette interrogation. « C'est Fry me manque le plus. Enfin… Friedrich, de son vrai nom. Mon petit ami. » Minute confession terminée. À son tour, maintenant.

Joli prénom. Je sais. Fais sur mesure pour ma lumineuse personne. Elle me demande si quelqu'un me manque. Je fais mine de me laisser le temps de réfléchir, non franchement ... « Personne ! » je lui réponds de ma voix glaciale et assez inexpressive. Je n'ai aucune attache, ni même mes parents, au contraire, plus il y a de distance entre nous, plus je me sens mieux, je respire mieux, je dors mieux. Alors non, je suis très contente d'être ici sans eux. « Peut-être mon chat » je lui concède en haussant les épaules. Ok, ma petite boule de poil qui s'endort avec moi, je préfère les animaux aux Hommes avec un grand H. Elle me parle de son petit copain. Houla. Il lui manque, tu m'étonnes, si c'est son ""copain"" ... Déjà, il a un prénom immonde, j'espère que le physique en vaut la peine pour compenser cela. Sinon, elle s'est vraiment faite avoir, la blondie. «Vous êtes ensemble depuis combien de temps ? » je l'interroge de ma voix rauque. « Mais il t'a laissé partir comme ça ? Sans pression ? » je finis par lui dire, en écarquillant les yeux. Je continue à avancer, alignant quelques pas devant moi. « Parce qu'un général, c'est un peu l'île de la tentation ici » je ne peux pas m'empêcher de remarquer, en arquant un sourcil. Soit il est complètement con, comme la plupart des gens, soit il a réellement confiance. Ou alors les deux. Si ça se trouve, ils ont façon bien à eux de fonctionner, vous savez les couples, c'est bien relou ... Une façon de vivre qui m'échappe quoi. « Il est comment ? » je lui demande en croisant les bras sur ma poitrine.