Pas que j'étais d'ordinaire une lève tôt, mais partager mon lit avec Alex n'était pas de tout repos. Au vu de l'heure, je m'étais résignée à démarrer la journée, filant rapidement dans la salle de bain pour profiter de l'eau chaude, je me dis que finalement, c'était une bonne résolution et que vivre avec trente personnes était une occasion de connaitre les douches glacées ... C'était donc à qui se lèverait le plus tôt possible. Pourtant, je ne croisais aucune âme vivante dans le château, à croire que les candidats préféraient leurs heures de sommeil ... ou bien peut être parce que la demeure était immense ... Dans tous les cas, je me servis un bon bol de chocolat chaud que je décidais d'aller déguster sur la terrasse.

La fraicheur hivernale me fit frissonner mais il était clair que j'étais cinglée puisque je m'installais coute que coute à une table, sirotant calmement mon chocolat tout en laissant mon regard se perdre dans l'horizon. Les minutes s'écoulèrent bien lentement lorsque j'entendis la porte s'ouvrir pour y laisser apparaitre Clément. Depuis près de vingt-quatre heures dans la maison, j'avais finalement réussi à mettre un nom sur chaque personne, ou presque, je lui souris simplement et l'assigna d'un « Bonjour » avant de lui demander toutefois « Adepte de la douche chaude, ou simplement envie de voir le soleil se lever? A moins que tu sois un de ses fumeurs compulsifs du matin ou bien même un cinglé adepte de la gelée hivernale » Je me tus, le laissant finalement me répondre.

feat. Clément

Mission impossible, course contre le temps, il bondit du lit à peine l'œil vitreux ouvert, juste le temps de déposer un bisou-éclair sur la main d'Enya qui repose contre le matelas, et de courir en caleçon jusqu'aux douches. Chaleur. Buée. Amen. Tout ça pour ça, oui, mais la vie en communauté suggère certains sacrifices essentiels: la douche chaude appartient à ceux qui se lèvent tôt. Les plus faibles se pèleront le cul, c'est la loi de la collocation. Fatigué mais heureux, Clément se glissa dans un peignoir bien chaud, et retourna dans la chambre pour se chausser: l'alliance peignoir – Veja est un composé esthétique à essayer au moins une fois dans sa vie. Baillant à s'en décrocher la mâchoire, il se dirigea vers la cuisine dans le but d'y trouver des biscottes. Le froid hivernal semblait terrible, et il aurait été suicidaire de se rendre dehors aussi tôt. Attendez... Depuis le bar, il plissa les yeux. Quelqu'un était installé sur la terrasse. Première hallucination au sein du nid, et il n'avait même pas pris de drogue. Il s'avança, traversa le salon, et aperçut Dulce, les jambes repliées sur une chaise de plastique blanc, une tasse de chocolat dans les mains. Elle attendait la mort ou quoi? Il poussa le battant de la porte vitrée. Le froid le gifla en pleine face, pour un peu il se serait mis à chialer.

Il répondit à son bonjour par un faible sourire et une main levée en signe de survie, quand elle enchaina une tonne de questions que son cerveau ne parvint pas à analyser. Il battit des cils tout en fermant les yeux. « Oula, oula, doucement. » « J'ai entendu adepte, soleil, compulsif et cinglé », dit-il en tirant une chaise vers lui pour s'y assoir à son tour, frissonnant. « Pourquoi tu te mets pas au chaud? » Il l'observa, cherchant les réponses à ses questions. Peut-être était-elle une adepte du soleil levant... Ou encore une fumeuse compulsive? Une cinglée adepte de la gelée hivernale? De toute évidence, quelqu'un qui aimait se faire du mal, c'était pas possible autrement, songea-t-il tandis qu'un vent glacial lui mordait les chevilles.

Sentir ce délice du chaud froid dans son corps ravivait des délires psychotiques que j'avais pu vivre parfois. La solitude qui m'avait alors accompagné me signifiait simplement que la tempête allait faire rage, beaucoup devaient déjà avoir du vivre en collocation et connaitre les délices des réveils matinaux. Vêtue très chaudement, je me plaisais à regarder le terrain que nous offrait la production, laissant mon regard se fixer sur de grosses croix, y avait-il un cimetière là bas? Certainement, il y en a toujours dans les vieux château, mais je trouvais ça glauque et limite effrayant, et si les revenants décidaient justement de ... revenir? Un frisson de terreur me parcouru alors que mon attention se fit sur l'arrivant mal réveillé.

