@Colin

Cette semaine plus que jamais la chasse aux secrets est relancée. C’est ma dernière chance de débusquer un nouveau secret et il est hors de question que je la laisse passer. Bien que je n’apprécierais pas qu’on me dérobe ma cagnotte à un moment pareil de l’aventure, soit à sa toute fin sans aucune chance de se renflouer après, ça ne me gêne pas de continuer à traquer les autres. C’est égoïste mais à ce stade du jeu il faut l’être, c’est justement maintenant qu’il faut reprendre l’état d’esprit des discours combatifs qu’on tenait tous les premières semaines. Petit à petit la compétition s’est éteinte entre tous les candidats à cause des affinités tissées par chacun. La production n’y est pas anodine, elle a tendance à confondre ses primes avec des soirées meetic. Sérieusement, quand on pense au parcours de certains ça me fait bien rire. Prenez Lino le « leader » qui avait soif de gagne, le mec abandonne du jour au lendemain sans prévenir et perd tous ses moyens dès qu’on lui met une mannequin sous le nez. A cette réflexion mes yeux passent de l’écran diffusant un échange entre l’italien et Khadija à celui où apparaissent Naveen et Lawrence. Le secret du second m’indiffère complètement en revanche celui de l’indien m’intéresse. Il faut dire que l’odeur de sa cagnotte m’a doucement ramenée vers lui au moment de choisir sur qui me pencher pour cette semaine de chasse intensive. Les genoux recroquevillés de façon à déposer mon menton dessus j’analyse la scène ; ça ne m’a pas l’air d’être un moment intéressant pour ce que je recherche. Je me donne encore cinq longues minutes avant de sélectionner autre chose. C’était sans compter sur le vacarme de la porte qui comme un appel du ciel me sauve de l’ennui. Colin. Ah génial, vraiment. Le snobant, je préfère encore rediriger mon attention sur l’échange inutile entre les deux hommes. Lèvres closes, je n’ai aucunement l’intention de dialoguer avec cette personne qui, malgré tout, m’a fait gagner 10 000 euros l’autre soir. Oh en fait, si, j’ai à lui dire; à croire que je ne peux pas tenir une journée de plus à l'ignorer royalement. « Reviens dans une heure, je serai peut-être en train de lâcher des indices hasardeusement à tout le monde. » De la mauvaise foi ? Totalement.

Avec le nombre d’indices distribués lors du prime de dimanche, Colin a décidé d’intensifier ses recherches en cette dernière semaine de chasse aux secrets. Il n’a, jusqu’ici, pas eu la joie de percer l’un de ses camarades à jour, ni de dérober la cagnotte de quelqu’un, alors qu’il n’attend que ça. Il a enclenché le buzzeur immédiatement après le prime, mais il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il a des pistes sur plusieurs personnes, c’est le moment ou jamais de les exploiter. Ceci dit, vu sa cagnotte qui dépasse à peine les dix mille euros, il ne va pas buzzer sans être un minimum sûr, même si le prix de ceux-ci ont été réduits de moitié dimanche, ce serait gaspiller de l’argent pour rien. Alors à défaut de pouvoir tourner la roulette pour espérer obtenir de nouveaux indices, il a décidé d’espionner les conversations ainsi que les faits et gestes de ses colocataires, dans l’espoir de tomber sur un indice balancé au détour d’une discussion ou encore un faux pas susceptible de l’aiguiller sur une véritable piste. Mais ses plans sont mis à mal lorsque, poussant la porte de la salle de contrôle sans la moindre délicatesse, il constate la présence de Salomée dans la pièce. Mieux encore, elle le snobe alors qu’elle a pourtant glissé ses prunelles sur lui lors de son arrivée. Il n’est cependant pas surpris par le désintérêt qu’elle lui porte, puisqu’elle a semblé l’ignorer depuis dimanche. « Non, mais j’vais rester j’crois, si tout à coup tu te décides à balancer les indices dans cinquante-huit minutes, ce serait con de passer à côté pour deux minutes. » Il soupire, avant de prendre place sur la chaise face à la blonde, posant ses pieds croisés entre deux écrans et observant ceux-ci quelques instants. « Bon du coup j’en conclus que tu fais toujours la gueule ? » Il finit par demander, détournant le regard des écrans pour le poser sur Salomée. Lors du prime sa réaction était déjà un bon indicateur de son niveau de colère, qui n’a pas l’air d’avoir beaucoup baissé. « J’ai besoin de fric, et j’pouvais pas me permettre d’avoir le droit qu’à un seul buzz cette semaine, alors que j’pense qu’à part avec moi ton secret est tranquille. D’ailleurs, ‘’tous les indices’’ sur ton secret, c'est les indices que j'ai gagné aux enchères ou à la roulette, preuve que les autres s’en foutent et que t’as pas à t’en faire, enfin, j’dis ça, j’dis rien. » Il commence à s’expliquer, sans entrain, un peu agacé de devoir justifier son choix alors qu’ils sont dans un jeu, mais n’ayant toutefois aucune envie que les choses avec Salomée se terminent ainsi si près de la fin du jeu. « Et j’partais du principe que si tu venais à perdre ton secret, j’t’aurais refilé un peu de fric vu que Lawrence veut me rendre ma cagnotte. Parce que même si j’ai besoin d’argent, j’crois que t’en as encore plus besoin que moi. » Il a bien compris que c’était lié à son secret, et même s’il veut amasser un maximum de fric, ce n’est pas aussi vital que ça semble l’être pour Salomée. Ceci dit, sa cagnotte restant la sienne, il se serait bien évidemment avantagé, sa bonté a des limites. « Mais bon, j’avais dans l’idée d’être cool, gentil, tout ça, et au final Cupidon m’a arnaqué, j’ai rien gagné, j’me suis retenu de te buzzer, mais si c’est pour que tu me fasses la gueule j’vois pas pourquoi j’continue à me retenir. Surtout que si tu avais eu mon dilemme, t’aurais pas hésité. » Dans l'hypothèse où il aurait toujours son secret à l'heure actuelle, évidemment. Il conclut d’un air blasé, reportant son attention sur les écrans. Il a dit ce qu’il avait à dire, mais il ne va pas se mettre à ramper pour qu’elle cesse de bouder dans son coin, si elle préfère cette option, grand bien lui fasse.

