J’ai survécu à ma première nomination. Je n’aurais pas cru que ça m’aurait autant stressée l’idée de quitter l’aventure. Comme quoi je n’ai pas envie de partir. Faut dire qu’il n’y a rien de bon qui m’attende à l’extérieur. Alors qu’ici je n’ai pas à m’inquiéter de comment payer mes factures, savoir ou je vais dormir…Faire un job que je déteste. Non ici c’est le rêve. Ile paradisiaque, chaleur, farniente. Le tout payé généreusement par la production. Enfin généreusement…c’est une façon de parler. Donc ouais, je suis heureuse et soulagée d’être toujours de l’aventure. D’autant que ça m’aurait bien fait chier d’être éliminée, sans même savoir qui est à l’origine de ma nomination. Il y a quelqu’un qui m’a dans le collimateur, et je compte bien découvrir de qui il s’agit. La première pensée qui m’est venu..C’est que ça soit Benjamin. Mais comme Apolline a aussi été victime d’une machination…Et vu les relations qu’ils entretiennent, je me dis qu’il ne l’aurait pas nominée. A moins que ça ne soit un piège pour détourner les soupçons. Mais dans ce cas me désigner serait ensuite une mauvaise stratégie. Oh j’en sais rien. J’aurais tout le temps d’y penser plus tard. Pour l’heure, je décide de me rendre à la salle de maintenance, histoire de jeter un coup d’œil sur les divers twitter. Et surprise, Benjamin se trouve là. « Tiens, t’es toujours en vie toi. » Je sais que monsieur est malade. Et un Benjamin malade… il doit surement être à l’article de la mort, pour une toute petite grippe. L’exagération des mecs. Je m’installe à une place derrière un ordi. Je me dis qu’au moins, son étant de santé l’a permit de louper le prime, et ne pas voir ma sex tape diffusée à la fin. « Alors, pas trop déçu que je sois toujours là ? »

C’était une mauvaise idée que de sortir de mon lit douillet. Mais en même temps, c’est long de ne rien faire. Et Babou est occupé à autre chose, donc c’est encore plus long. Je ne peux pas lui demander de passer la journée à veiller sur moi, quand même. Elle en fait déjà beaucoup. Surtout avec la nuit que je lui ai fait passé. Bref, je me traine d’une pièce à l’autre, ne cherchant pas la compagnie de quelqu’un en particulier. Mais avec les microbes que je trimballe, pas étonnant que personne ne veuille être en ma compagnie. J’ai un peu l’impression d’avoir été coupé du monde ces deux derniers jours, pourtant j’ai eu vent de certaines rumeurs, de certaines choses qui se sont produites sur le prime aussi. Je trouve enfin la paix dans la salle de maintenance, étendu sur le canapé, alors que ma chère et tendre sœur fait son entré. « Tiens, t’es toujours en vie toi. » Je plisse les yeux, comme si j’avais de la difficulté à identifier la personne qui s’adresse à moi. Alors qu’en fait, Amy est probablement la personne que je reconnaitrais n’importe où. On en a eu la preuve que même après dix ans, je ne l’ai pas oublié. « Oui, mais je ne sais pas encore pour combien de temps... T’es venu pour m’achever en fait, c’est ça ? » Même avec de la fièvre et l’envie de me cracher un poumon, je suis encore capable de faire un peu d’humour. Bien que je ne suis pas certain qu’en fait, le sujet de la mort soit si drôle que ça, peu importe le contexte dans lequel il est utilisé. « Alors, pas trop déçu que je sois toujours là ? » C’est quoi, elle s’attend à ce que je lui réponde à l’affirmative ? Je soupir, mimant une certaine déception, alors que je m’enfouis un peu plus dans le canapé. « Très. C’est n’importe quoi ces votes là. » Elle ne va pas me croire, quand même. Je préfère prendre la parole à nouveau, au cas où. « Franchement, ça serait bien triste de terminer nos retrouvailles de la sorte et surtout aussi tôt. Les gens doivent attendre la réconciliation entre toi et moi, c’est pour ça qu’ils ont voté pour que tu restes. » C’est ma théorie, oui. Je ferme les yeux, ne pouvant supporter l’effet que la lumière de la pièce a sur mes yeux. C’est trop fort. J’ai mal à la tête.

