w/felice

Il y a des endroits comme celui-ci, qu’il prend la peine d’analyser un peu plus en détails presque un mois après son arrivée dans ce nid. Il est passé de nombreuses fois à côté de cette fontaine, mais il n’y a jamais prêté attention. Jusqu’à aujourd’hui, où il s’est décidé à s’en approcher un peu plus. Première constatation, c’est plutôt joli, pour une fontaine. Deuxième constatation au bout de quelques secondes : ça ne sert absolument à rien. C’est décoratif, c’est bien son seul intérêt. Ils n’ont pas d’argent ici, à quoi bon leur infliger une fontaine ? Certes, ils peuvent piocher au fond de celle-ci, mais ce n’est pas censé porter malheur ? Et même, ça ne se fait pas de voler les pièces d’autrui pour réaliser son vœu à soi. Quoi qu’il en soit, rien ne l’étonne ici, cette fontaine n’est qu’un des nombreux lieux dont il ne voit pas l’intérêt, au même titre que le placard à balai ou le musée. Le premier parce qu’il s’agit simplement d’une loveroom pour les pauvres, le second parce qu’il est parfait pour faire une overdose du petit angelot. Mais soit, l’envie d’une cigarette ne tarde pas à se faire savoir et puisqu’il n’a rien de mieux à faire que de rester ici en ce vendredi après-midi, il décide de s’asseoir au bord de la fontaine avant de sortir son paquet de sa poche. Il en retire une cigarette mais n’a pas le temps de l’allumer qu’il aperçoit Felice non loin de là, qui semble approcher. Soit elle souhaite faire un vœu, soit elle s’est donnée mission de faire sa bonne action du jour en sauvant Alistair de sa solitude et de son ennui mortel, mais il ne sait pas vraiment quelle option il préfère. « J’ai un tatouage. » Il balance, comme sorti de nulle part, sans un bonjour, ni rien, en coinçant sa cigarette entre ses lèvres. Puis il réalise qu’il peut quand même préciser le fond de sa pensée, parce qu’on ne peut pas dire qu’il soit très clair de prime abord. Il a un tatouage, bien, et ? « Je n’ai pas été très explicite au gymnase. » Il ajoute, en allumant cette fois la cigarette. C’est le moins que l’on puisse dire, il s’était contenté d’hocher très légèrement la tête à la question de la jeune femme, et compte tenu du fait qu’il n’avait pas jugé nécessaire de s’approcher d’elle pour discuter il n’a pas été particulièrement explicite dans sa réponse. D’autant plus qu’il n’avait, par la suite, pas tardé à prendre congé de sa présence pour profiter du gymnase, son principal objectif en se rendant là-bas. Parce qu’il n’avait tout simplement plus rien à lui dire et qu’il avait déjà poussé l’effort à son maximum lors de leur précédente conversation. Deux semaines plus tard, il ne sait pas si ça l’intéresse vraiment – dans quel cas il comprendrait – mais puisqu’il s’agit du seul point commun qu’il a trouvé entre eux, autant l’exploiter jusqu’au bout.