Je laisse passer dans un désintérêt total la remarque de Colin puisque ça n’en mérite pas le moindre. J’ai été désagréablement surprise par sa réaction lors de son dilemme de dimanche soir. Il fait ce qu’il veut, il peut bien jouer de la façon qu’il souhaite mais moi je lui tiens rigueur de certaines choses, d’autant plus à ce stade du jeu. C’est hypocrite de ma part puisque je ne veux pas l’empêcher de jouer non plus, je n’ai pas à intervenir là-dedans, mais je ne peux m’en empêcher. Ca m’irrite. Mes prunelles le suivent dans ses mouvements dès lors qu’il s’incruste dans mon champ de vision que j’avais pourtant pris soin de dévier de lui. Sans-gêne il installe ses pieds sur le tableau de bord suite à quoi j’estime qu’il ne rompra pas ce long silence gênant installé entre nous. Je peux donc retourner tranquillement à mes écrans, un peu déconcentrée toutefois. Si je fais toujours la gueule ? « Oui. » Froide, je ne m’épuise même pas à détourner mes prunelles sur sa personne. Disons que je m’y efforce car il ne mérite pas que je lui pardonne aussi rapidement. Rancunière et mauvaise joueuse, c’est un mélange assez désagréable pour ceux qui ont à en faire les frais. Ce qui amène l’américain à se justifier. Il n’a pas tort mais s’il pense que je n’ai pas déjà soulevé la question toute seule dans mon coin il se trompe. « T’étais pas censé le savoir. C’est l’intention qui compte. » Quelle ringarde à utiliser ces vieilles expressions, pourtant ça reflète bien la situation même si habituellement on l’utilise positivement. Là c’est pour reprocher à Colin son manque de considération mais après tout pourquoi pas, plus je l’ignore plus je me dis que je me monte la tête et que je devrais laisser tomber. De toute façon d’ici une semaine on se dira adieu. Mes billes azurent viennent transpercer les siennes et s’adoucissent lorsqu’il évoque son intention de me reverser de l’argent. Je suis étonnée et sans voix, c’est adorable... sans pour autant être mérité. Si je perds tout ce sera le jeu et j’assumerai. Au fond ma participation à ce jeu n’est que le fruit de mon désespoir. « Je ne veux pas de ta pitié. » J’ai ma fierté. Me ravisant rapidement, mes bras se croisent sous ma poitrine tandis que je m’enfonce un peu plus dans le dossier du siège, mon attention abandonnant de nouveau Colin. Il évoque l’arnaque au dilemme de Cupidon et je ne peux que faire semblant de ne pas l’écouter puisque de toute évidence la production s’est bien foutu de sa gueule sur ce coup-là. C’était vicieux et mesquin de le narguer avec autant d’argent, autant que je l’ai été en acceptant de lui subtiliser la somme. Laissant filtrer un soupire, je ramène doucement mon menton à mes genoux. « C’est vrai. » Mes bras entourant mes jambes, je fixe vaguement les écrans qui me brulent les rétines ; trop plongée dans mes pensées pour m’en rendre compte. Je n’aurais pas hésité une seule seconde. Toute cette histoire me prend la tête. J’en ai marre. Ca fait deux semaines que mon chez moi me manque terriblement et que j’ai l’impression de ne plus avoir ma place ici. Je crois que j’ai envie de jeter l’éponge, seul Nathan me retient encore en ces lieux. « Tu sais quoi ? Fais ce que tu veux. Je suis fatiguée d’avoir pris ce jeu à cœur. J’en ai marre. Fais toi plaisir je m’en fou. » Je ne m’en fou pas. Ces paroles seront regrettées aussitôt le buzz fait ou la sortie amorcée mais je suis lasse. Beaucoup trop lasse. Je suis pressée que ça se termine, j’en deviens dingue de ce huis-clos. « Tout le monde ici a besoin d’argent, moi pas plus que quelqu’un d’autre. Au final je ne sais même plus si ma participation rimait à quelque chose donc garde ta gentillesse et ta générosité ça te servira aussi. » Je suis dure parce que je suis encore en colère mais par-dessus tout je suis sincère. Si Colin est venu ici c’est pour ses propres raisons, tout aussi louables que les miennes. Moi… au final je ne suis qu’un pauvre facteur dans ce que je souhaite entreprendre. Rien d’autre.

