FT JOANES.


Je tarde un peu sous l'eau, laissant le liquide brûlant ruisselant contre ma peau. Je sors de la douche, cheveux trempés, je me sèche avec une rapidité exemplaire. Je finis par enfiler des sous-vêtements propres à la place de mon maillot. Je dépose ma serviette un peu n'importe où. Bref. Je m'approche du miroir pour observer ma gueule, ce n'est vraiment pas beau à voir. Je frotte mes mains contre mes yeux pour tenter de me réveiller un peu plus. Je relève la tête et j'aperçois Joanès qui débarque comme une fleur dans la salle de bain, non mais lui, il a vraiment une tête encore pire que la mienne. Et faut vraiment le faire, ça ! « Alors, elle est où ta princesse ? » je siffle de ma voix rauque, posant un regard presque amusé sur sa petite personne tatouée. Oui, j'ai un sens de l'observation assez inné, assez, et du coup, je n'ai pas manqué de relever le Roméo et Juliette que nous interprètent brillamment Tifenn et Joanès. C'est particulièrement réussi. Non je blague, ça fait à peine trois semaines, mais pas qu'ils sont ici, c'est pas un peu rapide ? Non ? Je retourne à mes cheveux, les démêlant du bout des doigts, n'ayant pas envie de gaspiller mon temps avec mon apparence. Je l'observe à travers le miroir. Il veut se saisir d'une serviette qui traîne mais pas n'importe laquelle, il s'agit de ma douce et moelleuse serviette. « Non, Régis, c'est la mienne» je relève alors en levant les yeux au ciel. Ils ont vraiment cru qu'on était obligé de tout partager ici ? La connerie de tout ce qui est à moi est à toi, mais que dalle.

Le réveil est rude. Très rude. 6h ? 7h ? J’en sais rien. Il doit être tôt. Trop tôt pour me lever. Mes ces abrutis de candidats font trop de bruits pour que mes yeux restent clos. Bandes de connards. Ils méritent que j’leur foute des punaises dans leur matelas, que je trempe leur petit doigt dans l’eau froide pour qu’ils se fassent dessus pendant qu’ils dorment, que je jette leurs affaires du haut du toit, que je… que je… Ouais, que je fasse tout ça. Je râle dans mon coin, la tête enfouit dans mon coussin. Je reste comme ça 5 min avant de finalement, dans un élan de courage, sortir de mon lit. Je sors d’un coup, sans me retourner, et quitte directement ma chambre afin de pas pouvoir faire machine arrière. Pfff. Journée de merde en perspective. Démarrant ainsi, oui, ça ne peut qu’être une journée de merde. Finalement, en déambulant, j’apprends qu’il est 9h. Bon, ce n’est pas mieux, mais même, ce n’est pas une heure pour se lever. Je rejoins la salle de bain en priant qu’il n’y ait pas grand monde. Bingo. Juste Krisjana. Elle est belle et en sous-vêtement, donc forcément de bonne compagnie. Je prends. Elle est où ma princesse ? « Juste devant moi » répondis-je, directement, en lui adressant un sourire quelque peu forcé, mais que pourtant, je qualifies d’affectif. Elle est devant moi. Ouais, j’cherche pas plus loin. Je ne veux même pas savoir à quoi elle fait allusion, parce que, pour tout dire, je m’en bas les couilles. Je m’en bas les couilles de tout aujourd’hui, de toute façon. J’aperçois ma tronche dans le miroir. Choc. J’ai l’impression d’avoir la gueule de bois, pourtant, ce n’est que la fatigue. Je m’avance vers le lavabo, ouvre le robinet, glisse mes mains en dessous afin de pouvoir recueillir une légère quantité d’eau. J’approche mon visage, le rince brièvement. Je me redresse, me tourne pour attraper la première serviette qui me vient. C’est là qu’elle m’interpelle. Sa serviette ? SA serviette ? Je l’attrape aussitôt, sous un large sourire « Plus maintenant. » C’est vrai qu’elle est plutôt cool, vue de près. Douce. Agréable. Adoptée ! Je me retourne vers elle, tout en la narguant gentiment avec mon nouveau bien. « Mais si tu veux, on partage. » J’hausse les épaules. « Tu me diras quand t’en auras besoin, si tu as de la chance, je te sècherais le dos, avec. » J’insiste un peu, bien que je reste sarcastique mais que mon air amical. N’empêche que je ne serais pas contre lui sécher une quelconque partie du corps, qu’on soit clair.

