Leone retira délicatement le bandage qui recouvrait son nez endolori. La douleur se devinait aisément à travers ses yeux expressifs. D’après le médecin qu’il avait consulté, son nez n’était pas cassé, seulement gonflé et d’une couleur approchant le violet. Sa blessure physique n’était pas la cause de ses maux, plus psychologiques. Le combat qu’il menait était perdu d’avance. En effet, le statut porté par Alcéo le rendait intouchable. Il ne pouvait avoir un impact sur le Maître de maison, ce dernier avait d’ailleurs bien profité de son immunité.

Désemparé, le jeune Américain tenta un nouveau regard dans le miroir. Il pensait sa décision prise. Il quittait Fake Lover, demain il reprendrait l’avion. Néanmoins un détail lui échappait et il ne pouvait s’empêcher d’y repenser. Etait-il pire que certains candidats prêts à se détruire volontairement à coups de couteaux dans le dos dès que l’occasion s’y prêtait ?

Les seuls habitants susceptibles de lui manquer s’appelaient Matthew et Robbie, Betty-Jayne lui manquerait aussi sûrement mais il ne préférait pas y songer. Il avait d’ailleurs pris le soin de rédiger une lettre qu’il adresserait à cette dernière étant donné qu’il ne lui accorderait pas le plaisir de lui présenter ses adieux de vive voix. Il la déplia et la relut dans un murmure. Il était resté concis mais parlait avec son cœur. Il hésitait encore à lui remettre en mains propres, il choisirait peut-être la facilité, la glissant dans l’une de ses valises. Il la rangea soigneusement dans la poche arrière de son jean puis se passa de l’eau fraiche sur le visage, prenant soin de ne pas effleurer son nez. Les idées parfaitement claires, il commença à rassembler ses affaires de toilette.

Il était tard, et si vous vouliez tout savoir, non je n'étais toujours pas couchée. Que faisais-je ? J'attendais désespérément que mon partenaire ramène ses fesses dans notre lit. Il était plutôt du genre à s'étaler et pourtant, j'aimais sentir sa présence près de moi, elle guidait mes nuits, elle guidait mes rêves. Il était un repère pour moi ici, voir même plus, mais bien entendu il ne le savait pas. J'avais maintenant peur de dire quelque chose de travers, de le décevoir. Je voulais être plus proche de lui, mais je ne savais pas comment m'y prendre, il semblait que même en étant moi même cela ne suffisait pas. L'heure tournait petit à petit sous mes yeux plombés de sommeils. Je décidais finalement de me lever, arpentant les couloirs tout en me grattant les pupilles, où avait-il bien pu passer en cette heure tardive. J'avais l'impression de lui coller au bask' mais au final, j'étais certaine qu'il aimait se sentir indispensable. C'est dans la salle de bain que je trouvais mon bonheur, le regardant un sourcil arqué. Le jeune homme avait une marque sur le nez, je m'approchais donc de lui, en saisissant délicatement son visage entre mes doigts. Quelqu'un l'avait sérieusement amoché.

« Qui t'a fait ça ? » dis-je quelques peu énervée de voir mon partenaire dans cet état.

Puis mes yeux se vrillèrent sur sa trousse de toilette non loin de lui, ses affaires étaient déjà toutes réunies, que comptait-il faire ? Je craignais d'or et déjà le pire.

« Ne me dis pas que... » je marquais une pause avant de reprendre « Non... pas moyen. » finissais-je avant de secouer légèrement la tête.

Héléna vint briser sa solitude, le sauvant de ses pensées. Etrangement elle ne se moqua pas de son visage défiguré, à vrai dire elle semblait plutôt concernée par son état. Sa relation avec sa partenaire avait toujours été houleuse, de ce fait il n’arrivait jamais à prédire ses réactions. Intrigué, le jeune homme la laissa inspecter sa blessure sans broncher. D’un naturel déconcertant, il répondit :

« Je l’ai mérité. Je pousse mes provocations jusqu’à l’extrême et je continuerai… »

A son tour Betty-Jayne fit son apparition dans la salle de bain. Il avait tellement bien réussi son coup qu’elle n’osa pas s’adresser directement à lui, passant par Héléna. La situation lui extirpa un sourire. Mis à part leur origine italienne, Alcéo et Leone partageaient de nombreux points communs qu’il était inutile de mentionner ici. Leone se tourna vers la jolie blonde, plantant son regard dans le sien, et déclara :

« Alcéo est l’unique coupable. Je ne suis pas responsable des sentiments qu’il éprouve à ton égard. Je l’ai simplement aidé à prendre conscience qu’il est amoureux de toi… Le choc s’est avéré brutal. En s’abaissant à me frapper, il a été contrait d’embrasser la réalité. Je provoque certes mais je ne fais que pointer du doigt les vérités que personne ne semble voir. Je refuse d’entrer dans son jeu et vivre dans le mensonge. »

« J’en suis l’auteur, je sais exactement ce que je t’ai fait et dans quel but. Ne t’approche pas de moi, contente-toi de me détester. »

Finalement, Leone tourna le dos aux demoiselles se tenant face au lavabo. Il sortit son briquet de sa poche et brûla la lettre destinée à Betty-Jayne. Il jeta dans l’évier ce qu’il restait de ses écrits, elle n’était définitivement pas prête à la lire. Aussi, elle ne le croyait pas lorsqu’il évoquait les sentiments pourtant réels d’Alcéo à son égard. Il ne prendrait pas la peine d’insister. Il boucla sa trousse de toilette et sortit de la salle de bain.