Oona ; 15H20

Il faisait chaud dans le jardin. Le soleil était devenu à présent trop accablant à cet heure-ci de la journée et la chaleur avait atteint ses limites, le climat était vraiment insupportable. Ce qui paraissait invraisemblable aux premiers abords était l'absence du vent, ce qui rajouta une dose de sécheresse à cette journée morne et monotone... L'Irlande n'avait pas l'habitude d'accueillir ce genre de climat, et il fallait préciser que cela avait le malheur de tomber le jour ou Artie s'était enfin décidé à sortir de son cocon pour jouir de la beauté du jardin. Arrivant malgré tout à destination, il s'assit sur l'un des bancs en marbre et retroussa premièrement les manches de sa chemise pour alléger la souffrance que lui causait la chaleur. Il s'appuya ensuite sur le bord du banc et ferma les yeux un moment pour se reposer : Il flottait dans une béatitude suprême et oublia carrément ce qui se passait autour de lui...

J’ouvrais un œil, mon ventre criait famine. Arf ! C’est ça de ne pas manger à midi, comme tout le monde. Je me levais du lit que je partageais avec Lukas – depuis hier j’étais sûre de le partager avec lui encore pour une semaine – et descendit les escaliers, encore un peu endormie. Non je ne dormais pas, je ne faisais que réfléchir… ‘ahem on y croit’. Bref, je descendis l’escalier et avant de suivre mes pieds qui me guidaient vers l’extérieur, je fis un petit détour du côté de la cuisine pour me prendre deux scones. Je mordis dedans, goulument, sans faire attention aux miettes que je semais derrière moi. Au moins, si je me perds, je pourrais revenir sur mes pas et retrouver la cuisine, comme le gamin avec ses cailloux dans la forêt. Incroyablement je n’avais pas froid, malgré mon simple gilet qui ne protégeait pas vraiment du froid. Pour un mois de janvier en Irlande, il faisait vraiment bon ; j’avais encore plus le cœur à me promener et à échapper à tous les débilos encore présent dans le château. Le parc, dont j’admirais la rare beauté tout en engloutissant le premier scone, était réellement immense et je comprenais enfin l’utilité de ses nombreux bancs de pierres. Sur l’un d’entre eux, un candidat semblait dans ses pensées. Alors je m’asseyais de l’autre côté du banc ; je ne m’empêchais pas de faire du bruit et encore moins de parler ; tant pis s’il dormait. « C’est toi alors, le Sir ! » lui demandais-je sans trop me poser de question. J’avais entendu parler de lui, mais sans l’avoir approché une seule fois d’assez près. Je regardais la brioche sur mes genoux. ‘Soit agréable Oona, pour une fois !’ Je roulais des yeux. « Tu veux un scone ? »

Sir Artie était douillettement recroquevillé sur lui-même, il était plié et serein, presque aérien malgré le fait qu’il n’ait ingurgité aucune drogue. Dans cette position, son coude souffrait, ses épaules souffraient aussi et sa tête ronde et lourde n’arrivait pas à trouver une position adéquate. Le jeune baron se redressa après qu’une jeune candidate le rejoignit. Il ne la connaissait vraiment pas, nonobstant les tentatives de se rappeler ne serait-ce un gramme de son identité, mais sans succès malheureusement. Et afin d’y remédier à ce manque, il se tourna ainsi vers la jeune femme et lui demanda « Je me nomm… » Il fut coupé par la jeune femme qui l'identifia malgré le surnombre des candidats, il n’avait plus vraiment besoin de se présenter alors, ce qui l’aida d’une autre manière. Retrouvant ainsi sa position initiale, ses fesses avaient tendances à lui faire mal, il voulut, pour y remédier se lever mais la jeune candidate s’assit de l’autre côté du même banc. Il jugea inopiné de se lever, donc il se contenta de garder sa position actuele. Fixant la jeune inconnue du regard, il remarqua qu’elle avait en sa possession une petite part de scone qu’il reconnut à peine à cette distance, elle lui proposa de partagé, mais il rappliqua « Non ça ira merci. *affichant un sourire léger* et oui je suis bel et bien le Sir Artie dont tu parles. Je t’ai vu durant la soirée d’ouverture avec le non-voyant mais je n’ai malheureusement pas pu te parler, j'avais du quitter un peu trop tôt» C’était vrai, cette jeune femme, il ne la connaissait que de profil et cette rencontre allait l’aider à agrandir son cercle des connaissances, au sein du nid bien évidement.

