just say it already
ft. Amy & Maxence

Maintenant que j'avais eu plusieurs jours pour goûter à nouveau à l'extérieur, eu la possibilité de passer des plombes au téléphone avec Alicia, avec sa mère, avec mon père, et avec quelques collègues, je revoyais le nid tel que je l'avais vu au début de l'aventure. Comme un îlot de tranquillité, une sorte de cocon dans lequel on se sentait un peu à l'étroit mais aussi tellement à l'abri ... Ce n'est donc pas à reculons, bien au contraire, j'étais revenu ce matin-là, accompagné d'Ulysse. Ça m'avait fait du bien de l'avoir à portée de main mine de rien, je ne sais pas trop comment j'aurais géré le fait de passer directement de cette colocation géante à la solitude la plus totale ... Mal, sans doute. Pas très bien du moins. Bref, toujours est-il que nous étions de retour dans cette maison de fou, et si j'avais croisé un peu tout le monde, de façon plus ou moins brève, au cours de la journée, je n'avais encore pas vu Amy. Est-ce que c'était un signe qu'il valait mieux que je ne la cherche pas, ou je ne sais quoi ... Je n'en savais rien, mais puisqu'il était maintenant l'heure où la plupart allaient se coucher, je me disais que j'allais bien tomber sur elle, au moins dans la chambre. Pour l'heure j'avais fait un détour par la salle de bain pour me laver les dents, après avoir troqué mes fringues de la journée contre un tee-shirt froissé et le short de basket que je gardais pour dormir. La brosse à dents dans la bouche, face au miroir, mes yeux s'étaient posés sur mon épaule d'un air pensif ... Mon père m'avait demandé si ça allait mieux. J'avais menti, pourtant je ne pensais pas qu'il m'ait cru, il me connaissait trop bien. Je savais qu'il faudrait que je vois un médecin en rentrant en France, je savais que ce bout de métal continuerait de m'emmerder tant qu'il n'aurait pas été retiré, mais je me disais qu'en ignorant le souci il finirait par disparaitre ... Et si on me prolongeait mon interdiction de terrain ? Il n'était pas question que je fasse le gratte-papier dans un bureau, pas question qu'on me colle au service interprétariat, à moins qu'ils n'aient envie de m'entendre jurer en pashto mais croyez-moi ils n'en avaient pas envie. Recrachant mon dentifrice dans le lavabo je m'étais rincé la bouche, baissant la tête un instant et découvrant la silhouette d'Amy dans le miroir lorsque je l'avais relevée « Te voilà toi ... je commençais à croire que tu te cachais. » j'avais esquissé un léger sourire, me retournant finalement pour lui faire face. Mais il fallait dire ce qui était, si j'avais mis tant de temps à tomber sur elle aujourd'hui c'était peut-être aussi parce que je craignais mes retrouvailles avec elle ... Parce que j'avais peur de ne plus rien n'être d'autre à ses yeux qu'une cagnotte perdue. Elle ne s'imaginait sans doute pas à quel point je m'en voulais, au fond de mon élimination c'était la seule chose que je regrettais.

Ulysse, Maxence ont quitté l’aventure. Pour quelques jours certes, mais le nid est devenu bien vide sans eux. Bon pour certains, cela ne doit probablement pas faire la moindre différence, mais pour moi si. Déjà qu’on s’ennuie toute la journée, alors si en plus deux personnes dont j’apprécie la compagnie partent, c’est l’ennuie encore plus grand. Pour tout vous dire, je me sens seule. Pas juste parce que les deux sont partis, non d’une manière générale. J’ai tout le temps de penser, et du coup j’essaie de me projeter à l’extérieur. Et qu’est ce qui m’attend ? Retourner à ma vie merdique. Sans argent. Ou je n’ai personne. Je me suis toujours considérée comme une fille n’ayant besoin de personne. Pouvant me passer d’être dans une relation de couple. Je ne suis pas de celles qui cherchent absolument à se caser. Mais voir tous les gens dans le nid, se rapprocher, développer des sentiments, être proches…J’en serais presque jalouse. Même de mon propre frère, c’est pour vous dire à quel point je suis tombée bien bas. Du coup, cette semaine, c’est pas la grande forme. Mais hors de question de passer mes journées à me morfondre, faire la gueule et tout le tralala. Les autres n’ont pas besoin de savoir ce que je ressens, ni supporter ça. Sauver les apparences, comme toujours. Mais de savoir le retour des deux compères aujourd’hui m’a un peu remonté le moral. J’ai vu Ulysse, mais le trentenaire se fait aux abonnés absents. Peut être a-t-il passé la journée avec Titi. Tenez, même de leur relation j’en serais jalouse, c’est pour vous dire…Bon sang. Bref, je compte aller me coucher. Je croiserais surement le bonhomme dans notre chambre. Mais avant, je passe par la salle de bain pour aller me laver les dents. Je suis encore habillée de ma tenue du jour. Et là, surprise, qui vois je ? Le barbu. « Te voilà toi ... je commençais à croire que tu te cachais. » Je souris. « C’est marrant, j’aurais plutôt dis que c’était toi qui te cachais. Trop honteux d’avoir dilapidé tout mon argent virtuel. » Bah quoi ? Mais ça va j’ai dis ça sur un ton léger. « Sérieusement t’aurais pu faire des efforts pour ne pas être éliminé, je te jure. » Il est terrible celui là. Je m’avance vers lui. Il mériterait bien des claques tiens. Mais bon, au lieu de ça je dépose un baiser sur sa joue. Et j’esquisse un sourire. « Alors, l’extérieur c’est comment ? »

