Une nouvelle mauvaise nuit pour moi. Je crois vraiment que ce jeu va finir par m'épuiser. Je vais tomber de fatigue et mourir. Bon, j'exagère certainement. Je quittais ma chambre et passait par la cuisine où j'attrapais deux tranches de pain, un couteau, du nutella, des céréales et un bol de lait. Je posais tout cela sur un plateau et décidai d'aller manger sur la terrasse. J'adore déjeuner dehors et cet endroit est fait pour ça, alors ça me plaie forcément. Avant de sortir, j'attrapais la première veste que je vis traîner dans le nid, de toute façon vu mon gabarit je rentre dans tout, même dans les vestes de meuf. Néanmoins celle-ci n'en est pas une, c'est celle de l'un de mes colocataires mais vu qu'ils sont sympa, je suis sûr qu'il me la prêteront. C'est ça, ou je meurs de froid en t-shirt et short. Oui, je ne me suis toujours pas habillé. Je m'installe et me prépare donc mes tartines que je porte ensuite goulûment à lèvres, le matin je suis un véritable ogre. Je dois avoir du choco un peu partout et je devrais songer à manger correctement un jour. C'est alors que j'entends les pas de quelqu'un d'autre. Je relève la tête et mon regard se fixe sur le nouveau venu d'hier soir. « Salut, moi c'est Manech. » Simple comme présentation mais nécessaire n'est-ce pas !? Par contre, je ne sais pas à quoi m'attendre avec lui. Vu le personnage qu'il semble être, je ne suis pas sûr qu'il veuille être mon ami et moi le sien. Enfin, je ne reviendrais pas sur son portrait diffusé hier soir, portrait qui ne m'inspire pas des masses. On a à faire un gosse de riche capricieux voilà tout.

POUR JB ▬ le 1/10 à 10 h 56

Mes yeux s'ouvrent sur cet endroit que je n'ai pas encore apprivoisé, c'est étrange, très étrange et pourtant je devrais m'y faire pour les prochaines semaines qui suivent (si on m'a pas foutu dehors avant, ce que je doute néanmoins). Je m'extirpe en dehors de cet immense lit et avec un détermination certaine passe à la salle de bain pour un plus ample approfondissement de mon apparence. [...] Vêtu d'une simple chemise, d'un bermudas et de mocassins, je vais à la cuisine, attrape une tasse de café trainant sur le coin de la table (je doute que le propriétaire de celle-ci ait la galle et ma foi ne me permet pas d'aller me verser une tasse de mon propre chef) et me dirige dehors en saluant d'un bref signe de tête mes colocataires, avec leur tête dans le cul et leur gueule pas fraiche. Je n'aurais très certainement pas du surestimer la température de ce pays, je dois dire que je me les pèle. Quand je pense que quand j'ai quitté Paris, il y faisait 30°C. Un type est déjà attablé, je m'avance vers lui. A l'attente de mes pas, il se retourne vivement, le visage barbouillé de chocolat et les cheveux coiffés à l'as de pic. Je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire. « Salut, moi c'est Manech. » Je m'assieds à une des chaises libres et tout en m'allumant une cigarette lance. « Jean-Baptiste. »

