LIBRE

C'était le soir, notre deuxième soirée commenças et j'étais seul, assis dans un des divans. Je m'ennuyais enfaite. J'avais un livre en main et tentais de le lire mais enfaite il ne m'intéressais absolument pas. Alors, tandis que mes yeux restaient figé sur le livre, tandis que j'essayais d'avance mais que j'oubliais les mots a la seconde même ou je les avait lus, je laissai dériver mes penser. Cette journée avait été plutôt pas mal, j'avais fait la connaissance de plusieurs personnes... Je n'avais pas vu Alice de la journée d'ailleurs, ni croisée ni rien du tout. Enfin de toute manière je finirais par la voir ce soir en allant me coucher. Pour le moment j'étais seul, mon livre commençait sérieusement à m'ennuyer alors je le refermai et le déposa sur la large table basse qui se trouvait là.

« Celui-là. » Presque trop naturellement, Deirdre s'était approchée du parfait inconnu et, maintenant plantée devant lui, elle lui tendait un livre en remplacement (croyait-elle) de celui qu'il venait d'abandonner sur la table. Ses deux iris de déchéance posés sur lui, elle semblait tout à fait consciente de ce qu'elle faisait, exactement comme si elle avait pu préméditer son geste des jours avant. Heureusement qu'elle eut la clairvoyance d'expliquer, par là-même, son intention : « Essaie plutôt celui-là. » Comme elle le lui concédait, Deirdre s'empara du livre qu'il avait délaissé pour aller s'asseoir sur le canapé juste en face du premier. Elle s'y installa, les jambes encore une fois ramenées en tailleur, et feuilleta les premiers pages. Elle y chercha de l'ennui, du commun, quelque chose qui lui parut suffisamment déplaisant pour être amenée à le refermer. Pourtant, ni la forme ni le fond ne fût vraiment pour la rebuter. Au contraire. Elle s'y plongea en quelques secondes, oubliant certainement qu'elle s'était adressée quelques secondes plus tôt au jeune homme bien en face d'elle. Après tout, elle ne trouvait pas toujours d'intérêt dans les mots inlassables que l'on débitait pour l'unique plaisir de le faire, et rien de plus... A ses risques et périls.

Une jeune femme me tendit un autre livre, de la même épaisseur mais paraissant plus ancien, en me disant « Celui-là » J'avais tout de suite compris ce qu'elle voulait dire et je le pris, elle précisa alors ce qu'elle voulait dire et je lui souris. « Merci » dis-je, simplement. Elle prit alors le livre que j'avais posé sur la table et se plongea dedans, j'avais maintenant pas trop envie d'ouvrir mon livre car elle semblait trouver celui que j'avais reposé plutôt absorbant, du coup je n'avais pas franchement confiance en ses gouts. Mais peut-on juger sur un livre ? Non. Alors j'ouvris le livre et commença à lire. Les premières pages me captivait déjà. Elle avait donc bien choisis. Je souris, murmurant encore un merci presque imperceptible. La silence régnait sur la pièce pendant quelques minutes, seul le bruit des pages tournées se faisait entendre. C'était agréable. Plus jeune, je lisais beaucoup, et mon cousin, qui venait souvent à la maison, n'arrêtai pas de faire du bruit à coté de moi lorsque je lisais, ce qui était très dérangeant...

Ils respectèrent mutuellement le silence de leurs lectures, tant et si bien que Deirdre parvint bientôt à la fin du tout premier chapitre. Ce n'était certainement pas les meilleures pages qu'elle ait lues, mais cet ouvrage n'était pas pour lui déplaire. Au contraire de son précédent possesseur. D'ailleurs, la jeune irlandaise leva son doux visage pour le dévisager, et chercher la moindre trace d'un nouvel ennui. Mais rien. Il semblait bel et bien absorbé par les lignes que ses yeux couvraient frénétiquement. Elle en eut un sourire tranquille. Elle avait, de toutes les façons, toujours été beaucoup plus douée avec les objets qu'avec les gens, et la preuve en était encore une fois faite. Là, par le seul geste d'avoir confié ce livre à un parfait inconnu, elle lui en avait dit bien plus qu'il n'était nécessaire d'en délivrer par les lèvres infâmes, traitres à la pensée. Et comme il semblait passionné, Deirdre se passionna à son tour, de cette seule vision de lui. Nul n'avait idée comme elle aimait à dérober à leur intimité ces quelques images de folie ordinaire qui rendait un éclat différent, et superbe, sur chacun. Elle le scruta avec insistante, sans prendre ombrage de la possibilité qu'il s'en aperçut. Non, il semblait bien trop concentré et la lueur qui brillait dans le regard de Deirdre... en frôlait donc l'extase.

Au fur et a mesure de ma lecture, je me sentis observé. Une sensation étrange que je n'aimais pas, mais le livre m'intéressais alors je ne levai pas les yeux pour vérifier si mon impression était juste. Mais ce pressentiment ce faisait de plus en plus insistant, serait-ce la jeune femme qui m'observait ? Je n'entendais plus ses pages tournées, je finis alors par lever les yeux lorsque j'eus finis le premier chapitre et croisa son regard. Elle était bel et bien entrain de m'observer. Je lui souris. « Tu as bon gout. » dis-je sur un ton assez doux, presque de peur de briser ce silence qui s'était installé entre nous. Je n'étais pas du genre à aimer le silence, mais en ce moment, c'était le cas. Alors j'en profitais, je le dégustait, et l'enfreindre me sembla presque une violation, mais c'était trop tard.