Que Salomée lui en ait voulu à l’issue du prime ne l’avait pas surpris, il commence à connaître la jeune femme et son caractère, et dès le moment où il a annoncé sa décision à Cupidon il s’attendait à cette réaction. Il avait cependant le mince espoir qu’elle se raisonne assez rapidement, afin que sa dernière semaine d’aventure ne soit pas gâchée par une prise de tête qui n’a pas lieu d’être. Il faut croire qu’il s’est trompé puisque deux jours après le prime, elle est aussi aimable que lorsqu’elle a quitté le plateau. Si la fin de l’aventure n’approchait pas à grands pas, il n’hésiterait pas à l’ignorer lui-aussi, pendant une semaine entière si nécessaire, mais puisque le temps qu’ils ont devant eux se comptent en jours et non pas en heures, il décide de rester dans cette pièce pour l’obliger à avoir une conversation avec lui. S’il attend sur elle, il peut attendre encore longtemps. Elle lui confirme qu’elle fait toujours la gueule, il s’en doutait, mais ça a le mérite d’être officiel. À cette réponse, il se contente de lever les yeux au ciel, non sans laisser échapper un soupir. Elle est tellement chaleureuse que c’en est inquiétant, hm. Il tente néanmoins de se justifier, car il n’a pas pris sa décision sans réfléchir un minimum aux conséquences de celle-ci, et aux arrangements qu’il pourrait apporter si besoin. Il est sincère quand il lui dit qu’à part avec lui, il pense son secret en sécurité, rien ne lui laisse penser qu’ils sont plusieurs à s’intéresser à ce qu’elle cache, hypothèse confirmée lorsque les indices dévoilés par Cupidon comme étant « tous » les indices sur elle se sont avérés être ceux qui appartenaient à l’américain. Argument pas suffisamment convaincant pour la blonde, qui marque un point, il n’était pas censé le savoir. « Mais je m’en doutais. » Il se contente de répondre en scrutant les écrans. Il finit toutefois par capter son regard quand il explique qu’il lui aurait reversé un peu d’argent si son secret avait été découvert par sa faute – bien qu’il persiste à croire qu’il n’y aurait été pour rien, le jeu étant le jeu – mais là aussi, ce qui part d’un bon sentiment n’est pas perçu de la sorte. « J’essaie d’être gentil, mais j’crois que j’vais arrêter vu que ça a pas l’air de me réussir. » Il dit, non sans une pointe de lassitude dans la voix. De toute façon, la question ne se pose pas, puisqu’elle a récupéré l’argent qui lui était destiné, il s’en fout maintenant, qu’elle perde sa cagnotte ou non, il ne lui reversera pas le moindre centime. Au final, la seule chose qu’il a gagné dans tout ça, c’est de se mettre Salomée à dos, merci l’angelot. On l’a appâté avec une somme d’argent conséquente qui représente beaucoup pour lui, pour finalement retourner son choix contre lui et l’éloigner de la personne qu’il apprécie le plus. Dans le fond, il ne devrait pas avoir à se justifier, parce que c’est un jeu et qu’il implique des décisions difficiles, mais surtout parce que si les rôles avaient été inversés, Salomée ne se serait pas gênée pour balancer des indices sur lui pour gagner l’argent. Elle confirme, ce qui ne fait qu’accentuer sa mauvaise foi, et par conséquent agacer le jeune homme. « Tu l’admets, mais tu continues à faire la gueule, dix points pour la logique, vingt pour la mauvaise foi.Tu m'as piqué dix mille euros mais moi j't'en veux pas, hein. » Nouveau soupir. Ça le gave cette histoire. En général, il s’attarde pas sur les explications, il s’en contrefout si on est pas d’accord avec lui, et là qu’il essaie de faire un effort, il réalise que ça ne sert à rien parce qu’elle est trop bornée pour prendre les choses comme elle le devrait, comme un jeu. Elle s’en fout. Il espère qu’il n’est que question du buzz. « Non bah c’est bon, t’inquiète pas, je laisse tomber te concernant. » Avec ses propos, elle a gagné. Il n’a plus envie de s’intéresser à ce qu’elle peut cacher, même s’il était proche du but, il en est persuadé. À ce qu’elle peut cacher, mais aussi à elle, tout simplement, si elle continue à agir de la sorte. « Ah ouais, pardon, j’pensais pas que Lloyd ou Lawrence en avaient autant besoin, j’dois être un peu à côté de la plaque faut croire. » L’argent est un appât, mais pas pour tout le monde. D’autres apprécient celui-ci, sans pour autant en avoir un besoin vital, comme c’est le cas pour quelques-uns, dont il fait partie, et peut-être Salomée aussi. Soupirant, il finit par opter pour une position assise plus civilisée, mais cependant prêt à déguerpir sans tarder. « Franchement, tu sais quoi Salomée ? T’es chiante. Normalement j’suis pas du genre à justifier mes décisions, mais là ça me tenait à cœur et j’essaie de faire un effort, j’prends sur moi parce que j’ai pas envie qu’on se fâche alors qu’à la fin de la semaine on redeviendra des inconnus, mais là c’est bon, j’vois que t’en as rien à foutre de mes explications ou même de moi, et t’essaies même pas de faire semblant, merci c’est cool. » Il n’essaie même plus de cacher son agacement, il n’est pas patient et cette histoire ne fait que lui prendre la tête, jusqu’au point où il balancera des choses qu’il viendra à regretter. Finissant par se lever, il cherche son regard. « Que tu fasses la gueule, d’accord, j’peux comprendre. Mais dis-moi si tu comptes persister jusqu’à ce qu’on dégage d’ici, parce que si c’est le cas je vois pas pourquoi je continuerais à t’imposer ma présence, autant que je me casse tout de suite et qu’on en parle plus. » Il peut comprendre qu’elle soit fâchée, mais il ne faudrait pas que ça s’éternise beaucoup plus longtemps. « Faut que tu saches que moi ça m’emmerderait qu’on en arrive là, mais si toi ça ne te gêne pas, très bien. » Il fera avec, il ne compte pas se mettre à genoux ni lui offrir un discours par jour pour avoir le droit à son pardon.

