A.J

De larges coulures, encore et encore, qui dégringolent le long des vitres aux carreaux gondolés par le temps, et cette luminosité grisâtre qui ternit tout sur son passage, couleurs et humeurs. Chacun semble apathique, comme muré dans une déprime passagère mais qui dure. Ce n’est pas le contre-coup de l’enfermement, enfin pas celui du contexte, mais le contre-coup de cet enfermement forcé entre quatre murs, du matin au soir, sans jamais qu’un rayon de soleil ne troue les nuages. Matin, midi, soir, même luminosité fuyante, et même gouttes de pluie qui martèlent le sol. Rares sont les kamikazes qui se risquent à l’extérieur, si bien que le salon, où je me trouve, prends des allures de camp de réfugiés. Des dizaines de candidats se trouvent dispatchés aux quatre coins de cette vaste pièce, échoués sur quelques fauteuils, méridiennes, causeuse, ou divan, enroulés dans des couvertures vieillotes, ou simplement en vieux joggings “juicy couture” absolument hideux. Cupidon aurait tout intérêt a commander rapidement un microclimat, vu l’allure à laquelle ses petits protégés se laissent aller physiquement et vestimentairement. Retranché sur ma propre méridienne, un croquis à dessin sur mes jambes repliées, j’ai trouvé mon sujet d’occupation de ce début d’après-midi. Elle n’a pas de prénom, pas encore, mais des cheveux roux, lui tombant en cascade sur les épaules, avant de s’arrêter net, comme taillés à la serpe, au niveau des omoplates. Le visage penché en avant, elle lit une oeuvre dont le titre m’échappe. Face à une des larges fenêtres la nimbant dans sa lumière grisâtre, j’observe le bout de sa frange caresser le début de ses cils à chaque mouvement de paupières. Elle est belle, indolente, elle est belle dans son indolence, et moi, moi je tente de la reproduire au mieux dans le maigre dégradé de gris que m’offre mon fusain. J’ai commencé doucement, décrivant de larges courbes aériennes, mais plus le temps passe, plus le sujet se précise, plus je m’active avec frénésie, m’appliquant à la parer d’ombres pour mieux faire ressortir sa lumière, ternissant le décor pour qu’enfin elle resurgisse. La seule chose qui m’échappe encore : son regard, qu’elle n’offre qu’aux pages qu’elle feuillette. Et sans regard, pas d’âme, et sans âme, pas d’être. Mais comment offrir une âme à quelqu’un qu’on ne connait pas ? J’hésite un instant, puis me résout à n’offrir son regard qu’au livre, même sur mon papier, fidèle à la réalité. Je lui octrois un titre “la liseuse”, et ma signature qui ne vaut rien. Alors, je n’ai plus qu’à me pencher légèrement en avant, et tendre le bras, pour déposer mon offrande sur le sommet de la pile de livres qu’elle a amené jusqu’ici. Je ne conçois pas de la déranger dans sa lecture. Aussi, je retourne à ma propre occupation, m’attachant à la croquer sous une autre forme, plus abstraite cette fois.