Benji est malade, le pauvre. Dans le temps, c’est notre mère qui prenait soin du gros bébé lorsqu’il n’était pas bien. Comptez pas sur moi pour prendre la relève. De toute façon, je pense que Babou doit être aux petits soins pour monsieur. Alors qu’elle devrait le laisser à son triste sort, voilà. « Oui, mais je ne sais pas encore pour combien de temps... T’es venu pour m’achever en fait, c’est ça ? » La mort n’est pas un sujet qui a tendance à me faire rire. Ceci dit c’est moi la première qui en est parlé. « Ne me tentes pas. » Mais bon, malheusement non, je ne vais rien lui faire. Et je compte garder une distance raisonnable entre nous deux, pas question que je chose ses microbes. Je lui demande alors s’il n’est pas trop déçu que je sois restée. En réalité, c’est peut être plus pour savoir si il aurait réellement aimé que je me barre, ou s’il est satisfait du résultat dans le fond… « Très. C’est n’importe quoi ces votes là. » Il n’est pas très convainquant. « Franchement, ça serait bien triste de terminer nos retrouvailles de la sorte et surtout aussi tôt. Les gens doivent attendre la réconciliation entre toi et moi, c’est pour ça qu’ils ont voté pour que tu restes. » Mais qu’est ce que cela veut dire ? Et puis comment ça cela serait triste de finir nos retrouvailles ainsi ? De toute façon il n’a jamais voulu de retrouvailles. Ou alors c’est juste pour son image, et donner au public ce qu’il souhaite. « Ils risquent d’être bien déçus alors. » Ce n’est certainement pas près d’arriver. Et qu’on arrive désormais à se parler sans se foutre à la gueule l’un sur l’autre, ne signifie en rien que c’est en bonne voie. « Et toi…C’est ce que tu voudrais...qu’on se réconcilie ? » Je dis pas que c’est faisable, lui comme moi savons que c’est très très compliqué. Quasi impossible. « Si c’est le cas, tu t’y prendrais comme un pied. » Rien dans son comportement ne montrerait qu’il souhaite améliorer nos relations.Si ça avait été le cas, il aurait éprouvé des remords concernant ses dix dernières années d’absence. Il les aurait exprimés. Il aurait cherché à s’excuser. Mais le fait est que rien de tout ça n’est jamais arrivé. C’est qu’il ne doit pas regretter d’être parti. Tant mieux pour lui.

Amy vient à ma rencontre parce qu’elle veut m’achever, moi qui suis si mal en point à cause de cette vilaine grippe. J’en doute fortement, mais c’est ce que je prétends. Elle ne veut pas que je la tente. Ce n’était que de l’humour après tout, qu’elle reste loin de moi, ça ne va pas me choquer. Je viens ensuite lui dévoiler ma théorie en ce qui concerne le vote du public dimanche dernier. Je dis un peu n’importe quoi, ne pouvant savoir à quel point elle plait réellement aux personnes à l’extérieur d’ici qui perdent leur temps à voter. Mais ma théorie me semble crédible, tout de même. Les gens veulent une réconciliation entre nous deux. « Ils risquent d’être bien déçus alors. » Sa réaction ne m’étonne aucunement. Je m’attendais à ce qu’elle dise quelque chose de semblable. Une possible réconciliation entre elle et moi n’est pas au programme, je crois bien. « Les pauvres… ils investissent dans le vide. » Je qualifie notre relation comme étant du vide… C’est pas très glorieux. « Et toi…C’est ce que tu voudrais...qu’on se réconcilie ? » Je lève les yeux en sa direction, captant son regard. Je ne suis pas certain de savoir quoi répondre à cette question. « C’est une question piège ? » On ne sait jamais. C’est tellement compliqué, on ne peut pas repousser de la main ce qui nous est arrivé en se disant que maintenant tout ira mieux parce que, grâce à la production, nous nous sommes retrouvés enfermés dans une émission de télé-réalité. Ça ne fonctionne pas comme ça. Peut-être que si j’étais resté, peut-être que si je n’avais pas foutu le camps dix ans plus tôt. Peut-être que si j’avais donné signe de vie… Mais je n’ai rien fait de tout ça. « Si c’est le cas, tu t’y prendrais comme un pied. » Elle vient de confirmer ce que je pensais. Je soupire, me disant que je ne suis pas dans un état pour avoir une conversation aussi sérieuse. « Je sais, je suis nul dans les relations interpersonnelles. » C’est pas nouveau. « On a fait des choses… On a prit des décisions qui vont nous suivre toute notre vie... » Ma voix est rauque alors que j’avale difficilement ma salive, baissant finalement les yeux. « Je crois que j’aurais plus de facilité à te pardonner… Alors que toi, tu n'en sera jamais capable. » Je m’avance vers un terrain dangereux. C’est beaucoup mieux lorsqu’on évite ce genre de sujet. Surtout que j’ai l’impression de ne pas pouvoir dire ce que j’aurais réellement envie de dire. « J’ai fait un rêve cette nuit… » Aussitôt les mots franchissent mes lèvres, aussitôt je regrette ce que je viens de lui confier. Je passe ma main sur mon crâne fraîchement rasé. « Comme ça m’arrive souvent. » Ce qui doit lui arriver souvent aussi. Elle doit en faire, ce genre de rêve. Ou de cauchemar.