N’importe quoi. Depuis quand Colin est devin ? Ca n’arrive pas à me calmer, je lui fais toujours la gueule comme affirmé précédemment. Je passe outre sa prétendue hypothèse de me reverser de l’argent après le jeu si jamais il me subtilisait tout. C’est absurde et inutile, alors ouais il est gentil dans le vent. Lui qui commence à faire dans le social il se décide déjà d’arrêter. Précoce. Mes silences se succèdent, s’imposant comme des réponses face à ses tentatives. Je prends tout en compte pourtant mais je me contente d’un air absent, celui-là même qui s’envole lorsque ses paroles viennent agresser mes oreilles. Ce n’est pas le ton de sa voix mais ses mots. Les lèvres closes je le dévisage tandis que mes idées fusent et se contredisent. Je ne lui aurais pas pris ses dix mille euros s’il avait choisi l’autre option bien qu’en même temps je ne puisse pas le blâmer pour vouloir gagner de l’argent. J’ignore ce qu’il compte vraiment en faire mais ça doit être tout aussi important à ses yeux que ma motivation l’est pour moi. Au fond j’ai peut-être abusé… pourtant moi aussi j’en ai besoin. Je n’allais pas choisir l’autre option pour lui faire plaisir. « Sympa de ta part. » j’admets sèchement en levant les sourcils. J’ai parfaitement conscience d’être en ce moment même la pire des têtes à claques mais je m’en contrefous en fait. De toute façon j’en ai ma claque, je jette l’éponge. Lui aussi semble-t-il. « C’est radical. » je conclus d’un air détaché. Je préfère me murer dans mon silence plutôt que de lui répondre. C’est bon, lui aussi a besoin d’argent je sais. Chèque, chèque, chèque, ce mot m’obsède c’est une horreur j’en deviens dingue. Encore une fois il est préférable que je ne lui réponde pas, c’est une précaution pour éviter que la conversation ne s’enflamme. Ca me gave d’en arriver à ce genre de discussion avec lui. Ce que j’aime bien avec lui c’est qu’on ne se prend jamais la tête, or là… c’est tout l’inverse. C’est peut-être un peu de ma faute aussi. Je l’écoute sans ciller et il se trompe. Il se rompe car j’en ai absolument pas rien à foutre. Je suis étonnée qu’il tienne à ce point à s’expliquer, flattée qu’il ait songé à me faire part de sa cagnotte et attristée qu’il pense que je n’ai aucune compassion envers lui. Pourtant je n’arrive pas à l’exprimer, ma fierté m’incite à rester dans la colère. « Ca servirait à quoi de faire semblant ? C’est hypocrite. » La provocation me vient comme seule réponse automatique. Je peux d’ores et déjà sentir que cette conversation va être avortée sous peu et que je m’en rongerai les ongles à l’idée que ça ait pu être de ma faute. Mes yeux tombent une nouvelle fois dans ceux de Colin, prêt à déguerpir. Voilà, je le sentais. A ses mots je n’ai qu’une envie : m’en aller sur un coup de colère avant qu’il ne le fasse. Cependant sa dernière phrase me désamorce. « Ca me gênerait. » Mon regard glissant sur le sol, mes bras se croisent de nouveau comme une ultime parade de protection. J’ai l’impression de l’attraper in extremis avant qu’il ne s’en aille. « Je n’ai pas envie de finir la semaine comme ça non plus figure-toi. » Ca m’arrache la langue de le dire dans un moment pareil mais là ça semble nécessaire. « Tu penses qu’on redeviendra des inconnus ? » C’est une des choses que j’ai retenu de ses longues phrases. Doucement, mes prunelles remontent jusqu’à ses traits. C’est une pensée horrible. Elle ne l’était pas il y a quelques semaines mais la deadline n’étant plus qu’à quelques jours la question devient tout à coup beaucoup plus dérangeante.

Il ne comprend pas Salomée. Il ne comprend pas la réaction qu’est la sienne, alors que de tous les candidats ayant pris part à cette saison, il pensait qu’elle était une de celles à être réellement motivée par l’aspect jeu de l'émission. Pour preuve, elle a découvert le premier secret de la saison, elle ne s’est pas contentée d’un seul buzz, elle enquête, elle joue. Alors il ne comprend pas qu’elle puisse lui en vouloir autant pour un simple dilemme, qui a fini par l’avantager elle, alors que lui s’est fait avoir. Qu’elle lui fasse la gueule sur le moment, ça encore c’était compréhensible, mais que cela perdure au-delà lui échappe. Et l’emmerde, car il n’a jamais caché qu’il s’entend bien avec la blonde, et il n’aimerait pas qu’ils se quittent en si mauvais termes. Pourtant, elle fait tout pour que ce soit le cas et la patience de Colin commence à atteindre ses limites. Il essaie de lui faire entendre raison, sans succès. Elle lui a dérobé dix mille euros en fin de compte, est-ce qu’il lui fait la gueule ? Non. Et pas seulement parce que cela aurait été malvenu de sa part, mais parce que c’est le jeu. Il lui en aurait peut-être voulu un ou deux jours, mais ça n’aurait pas continué plus loin. Il en a voulu à Lawrence pour la découverte de son secret, mais il a fini par se raisonner et cela aurait été pareil s’il avait décidé de faire la gueule à la blonde. À la réponse de celle-ci, il se contente de lever les yeux au ciel. Et concernant son secret, qu’elle ne s’inquiète plus, il lâche l’affaire. C’est radical, mais nécessaire. Là-aussi, il préfère ne pas rebondir. Il s’énerve et il lui reste deux options. Soit il tente une ultime fois de lui faire entendre raison quitte à ne pas peser ses mots, soit il dégage et c’est la dernière fois qu’il lui adresse la parole ou qu’il lui accorde un regard. Il opte pour la première, finissant par faire abstraction de la retenue dont il fait preuve depuis le début de la conversation, ne faisant plus attention aux mots qui franchissent ses lèvres, se contentant de lui dire ce qu’il pense peu importe si ses propos sont susceptibles de l’agacer deux fois plus. Au point où ils en sont, il n’a plus rien à perdre. Elle est chiante, il avait besoin de le dire même si cela