Je ne crois pas aux pouvoirs du destin et du karma ni même au fait qu'une force aux pouvoirs occultes puisse décider des moindres subtilités de nos existences. J'avais tendance à penser que rien n'arrivait jamais par hasard et que nous étions les architectes de notre propre destruction mais aussi les seuls créateurs de nos petits moments de bonheur. Pour le moment je me situais plus dans la partie des architectes de la destruction puisque les quelques moments de joie se faisaient si rares. Je l'avais peut être bien cherché en reniant une famille qui avait toujours accepté mes moindres fantasies. Je serai sûrement mariée et déjà mère si je n'avais pas décidé de me faire la malle. Peut être que j'avais loupé une vie faîte de pleins de petits bonheurs mis à la suite des autres. Je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même et pas à mon karma, ni au destin et encore moins à Dieu. Autant vous dire que cette idée de fontaine à souhait en plein milieu du nid me fait doucement rire. Lancer une pièce dans un bac d'eau pour qu'un souhait se réalise semblait ridicule et pourtant les candidats se bousculaient autour de cette fontaine pour remettte leur destin dans les mains d'un objet purement décoratif et impersonnel. Et chaque fois qu'un candidat s'approchait de cette fontaine, j'avais toujours cette même réaction : celle de lever les yeux au ciel et de soupirer. Je vous laisse donc imaginer ma surprise lorsque je vois Alistair s'approcher de cette maudite fontaine. Les gens qui croient au destin sont souvent les plus optimistes de nous tous, c'est pourquoi c'était bien la dernière que j'imaginais venir jeter sa pièce au fond de la fontaine pour qu'un heureux événements se profilent à l'horizon. Peut être qu'il envoit de signaux contradictoires ou alors je me trouve complètement dans le faux mais j'ai besoin d'en avoir le coeur net. Assise depuis un long moment dans l'herbe tendre avec un bouquin pour seule compagnie je décide de me relever pour savoor ce qu'il fabrique bien autour de cette fontaine. Il relève la tête lorsqu'il me voit m'approcher de lui lorsqu'enfin je suis à sa hauteur il m'accueille avec un surprenant « J'ai un tatouage » en guise de bonjour. Il doit sûrement vouloir répondre avec de vrais mots à la question que je lui ai posé il y a plus de deux semaines de cela. Il s'était juste contenter d'un simple hochement de tête, sa réponse m'avait suffit amplement la dernière fois. Que répondre à cela ? Des banalités de tatoueuse avide de curiosité pour savoir où se trouvait ce tatouage et surtout s'il signifiait quelque chose pour lui ? Je doutais qu'il soit très coopératif sur ce point-là alors il valait mieux pour moi que je ne me heurte pas à un mur. « Et tu comptes en avoir d'autres ou ne te contenter d'en avoir qu'un seul parce que tu as peur de finir comme moi ? » . Je lui demande le plus sérieusement du monde sans aucune note de plaisanterie dans ma voix. Avoir très peu de tatouages protégeait de l'effet « bête de foire » auquel je devais parfois faire face. Toutes ces questions incessantes, ces coup d'oeil plus ou moins discrets et ces jugements parfois trop hâtifs qui faisaient désormais parti de ma vie. « Hm ... mieux vaut tard que jamais » j'ajoute lorsqu'il confesse ne pas avoir été assez explicite la dernière fois au gymnase. Mais là n'était pas la raison de ma présence ici, j'étais venu avec une petite idée derrière la tête. « Tu comptais faire un voeux dans cette fontaine ou je me trompe ? » . C'était tout bonnement impossible de m'imaginer Alistair faire un voeux en jetant un pièce dans une fontaine, en voyant une étoile filante ou en soufflant ses bougies. Le simple fait d'y penser m'arracha un minuscule sourire que je m'empressais de ravaler.