J'allais mieux dormir cette nuit, en fin de compte. Parce que si ces quatre jours dehors m'avaient fait du bien j'avais en revanche eu un sommeil assez agité, comme si mon inconscient avait décidé de me faire ma fête maintenant qu'il savait que j'étais seul dans une chambre. Merci bien, quoi. Du coup j'étais de relativement bonne humeur là, je dirais même que j'étais de meilleure humeur que depuis bien quinze jours ou trois semaines, faut croire qu'il était vraiment temps que je m'aère un peu en dehors du nid ... Même si bon, je n'aurais pas craché contre le fait de rester en jeu une semaine de plus, on ne va pas se mentir non plus. Je pensais déjà à mon lit, là, j'avais quand même attendre qu'Amy monte se coucher pour la croiser mais je ne savais pas si je réussirais à rester éveillé suffisamment longtemps une fois affalé sur mon lit. Bah, faut croire que quelqu'un ou quelque chose là-haut m'avait entendu penser puisque quand j'avais relevé les yeux du lavabo j'étais tombé nez à nez avec le reflet de la jeune femme. « C’est marrant, j’aurais plutôt dis que c’était toi qui te cachais. Trop honteux d’avoir dilapidé tout mon argent virtuel. » J'étais resté interdit un instant, ne sachant pas trop si elle parlait sérieusement ou bien si elle plaisantait ... Je ne trouvais pas forcément ça drôle si c'était une plaisanterie, ceci dit, et visiblement ça semblait être un entre-deux. Bon, au moins elle ne semblait pas avoir décidé de faire la tête à nouveau, d'après le ton qu'elle venait d'employer « Sérieusement t’aurais pu faire des efforts pour ne pas être éliminé, je te jure. » Oui bon j'ai fait ce que j'ai pu hein, faut croire que les téléspectateurs en avaient assez de voir ma gueule enfarinée dans leur télévision finalement. Manque de bol pour eux j'étais revenu, en même temps c'était prévisible, jamais je n'avais songé à l'éventualité de ne pas revenir, ou alors il aurait fallu qu'il se passe un truc vraiment grave au bercail pour me faire quitter Hawaii. « Hey j'ai fait ce que j'ai pu, si tu crois que ça me réjouit ... » Ma phrase avait commencé sur le même ton qu'elle, j'avais même souri lorsqu'elle avait déposé un baiser sur ma joue, mais alors que je pensais à la suite de ma phrase mon sourire avait faibli, et finalement j'avais baissé la tête en rajoutant d'un ton penaud « Je voulais vraiment te le rendre, cet argent ... » Ce n'était pas des paroles en l'air, je les lui aurais vraiment rendu si j'avais réussi à conserver ma cagnotte, et j'aurais partagé le reste entre Ulysse et Danica, parce qu'égoïstement je préférais le filer à eux qu'à je ne sais quelle association fumeuse et manquant de transparence quant à ce qu'elle faisait des dons ensuite. Mais non, que dalle, Esteban s'était cassé avec dix mille euros alors qu'il était blindé de thune - il s'en était assez vanté - et Ulysse et moi avions terminé sans rien, la blague. Au moins nous avions profité de la vie extérieure, je vous le disais on se consolait comme on pouvait ... Et d'ailleurs en parlant d'extérieur « Alors, l’extérieur c’est comment ? » Est-ce que ça lui manquait à elle dehors ? Est-ce qu'elle faisait partie de ceux qui commençaient à se sentir à l'étroit ici ou bien de ceux qui aimaient l'idée de pouvoir se cacher ici encore quelques temps ? J'avais penché la tête sur le côté, et relevé les yeux vers elle « Bruyant, un peu stressant quand on autant de mal que moi avec la foule ... Mais pas entièrement déplaisant. Et puis au moins y'a le téléphone, ce qui après dix semaines sans nouvelles est tout sauf négligeable. » Inutile de vous dire que dès lundi matin j'avais fait sonner ma montre à l'aube afin d'être certain de pouvoir appeler à une heure où Alicia serait rentrée des cours, et Aurore du boulot. Et donc oui, la foule ce n'était pas trop mon truc, contrairement à ce qu'on pourrait penser ... Pas dans ce genre de grandes villes en tout cas, je pense qu'un bazar en plein Téhéran m'angoissait moins qu'une foule pressée en plein Honolulu ou en plein Paris. Je venais d'un village de montagne, je vous le rappelle.

