Je sais que le sommeil devrait me gagner, la journée a été longue, la soirée un peu éprouvante à cause du stress. Essayer d’apprendre à connaître tout le monde, faire bonne impression. Ouais, c’est beaucoup pour une seule soirée. Il ne faut pas oublier le décalage horaire qui se joue de ma patience depuis que je suis arrivée en Chine. Ça passera, j’espère. Ça ne m’était jamais arrivé. Je suis passé par la chambre pour discuter avec mes nouveaux colocataires, balancer mes talons et enfiler mes Vans, n’ayant cependant pas la volonté de changer ma robe. Je n’envisage pas me coucher tout de suite, je laisse donc Richard derrière, prétextant aller à la salle de bain, prenant pourtant une autre direction. Je ne comprends pas trop pourquoi j’atterris dans le salon de thé. Je ne bois jamais de thé. Moi c’est du café ou rien. Puis ça me fait penser qu’à la place de gagner de l’argent à la loto… J’ai gagné du thé. La vie se paye ma gueule. Même à des milliers de kilomètres de chez moi, la vie me fait comprendre que je suis ce genre personne qui gagne des feuilles de thé et pas un sou de plus. Après, c’est à moi de l’interpréter comme je le veux. Je peine à retenir un soupir, lorsqu’une personne entre dans mon champ de vision. Je me souviens l’avoir vu sur Instagram, mais sur le coup, je n’arrive pas à me souvenir de son prénom. Je lui retourne son sourire, secouant la tête en signe de négation. « C’est trop d’un seul coup, je sais que si je me couche, je n’arriverai jamais à fermer l’œil. » Elle doit bien me comprendre, on vient de passer une soirée similaire elle et moi. Peut-être qu’elle a plus l’habitude de ce genre de situation. Il y a aussi le fait de dormir avec Richard, dont malgré sa grande gentillesse, je ne suis pas totalement certaine. « Je peux partir si tu tiens vraiment à être seule… » Que je sois ici ou ailleurs, le manque de sommeil sera toujours présent, peu importe la pièce que j’adopte. « Mais je suis aussi de charmante compagnie, si tu veux que je reste. » Mon sourire fend l’air pour venir lui offrir un geste bienveillant. Ce sera dommage de ne pas saisir cette opportunité pour échanger. « Moi c’est Penny. » Je sens que c’est une phrase que je dirai beaucoup durant les prochains jours. « Tu t’y connais en thé? »

La recherche d’évasion dès la première soirée ne présage peut-être rien d’encourageant pour la suite. Vouloir s’éloigner de la chambre, ne pas se mélanger avec les autres. Pour ma part, cela s’explique uniquement par une trop grande curiosité et un trop-plein d’énergie et je crois qu’il en est plus ou moins de même pour ma compatriote nocturne qui vient de me rejoindre. « Voilà, on va s’habituer, mais peut-être pas ce soir. En tout cas, toi, niveau partenaire, tu as gagné à la loto! » je me permets de commenter, non sans accompagner mes paroles d’un sourire rêveur. Si j’ai oublié le prénom de la demoiselle, je suis presque certaine qu’elle a été placée en binôme avec celui qui a déjà conquis les cœurs - et pas juste les cœurs, si on est honnête – de la planète entière. Il est peut-être le pire des connards, le Ulises, mais ce n’est pas comme si c’était quelque chose qui m’arrêtait de toute façon. Dit de cette façon, on pourrait croire que je regrette amèrement de me retrouver avec Richard, ce qui n’est pas le cas. Bref, je demande à la brunette si elle préfère que je la laisse seule dans ses réflexions, bien que je préfèrerais pouvoir rester à ses côtés et apprendre un peu plus à la connaître. Ma faible tentative de persuasion et mon sourire semble convaincre Maze, dont je n’oublierai plus le prénom à présent, de tolérer ma compagnie. « Parfait, je vais essayer de ne pas te le faire regretter. » Et pour ce faire, je vais essayer de ne pas trop parler. Parce que j’ai toujours tendance à en dire trop, à déblatérer sur des sujets sans pertinence. Comme le thé. Ouais, je lui parle de thé parce que c’est la première chose qui me traverse l’esprit. Pour autant, ce n’était finalement pas le sujet le plus à côté de la plaque puisqu’elle me parle de carte et mon regard sur pose finalement sur celles qui se trouvent devant elle. Elle vient de capter toute mon attention même si pour l’instant les traits de mon visage démontrent plus de scepticisme que de curiosité. « Tu tires les cartes... » Tel un enfant, je tends la main comme pour venir toucher à un objet dont on n’en a pas la permission avant de me raviser. Je ne veux pas la froisser. C’est mal de toucher les affaires des autres, surtout qu’elle est encore une inconnue. « T’es genre, une version jeune et attirante du professeur Trelawney? » Allez, dites-moi que je ne suis pas la première à lui faire une référence à Harry Potter. Quoiqu’elle n’ait pas dit qu’elle lisait les feuilles de thé, mais ça revient au même non? Peut-être qu’elle se fout de ma gueule aussi. J’ai toujours tendance à croire trop rapidement ce qu’on me raconte. « Tu crois que tu pourrais le faire avec moi? » Me parler du passé? Lire mon avenir? Ou peu importe ce que ça signifie de tirer les cartes. Je ne suis pas certaine de vouloir entendre parler de mon passé merdique ou de l’avenir encore plus merdique qu’on me réserve. Mais je suis ici pour changer celui-ci après tout, c’est ce que j’ai mentionné dans mon casting.