Si j'avais su qu'il allait faire ce temps, je ne serai jamais venue m'enfermer dans ce jeu, très sérieusement. Il pleut depuis un long moment, personne ne peut sortir, c'est limite si on se marche pas les uns sur les autres, enfin, selon ma conception de l'espace. Il me faut cinq mètres d'espace vital, et là, ils sont empiètés par les autres, j'ai plus d'espace vital. Tout le monde se case dans le salon. Moi je me contente de rester debout devant une fenêtre, observant la pluie tomber, malheureusement comme une pierre. Je dois avoir la tête d'un chiot en laisse, qu'on empêche de courir. Bah c'est la même chose pour moi, on m'empêche de sortir, je suis obligée de me glisser dans la foule de candidats. D'abord, je crois que je vais aller me chercher des bouquins pour tenir le choc, je m'arrache à ma comptemplation, avant de filer dans ma chambre. J'ai rangé mes précieux livres sous mon lit, je me baisse, à quatres pattes, et je tatonne, la main sous le lit, pour chercher mes bouquins, ma main tombe sur une couverture rigide, cela ne peut être que cela, je tire le tas vers moi, hors du lit, et je les attrappe. Je fais une petite selection, histoire de ne pas gâcher toute ma lecture la deuxième semaine, il faut que j'en garde un peu tout de même, on ne sait jamais. Mes trois bouquins sous le bras, je descends dans le salon, je soupire devant le tas de candidats qui suqattent les fauteils et autre. Je tente de me faire une place, check. Je m'installe sur un bout de canapé, je pose mes deux livres à côté et je m'empare de l'élégance du hérisson, de Muriel Barbery, je suis plus dans ma période Victor Hugo, mais faut pas m'en vouloir. Et je commence, enfin je reprends là où je m'étais arrêtée hier. Le temps passe. File. S'écoule. Je dois être là depuis un certain temps puisse que j'en suis déjà à la dernière page. Les dernières mots. Ma main libre part à la chasse de mes autres livres, mais ma main ne tombe pas sur un livre, mais sur une feuille. Je lève la tête pour la toute première fois, abandonnant le reste de ma page, je referme le livre. J'attire délicatement la feuille vers moi. Je fronce les sourcils, c'est moi qui est dessinée. 'la liseuse'. Je cherche du regard le candidat qui a bien pu déposer cela, et je croise le regard d'un brun. Je lui lance un regard surpris qui veut dire 'c'est toi ?' J'attends même pas sa réponse, j'en déduis que oui, c'est lui. « C'est quoi ton prénom, l'artiste ? » je lui demande finalement de ma voix rauque.

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ainsi, mais j’ai eu le temps de noircir deux feuilles d’esquisses de la rousse à travers différentes attitudes. La main dans les cheveux, un ongle de pouce entre les dents, avec sourire, sans sourire, le nez froissé, les traits tirés, puis détendus. J’ai même eu le temps de croquer ses doigts chatouillant les pages de son livre, et sa bouche aux dents plantées dans sa lèvre inférieure. Sur mes pages, des petits bouts d’elle dans chaque coin, sujet du jour, sujet d’un jour, modèle temporaire, fascination provisoire. Lorsque je relève les yeux pour attraper du regard, une mèche de cheveux, solitaire, glissant dans sa nuque diaphane, je tombe sur son regard à elle, et mon modèle prend vie. Son âme m’apparaît, et le goût d’inachevé s’estompe, supplanté, bientôt, par la frustration du mystère résolu. Il va me falloir une nouvelle énigme, maintenant. Elle m’observe avec perplexité, m’interrogeant du regard, mon esquisse à la main. Cherche-t-elle à savoir s’il s’agit de moi ? Etant donné que j’ai un fusain à la main, les doigts noirs de suie, et un carnet à croquis sur les genoux, j’estime que la réponse coule de source, non ? J’ai presque envie de lui répondre à voix haute en désignant Andreas, au bout, là-bas, occupé à observer son propre reflet dans un des grands miroirs, et offrant un sourire ravageur à son double inversé, comme auteur de l’esquisse. Mais je m’abstiens, mon humour de merde ne plaisant pas toujours. Il parait même que certaines vivent ça comme un manque de respect. « C'est quoi ton prénom, l'artiste ? » me questionne-t-elle, finalement. Et la première chose qui me frappe est le timbre de sa voix, rauque et sensuel à la fois, de cette sensualité atypique qu’on attend pas de la part d’une femme. Surprenant. « Loxias. » Je lui réponds, en donnant la touche finale à ma dernière esquisse, attribuant un regard à mon modèle. « Mais je ne suis pas artiste. » j’ajoute, comme je le fais à chaque fois, cette terminologie me mettant mal à l’aise. « Et toi ? C’est quoi ton prénom, la muse ? »

