Boulevard of broken dreams (9.06 – 22h37)

NORA

Le 9 juin. Une date symbolique pour moi. Je m'étais marié un 9 juin. Le 9 juin 2007 pour être plus précis. Si Kayla, ma femme, ne m'avait pas été brutalement arrachée, aujourd'hui nous fêterions nos 5 ans de mariage. Les noces de bois. La seule chose à laquelle je pouvais penser aujourd'hui. Je ne risquais pas d'être de très bonne humeur en ce samedi. En fait, je préférais éviter la compagnie de mes camarades. Pourquoi leur imposer ça de toute manière ? Et puis j'avais envie d'être seul. Me retrouver avec moi même. Finalement, une fois le soir venu, je décidai de me rendre à la plage. Un lieu paisible. Ou je ne risquais pas de croiser grand monde. Du moins je l'espérais. Avec moi, j'avais pensé à emporter une bouteille de vodka. Pas mon alcool préféré pour tout vous dire, mais là...J'avais juste besoin de quelque chose de fort. Assis sur le sable, face à l'eau, je buvais quelques gorgées de temps en temps. Ça me brûlait le gosier. Une agréable sensation. La bouteille dans une main, l'autre jouait avec mon briquet. Cadeau de ma femme. Je l'allumai et l'éteignais. Et ainsi de suite. Oui, j'étais pathétique, et alors ?

La meilleure façon de digérer reste la marche. Alors, je me traine jusque l’extérieur du château. Le vent frais m’accueille et je lui réponds avec un frisson. Il caille quand même. Un peu. Vive l’Irlande. J’enfile une veste et rabats la capuche sur ma tête mais surtout enfonce sciemment mes mains dans les poches de la veste. Puis, je sors. J’ai tellement mangé que je me sens lourde. Faut dire que c’était tellement bon. Je ne sais plus qui a cuisiné mais il faudra que j’aille faire mes compliments au chef. Du coup, forcément, je me suis empiffrée. Et, maintenant je le regrette amèrement. Bref. Je continue d’aligner les pas à travers le parc, survole le lac, me pose un court instant sur le pont avant de reprendre. J’active un peu le pas histoire que ca ne soit pas totalement inutile. Et, l’air frais provenant de la mer me fait de l’œil. Je ne résiste pas et me dirige vers la plage. Je retire mes ballerines et marche dans le sable froid. Un sourire étire mes lèvres. J’adore cette sensation. Celle de s’enfoncer à chaque fois, à chaque fois; sentir le sable chatouiller la plante de mes pieds. Bon sinon, question légèreté on repassera. Ouais, je me sens encore plus lourde que précédemment. Je décide de m’approcher de l’eau, histoire de fouler les pas sur un sable plus dur, plus compact. Je retrouve une certaine aisance dans ma marche. Mes yeux, à l’affût, guette le moindre signe de vie, la moindre vague qui vient terminer sa vie à mes pieds. Puis, mes yeux se posent sur une silhouette que je reconnais. Keelan. Les yeux bleus ne m’échappent pas. Ceci dit, il adopte la posture du dépressif: avachi, bouteille de vodka, et le briquet. Je fronce les sourcils. Ca m’intrigue alors, spontanément, je vais vers lui. « Tu sais ce qu’on dit: boire seul c’est de l’alcoolisme » je fais sur un ton qui se veut plaisantin. Et, boire à deux c’est un apéro. Haha, j’évite la fin. Parce que non, je ne boirais pas ce soir. Je ne veux pas finir à avaler de l’aspirine durant des heures entières comme la dernière fois avec Finnick. Surtout qu’il a de la vodka entre les mains. Non, non, non. D’autant que j’ai le gosier en feu rien qu‘en y pensant. Par ailleurs, à peine j’arrive que j’essaie de lui arracher un sourire. Peut être est-ce égoïste de ma part ? Je ne sais pas ce qui le tracasse et je veux qu’il oublie pour sourire. OK. Je laisse cette pensée dans un coin de ma tête, et esquisse un sourire avenant.

