@Sayid

Quatre heures viennent de sonner et puisque je n'ai pas assez faim pour grignoter, je décide plutôt d'aller me balader. Peut-être que ça m'ouvrira l'appétit, ou que ça me donnera soif. Quoi que je n'ai pas forcément besoin d'avoir soif pour boire, ni faim pour manger. M'enfin c'est quand même mieux. Je prends la direction du mini-golf sans même savoir si j'ai envie d'en faire une partie. C'est peut-être un des sports que j'apprécie le moins au monde, n'en ayant jamais vraiment compris l'intérêt, et n'y ayant jamais été doué de toute façon. Le truc c'est que j'ai déjà couru ce matin, je me suis même dépensé sur les machines et je n'ai pas de partenaire avec qui disputer un passionnant match de tennis amateur. Je vais donc devoir me contenter du golf, mais c'est déjà mieux que rien. J'emporte un bon stock de balles, un caddie avec tous les clubs rangé bien comme il faut dedans mais je serais presque incapable de distinguer le fer 7 du fer 9. Enfin ce n'est pas comme si ça avait une importance capitale à ma partie en solitaire. Je doute que de nombreux experts en golf regardent le programme, ou que cette séquence particulièrement chiante soit diffusée de toute façon. Je commence donc tranquillement le parcours. Je rate presque tous mes coups mais je fais comme si de rien n'était et je continue, jusqu'à arriver à un trou dans lequel je parviens à faire rentrer une balle. Alors que je me sens plein de fierté je remarque la présence d'un candidat. Malgré ma vue qui baisse avec le temps, je parviens à reconnaître Sayid. « Eh bah, mon vieux, comment ça va ? » Je demande en arborant un grand sourire pour mieux l'amadouer -puis pour faire comme si je l'avais pas traité de vieux, mais c'est quand même le deuxième plus âgé après moi je crois bien. Et si j'étais parti Dimanche soir il aurait eu la chance de prendre la place de doyen, ce qui est évidement un grand honneur et beaucoup de responsabilité -j'exagère à peine. « On se fait une partie tous les deux ? Ou t'as trop peur que je te mette la pâté ? » Là je compte sur le fait qu'il ne suit pas ma progression depuis que je suis arrivé et qu'il n'ait vu que mon dernier shot, sinon je peux dire adieu à toute crédibilité.

A priori, comme ça, le mini-golf n'était pas une activité qui lui faisait excessivement envie, et d'ailleurs lorsqu'il était sorti prendre l'air ce matin l'idée de passer par là ne lui avait même pas effleuré l'esprit tandis que ses pas l'avaient guidé sans vraie raison jusqu'au terrain de tennis ... où finalement il ne s'était pas montré beaucoup plus utile, le tennis était pour des raisons évidentes banni des activités qu'il était dans la capacité de tester. Pour le mini-golf en revanche ce n'était absolument pas une question de capacités, qui sait peut-être même que cela pouvait avoir du bon, faire travailler son équilibre et son obligation de se tenir droit pour ne pas aggraver une démarche déjà désormais plus lourde que la moyenne ... Mais non, même avec ces arguments là le mini-golf ne lui faisait pas envie, tel l'enfant qui n'avait jamais goûté un aliment mais décidait malgré tout de décréter qu'il ne l'aimait pas. Et dieu sait que parfois, Sayid faisait sa mauvaise tête avec presque autant de conviction qu'un môme. Preuve pourtant que rien n'était jamais gravé dans le marbre, c'est bien du côté du mini-golf que Sayid était venu trainer cet après-midi, accompagné comme souvent de l'ennui mortel qui semblait devenir compagnon d'infortune de bon nombre de candidats de cette émission à mesure que les semaines passaient. Il s'ennuyait, assez pour que venir voir ce qui se passait du côté d'un endroit où il ne venait d'ordinaire jamais paraisse soudainement une activité envisageable. Sur place il avait retrouvé Cecil, qui trainant son caddie à mesure qu'il avançait sur le parcours semblait manier le club de golf avec la dextérité d'un ... enfant de cinq ans, à vrai dire. Il était mauvais, inutile de se mentir, et si Sayid n'estimait pas pouvoir faire mieux il n'avait pas eu l'idée saugrenue de s'y essayer, lui. « Eh bah, mon vieux, comment ça va ? » que lui avait finalement lancé Big Daddy en le voyant arriver, Sayid arquant légèrement un sourcil en se demandant si le bonhomme avait conscience de l'appeler mon vieux alors que c'était lui, le doyen parmi les candidats. Une place que Sayid lui laissait d'ailleurs volontiers. « Hm. » avait été sa seule réponse, un marmonnement incompréhensible qui servait souvent de propos au britannique quand on lui posait la fatidique question de comment il allait. Et il ne connaissait pas encore assez Cecil pour agir autrement qu'avec sa neutralité habituelle. « On se fait une partie tous les deux ? Ou t'as trop peur que je te mette la pâté ? » lui avait finalement proposé Cecil, pas découragé pour deux sous par le côté peu loquace de Sayid. Un début de sourire - il ne fallait pas trop en demander non plus - narquois s'était étiré sur les lèvres du britannique tandis qu'il se saisissait du club de golf que lui tendait Cecil pour appuyer son propos « Je ne sais pas jouer. Mais toi non plus, alors. » Alors pourquoi pas, c'était ce que cela voulait dire, c'était la façon détournée de Sayid d'accepter la proposition de Cecil parce qu'il n'avait pour ainsi dire rien de mieux à faire. Mais surtout parce qu'il ne connaissait que trop peu l'homme, et que parmi toutes les solutions à l'angoisse croissante que provoquait chez Sayid le fait de vivre en communauté, apprendre à connaître ses colocataires au moins un minimum était un des moyens à sa disposition pour tenter de se rassurer. « Tu ne travailles pas dans le sport, pourtant ? » Cela n'avait pas grand rapport c'est vrai, mais on se disait souvent à tort qu'un bonhomme doué en sport était supposé l'être dans à peu près tous les domaines, autant la natation que le football ou le golf, justement. Fallait espérer pour Sayid qu'il ne soit pas aussi nul au golf que partout ailleurs, sinon il devait avoir du mal à gagner sa vie.

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