risque de la vexer. Il prend sur lui, en temps normal il n’aurait pas cherché à la confronter, encore moins à se justifier, le simple fait qu’il essaie a une certaine signification. Elle ne fait pas même semblant de s’intéresser à ce qu’il peut dire, alors qu’il gaspille sa salive dans le vide depuis plusieurs minutes. Ce serait hypocrite de faire semblant, peut-être, mais pour une fois il veut bien qu’on le soit avec lui. « Peut-être, mais ça me donnerait au moins l’impression que tu me calcules. » Ce qui est loin d’être le cas pour l’instant. Il a l’impression qu’elle ne l’écoute qu’à moitié, et si lui faire la gueule est déjà une preuve d’intérêt, il aimerait autant qu’elle le calcule plutôt qu’elle joue à l’indifférente qui s’en fiche que leur amitié soit mise à mal et se termine d’une façon aussi brutale. C’est l’une des raisons pour laquelle il est prêt à s’en aller, car il s’adresse à un mur et il n’apprécie pas qu’elle montre aussi peu d’intérêt à ce qu’ils ont pu partager durant ces nombreuses semaines. Il ne s’attache pas facilement aux autres, Colin, alors il aime autant qu’on le lui rende bien et ce n’est pas le cas de Salomée. Cette dernière finit par admettre que ça la gênerait qu’ils se quittent ainsi et il concède à s’attarder quelques instants de plus. Il ne l’admettra pas, mais ça lui fait plaisir qu’elle soit du même avis que lui sur ce point. « T’as une drôle de façon de le montrer. » Il ne peut s’empêcher de faire remarquer par la suite. Ce n’est pas en lui faisant la gueule ou en l’ignorant que la semaine a des chances de se terminer d’une autre façon. « Je sais pas. » Il finit par répondre à sa question, toujours debout et captant son regard. Entre ce qu’il a pu dire sous le coup de la colère et ce qu’il pense réellement, il y a une différence. « J’préfère penser que non, mais faut être réaliste. Ici, tout est décuplé, on s’attache plus vite aux autres, mais dehors quand on reprendra notre vie là où on l’a laissée peut-être qu’on réalisera que c’était pas si important en fin de compte. » Les choses reprendront leur cours, Fake Lover sera une parenthèse, sympathique mais facilement négligeable. « Et nous concernant, on vit pas sur le même continent, c’est pas un petit détail. On se verra plus quotidiennement, alors ce sera forcément pas la même chose qu’ici. » Le constat est difficile à faire pour lui, mais il est réaliste. « Mais pour ce que ça vaut, j’ai pas envie que ça arrive. » Si ça devait arriver, de redevenir des inconnus, il ne se morfondrait pas dans son lit en pleurant toutes les larmes de son cœur, loin de là, mais ça le gênerait, c’est sûr. « Tu vas rester, toi, si t’es éliminée dimanche ? » Il finit par lui demander, sa voix se voulant plus posée.

L’ignorance est la pire des attaques. Colin en est aujourd’hui la victime, je n’ai même pas envie de lui répondre tant par vexation, fierté, et cohérence. J’ai envie de lui répondre mais rien ne sort. Mon langage corporel est la barrière de sécurité qui m’empêche d’envenimer les choses, comme si au fond il me résonnait à abandonner les mots que mon esprit lui dicte de sortir. J’ai conscience d’avoir un tempérament parfois colérique et de m’emporter pour rien, nombreuses sont les fois où Achille s’est pris un objet en pleine figure, pourtant lorsque je n’ai pas le contrôle de la situation je m’abstient. La tension de la pièce est palpable et significative, le moindre haussement de voix entraînera à une catastrophe radicale. Dans ce genre de moment tout et n’importe quoi peut franchir la barrière des lèvres tant que c’est vexant. Au vu du temps qu’il nous reste à nous tenir entre ces lieux ce serait un énorme risque que de déclencher une dispute maintenant. Colin ne reviendrait pas et moi non plus. Autrement dit c’est le moment d’adoucir les choses sauf que je n’arrive pas à mettre du mien. Si d’extérieur tout à l’air de me passer à côté, j’enregistre ses paroles et prend en compte son ressenti. C’est faux que de penser que je ne le calcule pas, mais aussi contradictoire que cela puisse paraître c’est l’effet recherché. Alors que je le sens sur le point de m’échapper j’admets. J’admets que ça me gêne et que toute cette mascarade que j’ai moi-même mise en place m’importe. Pinçant mes lèvres en toute culpabilité à sa réponse j’ose la question à dix mille. Celle qu’on se pose en affirmant que de toute façon, non, on ne se reverra pas et qu’on s’en fou. Je ne m’en fou pas, comme je l’ai dit ça me gênerait. Sa réponse est instable contrairement à son regard droit. Il a raison lorsqu’il affirme que tout est faussé, truqué. Au final notre amitié s’est imposée comme une évidence, un casting différent aurait pu amener à des affinités différentes où nous ne nous serions même pas calculés. « C’est la différence entre ceux qui considèrent ce jeu comme une parenthèse et ceux pour qui c’est une expérience unique. » Pour moi c’était une parenthèse au contraire de ceux comme par exemple Naveen qui, eux, n’ont aucun inconvénient à ce que l’aventure influe sur leur quotidien. Le problème c’est qu’en partant de ce principe Colin sera vite oublié, tout comme tous les autres, pourtant il y en a quelques-uns que je n’ai pas envie de laisser de côté. Avec tous les moyens de communication dans lesquels on baigne chaque jour il est facile de garder contact, cependant la fréquence ne sera plus la même. Passer d’une discussion quotidienne à une prise de nouvelle tous les trois mois, oui, ça ne peut qu’entraver notre relation aujourd’hui surréaliste. Ici j’ai l’impression qu’elle est forte mais à l’extérieur tout semblera différent. « Peut-être qu’on est trop extrêmes ? Après tout c’est quelque chose qu’on ne partagera avec personne d’autre. » Peut-être que le véritable problème c’est qu’on a tous les deux une vision très négative