Regardez qui voila. Maxence le retour. Et même pas qu’il vient me voir non. Il faut que je tombe de lui au détour d’un couloir. Ou là en l’occurrence en train de se brosser les dents. A croire qu’il se cachait, trop honteux d’avoir perdu tout mon fric. Bon ce n’était pas réellement mon fric, plutôt virtuel mais… Si jamais je viens à valider ma cagnotte par on ne sait quel miracle, et bien oui cela aurait été mon argent. Je lui en parle, mais bon ça va, sur un ton assez léger. Pas d’inquiétudes, on va pas faire un pas en arrière, et retourner à se faire la gueule. J’essaie d’agir avec maturité vous voyez. En tout cas, clairement le barbu aurait pu faire un peu plus d’effort pour rester dans le jeu quand même. « Hey j'ai fait ce que j'ai pu, si tu crois que ça me réjouit ... » Mais oui ça se voit sur sa tête qu’il est tout content le bougre. Non mais bonn je me doute bien qu’il doit se sentir un peu mal à ce propos. J’espère bien en fait. C’est peut être pas très gentil, mais voila. « Je voulais vraiment te le rendre, cet argent ... » Et moi je voulais vraiment l’accepter. Mais hey ça  ne se fera pas. C’est la vie. « Tu crois que si je fais les yeux doux à Teddy, elle me le rendra ? » Je dois dire que ça me tue quand même que ça soit elle qui ait récupéré une très grande partie…En ne faisant rien. Juste parce que Maxence était son partenaire. Et en plus de ça ce n’est pas comme si il tombait entre de bonnes mains. Elle est déjà blindée. A quoi ça lui servirait ? C’est comme Esteban ça qui quitte l’aventure avec 10000 boules alors qu’il n’en a pas besoin, et Ulysse et Maxence qui eux repartent avec que dalle. Alors qu’ils en auraient surement fait meilleur usage. Injustice quand tu nous tiens. Je le questionne ensuite sur l’extérieur. Forcément, nous qui sommes enfermés ici depuis des mois, on a pas la moindre idée de comment c’est dehors. Alors dès que quelqu’un en revient, on le harcèle limite de questions. J’ai déjà eu quelques echos d’anciens candidats mais c’est toujours bien d’en avoir plus. Et puis chacun vit les choses différemment. « Bruyant, un peu stressant quand on autant de mal que moi avec la foule ... Mais pas entièrement déplaisant. Et puis au moins y'a le téléphone, ce qui après dix semaines sans nouvelles est tout sauf négligeable. » Tu m’étonnes. « Les gens te reconnaissent dans la rue ? Ou t’es un parfait inconnu ? » Je pencherais plus pour la deuxième solution. Les hawains doivent n’en avoir rien à foutre de nous, non ? Je ne sais même pas si c’est diffusé ici. « Et alors, ta petite famille va bien ? » Alicia, son ex. « En tout cas, Tixy elle, va plutôt bien, compte tenu des circonstances. Elle n’a même pas eu à faire un tour dans l’océan. » Voyez comme je suis gentille. « Enfin bon, tu lui manquais un peu quand même. Elle errait comme une âme en peine. J'aurais presque eu envie de la caresser. » Presque, ne soyons pas fou. Bon, en réalité, je l'ai fais, mais chuuuuuuut. Il en faudrait pas qu'on sache que j'ai été gentille voir affectueuse avec la boule de poil. Non c'est un secret qui restera entre elle et moi. Et la production.