J'suis sa princesse. Non mais, ça, je le savais déjà, en fait. « Bien joué »  je me contente de lâcher comme s'il venait de sortir une bonne réponse sauf que non, je suis une déesse et non pas une simple princesse parmi tant d'autre. Je lui demande de lâcher mon bien, et merde, j'aurais dû faire de la psychologie inversée sur ce coup là puisqu'il ... Il se l'approprie, j'ai envie de dire que c'était presque prévisible, en fait. Je lève les yeux au ciel, en signe d'un pseudo agacement, de toute façon, je lui rendrais la monnaie de sa pièce tôt ou tard, qu'il ne s'en fasse pas. Il me propose son aide ! Tiens, enfin une parole intelligente qui sort de sa bouche depuis qu'il est réveillé, j'ai presque envie d’applaudir ! Sortons les cotillons ! « J'ai encore les cheveux humides, si tu veux » je soulève alors en désignant ma chevelure passablement emmêlée qui tombe en vague douce jusqu'au milieu de mon dos. Avec ça, il risque d'avoir de quoi s'occuper, non ? « Si tu veux te rendre utile, on sait jamais» je propose l'air de rien, en faisant mine de m'occuper de mes cuticules pendant une fraction de seconde avant de finalement relever mon visage vers le sien. Il a une sale mine, et évidemment, je ne peux pas m'empêcher de le relever. A voix haute, bien sûr. « T'as fait un cauchemar pour avoir une sale gueule comme cela ?» Je l'interroge alors en fronçant les sourcils, non pas que je me soucie réellement de mon prochain ou une connerie comme cela, mais j'aimerais que mon futur esclave qui avec précaution et délicatesse va bientôt me sécher les cheveux soit en bonne santé. Je ne veux pas qu'il abîme ma chevelure en y faisant naître des fourches.

Bien joué ? C’est qu’elle se prend vraiment pour une princesse en fait. Soit. Si ça peut lui faire plaisir, c’est bien. J’lui adresse un petit signe de la tête. Le genre de truc qu’on traduirait par un ‘t’inquiète, gros’, ou ‘je suis le meilleur, je sais’. Bref. Je me retrouve avec ce qu’elle affirmait être sa serviette dans les mains. A présent, c’est la mienne. En même temps, elle me tendait tout de même une sacrée perche, là, elle ne pouvait que s’en prendre à elle-même. J’lui propose de partager, même de l’aider. Et elle semble prendre au pied de la lettre ma proposition. Que je lui sèche les cheveux ? Mais bien sûr. « Je n’accepte que de m’occuper de ce qui est en dessous de cette zone » Je désigne le cou de ma main. Dos, poitrine, ventre, fesses,… pour ça, je veux bien me rendre utile, en effet. Pour le reste… Disons que j’suis pas un larbin, et que je ne le deviendrais pas. Elle enchaîne sur ma sale gueule. Me demande si j’ai fait un cauchemar pour en avoir une pareille. Je reste bloquée sur ‘sale gueule’. Putain, elle manque vraiment de tolérance cette nana. C’est qu’elle est presque vexante. Qu’elle pèse ses mots, même avec une tête pareille, je reste un Dieu à côté de la plupart des mecs de cette baraque. « Une sale gueule ? » Je me retourne vers le miroir, m’observe brièvement en dessinant du bout de mes doigts certains traits de mon visage. « Je t’en pris, même avec la tête dans le cul, ‘ma gueule’ et ‘sale’ sont deux choses que tu ne peux pas associer » Je me retourne vers la jeune femme. Mouais, peut-être pas. En tout cas, pas ce matin. « Mais si tu veux tout savoir, c’est de toi que j’ai rêvé » lui dis-je, en m’avançant vers elle, un sourire discret bordant mes lèvres. Gros mytho. Mais bon, c’est peut-être ce qu’elle voulait entendre. Je m’arrête à moins d’un mètre d’elle. « T’as vu l’effet que tu me fais ? » Je désigne mon visage, ou ma sale gueule, comme elle l’appelle, en tout en lui adressant un sourire en coin. Ironique, mais sensiblement aguicheur. « Comme quoi, il y a vraiment un truc entre nous. » lançai-je, un ton plus bas, tout en posant mon regard sur elle. Un truc entre nous ? Ouais, bien sûr.