Je lançais des regards furtifs à mon voisin de banc, tout en picorant mon scone. En fait, je ne le connaissais pas plus que simplement de vu. C’est Sixtine qui m’avait parlé de lui quelques jours auparavant, comme quoi il était Lord ou Sir ou quelque chose comme ça et qu’apparemment, cela ne passait pas inaperçu dans sa façon de s’exprimer. En tout cas, il avait un je-ne-sais-quoi sur son visage ou dans sa façon d’être, mais il transpirait la mondanité. Non pas que cela me déplaisait, mais j’étais plus habitué au « petit peuple ». « Non ça ira merci. » Je le considérais un moment, avant d’attaquer le morceau qu’il venait de refuser. « et oui je suis bel et bien le Sir Artie dont tu parles. Je t’ai vu durant la soirée d’ouverture avec le non-voyant mais je n’ai malheureusement pas pu te parler, j'avais du quitter un peu trop tôt » Je fus légèrement étonnée, je pensais être passée totalement inaperçue lors de cette soirée d’arrivée, comparée à d’autres. « J’ai quitté la soirée assez tôt moi aussi. J’ai du mal à me mélanger aux autres dans ce genre de soirée. En gros je n’ai parlé qu’avec Lukas et parce que c’est mon partenaire. » Je lui répondais entre deux bouchées. Evidemment, je ne parlais pas la bouche pleine, mais je ne faisais pas attention à mon comportement : tant pis pour Môsieur le Sir s’il est offusqué. D’ailleurs, c’était vrai : il a cette façon de parler qui était différente de la mienne, quoique malgré mon manque d’éducation et d’instruction, je m’étais améliorée au niveau de l’éloquence. « Je m’appelle Oona, au cas où tu voudrais le savoir. » Je me tournais vers lui, appuyant ma présentation par un dodelinement de la tête.

Toujours fixant la jeune femme d’un demi-regard, Sir Artie sentait que ses paupières allaient lâcher par moment, mais il se ressaisit finalement. Essayant le maximum de ne point paraître fatigué, le jeune baron afficha un sourire mélodieux pour orienter l’attention de la jeune femme vers ses lèvres, laissant à ses yeux bleus quelques moments de répit afin de retrouver toutes leurs splendeurs. Le brun se contenta alors d’écouter soigneusement cette jeune femme rayonnante, constatant qu’elle avait quelques difficultés à s’exprimer correctement, surement à cause de sa bouche pleine qui avait tendance à projeter quelques miettes par terre, il la rassura « Pour moi, tu n’es pas passé inaperçu, tu es bien différentes des autres… » Toujours aussi calme, il appuya son coude sur le banc, et se mit à la contempler. Elle ne ressemblait vraiment pas aux autres candidates qu’il avait rencontré jusqu’à présent, elle était assez différente et on pouvait même affirmer qu’elle arrivait facilement à sortir du lot, ce qui était une bonne chose « Alors tu te nommes Oona, moi je te voyais plutôt comme une russe, mais je me suis largement trompé, tu viens d’où plus exactement alors ? » Sentant qu’il allait connaître le personnage un peu plus, il fit mine de réfléchir un moment, levant la tête vers le ciel, la réponse il la connaissait bien évidement, elle ne pouvait être qu’Irlandaise, mais si elle était du genre bavarde, elle allait surement dire bien plus sur elle qu’elle ne pensait faire, ce qui lui permettra d’une autre manière de sonder le personnage encore plus, car il fait bien l'avouer, elle l’intriguait !

