you don't find hope at the bottom of a bottle
ft. Lou & Andreja

Il ne savait pas trop comment au juste son besoin d'air s'était subitement transformé en besoin de boire, mais en tout cas une chose était certaine, il avait quitté le plateau du prime en prétextant à Pia et Tilda avoir besoin d'air et ce n'était pourtant pas vers le jardin qu'il s'était dirigé. Il était lourd de sens, ce prime, pas seulement pour lui mais de manière générale, parce que cela faisait beaucoup d'émotions et beaucoup de secrets révélés, et parce que, peut-être, la fatigue accumulée ces onze dernières semaines l'empêchait de prendre le recul nécessaire sur les histoires des uns et des autres. Peut-être aussi que c'était un mécanisme inconscient de défense, penser aux secrets des autres plutôt que de ressasser le sien. Quant au sourire qui s'était dessiné au coin de ses lèvres, un sourire dont on ne saurait vraiment dire s'il était triste, amer, soulagé, ou simplement marque de sincérité, il était en tout cas adressé à Lou, tandis que descendant les escaliers menant à la cave Andreja était tombé sur le marin sans même s'en étonner « Je voir on a la même idée de génie. » L'idée de terminer cette soirée de prime en beauté en se saoulant au premier truc qui passerait à leur portée, comme un pied de nez à la promesse qu'ils s'étaient faite et qui dieu merci venait d'arriver à son terme. Il n'était pas surpris de trouver Lou ici à vrai dire, ce qui expliquait qu'arrivant en bas des marches il avait levé les deux verres qu'il tenait dans une de ses mains en prétextant « Pour faire croire on être des alcooliques avec des bonnes manières. » Ironie. Avançant à pas lents, le slave était venu s'asseoir à côté de Lou en soupirant légèrement, d'un air las. Qu'on ne s'y trompe pas, il était agréablement surpris de sa place en finale, même s'il ne l'attendait pas et avait encore un peu de mal à réaliser qu'il venait de valider sa cagnotte, mais ce soir il était trop fatigué pour y songer. Lentement il avait posé les yeux sur Lou ; Y'avait quelque chose qu'il voulait lui dire, mais il n'osait pas. Il ne savait pas vraiment comment, et en attendant de trouver il restait silencieux.

Avouer que je n’avais jamais eu de fille, avait été éprouvant. J’aurai préféré rester dans le déni, me remémorer des images crées de toute pièce de moi tenant Cecilia dans mes bras, ou de son premier mot, ses premiers pas, son premier sourire, ou encore nos visioconférences alors que j’étais à l’autre bout du monde. Mais ce n’était pas possible. Je ne pouvais pas continuer comme ça, je ne pouvais pas rester dans le mensonge. Il fallait que j’admette une bonne fois pour toute que je n’avais pas d’enfant, et que c’était en parti de ma faute. Mais ce n’était pas facile. Loin de là. Et c’était bien pour ça que je me retrouvais là, dans la cave, un verre à la main. Après tout j’avais le droit de boire maintenant. Nos secrets étaient révélés, et le pacte scellé avec Andreja n’avait donc plus lieu d’être. Ce même Andreja qui semble d’ailleurs avoir eu la même idée que moi. Je souris tristement à sa remarque. Idée de génie, idée de génie… J’en doutais fortement. Parce que au final, ça me permettrait de soulager ma peine le temps d’une soirée, mais certainement pas le temps d’une vie. Et c’était pareil pour le serbe. «  On reste des alcooliques. » Je dis avec un léger sourire en coin alors que je remplie les deux verres pour lui en tendre un. Je regarde le liquide un instant, silencieux. Voilà à quoi j’en étais réduit, à boire pour oublier. Admettre que ma fille n’avait jamais existé ne m’avait en rien soulagé, contrairement à ce que je croyais en m’inscrivant ici. C’était encore pire, à vrai dire. J’avais l’impression que tout s’effondrait autour de moi. Je n’avais pas de fille, pas de Cecilia. Je secoue doucement la tête pour essayer d’oublier ça, levant mon verre pour trinquer. «  À notre mois d’abstinence, à notre aventure ! » je finis par dire avant de boire cul sec. «  Félicitations pour la finale. » je rajoute alors que j’observe le verre vide. Pourquoi est-ce qu’i était vide, ce verre ? « Je connais de très bons avocats, tu sais. Les meilleurs. » Avant d’être marin, j’avais fait des études de droit en France, avec l’élite. Et bien évidemment, j’avais beaucoup de contact. « Suffit que tu demandes et je passe deux trois coups de fils pour t’arranger ça. » Pas arranger sa situation, je ne pensais pas en être capable, mais lui trouver un bon avocat qui se donnerait corps et âmes pour l’affaire de Andreja.