Cette petite once de curiosité envers la fontaine est bien vite calmée quand il réalise qu’elle n’a absolument rien de spécial. Il s’en doutait déjà, mais il a maintenant confirmation. Il ne compte pas s’éterniser ici – juste le temps de fumer sa cigarette tranquillement assis sur le rebord de la fontaine – ni même faire de cet endroit un lieu de visites régulières. S’il croyait un peu au hasard et à la chance, peut-être qu’il viendrait plus souvent pour y faire un vœu, mais comme il n’est pas du genre à en faire, il n’y a donc aucune raison pour qu’il revienne ici dans l’immédiat. Même sans être superstitieux, il pourrait s’y essayer tout de même, ramasser une pièce et faire un vœu, juste pour la beauté du geste. Mais comme sa chance a sérieusement tendance à le fuir – excepté à la roulette, il l’aime bien cette roulette – il va se passer d’un tel acte. Si lui ne compte pas utiliser cette fontaine pour ce qu’elle est, peut-être que Felice le souhaite, puisqu’elle vient en sa direction. La seule chose qu’il parvient à lui dire est qu’il a un tatouage, cela tombe un peu comme un cheveu dans la soupe, mais soit, il n’est pas connu pour être le mec le plus normal et logique du coin. Heureusement pour lui qu’elle comprend assez rapidement de quoi il parle et qu’elle continue sur le même sujet. « Un seul me suffit. » Ouais, enfin, c’est la réponse de facilité ça, il s’en rend bien compte et ne tarde donc pas à développer le fond de sa pensée. « Je n’ai pas peur de finir comme toi, simplement ce n’est pas prévu dans l’immédiat. » Il ajoute. Ce n’est pas l’envie qui lui manque à vrai dire, mais plutôt les moyens financiers. Il ne peut pas se permettre de dépenser de l’argent, même une maigre somme, dans des futilités ainsi alors qu’il a encore des dettes. Ce n’est pas pour rien qu’il n’a pas un logement à lui, il fait l’économie d’un loyer. « J’aime bien, moi. » Il finit par déclarer, un peu maladroit, parce qu’il n’est spécialement doué dans l’art de complimenter les autres. Elle n’a pas à s’inquiéter, même si elle est bien plus tatouée que la moyenne, ça reste agréable à l’œil. Durant les castings, il a croisé un type qui s’est fait tatouer chaque parcelle de peau de son corps pour ressembler à un squelette, elle a donc encore de la marge avant de faire peur. Il précise ensuite qu’il n’a pas été très explicite lors de leur rencontre au gymnase, c’est une façon plus ou moins détournée de s’excuser de son manque de conversation. Maintenant, il essaie de répondre par des mots. Enfin, la plupart du temps puisqu’il se contente de hausser les épaules quand elle déclare que mieux vaut tard que jamais. Ça, il l’a bien compris sans quoi il n’aurait peut-être pas pris la peine de reconnaître à voix haute qu’il a un tatouage. La prochaine réflexion de sa camarade a le don de l’étonner, il pensait que la situation était assez claire compte tenu de sa position. Assis sur le rebord de cette fontaine, clope au bec, il n’apparait pas comme le candidat idéal pour faire un vœu. « Tu te trompes. Ce n’est pas mon truc. » Il précise. S’il est venu jusqu’à cette fontaine, c’est simplement par curiosité et non pas par envie de faire un vœu, il ne croit pas à cette forme de hasard et ça n’est pas prêt de changer. « Elle me sert juste de banc. » Il se sent forcé de préciser. Certes, il y a des endroits bien plus confortables, mais puisqu’il ne s’agit que d’un arrêt de quelques minutes avant de repartir vaquer à ses occupations ailleurs, il n’a pas jugé nécessaire de chercher une place confortable. « Mais si tu souhaites en faire un, je te laisse tranquille. » Même si le vœu n’est pas censé être dévoilé à voix haute, il ne voudrait pas imposer sa présence si elle souhaite le réaliser dans la plus grande tranquillité, compte tenu de l’aspect plutôt personnel de la chose. Il est même déjà sur le départ, il a de la peine à imaginer qu’elle puisse simplement être venue pour lui taper la causette, il est presque certain qu’elle veut faire un vœu mais qu’elle n’ose pas le dire. Enfin, vu son talent pour décrypter ce qu’il se passe dans l’esprit des gens, il y a de fortes chances pour qu’il soit complètement à côté de la plaque. Libre à elle de rectifier la chose ou non.