Ouais, ça m'agaçait un peu de voir comme c'était les riches qui s'en mettaient plein les poches, même ici. C'était pas contre Teddy en tant que personne, du tout, mais c'est certain que vu le montant de ma cagnotte j'aurais préféré que la moitié restante tombe dans les mains de quelqu'un qui avait vraiment besoin d'argent et pour qui dix mille euros de plus ou de moins ne changeait pas grand-chose ... Même moi, j'aurais bien aimé faire partie de cette catégorie de personnes qui n'avaient pas à se soucier de leur compte en banque et à faire des choix entre réparer sa voiture ou changer les tuiles du toit qui partaient en cacahuète. Bon après je ne sais pas, peut-être que Teddy avait l'intention de faire quelque chose de précis avec cet argent si elle validait sa cagnotte, c'était tout ce que je lui souhaitais ... J'espérais juste qu'elle ne s'en servirait pas pour genre, jouer en bourse, c'était un peu le risque avec une étudiante tradeuse. « Tu crois que si je fais les yeux doux à Teddy, elle me le rendra ? » J'esquisse un léger sourire. Je ne savais pas si Amy le ferait vraiment si l'occasion lui en était donnée, mais si oui cela ne ferait que renforcer le fait qu'elle semblait en avoir besoin ... Et moi cela ne ferait que me faire sentir d'autant plus fautif. J'avais haussé les épaules « Je ne sais pas si tu réussirais à faire le poids face à la plastique de Jouko, mais si tu as envie de tenter ... » Qui ne tente rien n'a rien comme on dit, mais bon. En même temps chacun voyait midi à sa porte, Teddy était aussi légitime sur sa propre cagnotte que quelqu'un d'autre, même moi il ne fallait pas croire que je n'aurais pas gardé ce fric pour moi si j'en avais eu le droit ... J'aurais pu finir de rembourser le crédit de ma voiture, et j'aurais pu en placer pas mal sur le compte qu'Aurore et moi avions ouvert à Alicia à sa naissance. Mais bon, c'est comme ça, inutile de continuer à ressasser. D'ailleurs Amy avait fini par changer de sujet, faut dire que l'extérieur ça semblait tous les intriguer un peu, alors qu'au final Ulysse et moi n'étions pas les plus calés à ce sujet en ayant été dehors seulement quatre jours, et en restant sur ce midi-état perdu au milieu du Pacifique. « Les gens te reconnaissent dans la rue ? Ou t’es un parfait inconnu ? » Je ne m'étais pas vraiment posé la question en sortant à ce sujet, à vrai dire. D'autant plus que c'était assez difficile à réaliser pour moi qui travaillais pour la télévision et la radio depuis un moment, mais qui n'avait jamais eu à en subir les mauvais effets. On connaissait le son de ma voix, à la limite, pour la voix-off de certains de mes reportages, mais c'était tout et surtout c'était bien suffisant. « Pas vraiment, enfin on est pas énormément sortis non plus ... De toute façon si il s'avère que c'est le cas, j'ai un moyen radical de redevenir un inconnu. » et disant cela j'avais attrapé le rasoir laissé abandonné sur un coin de lavabo. Enfin, certes Amy allait devoir trouver autre chose si elle avait ce souci là, mais me concernant je me débarrassais de ma barbe et je serais tranquille. Et d'ici à ce qu'elle repousse j'espérais bien être reparti en Syrie. « Et alors, ta petite famille va bien ? » Reposant le rasoir là où je l'avais pris, histoire que le propriétaire ne m'accuse pas de le lui avoir volé, j'avais acquiescé d'un signe de tête « Ça va, oui. Je m'en faisais pas trop de toute façon ... Mais ça faisait du bien d'avoir des nouvelles. » Plus pour moi que pour mes proches d'ailleurs, eux n'avaient qu'à regarder la télévision pour avoir des nouvelles, quand j'avais du attendre mon élimination. « En tout cas, Tixy elle, va plutôt bien, compte tenu des circonstances. Elle n’a même pas eu à faire un tour dans l’océan. » J'espérais bien, cette pauvre bête. « Enfin bon, tu lui manquais un peu quand même. Elle errait comme une âme en peine. J'aurais presque eu envie de la caresser. » Presque ? Et moi qui pensait qu'elles auraient le temps de devenir les meilleures amies du monde durant ces quelques jours, surtout maintenant que j'avais eu la confirmation par Danica que la bestiole avait roupillé à la place d'Ulysse. « Oh allez, ne me dis pas qu'en dix semaines tu ne t'ai pas laissé attendrir un minimum par cette boule de poils ? »