Joanès trouve un moyen de se défiler, franchement, si c'est pour se la jouer comme cela, il ferait mieux vraiment de se la fermer. Ou alors de réfléchir aux conséquences de ses paroles. Enfin, réfléchir, un verbe qui semble hors d'attente pour certains candidats, ici, il faut bien l'avouer. Il ne prend en compte que ce qui est en dessus de mon cou. Je crois qu'il doit vraiment délirer, que je sache, mes points de cheveux arrivent dans mon dos. Ah mais oui ! Il doit avoir un problème d'anatomie, il a du mal, c'est donc pour cela ! Tout s'éclaire. M'enfin, je ne me laisse pas démonter pour autant, je suis une fille avec de la ressource. Et puis lorsque l'on me propose son aide, je veux l'exploiter un maximum, c'est tellement rare ce genre de chose. « Oh parfait ! Tu peux t'occuper de mes pieds alors » je scande alors en mimant un air émerveillé avant de tendre mes jambes parfaitement galbées dans sa direction, écartant avec exagération mes orteils manucurés. Je lâche une réflexion sur sa personne et il ne semble pas bien le prendre, je me demande bien pourquoi. C'est une simple constatation, rien de très dramatique quoi ! Ils sont trop susceptibles ici. « Bah oui, un peu quand même, voire beaucoup » je lui confirme car il ne semble pas me croire, la vérité sort toujours de ma bouche, c'est une règle d'or. « Rêver et non cauchemarder, j'en conclus que c'était agréable donc, en même temps, ça ne m'étonne pas » je siffle alors, faussement prétentieuse. « J'illumine tout » je précise par la suite, on ne sait jamais. L'effet que ça lui fait. Ouai, je vois ça. « C'est l'émotion qui a déformé ton visage ainsi, ne t'inquiète pas, ça risque de rapidement s'estomper » je lui glisse alors. Il y a un truc entre nous. Ouais, ouais, j'esquisse un sourire moqueur. « Désolée de t'apprendre que c'est à sens unique, alors » je balance narquoise, oui de lui vers moi, il n'a aucun retour, pauvre garçon, la vie ne l'a pas gâté.

M’occuper de ses pieds ? Sûrement pas. Concrètement, je me demande si elle prend tous les hommes de cette maison pour ses larbins, ou si c’est juste moi. Après, j’lui ai tendu la perche, j’lui ai proposé mon aide… Mais si elle l’a pris au sérieux, c’est qu’elle a un problème à entendre l’ironie. Dommage pour elle. Après, j’la comprends. M’imaginer à ses p’tits soins, concrètement, ça vend du rêve, j’en suis conscient. Mais faut redescendre sur terre. On est à mes pieds. Pas le contraire. Elle tend ses jambes vers moi, joue avec ses orteils. Clairement, ça motive à fond –sarcasme. Je regarde ses jambes, y glisse mon regard pour le remonter peu à peu sur ses yeux. « Je pourrais » Je lui adresse un sourire en coin. J’ai l’air consentant, pour le coup. Mais aussitôt, je reprends, plus bas. « Mais je n’en ai pas la moindre envie » J’hausse les épaules. Véridique. Et je ne ferais jamais quelque chose que je n’ai pas envie de faire. C’est comme ça. Question de principe. Et de fierté. Enfin, surtout de fierté. Bref ; elle en rajoute une couche concernant ma tête. Soit. J’ai compris. Elle reprend mes répliques, une à une. Elle se met en avant. Me tacle. Bref. Une vraie princesse, en effet. Elle se donne un côté insaisissable, désirable. Dommage qu’elle en joue autant. Néanmoins, du coup, à mes yeux, elle relève presque d’un challenge, cette fille. « Tu me brises le cœur » lui répondis-je, à sa dernière réplique, en me tenant le côté gauche de ma poitrine. Je manque d’être persuasif, mais l’idée est là. J’avance de quelques pas vers elle. « C’est con, tu n’imagines même pas tout ce que j’étais près à faire pour toi. » dis-je, d’une voix relativement posée, calme alors que mes yeux se posaient sur les siens. Je ne lui adresse pas un sourire. Rien. Juste ces mots, et mon regard. J’rentre dans son jeu. « Te sécher les cheveux, les pieds,… c’est rien à côté du reste. » J’insiste davantage, sans pour autant en dire plus, je ne peux pour autant contenir un sourire en coin, malicieux.