Après la stupide blague de Ziyan et Sid qui ont complètement salopé le lit dans lequel je dors depuis le début de l’émission, j’ai eu besoin de prendre un peu l’air. Je ne suis pas du genre à m’énerver pour ce genre d’enfantillage, mais l’enfermement commence de plus en plus à peser sur mon moral et j’ai l’impression par moment de perdre la tête et d’être capable d’avoir des réactions bien trop disproportionné. C’est pour cette raison que l’isolement me fait un bien fou par moment. Quand je tente de pénétrer de nouveau dans le palais, en passant par les jardins, je suis apostrophée par Cristopher qui m’affuble en plus d’un surnom complètement ridicule. Papa ? Mais qu’est-ce qu’il a fumé celui-là. Amusée, je le rejoins sous la pergola où je remarque très vite la bouteille de scotch bien entamé et le sourire béat qu’il a sur le visage lorsqu’il me tend un verre. Il me propose de trinquer avec lui. « Je ne suis pas la mieux placé pour t’arrêter. » En effet, j’en ai bien besoin pour évacuer la frustration. Je saisi le verre qu’il me tend que je bois cul-sec. Il ne faudra que quelques secondes pour que ma gorge soit en feu et me faire tousser. « Avec ça, on va finir par ramper pour rejoindre nos chambres. » Je ne suis pas très fan de l’alcool fort, préférant la subtilité du vin ou du rosé, mais j’ai le rôle officiel de partenaire de beuveries, je ne peux donc pas refuser ce moment qui va s’avérer très drôle, vu l’état du papy. Il m’explique qu’aujourd’hui est un jour spécial. Ah bon, lequel ? Mon visage s’illumine lorsqu’il m’annonce que c’est son anniversaire de mariage. Vingt-sept ans, aujourd’hui, qu’il est marié. C’est plutôt impressionnant un tel chiffre. Il me demande de quelle noce il peut bien s’agir ? « Tu me poses vraiment cette question ? A moi ? » J’ai l’air de m’intéresser un tant soi peu au mariage. « Tout ce que je sais c’est qu’on va trinquer à Rosie, pour t’avoir supporté aussi longtemps, ça fait d’elle un véritable ange. » Je rigole, avant de me resservir et de faire claquer mon verre contre le sien. Cristopher a alors une révélation. Son mariage dure déjà depuis plus longtemps que ma propre existence. « Tu viens de réaliser à quel point t’es vieux, mon pauvre ? » Je bois une nouvelle gorgée de mon verre, ma gorge étant un plus habitué à ce goût horrible que je n’affectionne pas vraiment et qui va vite finir par me faire tourner la tête. « Allez, raconte-moi quelques choses à son propos. Pourquoi elle et pas une autre ? » Je suis tout ouïe face à son histoire qui m’intéresse réellement beaucoup.

Cristopher a l’air bien parti pour passer l’une de ses soirées trous noirs où à cause d’un trop plein d’alcool, les souvenirs sont totalement effacés le lendemain. C’est un peu comme l’Alzheimer, il ne devrait pas trop tarder à l’avoir vu son âge bien avancé, donc c’est un peu comme un entraînement pour lui ce soir. Apparemment, ce soir, il ne désire pas être stoppé et j’ai apparemment un titre à conserver. « Très bien, alors je vais devoir te prouver qu’on ne m’a pas donné ce titre pour rien. » C’est ce que j’essaye de faire en buvant un peu trop vite le verre de scotch qu’il m’a refilé. Ma gorge est en feu, je risque de ne pas me sentir très bien demain matin, mais tant pis. On a qu’une vie, n’est-ce pas ? Je ne peux m’empêcher de quand même faire remarquer qu’on ne va pas savoir remonter tranquillement dans nos chambres avec cet alcool et il me répond que quelqu’un finira bien par nous aider et même nous border. Ouais, enfin si on tombe sur César, pas sûr que ça nous soit d’une grande aide. On en vient à parler de la raison de cette beuverie. C’est 27 ans de mariage qu’il fête aujourd’hui. Il fait l’erreur de me demander de quelle noce il s’agit, mais je suis la moins bien placée pour l’aider. Sauf qu’il a l’air d’avoir déjà consommé pas mal de verre avant que j’arrive, pour me faire une petite philosophie de la vie. Derrière mon cœur de pierre se cache une jeune fille à la recherche d’amour. Devant ses propos, je me mets à ricaner. Je veux être dans le même état que lui. « Je te jure que je te la ressortirais celle-là demain. » Cette phrase restera gravée dans les annales. Je trinque à sa chère Rosie, qui a dû supporter pendant la moitié de sa vie un homme comme Cristopher. Bien sûr, lui affirme le contraire, ce que je ne crois pas une seconde même si je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer sa femme. « Je ne te crois pas un instant. » Je suis sûr que c’est lui le plus chiant dans ce couple, si ce n’est pas le