« Les pauvres… ils investissent dans le vide. » Ou tout simplement ils m’apprécient hein. Indépendamment de ma relation avec Benjamin. C’est ce que j’ose espérer. Que le bonhomme n’ait rien avoir là dedans. Ou alors ils compatissent à ma douleur que j’ai de le cotoyer tous les jours. Puisqu’il parle d’espoir…Je cherche à savoir, si lui il en a. Si il aimerait bien qu’on se réconcilie un jour. « C’est une question piège ? » Et pourquoi ça serait une question piège ? « Non. » Bon, et il me la donne ma réponse ? « Je sais, je suis nul dans les relations interpersonnelles. » Sans blagues. « T’es nul dans un bon nombre de domaines. » Au moins ça va il en a conscience. « On a fait des choses… On a prit des décisions qui vont nous suivre toute notre vie... » Pas besoin de me le rappeler je le sais très bien.  Je crois que j’aurais plus de facilité à te pardonner… Alors que toi, tu n'en seras jamais capable. » Il n’a pas forcément tort. « Je n’arrive même pas à me pardonner à moi-même, alors je vois mal comment je pourrais te pardonner à toi… » Alors que pourtant, je devrais avoir moins de choses sur la conscience que lui…Mais le fait est, que je me sens responsable de pas mal de choses. Même si j’aime à faire croire que tout est uniquement de sa faute. Et je suis sure qu’il est dans la même situation. « Mais tu n’as pas répondu à la question. » Je ne lui ai pas demandé si c’était possible, mais si c’était ce qu’il aimerait, il y a une grande différence. Par contre il m’avoue avoir fait un rêve cette nuit. Comme cela lui arrive régulièrement. « Ça m’arrive souvent aussi. Le scénario diffère parfois…mais l’issue reste toujours la même. » Quoi que je fasse, quoi que je tente, il n’y a rien à faire. Il se conclut toujours brutalement. « Au moins avant, j’avais les somnifères pour m’abrutir… » Mais plus maintenant. « J’ai l’impression que ça ne finira jamais… » Cette souffrance est ancrée en moi à jamais. « Je ne sais pas comment fait papa…Il est heureux, on ne dirait même pas que… » Je ne finis pas ma phrase, ma voix se brise. « Je l’envie. » Tout en lui en voulant d’avoir tourné la page, d’avoir refait sa vie.  Parce que je suis jalouse. J’aimerais pouvoir en faire autant. J’aimerais avoir sa force de caractère…

Je demande si sa question est une question piège, puisqu’on ne sait jamais. Non en fait, c’était ma première tentative de détourner la question. Elle me répond de façon négative, ce qui ne m’étonne pas finalement. « T’es nul dans un bon nombre de domaines. » Amy ou comment me rabaisser à toutes les occasions possibles. J’en viendrais presque à croire que c’est son activité favorite. Même si bon, elle a un peu raison, je ne suis pas doué dans énormément de domaine. Mais je crois que moi, au contraire d’elle, serait un plus enclin à lui pardonner qu’elle, à l’inverse. « Je n’arrive même pas à me pardonner à moi-même, alors je vois mal comment je pourrais te pardonner à toi… » Je n’ai pas de difficulté à la croire. « Et tu crois que je me suis pardonné, moi ? Tu crois que parce que je suis partie, j’ai réussi à tout oublier et me déresponsabiliser de ce que j’ai fait ? » J’espère que la réponse est non. Puisque jamais je ne pourrai me pardonner d’avoir pris la décision que j’ai prise. D’avoir fait ce que j’ai fait. « Mais tu n’as pas répondu à la question. » Je soupire, baissant les yeux, ne sachant pas quoi lui dire. « Je crois que oui… J’aimerais ça. Que maintenant qu’on est ici, qu’on tente une certaine réconciliation. Mais… » Je n’ai pas besoin de terminer ma phrase qu’elle comprendra bien la différence entre le fait que j’en ai envie, et la possibilité que cela arrive. Les chances sont bien minces. Et je ne sais pas ce qui me pousse à lui parler de mon rêve de cette nuit. Surement parce que je me doute qu’elle en fait aussi. « Ça m’arrive souvent aussi. Le scénario diffère parfois…mais l’issue reste toujours la même. » Ça me peine de savoir qu’elle traverse la même chose que moi, qu’elle fait le même genre de rêve. Puisque c’est loin d’être agréable. Babou en a eu la démonstration cette nuit. « On ne peut pas changer la fin. » j’ajoute, difficilement, me sentant à nouveau beaucoup trop émotif. « Au moins avant, j’avais les somnifères pour m’abrutir… J’ai l’impression que ça ne finira jamais… » Je peux comprendre qu’elle ait été accro aux somnifères, bien que ça me rassure qu’elle ne prend plus rien de toute cette cochonnerie maintenant. « Même avec l’alcool, ça change rien. » Je parle en connaissance de cause. Même si bon, j’ai tendance à dormir plus profondément lorsque je bois beaucoup. Pour ce qui est de notre père. « Il doit prétendre bien aller, genre il a tourné la page et tout, mais il doit en faire, lui aussi… des cauchemars. » Je ne crois pas en son bonheur. Bon, ça ne fait que quelques semaines que j’ai appris qu’il a refait sa vie, qu’il a quitté maman, mais je suis incapable de croire qu’il a tout oublié. Et ça me frustre. Parce qu’il a choisi la fuite. Tout comme je l’ai fait, aussi. Je lui en veux donc pour quelque chose que j’ai moi-même fait. « Je suis bien placé pour le savoir. » Qu’elle me regarde. Est-ce que j’ai l’air heureux ?