et pessimiste du jeu. Raison pour laquelle je ne compte pas m’attarder si je venais à être éliminée. « Non… tout ça... j‘ai l’impression que ça me rend folle. Regarde, il y a un mois j’en aurais rien eu à faire de ces dilemmes et manipulations de la production et là je tombe en plein dedans c’est ridicule. » Mes bras s’agitent au rythme que mes paroles, au même titre que mes prunelles. J’étouffe. Mes proches me manquent et cette aventure me donne l’impression de me perdre moi-même. Si je suis éliminée j’accourrai vers la sortie même si ce sera forcément quelque chose que je regretterai. « Mais si je pars j’aurais l’impression d’avoir anticipé notre séparation et que c’est de ma faute si on ne se voit plus. » C’est totalement incohérent j’en ai conscience. Mes pensées franchissent sans filtre la barrière de mes lèvres, des confessions qui habituellement seraient restées à leur place initiale: mes pensées. « Le temps de booker un avion et de reprendre mes esprits je vais rester un peu de le coin. » Trois jours pas plus mais j'en ai besoin. Je ne peux pas revenir soudainement à ma petite vie, c'est beaucoup trop violent comme changement. « Tu comptes rester toi ? J'imagine que tu ne dois pas être pressé de retourner chez tes parents. » Chez ses parents, chez lui… peu importe la désignation elle est maladroite.

Il finit par abdiquer, prêt à quitter les lieux puisqu’elle ne semble pas lui porter le moindre intérêt, il n’a donc aucune raison de continuer à se fatiguer pour rien. Si c’est ce qu’elle veut, qu’ils s’ignorent jusqu’à leur sortie respective, il s’y soumettra. Sa fierté l’empêchera de persister au-delà de cette conversation, et il sait qu’il en va de même pour elle. Mais alors qu’il s’était résigné à ce que leur amitié se termine ainsi, elle l’admet enfin. Ça la gênerait autant que lui si leurs chemins venaient à se séparer ainsi, et bien qu’il ne laisse rien transparaitre sur son visage, il apprécie. Quant au fait qu’ils pourraient redevenir des inconnus, il ne peut pas en être certain, mais il se veut pessimiste. Dès le moment où il a signé son contrat, c’était clair pour lui ; il venait, il jouait, il gagnait du fric et il oubliait. Maintenant que l’aventure arrive à son terme, il n’est pas certain de le vouloir même s’il en est capable. « Rien ne nous empêche de changer d’avis en cours de route, ou du moins de nous adapter à la situation. » Il laisse échapper avec un soupir. Rien ne leur interdit de balancer la majorité de cette expérience aux oubliettes et de n’en garder que ce qu’ils souhaitent. Si certains vont revoir une bonne moitié des candidats, lui peut se contenter de deux ou trois personnes, faisant de Fake Lover une expérience unique bien qu’étant une parenthèse dans sa vie. Mais même s’il persiste à rester en contact avec certains, ce ne sera pas comme ici, ils ne seront pas quotidiennement à ses côtés et il n’est pas assez impliqué pour prendre régulièrement des nouvelles, ça tiendra plus de l’ordre de deux ou trois fois par année que plusieurs fois par mois. « Tu marques un point. » Il avoue à la suite de la réflexion de Salomée. « Et t’as raison, on partagera pas ça avec d’autres. Même si on vient à se perdre de vue, au moins ça ce sera toujours là. » Il ajoute avec un vague haussement d’épaules. Il ne vit pas dans le passé, mais c’est appréciable de savoir que cette émission et les souvenirs qui lui sont liée peuvent difficilement s’oublier. « Mais ça arrivera pas. » Il termine, convaincu. Qu'ils se parlent une fois par an ou une fois par mois, l'essentiel est qu'ils gardent un contact, même minime. Osant finalement lui demander si elle compte rester à la suite du prime si l’issue de celui-ci ne lui est pas favorable, il n’est pas vraiment surpris par la réponse de la blonde. « Ça va, t’as encore de la marge. » Il dit, avec un léger sourire aux lèvres, alors qu’elle évoque son impression de devenir folle. « Pour ce que ça vaut, je pense qu’on est tranquille maintenant de ce côté-là, j’imagine que la semaine prochaine ce sera la plus relax de toutes. » Du moins, c’est ce qu’il imagine de son côté. L’enjeu sera peut-être la victoire, mais puisqu’il ne s’imagine pas vainqueur ni même accédant à la finale, s’il vient à rester ce sera une semaine de vacances, encore plus que les huit précédentes. « Il y a pas de raison, on est cool maintenant, non ? » Il demande par la suite. C’est l’impression qu’il a même si l’ambiance est assez indescriptible à ses yeux. Mais si c’est le cas, qu’elle ne compte pas réagir comme elle l’a fait quelques instants plus tôt, alors elle n’a pas à s’en faire. « De toute façon t’as pas trop le choix, j’ai encore une demande en mariage à te faire et je suis pas encore tout à fait au point. » Il se permet de plaisanter ensuite, faisant référence à la rubrique d’Allen. « Ouais, je suis pas pressé de les revoir, mais je suis pressé de rentrer faire mes valises pour me casser, alors je sais pas trop. » Il verra à l’issue du prime, peut-être que sur le moment il prendra la décision qui s’impose. « Ici dans le nid je suis pas certain, si je reste alors que je suis éliminé ça fait un peu gars désespéré qui s’accroche, mais peut-être que je resterais un peu sur Dublin pour profiter de mon heure de gloire, vu que ça risque pas de m’arriver dans mon trou perdu. Et faut quand même que je sois célébré comme la star que je suis. » Sourire satisfait aux lèvres, il se permet de se détendre. « Faudra qu’on soit pris en photo à notre sortie, que t’en profites aussi un peu, j’suis trop gentil avec toi. » Il s’avance pour lui tapoter la tête, vieux réflexe, mais qu’il en profite tant qu’il le peut encore. Il sait qu'elle ne recherche pas l'attention, mais c'est une tentative d'amener un peu de légèreté après une discussion qui ne l'était pas.