Je suis surprise, de trouver la feuille près de moi, j'ai même pas capté de mouvement, l'heure est grave. Je crois que plus je suis ici, et plus je deviens lente. Je cherche du regard, j'interroge le canddiat en face de moi, silencieusement, avant de voir ses mains, et son baton noir, effectivement, je suis lente aujourd'hui. On va mettre ça sur le compte de l'enfermement si possible. « Loxias. » Un prénom peu commun en plus, j'ai l'impression que fake lover les collectione : Tweedy, Malo, Katell, sans oublier ..AJ quoi. « Et toi ? C’est quoi ton prénom, la muse ? » Je le regarde, puis je me replonge dans la feuille, je trouve qu'il dessine bien, mais j'aime pas me voir. Sur feuille, dans un miroir, peu importe, j'aime pas me voir. L'idée qui me dessine ne me dérange pas, après tout, j'étais tellement plongé dans les lignes que je n'avais rien remarqué, alors, après tout, je m'en moque. Je pose mon livre sur les deux autres, et mes deux mains tiennent enfin la feuille. Je passe le doigt sur un angle, délicatement, et je le regarde, comme si je verifiais la poussière, c'est un peu la même chose puisse que j'ai du fusain sur l'index. Mon attention se reporte sur le brun. « AJ. » je lui réponds en posant mes yeux sur lui. « Mais je ne suis pas muse. » je répète, en suivant sa formulation, un sourire narquois installé sur mon visage. Muse, un terme bien vague, trop peu être pour mon esprit ordonné. Je m'adosse un peu plus contre le canapé, et je m'asseois en tailleurs. « Qu'est ce que tu as contre le statut d'artiste ?» je lui demande finalement parce qu'il me semble bien avoir lu un truc sur son blog avec Valentina sur une histoire d'artiste ou je ne sais quoi, je suis pas sûre. Je me mordille la lèvre inférieur, avant de porter l'ongle de mon pouce à ma bouche, occupant mes dents à martyriser autrechose que ma lèvre.

J’observe son doigt se déposer sur le papier, caresser ce qui doit être un trait, et remonter couvert de fusain. Oups. Il aurait peut être fallut que je la prévienne, non ? Elle range son doigt, mais ne quitte pas l’esquisse des yeux. Finalement, je me racle la gorge pour attirer son attention sans la déranger dans sa contemplation, et j’attends qu’elle relève le nez. « Je... Il n’y a pas de fixateur. » je l’informe, comme si tout un chacun se devait de savoir que le fusain a besoin de fixateur. « Sans, il s’agit d’une oeuvre éphémère, avec, elle deviendra définitive. » j’explique, le nez dépassant de mon carnet de croquis. « A toi de voir ce que tu veux en faire. » Et j’y retourne, rajoutant quelques détails, jusqu’alors inaccessibles, qui s’impose à mon regard maintenant qu’elle me fait face. Elle ne me parle pas, restant murée dans un silence étrange. Il n’a rien de dérangeant, je crois juste qu’elle a besoin de temps en tête à tête avec elle-même, ou plutôt en tête à tête avec cette représentation d’elle, avec l’image qu’elle renvoie, qu’elle me renvoie. En attendant, je poursuis mon travail d’escroc, plagiant dame nature dans son travail de création, reproduisant au mieux ce qu’elle seule est capable de faire. « AJ. » m’annonce-t-elle après un moment de silence. AJ. Deux lettres, pas vraiment un prénom. « Mais je ne suis pas muse. » Je souris franchement devant sa paraphrase. Ce n’est pas à elle de décider si elle est une muse ou non, c’est à celui qui se trouve en face. Et j’ai décidé qu’elle était ma muse du jour à partir du moment où j’ai posé le premier trait sur ma page. « Qu'est ce que tu as contre le statut d'artiste ? » me demande-t-elle, en martyrisant tout ce qui passe à proximité de sa bouche, lèvre, ongle, tout. Et pendant ce temps-là, je la croque sous cette nouvelle attitude, plus vulnérable, moins solitaire. Relation de cause à effet ? « Je trouve ce terme trop prétentieux... » je lui réponds en relevant le nez, de temps à autre, juste assez longtemps pour raviver ma mémoire de ses traits. « Artiste... C’est un mot trop fort pour qualifier un modeste gagne-pain. » Oui, il me semble que j’ai dit la même chose pour la photo, c’est parce qu’il s’agit aussi d’un gagne-pain, le même sous une autre forme, une forme plus instantanée. On me parle souvent d’art, et de don aussi, je trouve ça beaucoup trop, pour qualifier ce que je suis. « AJ... Ce sont les initiales de quels prénoms ? » Je la pousse à parler pour que, surtout, elle ne perde pas son naturel, qu’elle continue de s’offrir sans réfléchir, ce qui gâcherait absolument tout.