Cela prouvait sans doute quelque chose, le fait que dès cette "trêve" terminée le premier réflexe d'Andreja avait été, avant toute autre chose, de décider de renouer avec ses vieux démons. Mais il était comme ça, le slave, son penchant pour la picole était assurément l'un de ses principaux défauts et se calmer là-dessus ne lui ferait sans doute pas de mal ... Mais pas ce soir. Ce soir il n'avait pas envie d'être raisonnable, il n'avait pas envie d'ajouter à son malaise le fait de se priver de quelque chose, et il était prêt à mettre sa main à couper que Lou était fait dans le même moule que lui, sur ce point-là au moins. Alors il n'avait pas vraiment été surpris, de le trouver là, et les deux verres qu'il tenait à la main n'en étaient qu'une preuve. « On reste des alcooliques. » Un mince sourire, teinté d'amertume, était venu se dessiner sur les lèvres d'Andreja qui pourtant sans rien dire était venu s'asseoir à côté de Lou, lui tendant les deux verres vides pour qu'il s'occupe de les remplir. Il pensait toujours un peu à son père, dans ces moments-là, parce que si la consommation d'alcool d'Andreja n'était pas raisonnable cela n'avait rien à voir avec celle du paternel depuis qu'il s'était exilé en Serbie. Ruiné, seul, et pleurant la mort de trois de ses quatre enfants ; Il en avait, des raisons de boire. « À notre mois d’abstinence, à notre aventure ! » Ils trinquent, et terminent leur verre en un temps record, déraisonnable. « Félicitations pour la finale. » Andreja avait eu un temps d'arrêt, un court instant où il avait été tenté de froncé les sourcils parce que lui même ne s'était pas attendu à ce résultat et attendant encore qu'Alix vienne lui dire que c'était un blague et qu'il avait confondu son nom avec celui de Felice. « Oh, heu ... oui, merci. » Il avait essayé, tant bien que mal, de donner un peu plus de vigueur à son sourire. Il ne voulait pas avoir l'air d'un ingrat, mécontent de son sort, parce qu'il n'en était rien. Il était surpris mais il restait un compétiteur, il préférait logiquement la victoire à la défaite. Faisant tourner un instant son verre vide entre ses doigts, l'air pensif, il avait relevé la tête lorsque Lou à nouveau avait brisé le silence pour lui proposer « Je connais de très bons avocats, tu sais. Les meilleurs. Suffit que tu demandes et je passe deux trois coups de fils pour t’arranger ça. » Un léger rire, triste, s'était échappé des lèvres du slave avant qu'un soupir triste ne vienne l'y remplacer. Se saisissant de la bouteille il en avait rempli son verre avant de la rendre à Lou, et après une longue gorgée il s'était décidé à répondre « Ça pas être un avocat, que j'ai besoin. Plutôt un miracle. » Et puis il en avait vu défiler, des avocats. Même des qui s'étaient contenté d'une misère parce que les retombées d'un procès aussi médiatisé que l'avait été le sien valaient toutes les honoraires du monde. Et sa famille avait largement les moyens de lui trouver de bons avocats, le cas échéant, il évitait de le faire remarquer parce qu'il voulait jouer au gars indépendant mais malgré la ruine de son père, le train de vie de sa mère et de son beau-père était à l'opposé de la misère. « Et puis, même le meilleur avocat il pas changer ce que j'ai fait. » Ou pas fait, parce qu'il ne savait pas de quoi il fallait se sentir le plus coupable, d'avoir fait partie si longtemps d'un groupe dont il n'ignorait pas les mauvaises intentions, ou de n'avoir rien fait pour empêcher d'un assassinat dont il savait qu'il allait avoir lieu. « Mais c'est gentil. Merci. » Parce qu'il n'était tout de même pas obligé de proposer, et que tout le monde ne l'aurait pas fait. Ça lui mettait un peu de baume au cœur, au serbe, de voir que Lou voyait cela comme l'aider lui, Andreja, plutôt que comme aider un terroriste. Il était mérité, ce mot, mais il faisait tellement mal aussi, aussi mal que de s'avouer qu'il n'avait que ce qu'il méritait. Gardant à nouveau le silence un instant, hésitant, le blond avait fini par relever les yeux vers son acolyte pour murmurer « Je suis désolé. » Il n'était pas fier de lui, non, mais comme cela remontait à un moment et que Lou ne voyait sans doute pas très bien à quoi il faisait référence il s'était vu obliger de rajouter « Les premiers jours, ici, quand je te dire plus tard ta fille elle t'en vouloir que tu jamais être là. Je sais je pas pouvoir savoir, mais ... quand même, je suis désolé. » Ils avaient peut-être bu à ce moment-là, mais pas encore assez pour ne pas s'en rappeler, et il se sentait un peu honteux maintenant, en réalisant comme sa phrase avait du faire du mal au marin, sans qu'il le sache. Et c'était bien la dernière chose qu'il voulait pourtant, faire du mal à Lou. « Je crois au début je être jaloux, un peu. » Il avouait cela d'un ton incertain, un peu honteux, et en effet il n'y avait pas de quoi être fier. « Parce que tu aller partout où tu veux, tu rien demander à personne ... tu es libre. » Pas comme lui. Lui ne pouvait plus aller nul part, maintenant, il ne pouvait même plus quitter la ville sans être accompagné. Et c'était pesant, d'avoir toujours quelqu'un sur le dos, de savoir qu'Emil l'attendrait à la sortie du nid peut-être comme un ami mais surtout comme le chaperon qu'il était, veillant à ce qu'il ne lui prenne pas l'envie de s'évaporer en pleine nature. C'était tentant, parfois. Mais il avait bien compris maintenant, que si Lou avait sa liberté il portait aussi sur ses épaules de quoi le rendre morose ... il n'avait pas la vie rêvée qu'Andreja lui avait jalousé au départ.