J’abdique. Ce n’est que sous la pression de l’instant que mes mots arrivent à sortir, je me maudis moi-même d’avoir ce fichu caractère parfois. Je déteste ce genre de situation dans lesquelles il peut m’amener. Heureusement Colin reste, le connaissant il aurait été aussi possible qu’il s’en aille en choisissant à son tour de ne plus m’adresser un mot. Il laisse sa fierté de côté, bien. Quant à moi je suis prête à l’abandonner à la sortie du jeu en venant régulièrement à ses nouvelles, même si j’ai scandé à qui pouvait l’entendre que je ne venais pas ici pour copiner ; des potes j’en ai à l’extérieur. Mais ceux-là sont différents, j’ai partagé avec eux quelque chose que personne à l’extérieur ne pourra comprendre. Alors, oui, je veux bien changer d’avis pour m’adapter à la situation. « … c’est vrai. Alors je veux en garder toi, Achille et Clotaire. » Je fais mon caprice de gamine comme si je choisissais mes figurines au rayon jouet. J’appose mon monopole sur ces trois-là, je n’ai aucun problème avec le reste du casting mais je suis plus sceptique quant à garder le contact avec eux. Quant à Clotaire malgré qu’il soit parti au bout de trois semaines il a tout de même été mon compagnon de jeu pendant tout ce temps, nous avions un bon feeling et je n’exclus pas de le contacter le jour où je monterai sur Paris. Un sourire rassuré s’immisce sur mes lèvres lorsque Colin exclu la possibilité qu’on se perde définitivement de vue, qu’on l’accepte ou non nos souvenirs resteront trop spécifiques pour être ignorés. Avec du recul cette aventure aura un goût différent mais pour l’instant je suis à saturation. J’en ai marre, à tel point que mon bon sens semble s’envoler, chose dont je suis encore loin d’après Colin. « Cool je pensais ne plus en être très loin. » Je blague légèrement dans cette ambiance un peu maladroite en laquelle s’est transformée notre dispute. J’hausse les épaules lorsqu’il évoque le fait que dorénavant nous n’avons plus rien à craindre du jeu. « Mh c’est vrai. Les dés sont jetés maintenant. » Personne ne peut plus faire grand-chose pour changer son image, les téléspectateurs savent déjà depuis un moment qui ils veulent voir en final et qui ils dégageront à l’issue de la révélation des secrets. Je pense personnellement avoir le quatuor de fin en tête, dont je ne fais pas parti. Dans cette hypothèse je ne pense pas m’attarder ici, tout ce que j’a envie à l’heure actuelle c’est de fuir les caméras pour retrouver de l’intimité. Mais si cela inclus des au revoir anticipés avec Colin je suis beaucoup moins enthousiaste. « On est cool. » J’acquiesce pour le rassurer lui autant que moi. J’expulse un léger rire lorsqu’il évoque le mariage fantasmé par Allen, chose que j’avais totalement oublié avec toute cette histoire de dix mille euros. « Ah oui c’est vrai. » Un sourire reste accroché sur mes lèvres je continue sur la même lancée. « Ne te prends pas trop la tête, j’aime les choses simples. » Simple, par contre, ce n’est pas un mot qu’on peut attacher à sa situation familiale. Je me demande s’il va éviter ses parents biologiques ou non à sa sortie, lui qui les méprise tellement pour des raisons qui m’échappent totalement. « Tu peux prendre ton indépendance avec ce que tu vas empocher. » Je propose même si le sujet des cagnottes est encore trop chaud pour ne pas être sensible. Je ris aux paroles de la nouvelle étoile montante de la télé-réalité, cependant d’accord avec ce qu’il souligne. Rester après l’élimination ça fait vraiment désespéré. « Monsieur le nouveau roi de l’entertainment. Fais-moi un autographe tout de suite pour que je puisse aussi en bénéficier. » Il a cependant une toute autre idée, beaucoup moins discrète que celle de revendre une de ses signatures. Mon regard se lève au maximum pour pouvoir l’observer malgré sa proximité et la hauteur qu’il bénéficie en étant debout face à moi. Pour cette fois je vais m’abstenir de râler pour sa petite tape sur la tête. « Ok à condition qu’on fasse des sorties chic, genre déjà un bon resto et … les monuments. » Je pouffe face à ma propre bêtise, c’est ridicule pour une étudiante en tourisme. « La honte je ne sais même pas ce qu’il y a à voir. J’ai dû perdre mes derniers supporters là. » J’ai beau chercher mais je ne connais pas de lieu.. oh si ! Dieu merci ça va sauver les meubles. Claquant des doigts face à mon éclair de génie j’agresse Colin de mon index pointé sur lui. « Le Phoenix Parc ! » C’est dingue comme ça fait du bien de parler à nouveau de l’extérieur et d’éventuelles sorties. Comme des personnes normales, en fait.

