Ca fait trois jours que nous sommes là, il me semble. Je ne suis pas certains de l'heure qu'il est. Pas sur que toutes les conditions soient réunies pour garder les candidats sains de corps et d'esprit. Même pas sur que ce soit le but. A terme je pense même que la production vas tenter de nous pousser à bout histoire de faire monter l'audimat. Il est encore un peu tôt pour se considérer comme au bout du rouleau, moi je suis un cas particulier puisque je marche au bord de la bordure depuis la naissance et je suis pas encore tombé. Ca serait beaucoup trop facile.

J'ai piqué une vraie cigarette dans le paquet d'un candidat qui l'avait abandonné dans le salon et je suis sorti la fumer sur le balcon et sa vue imprenable sur les pistes, dit on. Sauf que je suis même pas foutu de m'extasier devant un paysage. Je me fatigue tout seul et pour la première fois depuis de très longues heure, je suis presque content d'entendre des pas qui viennent dans ma direction.

Je me retourne et je m'accoude de dos sur le balcon. Il y a encore des candidats que je n'ai pas rencontré et j'ignore tout la personne qui s'avance vers moi. Alors avant qu'elle n'ouvre la bouche j'imagine des trucs improbables. Hey toi là, est-ce que c'est Cupidon qui t'envoi pour rendre mon quotidien un peu plus festif ? On parle pas de sabrer le champagne et de balancer des cotillons mais rien que de lui rendre le sourire ça serait énorme. Le mec est dépressif, sa partenaire vas pas le supporter longtemps, fait nous des miracles...mademoiselle dont je ne connais pas encore le prénom.

L’avantage avec l’air frai c’est que ça permet à la foi de se vider la tête mais aussi d’offrir une cure de jouvence à un visage craignant les rides à mille kilomètres. Voilà la raison pour laquelle Marthe était effrayée à l’idée que tant de bougresses quarantenaires ne l’entoure ; elle craignait que les rides ne soient contagieux. Après un réveil difficile causé par l’indiscrétion la plus total du mec qui porte le prénom d’un pays en guerre, miss Van Der Souchouss décida, après une douche et tout le petit baratin du matin, d’aller prendre l’air afin de se réveiller en bonne et due forme. Décidemment il y avait toujours du monde sur ce balcon. Après Mickey le perché la veille, c’était au tour de… de qui ? Adossé contre le balcon, elle ne pouvait l’ignorer puisque son regard était lourdement posé sur elle et son mythique déhanché ; travaillé avec la VO sub eng de l’émission de maîtresse Christina Cordoula. « Bonjour ! » Etre fraiche et matinale c’était tout un art, croyez-moi. Quitte à ne pas l’ignorer, autant y aller cash et jouer l’engouement. En réalité elle se foutait totalement de sa présence, ça la gênait presqu’il soit là. Vivre en communauté c’était sympa mais vingt-neuf autres personnes ça prenait vraiment beaucoup trop de place ; y en avait partout ! Emmitouflée le nez dans son écharpe en chaude laine, elle s’accouda à son tour contre la remparde, sans dire mot, afin d'admirer le paysage.

"Bonjour Miss."

Je sais pas ce qui me prend de parler comme si ont se rencontrait en boite de nuit, c'est pas mon genre de saluer les filles comme ça, et en boite de nuit les peu de fois où j'y suis allé ça m'a pas laissé un souvenir impérissable. Je crois que c'est sa démarche quand elle est arrivé, on son allure générale qui me fait penser à une américaine type reine de la promo tout droit sortie d'un épisode MTV de my super sweet sixteen. A cet instant j'espère deux choses. La première c'est qu'elle oublie ce que je viens de dire, la deuxième, c'est que je n'ai pas à faire à un stéréotype. Dans le doute je peux faire voltiger ma cigarette dans la poudreuse d'une pichenette désinvolte et retourner à l'intérieur en lui souhaitant une bonne journée, ou je peux fumer le tabac jusquau filtre. J'opte pour la deuxième solution qui me paraît un bon compromis, d'un coté ca me laisse le temps de déterminer à qui j'ai affaire, de l'autre le temps imparti pour faire un semblant de connaissance est confortablement compté.

"C'est agréable de voir qu'il y a encore des gens qui font des efforts pour être présentables. Dès le premier jours les gens ont tendance à oublier qu'ils passent à la télé et ne vivent plus qu'en pyjama"

Quoi ça vas, c'est ça ou parler de la pluie et du beau temps sous le dôme autant la complimenter au risque qu'elle se méprenne sur mes intentions.