Il se mit assis à table, tout comme moi, s'allumant une cigarette avant de se présenter tout comme je l'avais fait. Jean-Baptiste. Y a pas moyen de raccourcir ce truc là ? « J'peux raccourcir à Jb ou pas ? Ou a Jean ? Ou a Baptiste ? » J'essaie juste de me faciliter la vie, c'est humain hein. Je le regarde fumer sa clope tandis que moi, je mange désormais mes céréales. Je ne fume pas le matin, jamais de cigarettes avant midi. Inutile de me demander pourquoi, moi même je ne le sais pas. Je n'ai pas besoin de fumer avant que midi sonne. «Dis ... qu'est-ce que tu viens faire dans une émission comme celle-ci ?Parce que t'as déjà l'air pété de tunes. » Moi j'étais là pour le fric, d'autres pour vivre une aventure humaine mais ces deux objectifs ne semblaient pas être les siens. Quand une question me turlupine, je me sens obligé de la poser. Je suis comme ça moi. En plus, des questions j'en ai souvent beaucoup parce que je suis méga-curieux. Etre curieux n'est pas qu'un défaut hein, parfois c'est bien d'être curieux de la vie et de tout ce qui nous entoure. Peut-être qu'il a perdu toute sa fortune en fait. Que son père l'a raillé de son testament et que ce Jean-Baptiste de la montgolfière doit désormais se débrouiller seul. J'attrape mon bol que je porte à mes lèvres, boit une grosse gorgée de lait ce qui me laisse une moustache blanche que j'essuie d'un revers de bras. Merde, je viens de salir la veste. Tant pis.

Je prends une nouvelle bouffée de cette fumée nocive et contemple la terrasse d'un seul œil. Alors que je suis en train de boire une gorgée de café, mon compagnon brise le silence dans lequel nous étions baignés et comme s'il s'était agi d'une révélation lance du voix enjouée. « J'peux raccourcir à Jb ou pas ? Ou a Jean ? Ou a Baptiste ? » Je pousse un petit rire. « Fais comme tu le sens. » Il me plait bien. « Dis ... qu'est-ce que tu viens faire dans une émission comme celle-ci ? Parce que t'as déjà l'air pété de tunes. » J'arque un sourcil, sa question m’interpelle. Non pas qu'elle me mette mal à l'aise, mais je trouve ça plutôt intéressant. Donc si il y tient... J'écrase la cigarette à moitié consumée dans le cendrier en face de moi et tout en fixant la plancha comme s'il s'était agi d'un joyaux des plus précieux, me lance dans un monologue. Intéressante ou non, ma réponse ripostera à sa question. « Tu t'es jamais dit que t'avais déjà tout fait, tout tenté dans ta vie? » Je n'attends pas sa réponse et continue. « Hé bien tu vois. J'ai 22 ans, pourtant j'ai la sensation d'avoir l'âme d'un mec de 45 ans. J'ai tout fait, tout tenté. Plus rien ne m'impressionne. Je suis devenu putain d'aigri. A dire vrai je suis devenu comme mon père; un pauvre con. Et il me fallait un truc qu'allait changer mon quotidien qui m'emmerdait au plus haut point. J'ai entendu parler de l’émission et j'ai décidé de tenter ma chance. Histoire de passer quelques semaines loin de mon quotidien, un truc hors du commun, tu vois? Pas pour la notoriété ou je ne sais quoi. J'm'en bats les steaks de ça. Mais c'était juste histoire de rendre ma vie un peu plus mouvementée. » Je pousse un rire contrit parce que je me doute qu'il doit me prendre pour un de ces gosses de riche attardé, qui ne fait pas d'études et qui pense que tout lui est dû. Le pauvre, il ne sait plus quoi faire de sa vie. Je pose la tasse de café à présent vide sur la table et me tourne vers Manech avec un sourire bienveillant (il m'arrive de l'être). « Je suppose qu'on est pas venu pour les mêmes raisons. Je me trompe? »