Ma lecture étant plus qu'insipide, je n'avais aucun mal à me laisser facilement distraire par tout ce qui m'entoure. Je ne sais même pas pourquoi je m'acharne à continuer à lire un livre aussi peu captivant C'est un après-midi calme, bien trop calme à mon goût  puisque je ne peux pas masquer mon ennui. Après une inspection en détail des moindres recoins du jardin, des fleurs jusqu’aux moindre brins d'herbe, je m'attaquais désormais à la fontaine. Cet objet n'avait pas une grande importance à mes yeux puisque je ne croyais pas aux pouvoirs du hasard et de la chance. Je laissais ça aux quelques rêveurs de l'aventure qui avaient encore espoir qu'une simple pièce au fond d'une fontaine pouvait tout changer. J'aimerai bien me montrer aussi optimiste que certains candidats et laisser à cette pièce le pouvoir de faire mon bonheur mais c'était tout bonnement impossible, pas après tout ce que j'avais fait. Les yeux toujours rivés sur cette fontaine je remarque immédiatement qu'Alistair s'en approche dangereusement ce qui ne manque pas de me surprendre. Lui faire un vœux ? J'ai du mal à y croire. Alors pour m'assurer du contraire et surtout pour me sortir de mon ennui je décide d'aller interroger l’intéressé. Celui ci m'interpelle en répondant à la question que je lui ai posé il y a deux semaines. Il était temps, j'ai envie de dire. Au moins il évite de me balancer des banalités du genre « ça va ? » pour engager la conversation. Il a un tatouage et ça lui suffit amplement. J'étais pareil au début après mon tout premier tatouage et puis tout le monde peut voir où toute cette histoire m'a mené. « Je parie qu'il est sur ton bras ». J'avais un minimum d'expériences pour savoir que les premiers tatouages des hommes se faisaient souvent sur le bras. Pour les femmes c'était vraiment différent. « Ne le montre pas, surtout si c'est pas sur le bras, j'ai déjà eu des incidents diplomatiques avec cette question ».  Une soirée trop arrosée, cette question sur le tapis posée à une connaissance et voilà qu'elle m'avait montré son premier tatouage à un endroit que je n'étais pas censée voir de prime abord. Heureusement ce n'était que sa poitrine mais maintenant je préférai prévenir avant de me faire avoir une nouvelle fois. Même si j'étais sûre à 100% qu'il ne montrerait pas son tatouage, alors je n'avais rien à craindre. J'hoche la tête lorsqu'il me dit que ce n'est pas prévu dans l'immédiat. Il n'avait peut être pas d'idée pour le moment. Un tatouage réfléchi valait mieux qu'une décision prise sur un coup de tête. Tous mes tatouages avaient une signification même si elle n'était pas toujours très explicite. Les tatouages ne faisaient pas l'unanimité mais lui ne faisait pas parti des nombreux détracteurs de la profession. « Hm, merci ». Je décide de lui répondre, ça devait sûrement lui demander un effort surhumain de faire un compliment alors autant ne pas l'ignorer et me contente d'hocher bêtement la tête comme je le fais à chaque fois. Pourtant, je n'oublis pas la raison de ma présence ici et n'ai aucune gêne à lui demander s'il compte faire un vœu. Ce n'est pas le cas, il se sert de la fontaine comme banc. « C'est ce qu'ils disent tous ». Je lui réponds même si je suis prête à lui croire sur parole. J'avais raison en pensant qu'il n'était pas du genre à laisser la chance le guider. Par contre, lui semble convaincu que je m'apprête à jeter une pièce au fond de cette stupide fontaine. « Sur ce coup-là tu te trompes aussi ». Je n'avais pas besoin d'un vœu pour me sentir en confiance, je préférai provoquer ma propre chance. « C'est nul cette histoire de fontaine » me lamentais-je en regardant fixement l'objet du délit faute de pouvoir soutenir le regard de mon camarade.      