J’essuyais ma bouche du revers de ma main, pour enlever quelques miettes de gâteau qui avaient pu rester collé contre mes lèvres. « Pour moi, tu n’es pas passé inaperçu, tu es bien différentes des autres… » Heureusement que je n’avais rien dans ma bouche, j’aurai pu m’étouffer. Je me tournais vers Artie, plissant mon front, ce qui accentua mon expression d’étonnement. Il me trouvait différente… comment pouvait-il bien me trouver différente, alors que moi, je me trouve d’une horrible banalité. À moins qu’il ait compris que, si j’étais unique en mon genre, c’est simplement parce que je ne suis ni belle, ni intelligente, ni exubérante. Passé l’étonnement, j’esquissais mon premier sourire de la journée, que je cachais en détournant un peu ma tête du Sir. « J’aimerai beaucoup savoir en quoi je le suis… » C’était lui le mieux placé pour me le dire, parce que je n’avais aucun élément de réponse. Il me m’était un peu mal à l’aise ; c’était un sentiment difficile à cerner, mais je n’avais jamais été regardé ainsi, comme il le faisait en cet instant. Ca me passait même l’envie de manger, pour ne pas paraître morphale et je regardais en face de moi, espérant qu’il cesse son observation. Quand on n’a pas l’habitude d’être le centre de l’attention (hors des représentations de danse)... « Alors tu te nommes Oona, moi je te voyais plutôt comme une russe, mais je me suis largement trompé, tu viens d’où plus exactement alors ? » Il était réellement particulier lui aussi ; je ne pouvais vous dire en quoi il l’était, au-delà de sa façon d’être, mais en tout cas, je prenais un peu plus confiance à côté de lui. J’aurai pu très bien lui dire que cela ne le regardait pas. J’aurai pu très bien l’embêté en faisant ma gamine, comme je l’avais fais avec Ruben. J’aurai pu aussi l’ignorer royalement. Pourtant non, je secouais ma tête pour lui dire ‘et bah non’ et esquissait un sourire en coin. « C’est ça, Oona et je ne suis nullement russe. J’ai déjà été en Russie, mais je n’en viens pas. Je suis simplement irlandaise, rien de très original en fait. J’habite à Galway. » Lui répondis-je le plus naturellement possible, en haussant les épaules, mais toujours avec mon léger sourire. « Et toi, Sir ? Je trouve que t'as un accent spécial... »

Conscient qu’il s’était fortement impliqué dans cette affaire, Sir Artie ne pouvait plus reculer. Il avait signé en quelque sorte un contrat en compagnie d’Oona. Ce n’est pas qu’il n’appréciait point sa compagnie, mais seulement qu’il ne voulait pas se dévoiler à une autre personne encore une fois. Il jugeait qu’à ce niveau de l’aventure, il avait divulgué pas mal d’informations sur lui, lui qui n’était pas de nature très bavarde, il avait franchi un certain cap ou il passa du Artie ‘réservé’ au second ‘Artie’ plus ouvert aux autres. Il fallait absolument noté aussi que jours après jours au sein du nid, il évoluait et démontrait des choses dont il n’était pas du tout capable, ce qui était, somme toute, une bonne chose et accomplissait d’une autre manière l’un des objectifs de sa participation dans le jeu. Oubliant partiellement la jeune Oona qui se posait à présent des questions un peu plus profondes, il put remarquer que la jeune irlandaise n’était pas très habituée à ce genre de commentaires, d’où son étonnement fortement prononcé « Je n’en ai aucune idée je m’excuse, ce n’est qu’un pressentiment qui s’accentue encore plus au fur et à mesure que je te parle… » Il n’avait pas vraiment menti, il ne pouvait mentionner en quoi elle était différentes des autres, il était même dans l’incapacité d’argumenter son propos ce qui le dérangea un moment. « Alors t’es irlandaise comme les trois quarts de cette population… Juste une question si tu le permets : Que faisait-tu en Russie ? Tu es libre de répondre ou non bien sûr » Affichant par cette occasion un sourire des plus charmant, il mit ses mains propres sur son menton on s’approchant un peu plus de la jeune femme ; il fallait quand même noté qu’il restait un minimum d’écart entre les deux parties pour pouvoir prétendre à un rapprochement, et rajouta d’une manière calme et maitrisée « Un accent Spécial ? Prend le temps de m’expliquer je te prie, ça m’intéresse de savoir ce que les autres pensent réellement de moi ! » Toujours aussi placide qu’avant, il détourna son regard de la jeune femme pour laisser à ses yeux la chance de goûter aux délices d'un jardin d’une extrême beauté.