Contrairement à d’autres candidats, il n’était pas prévu, ni pour l’un ni pour l’autre, de garder des contacts à l’issue de ce jeu. Lui est le premier surpris à l’idée de le vouloir, bien qu’il n’ait aucune envie de revoir la totalité des candidats, pas même la moitié, seulement quelques exceptions, des personnes qui peuvent se considérer chanceuses d’avoir suscité suffisamment d’intérêt auprès de l’américain pour qu’il daigne leur accorder encore de l’attention à la fin de cette émission. Salomée en fait partie, et lui aussi fait partie de sa liste, heureusement. « J’espère que t’as prévu de continuer le sport, sinon Achille va te fracasser quand il te reverra. » Vu l’obsession du barbu pour le sport, il ne va pas être content si la blonde cesse ses efforts et un Achille en colère, ça ne doit pas être beau à voir. Quoi qu’il advienne, qu’ils finissent par ne revoir personne ou tout le monde, une chose est sûre, c’est que les souvenirs qu’ils ont construits ici ne risquent pas de disparaître, puisque cette expérience reste unique. Si certains candidats pourront être relégués sans peine dans ses archives sans qu’il n’ait besoin de les revoir, il n’en va pas de même pour Salomée. Il fera de son mieux, mais il essaiera de ne pas perdre contact avec elle. Quant au fait que ce jeu puisse la rendre folle, si c’est effectivement le cas elle le cache bien, sinon elle a encore de la marge, qu’elle se rassure. « Ouais, enfin, on refera quand même un point à la fin de la semaine, par précaution. » Qu’il s’assure qu’elle ne se transforme pas en folle furieuse prête à tous les anéantir, faudrait pas prendre de risques. Mais il y a peu de chances que la situation empire ceci dit, les dés sont effectivement jetés, puisqu’à ce stade du jeu leurs derniers jours seront probablement les plus paisibles, Cupidon n’ayant plus d’intérêt à les embrouiller à la moindre occasion. Ce n’est pas pour autant qu’il compte rester ici jusqu’à la fin du jeu, l’idée d’être toujours entre ces murs en étant éliminé ayant un petit côté désespéré, ce qu’il ne veut pas être. Il avisera en temps voulu. Un fin sourire se dessine sur ses lèvres quand elle lui certifie qu’ils sont cool, il préfère en être sûr vu la façon dont a commencé leur conversation. Avec cette histoire d’argent, il en a oublié le plus important : revenir sur la rubrique d’Allen, l’animateur les imaginant déjà mariés. Ce n’est pas étonnant venant de lui, mais c’est tout de même suffisamment risible pour qu’il le souligne, d’autant plus que ça oblige sa future femme, hm, à rester dans le coin plutôt qu’à retourner sur ses terres illico-presto. « Tu pouvais pas me le dire avant ? J’ai déjà demandé à la production un hélicoptère, une centaine de colombes et environ un millier de bougies, j’vais devoir tout annuler. » Pas grave, les frais seront pour la production, tellement ils sont gentils. Et surtout ravi à l’idée de faire le buzz, même si celui rêvé par Allen n’aura pas lieu, quel dommage. « Ouais, justement, j’attends que ça. J’suis pas aussi friqué que je le voudrais mais je ferais avec. » Même si ça lui fait un peu peur de se retrouver seul et sans soutien, c’est nécessaire. Il devra tout de même se confronter à ses parents, et il sait déjà que la nouvelle ne sera pas accueillie dans la joie et la bonne humeur, bien au contraire. Mais une chose à la fois, dans l’immédiat il compte rester un peu sur Dublin pour profiter de son statut de star nouvellement acquis, il aura son lot d’admiratrices à ses pieds, il serait stupide de ne pas en profiter avant que sa courte notoriété ne retombe. « Non, c’est pas un autographe que j’vais signer pour toi, mais un acte de propriété, t’es ma future femme quand même. » Il lance, son sourire satisfait collé à ses lèvres, prêt à s’attirer les foudres de la blonde. Qu’elle se rassure, elle n’aura pas à se contenter d’un autographe, elle pourra côtoyer directement la star, ce n’est pas donné à tout le monde. Si elle traîne avec lui, elle aura également droit à son heure de gloire, quelle chanceuse. « Un Mcdo plutôt, ça t’irait pas ? J’suis grave en manque de gastronomie américaine, là. » En tant que française, il lui offre la possibilité de se foutre de sa gueule. Quoi que, elle n’est pas mieux dans son domaine. « Ouais, je vois, j’découvre enfin la vérité, en fait t’es une arnaqueuse, tu nous entubes depuis le début. » Après plusieurs semaines à la côtoyer, il découvre la vérité. Le choc est rude, qu’on se le dise. « C’est pas poli de montrer les gens du doigt, on te l’a jamais dit ? » Il râle alors qu’il pousse son index vers le bas. Son éducation est à reprendre, il l’a déjà fait remarquer. « Je connais pas ce truc, mais je te fais confiance. Tu t’occupes des monuments, moi des restos, deal. » Et promis, il visera un peu plus haut qu’un mcdo. « D’autres exigences ? » Sait-on jamais, c'est le moment de le savoir.