Il répond un peu tard à sa question – quoi qu’il avait déjà répondu à sa façon dans le gymnase – mais mieux vaut tard que jamais, comme elle le dit elle-même. Et puis, même si cela peut être vexant pour certains d’obtenir une réponse quand ils ont déjà oublié la question, venant d’Alistair c’est une sorte de compliment. Il s’intéresse suffisamment pour prendre le temps de revenir sur le sujet. Prendre le temps, c’est le cas de le dire. Mais lui ne se formalise pas de ce léger retard, puisqu’apparemment Felice parvient tout de même à lancer la conversation là-dessus, en venant même à parier sur quelle partie de son corps ce fameux tatouage se trouve. Et force de constater que ça la connait, puisqu’elle mise juste. Il hoche la tête un bref instant avant de donner une réponse un peu plus précise. « Avant-bras gauche. » Au cas où ça l’intéresserait, mais il n’en est pas vraiment sûr. Au pire, cette précision l’aide simplement à atteindre son quota de mots par jour. Par la suite, il esquisse un très bref sourire à la réflexion de Felice. Des incidents diplomatiques, vraiment ? « J’en avais pas l’intention. » Il déclare, sans froideur dans sa voix contrairement à ce que la phrase pourrait laisser penser. Il voit où elle veut en venir en parlant d’incidents, il a un peu de peine à imaginer qu’on puisse montrer un tatouage placé à un endroit intime simplement pour le plaisir de le montrer, au détriment de son intimité. Déjà que lui n’a pas la moindre intention de relever sa chemise pour lui le faire découvrir, ce genre de comportement le dépasse vraiment. M’enfin, qu’elle soit rassurée, même s’il lui vient soudainement en tête, un jour ou l’autre, de lui le montrer, elle s’en remettra. Un seul tatouage lui suffit donc amplement, même s’il ne verrait pas d’inconvénient à agrandir sa collection. Ce n’est pas possible dans l’immédiat, mais qui sait, d’ici quelques temps, c’est une option envisageable. Il n’a pas peur de finir comme elle, cette réflexion l’étonne par ailleurs. Peut-être est-ce parce qu’il est relativement bon public et qu’il lui en faut beaucoup pour être dérangé par une quelconque apparence physique qui peut sembler disgracieuse, comme un corps tatoué. Comme il le lui avoue, il aime bien ça, lui, ça ne le dérange pas, et même si son avis est sans importance, il le précise pour lui faire comprendre que ses tatouages n’ont rien de dérangeants. Il se contente de pincer les lèvres quand elle répond à son compliment, il a toujours peur que ceux-ci soient mal perçus, raison pour laquelle il évite. Il est quelque peu soulagé quand la conversation dérive sur sa présence ici. Il n’y a cependant pas besoin de chercher une véritable raison quant à celle-ci, il s’agit simplement d’un arrêt de courte durée durant lequel il utilise la fontaine comme banc. C’est ce qu’ils disent tous, parait-il. Comme il n’en sait rien, il hausse simplement les épaules. C’est possible, oui. Il n’a jamais croisé personne ici avant Felice, il ne sait pas si cette fontaine est effectivement utilisée comme banc ou non. Lui n’a donc aucune intention de faire un vœu, mais peut-être que Felice si et si c’est le cas, il ne la dérangera pas plus longtemps. Sauf qu’il se trompe à son tour. Ce qui veut dire qu’elle s’est déplacée pour lui parler, même si c’est simplement par curiosité quant à sa présence ici. Elle déclare que c’est nul, cette histoire de fontaine. « Je suis bien d’accord. » Ce n’est pas pire que le placard à balais, mais elle n’a pas l’air d’évoquer l’inutilité flagrante de cette fontaine. Plutôt son absence de pouvoir sur le hasard. Du moins, il l’interprète ainsi, mais il n’est pas doué pour décrypter les pensées des autres. « Mais si tu avais un seul vœu à réaliser, ce serait lequel ? » Il demande un peu par hasard parce que le lieu se prête à ce genre de questions. Même si elle n’a pas l’air de croire à cette forme de hasard, elle doit bien avoir un souhait, bien enfoui en elle ? Ou peut-être que justement, c’est trop personnel pour qu’elle le lui révèle. Ce qu’il serait parfaitement en mesure de comprendre.  