Je fixe encore un petit moment le papier, je note qu'il a assombri le décor, je me rends compte que je suis entrain de détailler le dessin, enfin tout sauf moi. Ca, je le garde pour plus tard, mais je le ferai quand je serai seule. Je sens le regard de Loxias qui pèse sur moi, je lève donc la tête. Un raclement de gorge plus tard, je suis toute à lui, je me reconcentre et je le regarde. Il m'explique que sans fixateur, l'oeuvre ne durera pas éternellement. Je soupire. Donc là, si l'envie me prenait je pourrais passer et froter mes mains sur la feuille, et tout partirait, mais ça anéantirait son travail, or, j'aime bien, hormis le fait que ce soit moi -malheureusement!- le sujet de son oeuvre éphémère, hormis ça, bien sûr. « Et tu as amené du fixateur ? » je l'interroge en haussant un sourcil. Juste pour savoir, hein. Il se pourrait que je lui demande de me passer le fixateur, j'ai bien dis qu'il se pourrait. Je remarque qu'il retourne à ses feuilles, je l'imagine entrain de rajouter des traits, où je ne sais quoi. Franchement je peux rien dire, je sais pas dessiner, rien qu'à voir le dessin de cheval que j'ai posté sur le blog de Tweedy, ça parle de lui même. J'ai un don : aucun talent artistique. Il me dit qu'il trouve le statut d'artiste trop prétentieux, oui, tout est relatif. « AJ... Ce sont les initiales de quels prénoms ? » On me l'a pose souvent celle-là. « Aucun. Ces deux lettres forment un prénom à elles toutes seules, apparement. » je lâche. J'avoue que moi aussi, je trouve ça surprenant, je sais pas trop ce qu'avait en tête ma mère ce jour-là quand elle m'a donné ce prénom. Bref, je le regarde. « T'as plusieurs cordes à ton arc .. Loxias. » je lui lance, ouaip, première fois que je l'appelle par son prénom, il faut marquer le coup. Excusez-moi pour le truc de l'arc, c'est bizarre, mais je crois que cela se dit non ? Il me semble avoir déjà entendu cette expression. J'ai vraiment du mal avec l'anglais. « Le dessin, la photographie .. » j'énumère, peut-être que demain je découvrirai une des ses autres qualités ou dons artistiques, qui sait. Je pose sa feuille sur mon livre, avant d'étendre mes jambes, pas très loin de lui, pour m'étirer, je joins mes mains, et mes bras s'élèvent vers le plafond, ça faisait bien trop longtemps que j'étais dans la même position. Lecture trop longue.

« Et tu as amené du fixateur ? » D’une main, je fouille la besace ouverte et avachie à mes pieds, sur le sol. J’y ai tout mon matériel à dessin, ainsi qu’un carton où je range quelques esquisses antérieures. Mes doigts rencontre la forme cylindrique dont je m’empare pour la poser sur la table, à côté de sa pile de livres. Elle me demande, je lui donne, mais je ne la force à rien, elle fera bien ce qu’elle voudra. Si certains semblent avide de tout support les représentants, il semble en aller autrement pour AJ. D’ailleurs, AJ, est-ce un prénom ? Je l’interroge à ce propos, attendant qu’elle m’offre la totalité des prénoms ayant donné ce diminutif sous forme d’initiales. « Aucun. Ces deux lettres forment un prénom à elles toutes seules, apparemment. » m’informe-t-elle, perplexe, semble-t-il. Deux lettres pour seul prénom ? C’est pas banal. J’en reste surpris, mais décide de ne pas pousser plus avant. J’ai l’impression qu’elle-même n’a pas la moindre explication à ce sujet, alors à quoi bon insister au risque de lui laisser croire à une moquerie en lieu et place d’une réelle curiosité ? J’ai l’habitude des réactions étranges de la part de ma partenaire, aussi je me méfie dorénavant, je reste prudent, et ne laisse sortir oralement qu’un dixième de mes pensées.