« Et tu crois que je me suis pardonné, moi ? Tu crois que parce que je suis partie, j’ai réussi à tout oublier et me déresponsabiliser de ce que j’ai fait ? » Evidemment que non. Ou alors c’est qu’il est bien plus fort que moi. « J’espère bien que non. » Manquerait plus qu’il ait la belle vie. Cela serait dégueulasse qu’après tout ce qu’il se soit passé, plus son abandon…monsieur se la coule douce ailleurs, sans la moindre conséquence, pendant que nous souffrons. C’est peut être méchant, égoïste, dur, tout ce que vous voulez, mais oui, j’espère bien qu’il se sente mal, qu’il partage ma peine et mes tourments. Cela ne serait que justice. En attendant, il n’a pas répondu à ma précédente question. Il ne va pas s’en tirer si facilement. «Je crois que oui… J’aimerais ça. Que maintenant qu’on est ici, qu’on tente une certaine réconciliation. Mais… » Mais c’est impossible. Même en le voulant de mon côté, je ne peux faire disparaitre d’un coup de baguette magique tout le ressenti que j’ai envers lui. Je ne peux pas oublier ce qu’il nous a fait. La souffrance qu’il nous a causée. Les paroles qu’il a prononcées avant de partir. « …ce n’est pas possible. » Les gens doivent se dire que je suis trop conne, que je devrais laisser nos différents de côtés, mais non c’est comme ça, pour le moment, c’est au dessus de mes forces. Et je ne sais pas si ça changera un jour… Dans le fond je l’espère. Puis Benjamin me parle de ses cauchemards. J’en fais moi aussi, régulièrement. « On ne peut pas changer la fin. » Je ne le sais que trop bien. Mais bordel c’est un rêve, normalement on peut faire ce qu’on veut…Alors pourquoi mon subconscient ne voudrait pas me jouer des happy ending à la place ? C’est trop demandé ? « Même avec l’alcool, ça change rien. » Mouais je ne sais pas. En tout cas je n’ai pas l’impression d’être plus heureuse maintenant que je suis sobre, qu’avant. Je crois même que c’est pire, parce que je n’exerce plus la profession que j’aime. J’évoque notre père, qui est celui qui s’en sort le mieux dans l’histoire. « Il doit prétendre bien aller, genre il a tourné la page et tout, mais il doit en faire, lui aussi… des cauchemars. » Il est bien placé pour le savoir qu’il dit. Ou pas. Qu’est ce qu’il en sait, il ne l’a pas vu depuis dix ans, comment peut il avancer des choses pareilles. « Sauf qu’il n’a pas à vivre avec le poids de la culpabilité… » Contrairement à nous. Après je me doute bien qu’il doit avoir ses moments, qu’il en souffrira toujours, mais il a fait son deuil. Il a réussi à remonter la pente. Refaire sa vie. « Tu devrais le voir avec ses nouveaux enfants… » Il en est franchement gaga. Et je peux le comprendre, pour les avoir rencontré quelques fois, ils sont adorables. Mais j’ai beaucoup de mal à l’accepter. Et je ne supporte pas de les voir ensemble, voilà pourquoi ils me connaissent à peine. Je n’y arrive pas.  De toute façon ils se portent mieux sans moi dans leur vie.