Spoiler:

Il me laisse à peine le temps d'arriver à sa hauteur qu'il m'apostrophe sur son tatouage. Son unique tatouage. Le tout premier, celui qui garde une grande valeur sentimentale  et la plus grosse signification. Le tout premier tatouage a été réfléchit pendant des mois et des mois et parfois pendant des années. On le garde et on le regarde précieusement. Et puis finalement, on se dit qu'il est terriblement seul et qu'il a besoin de compagnie pour raconter une histoire, sa propre histoire. Bientôt on se sert de notre corps pour exprimer son identité, pour mettre en forme son histoire comme lorsque qu'un auteur écrit son autobiographie. Les tatouages s'accumulent comme un témoignage du temps qui passe, des changements qui nous ont bouleversé toutes ces années.  Alistair n'en est pas encore à ce point là. Il arbore un seul et unique tatouage. Sur l'avant-bras gauche. Ma supposition se révèle être bonne. Les statistiques ne mentent pas, ou alors très peu. « Mon tout premier est sur le bras aussi. Classique.» . Même si pour un tout premier tatouage féminin, plusieurs possibilités étaient plébiscitées. Le bras, la cheville, le bas du dos, les côtes. Les filles préféraient un premier tatouage discret soigneusement cultivé comme un jardin secret alors que les hommes aimaient quand on pouvait voir l'objet en question. Le bras était donc la meilleure option. Pourtant certains avaient des idées plus qu'incongrues pour un premier tatouage et j'en avais fait les frais un jour. Depuis je ne demandais plus jamais à ce qu'une personne me montre ses tatouages sans que je sois informée de sa position sur son corps.  Je préfère prévenir Alistair que je ne tiens pas à le voir même si je sais parfaitement qu'il ne le montrera pas.   « Tant mieux je ne veux pas le voir ». Je lui réponds, mes lèvres se relevant en un bien maigre sourire. Un premier tatouage reste un premier tatouage, quelque chose de terriblement personnel. Je ne tenais même pas à en parler et à le montrer moi-même. « Je ne montre jamais à personne mon premier tatouage, alors je comprends ». Je pouvais passer de très longues minutes à parler de mes autres tatouages et de ce qu'ils représentent pour moi, mais pour le premier c'était silence radio.  J'éludais rapidement cette question de la façon la plus élégante possible. J'étais bien heureuse qu'il soit maintenant noyé au milieu des autres tatouages qui ornent ma peau. On le remarquait moins et les questions se faisaient plus rares à son sujet. Ce tatouage c'était tout ce que j'avais laissé derrière moi, un passé qu'il m'arrivait de regretter et une famille dont je n'avais aucune nouvelle. Un dessin riche en symbolique et c'est de loin le plus personnel. Sa réserve quant à cette éventualité, je la comprenais plus qu'il ne pouvait imaginer. Les tatouages, lui, il avait l'air de plutôt apprécier ou en tout cas ça ne le dérangeait pas plus que ça. De toute façon il n'avait pas d'autres choix que de supporter leur présence, personne ne l'avait à vrai dire. Je lançais alors sur le tapis une conversation sur la raison de sa présence ici. Il m'informa qu'il n'était pas venu ici pour faire un vœu. Moi non plus à vrai dire. J'étais venue pour lui parler parce que ma curiosité m'avait poussé à aller vers lui pour lui demander ce qu'il pouvait faire à cet endroit lui donnais l'impression de ne pas croire aux forces mystiques du hasard et du destin. Ni lui, ni moi n'étions venus pour jeter sa pièce au fond de la fontaine et pourtant c'est lui qui me demanda le premier quel seul et unique vœu je souhaiterai formuler. « Retrouver quelqu'un qui n'est plus de ce monde » Sans hésiter. Revoir mon petit Jacob qui était resté vivre avec toute notre famille, sagement. Nous n'étions plus du même monde et même s'il n'était pas mort la distance qui semblait nous séparer était plus douloureuse que celle qui nous éloigne d'un proche défunt. « Cette personne n'est pas morte, elle  a juste disparue de mon monde ». Je préfère rectifier avant d'entendre une formule de politesse pour me présenter des condoléances. Pour cette tâche la fontaine ne me saura d'aucune utilité. « Et toi ? Tu as le droit de prendre deux semaines pour me répondre, je serai patiente. ». Je lui retourne la question m'attendant à ce qu'il reste aussi vague  que moi sur la question.