Franchement, j'ai du mal à croire à la plupart des trucs que j'apprends ce soir. Déjà Eryk, je me doutais qu'il avait pas inventé l'eau chaude, mais alors là. Il me sort que je dois penser que je me suis éprise d'un gros con. « Ouais, un peu. » C'est lui qui l'a dit, hein, et puis je vois pas pourquoi je mentirais, autant être franche envers lui. Bon, pour ce qui est du secret de Mallaury et Anna, du coup, moi je sais pas comment je réagirais, franchement. Eryk casserait la gueule au père, j'y ai pensé aussi mais je doute d'avoir assez de force, même sans être une petite brindille qu'on brise facilement, je suis pas non plus aussi musclé que le grand nigaud à côté de moi. Mais en fait, je pourrais même pas me mettre à leur place moi non plus, c'est vrai. J’acquiesce d'un simple signe de tête alors qu'Eryk nous demande si on pense qu'Adnan mettait des chaussettes dans son caleçon ou s'il avait un prothèse. Je hoche la tête d'un air désespéré mais amusé tout de même, parce qu'il est vraiment con mais je pose aussi la question maintenant. Il remarque aussi que c'est dingue ce que peux faire la chirurgie, il trouve Adnan plus beau que lui. « Bon, t'as fini tes conneries ? » En Jessica ça veut dire : ta gueule, tu m'empêches de suivre ! Alors bon, maintenant qu'il parle plus, j'écoute les secrets des autres. Je me dis que c'est pas possible tout ça, qu'une gosse pense qu'elle vient d'une autre planète. Y a des gens ils sont vraiment fous au point de faire croire à des gosses ce genre de conneries. Heureusement que mes parents étaient pas comme ça, putain. En fait, j'ai eu tellement de chance de vivre entre un connard de chasseur de tête lâche au possible et une danseuse ratée et malade comme un chien qui m'aura refilé sa tare. Et là, c'est le secret de Paloma. Je suis une pétasse, j'ai été tellement méchante avec cette fille, et l'autre jour dans les toilettes. Non mais je suis une vraie pétasse de première. Je me sens fondre dans mon siège. Je jette un coup d'oeil tout timide dans sa direction. Je sens les larmes monter, je me sens con. Eryk qui lui prend la main. Je pourrais continuer de faire ma mauvaise tête et mal le prendre, faire la jalouse comme d'habitude, mais je comprends tellement. Tellement que je bouge mes fesses de saleté pour aller la prendre mes bras. « Oh la la, mais je suis tellement, tellement désolée, si tu savais. » Et c'est pas de la mauvaise foi pour faire genre, pour l'avant dernier prime, parce qu'il y a plein de secrets émouvants et qu'il faut en finir avec cette guéguerre débile que je nous ai imposée. Bon, en vérité, j'ai envie de prendre tout le monde dans mes bras, mais une pour l'instant, ça suffira. En plus je pleure à moitié, purée, voilà, merci Paloma. Bientôt Cupidon dévoile la liste des secrets. Finalement, je regrette un peu de pas avoir parlé du mien. Mais qu'est-ce que j'aurais pu dire ? Ma mère était malade, un truc génétique, le même truc que la nana dans Dr House, et que j'ai aussi, elle l'a dit un jour à mon père, il l'a quittée, je me suis retrouvée ballottée entre eux et puis ma mère a plus pu s'occuper de moi, je suis allée chez l'autre, qui en avait rien à foutre non plus. Il m'a jamais rien dit. Il me parlait pas. Je crois même qu'il m'a jamais aimé, mais on a le même sang alors il me tolère. Pour en revenir à ma mère. Elle est morte seule, comme tout le monde. Je crèverai seule, mais pas dans un hospice, non. Je veux surtout pas attendre que la maladie m'attrape, je veux pas perdre la tête, je veux pas dépendre de quelqu'un, je veux pas être un poids, je veux vivre un tas de choses, et en éviter beaucoup d'autres, comme l'amour, la maternité, une amitié un peu trop forte parce que je veux pas mourir et entraîner le chagrin et les pleures derrière moi. Je veux pas créer de vide mais je veux m'en aller la tête remplie de belles choses, en ayant connu plein de gens, visités plein d'endroits géniaux. Je sais déjà à peu près comment je veux mourir, quelle robe je porterais ce jour-là. J'ai déjà tout prévu. Parce que je veux pas me faire prendre au piège, je veux décider de la fin, de ma fin, même si le suicide, quelque part, c'est très lâche. Et en vrai, je suis sûre que quand ça arrivera, je serais soit déjà trop malade pour réussir à en finir, soit encore trop lâche pour vraiment le faire. Ok, faut plus y penser parce que je vais pleurer toute seule avec la petite voix dans ma tête, j'ai pas envie d'être encore plus pitoyable que je ne le suis déjà. Voici venu le temps des éliminations, et non pas des cathédrales. Pia, dixième ; Felice, neuvième, et bah, je l'aurais pas cru ; Gaëtane, qualifiée, comme je suis contente pour elle ; moi, huitième, prévisible mais même pas si décevant que ça. La jalousie, ça mène un rien de bon, j'aurais dû le savoir pourtant, depuis le temps. Mais bref. J'adresse un grand sourire à Andreja qui se qualifie aussi, un peu grâce à moi, hein, parce que sans moi, pas de Serbe cette saison, et pas de Serbe cette saison, pas de chance qu'il se qualifie. Alors on dit merci qui ? Merci Jessie ! Clémentine, septième ; Paloma se qualifie. C'était obligé. Et je suis étrangement contente pour elle aussi. Adnan, sixième. Et c'est finalement Alistair qui atteint la finale. Pauvre Aaron, mais c'est comme ça. Puis je pense qu'à ce stade de l'aventure, personne ne devrait être trop déçu de son parcours. « Bon, voilà. » Je dis tout simplement en haussant les épaules.