« Fais comme tu le sens. » je posais mes doigts sous mon menton, faisant mine de réfléchir durant un instant. « J'vais t'appeler Baptiste, j'aime bien ce prénom. » Bien plus que ce que j'aimais Jean-Baptiste. Peut-être que ses parents étaient religieux et qu'ils l'avaient appelés comme ça comme Jean le précurseur. Putain, je raconte de la merde il faut que toutes ces hypothèses merdiques cessent ou mon cerveau sera cramé avant la fin de ce jeu. Je lui posais ensuite la question qui me brûlait les lèvres depuis la diffusion de son portrait. D'ailleurs, je ne devais pas être le seul à me poser cette question. « Tu t'es jamais dit que t'avais déjà tout fait, tout tenté dans ta vie? » ma tête se secoua de gauche à droite. Je ne suis pas ce genre d'homme, j'ai l'impression que j'ai de nombreuses choses à réaliser dans ma vie, l'impression qu'un paquet de truc m'attendent et que peut-être, je n'arriverai pas tout à réaliser. Je dois trouver l'amour par exemple, fonder une famille, m'acheter un chien, un voyage en Australie. Tant de choses qui demandent encore réalisation. Bien entendu, je cherche l'amour mais je sais bien que cela ne se fera pas dans ce jeu. Le but de ce jeu a une tout autre importance pour moi. « Hé bien tu vois. J'ai 22 ans, pourtant j'ai la sensation d'avoir l'âme d'un mec de 45 ans. J'ai tout fait, tout tenté. Plus rien ne m'impressionne. Je suis devenu putain d'aigri. A dire vrai je suis devenu comme mon père; un pauvre con. Et il me fallait un truc qu'allait changer mon quotidien qui m'emmerdait au plus haut point. J'ai entendu parler de l’émission et j'ai décidé de tenter ma chance. Histoire de passer quelques semaines loin de mon quotidien, un truc hors du commun, tu vois? Pas pour la notoriété ou je ne sais quoi. J'm'en bats les steaks de ça. Mais c'était juste histoire de rendre ma vie un peu plus mouvementée. » Je l'écoute avec toute l'attention que je possède, délaissant même au passage tout ce que j'étais en train d'ingurgité depuis ce matin. Ce mec est moins con qu'il n'y parait et je trouve ça drôlement cool. Ça m'apprendra à juger sur l'apparence moi. Peut-être que c'est moi le con de cette histoire en fait. « T'es moins con que ce que je pensais. Ta démarche est noble. » Moi qui pensait qu'il était simplement pour faire parler de lui. Venir pour se retrouver sois-même en quelque sorte, je trouve ça beau. « Je suppose qu'on est pas venu pour les mêmes raisons. Je me trompe? » « Je ne le cache à personne ici, je suis venu pour l'argent. J'ai quitté ma famille il y a cinq ans plus ou moins et ceux-ci n'ont pas suffisamment d'argent pour m'aider à vivre. Ils doivent déjà élever mes sept autres frères et soeurs. Alors moi, je suis prof et on sait tous que la paye d'un prof n'est pas fantastique. Je gagne ma vie mais si je pouvais avoir un peu plus d'argent, simplement pour faire plaisir à ceux que j'aime et bien ça serait fantastique. Enfin, même pour l'argent je ne saurai pas venu si on ne m'y avait pas mis au défi. Des élèves de ma classe qui trouvaient ça cool de m'envoyer ici parce qu'ils pensaient que je finirai par pété un plomb et rentré en chialant. » Bon d'accord dans mes sept frère et soeurs, il y en a deux plus vieux que moi qui ne vivent plus au dépend de mes parents. Mais eux aussi on une famille et j'aimerai vraiment réaliser le rêve de mon père, l'aider à se rendre en France, un pays qu'il admire tellement.

Je trouve ses paroles assez bien construites et plutôt magnanime. Je me demande encore comment cela se fait-il qu'il y ait encore des gens comme lui sur terre. C'est beau. J'attends qu'il me regarde et acquiesce d'un air compréhensif. Et comme je ne sais pas quoi répondre à ce qu'il vient de me dire - parce qu'à côté de lui je passe pour le plus gros con de la terre - je sors une nouvelle cigarette que je viens caler entre mes lèvres. Je l'allume et tire une première bouffée. A les enchainer de la sorte, je suis en train de passer pour un fumer compulsif, mais c'est généralement comme cela, comme toute personne censée sur cette planète, je fume pour passer le temps. Et puis soudain, un éclair dans ma tête. J'ai oublié ce costume à la con. « Bordel, je dois toujours faire cette mission à la con là. Avec ce costume de poisson. » Je ferme les yeux et soupire lassivement.