« T'as plusieurs cordes à ton arc .. Loxias. » enchaine-t-elle, d’ailleurs, comme pour mettre un point final à la discussion autour de son prénom. J’hausse un sourcil en reportant mon attention sur elle, et non plus sur mes esquisses d’elle. Qu’est-ce qu’elle entend par là ? J’attends qu’elle précise sa pensée, ce qui ne manque pas d’arriver rapidement. « Le dessin, la photographie .. » poursuit-elle avant de s’étirer comme un chat après sa sieste. « Hum... » je marmonne histoire d’émettre un son avant de ne passer pour un atrophié des cordes vocales. Je ne sais pas vraiment quoi répondre à ça. Je ne perçois pas mon travail comme un art, mais plutôt comme un truc que je fais depuis toujours, et qui me sert à délester les gens de quelques instants volés, et autres attitudes. Je n’ai jamais suivis un seul cours, et tout ça me semble d’une simplicité déconcertante. Quelque chose d’aussi simple ne mérite aucune félicitation, sans un minimum d’effort, point de salut. « Certains auraient dit qu’il s’agit de cordes cassées, totalement inutiles sur un arc. » je poursuis, malgré tout, malgré elle, en repensant à ce que mon entourage pensait et disait de mes “passe-temps” assimilés à “perte de temps” dans leurs esprits. « Je fais ça depuis toujours, reproduire d’une manière ou d’une autre, ce que je vois. Que ce soit sur papier ou papier glacé, la démarche est la même et se résume au simple regard. C’est pas de l’art, c’est simplement de la copie. Copie de grands maîtres, ou copie de dame nature... Je ne fais que recopier, bêtement. » je l’informe en poursuivant mes finitions, mon regard oscillant entre elle et ma feuille de dessin. « Et toi ? Tu as combien de cordes à ton arc ? » Assez parlé de moi. Si je connais tout de ses traits, de ses creux et de ses courbes, je ne sais rien de ma liseuse. Il est temps d’y remédier.

Je m'étire façon félin, j'ai du mal à dissimuler le baillement qui accompagne automatiquement cet étirement, qu'il ne le prenne pas pour lui, ce n'est pas sa présence qui m'endort, non, au contraire, je crois que le fait du lui parler me tire de mon bouquin, je crois que j'y serai encore. Mais une trop longue lecture a tendance à me fatiguer, et là, c'est le cas. Il farfouille dans son sac, à la recherche, j'imagine, de ce fameux fixateur. Je crois que je serai capable, de lorsqu'il aurait le dos tourné, lui ranger toute sa besace, bien comme il faut. Mais je me retiens, je tente de retenir mes pulsions ici, d'ailleurs, j'ai justé péter un cable avec Adie dans le dressing, quand j'ai sorti le sac poubelle et que j'ai foutu les vêtements qui jonchaient le sol, c'est tout. Je le jure, mon seigneur. Il pose le fixateur près de moi, dès qu'il touche le canapé, et je m'en empare, et regarde automatiquement les contre-indications, je fais toujours ça. Pas par précaution, mais ça me fait marrer de voir des trucs du style aucun contact avec la bouche, les yeux, ça me parait tellement évident. Bref, passons. J'en mettrais tout à l'heure, et je le punaiserai au dessus de mon lit, c'est la seule façon pour que ce dessin survivre dans ce bordel constant. Je me demande si la prod va me laisser faire d'ailleurs, peu importe, je trouverai bien un moyen. « Certains auraient dit qu’il s’agit de cordes cassées, totalement inutiles sur un arc. » Je le regarde. Un sourire railleur au coins des lèvres. « Je vois que tu es très positif. » j'ironise en l'observant. Je ne comprends pas. « Toutes les cordes sont utiles. » je conclus en ponctuant mes propos d'un léger hochement de tête. Il continue. Il me donne sa vision des choses, je l'écoute avec une certaine attention. «Mais après y a deux catégories qui se distinguent: les bons ou les mauvais copieurs. » j'ajoute alors. Je ferai mieux de la fermer non ? Pour moi, Loxias fait parti des bons copieurs de ce monde, c'est tout. « Et toi ? Tu as combien de cordes à ton arc ? » J'esquisse un sourire. «Pas des masses, malheureusement. » je lui réponds. Pour moi cordes, se réfère à aptitudes. E puis, de toute façon, c'est bien trop difficile de s'auto-juger.

