Syssoi avait subitement répliqué que Moore n'avait confiance en personne, et encore moins en elle. Je savais qu'elle se posait beaucoup de questions, qu'elle se méfiait d'elle même. Cette remarque était arrivée d'un coup, sans que je m'y attendre, et était probablement due au fait que Syssoi voulait mettre les points sur les "i". J'avais affirmé quelques minutes plus tôt qu'elle ne voulait pas m'accorder sa confiance, et que cela me gênait plus qu'autre chose pour lui montrer ô combien je tenais à elle. Il voulait probablement m'enlever cette idée de la tête, me montrer que ce n'était pas seulement en moi que Moore n'avait aucune confiance. C'était en nous tous, de manière générale, en elle-même, en quiconque étant un minimum proche d'elle, en somme. Je me sentais très con. Moore m'avait dit la même chose l'autre jour, et visiblement j'étais trop borné ou top parano pour la croire. Il fallait toujours que je prenne tout pour moi. J'avais également fait part à Syssoi de mon ras-le-bol grandissant. Celui-ci était dû au fait que Moore batifolait aux quatre coins du nid, ce qui à mon sens n'était pas une attitude responsable du tout. Seulement il ne fallait pas oublier que la demoiselle était fragile, et qu'elle ne savait pas réellement adopter un comportement digne de son âge. J'avais parfois trop tendance à l'oublier. Syssoi était heureusement là pour me signaler qu'elle ne se foutait pas de ma gueule, non. Selon lui Moore cherchait à se détruire, et elle n'avait pas trouvé meilleur moyen pour le faire que se taper tout le nid. Chacun sa façon de s'auto-détruire, hein... Les paroles qui suivirent me confortèrent dans l'idée que, de toute évidence, je représentais une menace pour Moore aux yeux de Syssoi. Il semblait avoir un peu de mal à accepter que je puisse vouloir être avec elle, sans chercher à exercer quelque domination que ce soit sur sa personne. Non je n'avais pas prévu de la faire se soumettre à moi par la suite, je n'avais pas non plus dans l'idée de briser ses dernières défenses. Il était hors de question que Moore devienne une sorte de femme soumise à mes côtés. Je ne voulais pas la dépouiller, je savais qu'elle n'avait pas grand chose à m'offrir. « Que crois-tu, je me suis bien rendu compte qu'elle était terrifiée. Et ce n'est pas dans mes plans de la faire souffrir, de la détruire ou quoi que ce soit d'autre. » Aussi difficile que cela puisse être à croire, pour lui comme pour les autres, je n'avais absolument aucune mauvaise intention envers elle. « Je voudrais qu'elle arrête de se détruire comme elle le fait. Tout ce que je veux, moi, c'est panser ses blessures. Je ne veux plus la voir souffrir. » Me mettre à sa place, j'en étais tout bonnement incapable. Je ne pouvais m'imaginer ce qu'elle ressentait à l'intérieur d'elle-même. Je savais qu'elle n'avait pas eu une vie facile et heureuse, nous partagions ce point commun, mais ce n'était pas pour autant que je parvenais systématiquement à la comprendre. Moi quand je cherchais à me détruire, je me mutilais. C'était aussi simple que ça. Elle, elle se rendait... sale, si je puis dire ça ainsi. Alors bon, je voulais bien me mettre à sa place cinq minutes comme le suggèrait Syssoi, mais ça me semblait quand même difficile. « Que faire pour lui donner confiance en elle... » Cette question, je me la posais surtout à moi en fait. Je savais que tant qu'elle n'aurait pas confiance en elle, elle serait absolument incapable de m'accorder sa confiance. Et j'en avais besoin, de cette confiance, car sans elle je n'arriverais sans doute jamais à lui faire ouvrir les yeux sur mes réelles intentions la concernant.