STOOOOOOOOP. Miss ? Il venait de l’appeler "miss" ? Mais... comme c'était dégradant ! Rien ne l'irritait plus que ce surnom absurde et rabaissant. Pour elle ce mot était seulement synonyme de prétention de domination de la part de son émetteur. Ne relevant pas la remarque, à défaut de lever les yeux au ciel avec son air de pétasse agacée, elle matait tranquillement les grands conifères saupoudrés de neige lorsque la voix de sa compagnie matinale intervint de nouveau. Heureusement pour lui sinon elle ne lui aurait pas fait la conversation. Nullement intéressée dirons-nous. Pourtant habituellement elle aimait cerner les gens autour d'elle en leur parlant, les testant, mais là elle avait besoin de se retrouver un peu et d'être tranquille. Oui. Tranquille. Alors par pitié, qu'il cesse de lui raconter de la merde. Le coup des gens qui se trimballent en pyjama c'était un prétexte purement bidon. Il aurait au moins pu trouver quelque chose de plus intéressant. Genre le blond dégueulasse de Demi Lovato. Genre. « Tu as switché "aimable" avec "présentable" non ? Parce que j'ai l'impression que beaucoup de gens ici ont oublié leur amabilité chez eux. » Constatant une dernière fois le paysage, son visage se tourna vers le non désagréable homme qui se trouvait à ses côtés. Oserait-elle lui dire qu'elle trouvait les fumeurs dégueulasses et repoussants et que leurs futures dents jaunies et leur odeur de tabac froid la répugnait ? Hm nan. Plus tard. Elle venait parler d'amabilité, alors autant éviter de se montrer désagréable dès le début, ce serait se rendre ridicule. « Cela dit, tu sais, les femmes une fois dépassé un certain âge elles perdent du sex appeal dès 20h passé, donc forcément elles en ont plus rien à faire de se trimballer en pyjama ou non. » Truc de fille. La plupart ici étaient vieilles et certaines devaient sûrement avoir des enfants vu leurs pyjamas ringards et grossiers, et ces femmes-là pensaient, tout comme Bree Van Der Kamp, qu'elles étaient encore sexy avec une robe de chambre sur le dos. Mais NON mesdames, NON.

Je regarde ma cigarette se consumer en même temps que je tire dessus, les stries du papier à cigarettes disparaissent à une allure allarmante. Je me dit que je suis dur, que je pourrais effectivement laisser moins d'une minute à cette nouvelle rencontre, mais je n'en ai pas envie finalement. J'ai pas envie de faire comme tout les autres, essayer de m'imposer comme un connard et son égo qui tiens toute la place sous la dôme, et faire en sorte que toutes les personnes que je rencontre sachent que je considère que je vaut ô combien mieux qu'eux. C'est peut être le cas, peut être pas. Surement pas, d'ailleurs. Quand on est pas quelqu'un de bien, on fait preuve d'humilité et non l'inverse.

"Les gens ici on tout oubliés chez eux peut être même leur cerveau. dans une semaine Cupidon vas nous demander de nous regrouper dans le salon et nous faire danser le Gangnam Style à chaque fois que la musique de psy retentira avec à la clé du défi, une belle récompense type "Cupidon à décidé que vous auriez plus de 30 secondes d'eau chaude dans la douche demain matin."

J'ai pas fini ma clope mais je la laisse quitter l'étreinte de mes doigts pour la regarder se planter dans le sol immaculé un peu plus bas.

"Et ça posera problème à personne. Comme ca pose pas de problèmes aux femmes d'un certain age de se trimballer en jogging et sans maquillage après 20h. Ca me parait sans espoir. Sauf si tu sais danser"

Un grand sourire se dessina à l'intérieur de Marthe. A l'intérieur, car à la voir comme ça on aurait pu la croire plongée dans les longues explications du grand brun; elle allait même jusqu'à hocher la tête de temps en temps. Ce sourire désignait la satisfaction d'être tombé sur un mec qui détestait le monde et balançait dessus. Il avait suffit d'une simple petite phrase pour lui en décrocher une tirade. Intéressant. A ne pas oublier pour la suite. Il partait loin, très loiiin dans ses explications, allant même jusqu'à mentionner le Gangnam style. Ses paroles semblaient tellement négatives, pourtant Marthie aimait bien cette danse. Autant que le Bo Beep Bo Beep Haaaa. Enfin bon, il était fort à parier qu'ici personne n'en prendrait connaissance puisqu'elle ne comptait pas se dévoiler d'ici peu. C'était bien plus facile d'être non-aimée lorsqu'on était pas soit même. Mais soit. Son interlocuteur jette sa clope et continue. Dude faites-le taire. A l'entendre parler on aurait pu croire à un vieux d'une soixantaine d'années. Le genre de type aigri. BIP BIP. Ce qui venait de sortir de sa bouche déplaisait fortement à notre BabyM. « Ca me parait surtout très machiste. Pourquoi, sous prétexte qu'on est une femme, devrait-on se couvrir de maquillage du levé jusqu'au réveil ? Pour vous plaire à vous, qui ne prenez même pas la peine de vous coiffer tous les jours ? » Porter des fringues dégueulasses, on est d'accords c'était un crime, mais se trimballer sans maquillage eh ben... ça ne l'était pas. Pour Marthie en tout cas c'était très moche à voir mais c'était tout à fait dans autorisé, au contraire de la robe de chambre. Retourner les paroles des autres contre eux-même était son jeu préféré, la phase "défense" étant la plus savoureuse. A défaut de ce qu'il se passait dans sa tête, elle était calme, tranquille et son ton était purement normal. Pas d'agressivité, rien. Simplement un regard accusateur porté sur le fumeur, qui allait d'ailleurs sûrement se décider à partir maintenant que sa clope était terminée.

"Pour les mêmes raisons qu'elles perdraient du sex appeal passé 20h et un certain age."

Je crois qu'elle à pas compris le sarcasme de ma réponse de tout à l'heure qui faisait allusion a ses propres jugement plutôt qu'aux miens, pour le reste j'essayerais même pas d'entrer dans le débat. Sexe fort, sexe faible, égalitarisme pété, mariage pour tous etc...c'est pas des sujets qui ont pour habitude de me préoccuper. Mes cheveux non plus je ne m'en préoccupe pas, pour le coup elle à quand même raison. Je passe ma main dedans. J'entrerais pas dans le débat, mais je pourrais entrer dans son jeu, pourquoi pas.

"Ca ? C'est pour vous faire fuir pendant qu'il en est encore temps."

Et celles que ça ne fait pas fuir, généralement ce sont de véritables folles, plus ou moins dans le bon sens du terme. J'en sais quelque chose.