Considérant l'offense, Deirdre entrouvrit les lèvres pour n'en rien dire, comme si elle n'avait guère souhaité se rendre complice d'un tel crime. Au lieu de cela, elle ne le scruta qu'un peu intensément, si cela était seulement possible. Il semblait étrangement respecter la manière dont elle l'observait, comme s'il n'y avait rien eu de plus naturel que de s'attarder à ce point sur les traits d'un parfait inconnu auquel, qui plus est, l'on a simplement conseillé un livre. Et encore. Elle le lui avait plus soumis que conseillé, à y regarder de plus près. Mais il appréciait. Et cela, ça faisait absolument toute la différence. « Qu'est-ce qui t'ennuie ? » D'abord, la question eut une nuance générale. Puis Deirdre déposa l'ouvrage en sa possession sur la table. Après quoi elle se rassit, confortablement, pour que son regard retrouva son parfait point d'ancrage. La réponse, elle la cherchait déjà dans les yeux de son interlocuteur. Elle ne put la lire, et pourtant elle ne cessa de chercher. « Tout m'ennuie. » Ce fût une confession au goût de vérité évidente, et elle en haussa même les épaules.

« Qu'est-ce qui t'ennuie ? » Cette fille était étrange et, étrangement, je sentais qu'on pourrait s'entendre. J'étais le genre d'homme qui pouvait s'entendre avec une multitude de personnes, ayant moi même une personnalité variés et des humeurs changeante. Je ne pensais pas être quelqu'un de banal, ce qui pouvait aussi faire la différence. Elle répondit alors que tout l'ennuyais, j'eus un regard perplexe et répondit à mon tour. « Ça dépend le point de vue, l'humeur, de beaucoup de choses enfaite... En ce moment, rien ne m'ennuies. » dis-je avec un sourire léger, presque imperceptible. Discuter avec Deirdre s'annonçait être une expérience qui ne me laisserait pas indemne et c'était ce que je recherchais ici. Des nouvelles expériences.

« Pourtant, ce livre t'ennuyait. » Si elle rétorquait avec certitude, elle ne le faisait pas avec fermeté. Dans l'esprit, Deirdre n'avait pas cherché à le contredire mais plutôt à objecter l'évidence. Et l'évidence était bien que cet ouvrage lui avait déplu. En outre, la réponse qu'il lui confia parut bien évasive à l'oreille de notre fausse ingénue, et cela ne la fit que redoubler d'attention. Contrairement au sentiment qu'elle nourrissait en lui, Deirdre le trouvait relativement banal. Cela ne voulait pas dire qu'il était inintéressant, mais seulement qui ne se démarquait pas expressément des alentours. Il était là. Dans son silence, il avait séduit quelque chose en elle mais, maintenant qu'il parlait, une magie certaine semblait s'être envolée, tout simplement. « Qu'est-ce qui t'a plu dans l'autre ? » D'un mouvement de la tête, elle désigna naturellement celui qu'elle lui avait confié en remplacement. Apparemment, elle avait visé juste. Il ne restait qu'à savoir pourquoi, et même si Deirdre ne souhaitait pas intimement comprendre, la question lui parut naturelle. Aussi l'avait-elle posée.

« Pourtant, ce livre t'ennuyait. » Je souris et répondit, un peu du tac au tac, sans cependant vouloir lui rabattre le clapet où allez savoir quoi d'autre. « Mais je ne le lis plus, en ce moment. » Donc il ne m'ennuyais plus, donc rien de m'ennuyais. C'était évident, non ? Enfin pour moi ça l'était. Elle me demande alors ce qui m'avait plus dans l'autre livre. CE qu'il fait en premier pour qu'un livre m'intéresse c'est que le style soit à mon gout. Je ne dit pas bon car il n'y pas de bon style. Ensuite l'histoire doit être accrocheuse, ce qui est totalement évident, bien sur. Je répondit donc « Le style, l'histoire aussi, bien sur. Mais surtout ce style particulier qu'a l'auteur... » J'avais lu des livre tous avec un style différent, enfin tous, peu moins presque tous. J'avais lu des classiques afin de m'imprégner du style (que je trouvais souvent pompeux) des siècles passés, j'avais lu des textes nouveau, c'était plus les nouveaux textes qui m'intéressait, les styles me correspondait plus.

Pour ce qui était de l'ennui, Deirdre ne répartit rien sur la logique imparable de son interlocuteur. Même si le timing avait paru bien sec, tout cela sembla couler sur elle sans jamais l'effleurer. Et même si la réponse à sa question fût convenue de la part du jeune homme, elle hocha tout de même la tête. Parce que c'était évident. Le style. L'histoire. La forme. Le fond. Elle avait envisagé autre chose, c'était certain, mais comme elle se gardait d'espérer, elle n'avait pu être déçue. En revanche, d'autres mots lui montèrent aux lèvres, ceux-là même qu'elle délivra avec aisance à ce même interlocuteur sans jamais avoir cessé de le dévisager. « Caithfidh fir Éireann uile o haicme go haonduine… gliec na timcheall no tuitim (tous les Irlandais, sans exception, doivent s'unir ou mourir). » Pendant quelques secondes, Deirdre laissa flotter un silence qui sembla laisser l'opportunité au jeune homme de mettre le nom d'un auteur sur ces quelques mots. Pourtant, elle avoua bien assez vite. « Haceid a écrit de belles choses. Pour de mauvaises raisons, mais il a tout de même écrit de belles choses. » Elle marqua naturellement un silence. « Dis-moi le plus beau passage que tu aies lu, sur n'importe quel support, roman ou poésie.... »