« Je n’en ai aucune idée je m’excuse, ce n’est qu’un pressentiment qui s’accentue encore plus au fur et à mesure que je te parle… » Je lui fis un petit mouvement de la tête, c’était un peu comme moi en vers lui ; un peu comme moi envers tous les autres membres. Encore et toujours des pressentiments, que j’espérais tendre, de plus en plus, à des certitudes. Pour ça, je devais faire l’effort d’approcher les gens, comme je venais de faire avec Artie. « Alors t’es irlandaise comme les trois quarts de cette population… Juste une question si tu le permets : Que faisait-tu en Russie ? Tu es libre de répondre ou non bien sûr » Cette fois, je lui fis un grand oui de la tête. J’étais une banale irlandaise, parmi d’autres irlandais. En ce qui concernait la Russie, il ne devrait pas me lancer sur cette piste : je ne suis pas une grande bavarde, mais dès qu’on me lance sur cette voix, je ne peux plus m’arrêter de parler et avec passion en plus. « J’ai fais la touriste. » me contentais-je de lui dire, sinon il en avait encore pour une plombe et je n’avais pas envie de paraître ennuyante, surtout que je ne suis pas de ce genre. Je répondais à son sourire par un sourire, mais le mien était moins charmeur et moins à l’aise aussi. Je le regardais un peu plus dans les yeux. « Un accent Spécial ? Prend le temps de m’expliquer je te prie, ça m’intéresse de savoir ce que les autres pensent réellement de moi ! » Il avait beau détourner son regard, je le regardais toujours, réfléchissant un peu. Je pesais mes mots, essayant de parler aussi bien qu’il pouvait le faire. « Oui, comment dire… » J’étais un peu comme lui, embêtée de ne pouvoir mettre des mots sur mes ressentiments. « Je t’imagine dans une belle demeure, en Angleterre ou peut-être en Ecosse. Tu sais, ta façon de t’exprimer… on voir bien que t’es Sir ou un truc du genre et pas un petit irlandais de banlieue. Ou plutôt que t’as eu le droit à une bonne éducation et que tu dois avoir des diplômes, contrairement à moi ! » Qu’est-ce qui me prenait à tenir de telle phrase et surtout de le lui dire. J’haussais les épaules en reportant mon attention ailleurs. « C'est ridicule. Va pas croire que je t’envie… » Je me levais précipitament du banc, en lui adressant un dernier sourire.

Oona n’avait pas l’air de quelqu’un d’assez joyeux, elle était froide, le dos bien droit, le visage triste. Il n’aimait pas vraiment cette sensation qu’elle dégageait, mais cela faisait en même temps les bénéfices de son charme. Sous son enveloppe de petite fille se cachait une personne chagrinée et cafardeuse… Il ne savait pas si cela était au détriment d’une mauvaise fréquentation ou bien n’étais-ce qu’un simple trait de naissance. Il se tourna cette fois vers la jeune irlandaise qui cette fois, avait l’air d’avoir répondu sincèrement... Alors c’était comme ça comment elle le voyait ! D’un point de vue objectif, elle n’avait pas vraiment tord, et il voulait simplement trouver un petit quelque chose pour la contredire mais il ne trouva rien malheureusement « Je comprends » Laissant la jeune femme se levait de son banc, il remarqua qu’elle allait bientôt quitter, il s’obstina à ajouter avant son départ « Tu sais, ma façon de parler et mon tire n’est que symbolique, nous sommes tous égaux ici… Bonne journée Oona » laissant échapper un sourire simple et contrarié, il croisa les bras, s’allongea sur le banc mettant sa tête sur l’autre côté du banc ou Oona avait gracieusement posé ses fesses quelques heures auparavant, il eut la chance de la voir une dernière fois, en profondeur cette fois, puis il ferma les yeux…

The end