« Je vois que tu es très positif. Toutes les cordes sont utiles. » me balance-t-elle avec un de ses sourires dont elle a le secret, et que je tente de reproduire -non sans mal-, en cet instant même, sur papier. Moi, c’est l’image utilisée qui me fait sourire. L’arc. Elle ne peut pas savoir à quel point ça colle parfaitement à la réalité, à ma réalité. « Tout est une question d’éducation. » je lui réponds sans cesser de la croquer. « Un arc, à l’origine, est une arme, une arme de chasse ou de guerre, alors que l’art... En quoi, l’art peut-il être utile à un guerrier ? C’est un (ouvrez les guillemets) “talent” (fermez les guillemets) parfaitement inutile, voir même une faiblesse. Ça dénote un caractère rêveur, trop doux pour l’art de la guerre. » Ce n’est pas forcément ma vision des choses, mais quand on vous avait répété ça durant toute votre enfance, voir plus, vous aussi vous auriez un peu de mal a accepter votre talent. Un talent que j’ai tendance à nier en bloc, usant de toutes les excuses possibles et inimaginables pour échapper aux compliments. Là, je viens de lui sortir l’excuse numéro 14, celle du copiste. Mais mademoiselle rouquine ne semble pas disposée à s’en laisser compter, et contre-attaque. « Mais après y a deux catégories qui se distinguent: les bons ou les mauvais copieurs. » Qu’est-ce que je peux répondre à ça ? Absolument rien. Alors je me contente de plonger, tête la première, dans mon carnet, histoire de garder une certaine contenance, et je détourne l’attention sur elle, en l’interrogeant, à son tour, sur les différentes cordes que peut posséder son arc. « Pas des masses, malheureusement. » me répond-elle, avant de... se taire ?! Non, sans déconner, elle se contente de ça ? C’est ça sa réponse ? « Mais encore ? » j’insiste, histoire de l’inciter à m’en dire plus. « Tu fais quoi dans la vie ? Tu viens d’où ? Hormis la lecture, quelles sont tes passions ? Enfin, les trucs de base, quoi... A moins que tu préfères te draper de mystère pour inciter le fantasme ? » C’est à mon tour de lui offrir un sourire moqueur. Après tout, elle connait quelque chose de moi que j’estime assez intime. En juste retour des choses, j’aimerais en apprendre à la connaître. Pas beaucoup, juste un peu plus que son prénom.

Il s'explique, il me parle d'arcs, de guerre et d'art, il a raison sur le fond, je préfère ne pas répondre sur le moment, je méditerai là dessus, et je trouverai une faille et une contre-attaque bien plus intelligente que je lui sortirai plus tard, n'ayez crainte, je le ferai. Apparement ma réponse ne le satisfait pas puisse qu'il m'en demande encore plus, un sourire mutin se dessine sur mes lèvres lorsqu'il parle de mystère, ça me fait sourire parce que c'est l'excuse bidon que j'ai sorti, en plaisantant hein, à Malo pour ne pas parler de moi. Je me redresse sur mon fauteuil, pour me caler plus confortablement, avant de commencer par lui poser une queston. « Qui te dit que la lecture fait partie de mes passions ? » Je lui demande, tandis que mes yeux le scrutaient en détail. Bon hormis le fait que je me promène généralement avec un livre dans la main ou un bouquin de poche tordu, dans ma poche de jean, hormis ça bien sûr. « Alors .. Je viens de Tel Aviv, enfin, maintenant je suis en France, et je suis prof d'auto-défense. » Je lui réponds, en espérant qu'il a eut ce qu'il attendait, parce que j'ai rien de mieux à offrir. « Concernant mes passions, j'aime beaucoup le sport, la danse aussi.. » J'ajoute. Ma passion, j'en ai fais mon métier, j'aime bouger, faire du sport, il y a peu près que dans cela que je suis bonne, donc ça s'est assez vite imposé à moi. Bien que je considère la danse comme un sport, mais bon, je précise. Je suis plutôt bonne en tango et salsa, bref en danses latinos quoi. J'ajouterai bien que j'aime bien cuisiner aussi, mais je préfère pas, ce n'est pas interéssant, je ne juge cela pas interéssant. « On arrête de parler de moi.. » J'annonce, parce que ça me met mal à l'aise, j'aime pas raconter ma vie, j'aime pas parler de moi tout court en fait. « A ton tour, décline. Lieu, métier ? » Je lui demande. Je m'arrête, laissant quelques secondes de silence, avant de proposer une réponse à ma propre question: « Non-artiste ? » Je l'interroge, un léger sourire aux lèvres, parce que je sais maintenant ce qu'il pense de ce statut.