cas, alors ça doit être un sacré mariage pour ces deux-là. Je continue à rire aux éclats quand il joue l’homme vexé face à mes propos qui vient de comprendre que finalement son ex-partenaire avait en vérité raison sur ma véritable nature. « Tu as fini par comprendre que j’étais une vraie garce sans cœur ? » Voilà ma description proposée par Achana. C’est que je vais finir par me plaire dans ce rôle-là. Je lui demande alors de me parler de sa femme, j’ai envie d’en savoir plus à son sujet. Bien sûr, grâce à son franc-parler mélangé à un peu trop d’alcool, il affirme dans un premier temps que c’est son physique de déesse qui lui a tout de suite plu. En particulier son fessier qu’il ne faut pas manquer. « J’ai hâte de le voir. » que je lui réponds, toujours ce sourire un peu moqueur sur les lèvres. Puis il fini par me la décrire et on ressent tout de suite l’amour qu’il peut lui porter. J’ai même le droit à une petite comparaison. Je lui fais donc penser à sa femme ? C’est pour cette raison qu’il me ‘’kiffe’’. L’alcool délie les langues en tout cas. « Je le savais déjà ça papy. » Il n’avait pas besoin de me le dire de vive voix. « Du coup, ça fait un peu de moi, la fille que vous n'avez jamais eu ? » Bah c’est vrai. J’ai un peu de sa femme et faut dire qu’on a aussi quelques similitudes avec Cristopher, j’aurais pu être sa gamine. « Le plus sensible ? C’est vrai que j’ai énormément de mal à te croire. » Faut dire que je ne l’ai jamais vu flancher un seul instant, donc je n’imagine pas sa femme être encore plus insensible que ça. Il ne se souvient pas la dernière fois qu’il l’a vu pleurer. Et alors que je porte le verre à ma bouche, il me demande alors si ça m’arrive de pleurer. J’ai mon regard qui se perd, vers le jardin plongé dans l’obscurité avant de baisser le regard vers le contenu de mon verre. « Non, mais j’aimerais bien par moment pouvoir pleurer. Ça me rendrait plus humaine, je pense. » Et puis, ça m’aiderait à ressentir aussi, mais ça, je ne le dis pas tout haut.

Voilà que je voulais juste me rendre dans mon lit pour passer la nuit en compagnie de Leon, je me retrouve à me bourrer la gueule avec Cristopher pour fêter son anniversaire de mariage. Sauf que c’est alcool un peu fort que je n’assume pas tout de suite, puisque j’ai la gorge en feu et que je tousse un peu trop. On parle donc d’amour avec Cristopher et il est persuadé que j’attends que ça, connaître l’amour. « Non, je t’assure, je préfère laisser ça aux autres. » Pourquoi tout le monde pense que l’amour est indispensable dans sa vie, je me réjouis pour lui, parce que ça a l’air de le rendre heureux. Mais ce n’est pas ce que j’attends de la vie. Enfin c’est ce dont je suis persuadée depuis toutes ses années. Il m’explique que si son mariage semble aussi réussi, c’est parce qu’ils n’ont pas le temps de se taper sur le système, puisqu’ils sont souvent séparés. Je comprends mieux comment elle a fait pour le supporter. Il suffisait juste de ne pas rester auprès de lui trop longtemps. « Elle a tout compris, ta femme. » que je lui dis, en ricanant avec mon verre en main. Je me moque de lui et son âge, il reprend donc des propos de Achana à mon encontre. Comme le fait que je mérite l’enfer. Rien que ça. « C’est ce que je vis déjà quand je suis à ses côtés. » Je ne peux pas vivre pire que des moments avec ma partenaire. Il finit par me décrire sa femme et d’après lui, il y a beaucoup de similitude entre elle et moi. C’est pourquoi je me suis désignée comme leur fille, puisque j’ai également des caractéristiques identiques à Cristopher. Il me propose de m’adopter. Ce n’est pas une si mauvaise idée. « Je veux bien, par contre n’oublie pas de me mettre dans ton testament. Tu gagnes combien par an déjà ? » Je plaisante bien entendu, quoique je ne serais pas contre avoir la moitié de sa fortune si vraiment il n’a pas de descendance directe. Ça lui enlèverait un énorme poids. L’alcool commence doucement à faire son effet et ma langue se délit bien trop. Je vais regretter tout ce que je dirais ce soir dès demain matin, au réveil. Comme le fait que pleurer pourrait peut-être m’aider à devenir beaucoup plus humaine. Cristopher ne semble pas assez bourré pour ne pas souligner mes propos, sans oublier de faire une blague au passage. « Si je suis bien humaine, mais pas assez pour tout le monde. » Voilà que ma langue continue de se délier encore et encore. « Je suis le visage même du diable pour certains. » Je ris assez tristement à mes propos, ne sachant pas si ça me touche plus que je le pense.