Je ne pu que rire devant sa tête, ses remarques et son cerveau endormi. Je ne le laissais pas répondre à ma question, enfin, il ne semblait pas le vouloir puisqu'il m'en posa une autre. « Parfois c'est gratifiant de connaitre les autres et de les entendre répondre à nos questions » Je souris toutefois, attendris par ses yeux fatigués par la soirée de la veille, celui là apprendrait à se coucher tôt. Et puis, il me demandait à présent pourquoi je ne me mettais pas au chaud et, avalant d'abord quelques gorgées de mon chocolat chaud, je pris le temps de lui répondre « J'aime l'effet que procure un chaud-froid .. Tu sais, le corps glacé par ce vent et sentir le liquide brûlant le traverser ... C'est juste génial comme sensation, tu devrais essayer ... Je crois que maintenant, je suis classée parmi les cinglées de la maison ... » Je me contenais, ne souhaitant pas non plus être classée dans la catégorie des filles super chiantes.

Ses habitudes parisiennes, peut-être, qu'importe, faisaient qu'il s'habituait peu à peu au froid mordant, et que son organisme agressé commençait à se détendre. Il s'installa plus confortablement dans son siège, recouvert d'une housse matelassée, appuyant ses pieds contre le rebord de pierre de la terrasse. « C'est la douche chaude », finit-il par répondre avec un sourire en se tournant vers elle. « Je fume pas cigarettes, et je suis pas particulièrement masochiste. » Il mordit dans sa biscotte en l'observant avaler son chocolat chaud d'un œil envieux. « Je crois que maintenant, je suis classée parmi les cinglées de la maison ... » Il rit en se mordant la lèvre du bas. « Mais non » assura-t-il. Le froid allié au rire commençait à le réveiller malgré lui, et il y voyait plus clair à présent. Assez pour détailler clairement son interlocutrice et ses cheveux blonds non coiffés, la lueur un peu démente dans son sourire, trop peu sûre d'elle-même pour être véritablement allumée. Il désigna d'un signe de tête la tasse brûlante qu'elle tenait à la main. « En plus d'être cinglée, t'es du genre "alerte aux microbes", ou je peux goûter, histoire de connaître aussi cette sensation géniale? »

Il se rappela alors le jacuzzi dont tout le monde parlait dans la maison, situé à l'extérieur du château, dans ce qu'on appelait la grange, recouvert d'une lucarne afin d'observer le ciel tout en se détendant. C'était l'endroit idéal pour reproduire un bain nordique, et profiter de la magie de ce chaud-froid dont parlait Dulce. « T'as déjà fait un tour au jacuzzi? Si on ouvre la fenêtre du plafond, c'est comme si on était dehors. Ça pourrait être sympa d'y aller dans la mâtinée, y'aura personne, c'est sûr. » Enfin, ça, ça marchait si Dulce n'allait pas se faire des films, comme quatre-vingt dix pour cent des filles de cette maison, qui s'imaginait qu'on les draguait dès qu'on leur demandait de nous passer le sel. Alors imaginez, un rendez-vous au jacuzzi...

Doucement, il s'éveillait au monde ce qui me permis d'en savoir plus sur lui, d'abord qu'il était là pour la douche chaude, réponse à laquelle je souris et complétais par un « Voilà un point commun » oui c'était débile mais se lever tôt tous les jours pouvait nous permettre d'apprendre à nous connaitre bien mieux qu'entouré d'une bande d'hystériques incapable de contrôler leurs états d'âme. Il ne fumait pas et n'était pas masochiste, la production avait-elle établi un contrat contre la cigarette? Certainement, en tout cas, j'étais heureuse de savoir que je ne passerais pas mes premières heures de la journée entourée de fumée déglinguée et puante, il n'y avait qu'en soirée, lorsque j'étais déjà bien attaquée par l'alcool qu'une cigarette pouvait croiser mes lèvres et puis faire "comme tout le monde" n'était pas optionnel. D'un signe de la tête, Clément désigna la tasse et demanda « En plus d'être cinglée, t'es du genre "alerte aux microbes", ou je peux goûter, histoire de connaître aussi cette sensation géniale? » Je me mordis la joue afin de réfléchir plus sérieusement et lui répondit naturellement « Je suis alerte aux microbes mais je me passerais de ça juste pour te faire découvrir ça! Bien mieux que n'importe qu'elle drogue ! » Les sensations sous effets prohibés étaient bien moins intéressantes depuis que j'avais découvert les petits plaisirs de la vie. Gentillement, je lui tendais la tasse, attendant qu'il la choppe et déglutisse ce liquide brulant.

« T'as déjà fait un tour au jacuzzi? Si on ouvre la fenêtre du plafond, c'est comme si on était dehors. Ça pourrait être sympa d'y aller dans la mâtinée, y'aura personne, c'est sûr. » Je souris à cette perspective, il avait compris le truc et sa proposition me plaisait, cela voulait dire qu'il était prêt également à partager un délire matinal une fois de plus, j’acquiesçais simplement avant de demander « Ca me plairait de connaitre ça oui, mais sache que j'ai la phobie de l'eau ... enfin de la profondeur ... Mais dans un jacuzzi, on peut pas se noyer hein? » Je n'étais pas très intelligente, déjà je lui dévoilais mes faiblesses, j'étais prête à parier qu'il en rirait ou jouerait de cela plus tard dans l'aventure, contre moi, tant pis.