J'aperçus la silhouette d'une jeune femme au loin, marcher au bord de l'eau. Je ne faisais guère attention. D'ailleurs allez savoir comment, elle se retrouva comme par magie à mes côtés. Je sursautai légèrement en entendant sa voix. Nora. Je levai les yeux vers la demoiselle. « Tu sais ce qu’on dit: boire seul c’est de l’alcoolisme » J'esquissai un léger sourire. Pas très convainquant, mais c'était le mieux que je puisse faire pour l'instant. « Heureusement que tu es là alors. » On était deux maintenant, non ? Cela ne faisait plus de moi un alcoolique. Oh et puis de toute manière, j’avais bien le droit de boire seul. Ce n’était pas comme si c’était une habitude quotidienne. Non, c’était plutôt exceptionnel. D’ailleurs, jamais depuis le début de l’aventure, je ne m’étais retrouvé saoul, contrairement à certains. Je ne l’étais pas là d’ailleurs non plus. Pas encore du moins. T’en veux ? » lui demandais je en lui montrant la bouteille. Ouais, parce que j’étais poli. Mais ne croyez pas que j’avais envie de la faire boire, non. Ce n’était aucunement le cas. Je ne poussais pas les gens au vice. Ceci dit il est vrai que je paraîtrais moins pathétique si elle m’accompagnait. Ah je me demandais ce qu’elle penserait ma mère si elle me voyait ainsi. Probablement qu’elle le verrait d’ailleurs, puisqu’on était filmé, haha. Elle me gueulerait dessus sûrement. Une bonne chose qu’elle n’était pas la. « C’est une belle soirée » Je parlais du temps. Très utile comme remarque. En attendant, je continuais toujours de fixer l’eau du lac, jouant avec mon briquet. « T’es sure de vouloir rester a mes côtés ? Je ne suis pas des meilleures compagnies ce soir » la prévins je. Non pas que j’avais envie qu’elle parte nécessairement, mais c’était pour elle.

Je ne suis pas dotée du don d’empathie mais il ne m’est bien pas difficile de voir, sentir, lorsque quelqu’un n’est pas dans son assiette. Oui, il faut faire la distinction entre la douleur physique et psychologique. On est d’accord, la première est plus évidente et simple à diagnostiquer. La seconde plus subtile, plus fourbe. Bon, et peut être aussi que présentement j‘arrive à voir qu‘il ne va pas super bien parce qu‘il ne le cache aucunement. A ma réplique, il esquisse un léger sourire. C’est déjà ca. « J’arrive toujours à point, tu auras remarqué » je lui réponds, un sourire complice aux lèvres. Ouais, la première fois, je lui ai évité une mort tragique, funeste, et douloureuse. Moi en faire trop ? Jamais, voyons. Puis, sans trop lui demander son avis, je prends place sur le transat d’à côté du sien. Et, me mets à l’aise. Les pieds en éventail, le dos calé ainsi que la tête, les prunelles rivés vers l’océan. C’est clair qu’on est franchement bien ici. Un sourire béat nait sur mes lèvres. Il m’en faut peut, vraiment peu. Après quoi, il me propose de son hydromel. Ma réaction est immédiate. « Hm, non merci vraiment. Les gueules de bois, je les vis mal après » je lui réponds avant d’échapper un rire. Ouais, les quelques fois où ca m’arrive, je ne supporte que peu. La dernière en date: celle avec Finnick. Atroce. Keelan enchaine en parlant météo. « Pourtant, le moral ne suit pas... » je fais remarquer, jetant un très furtif coup d’œil en sa direction pour guetter sa réaction. Je ne suis pas psychologue et je ne veux pas le forcer à me raconter quoique ce soit. Mais, l’expérience me fait dire que, dans certains cas, ca peut soulager et apaiser. D’autant que je suis une très bonne oreille. Enfin, je sais écouter quoi, on peut tout me dire. Bref. « Il m’en faut bien plus pour fuir » je dis un sourire bienveillant aux lèvres. Du coup, en fait, je ne peux encore moins fuir même. « Qu’est-ce qui ne va pas ? » j’ose ensuite demander d’une petite voix, mon regard se posant sur lui.

« J’arrive toujours à point, tu auras remarqué » Petite référence à son sauvetage héroïque de la dernière fois. J'en avais presque oublié, qu'en effet, si j'étais encore en vie aujourd'hui, c'était grâce à elle. « La femme qui tombe à pic. Mon héroïne » Ce n'était pas parce que j'avais le moral dans les chaussettes, que mon humour s'était fait la malle. Je lui proposai alors de partager ma bouteille. Elle refusa gentiment. Apparemment, elle le supportait mal le lendemain. Pauvre petite chose. Mais elle avait bien raison. « Tans pis. Ça en fera plus pour moi » répondis je pragmatique. Ce qui n'était pas une bonne chose, en fait. Une gorgée de plus, une. Je déclarai alors que c'était une belle soirée. On pouvait distinguer les étoiles. Les températures étaient douces. Et la lune se reflétait sur le lac. Ouep, c'était une belle soirée, de celles que Kayla aurait apprécié. « Pourtant, le moral ne suit pas... » Perspicace la jeune femme. Habituellement, je cachais mes émotions, préférant faire comme si tout allait bien. Sauf que là...Je pensais être seul. Je ne m'attendais pas à ce qu'une candidate vienne me rejoindre. Alors forcément, difficile de passé à côté de mon état émotionnel. Et puis, la bouteille devait l'aider aussi hein. Je la prévenais alors que rester avec moi risquait de ne pas être des plus sympathiques. Elle ferait mieux d'aller voir un autre candidat ce soir si elle désirait s'amuser. Mais cela ne sembla pas l'effrayer, puisqu'elle décida de rester. Je ne savais guère si c'était une bonne chose ou non. « Qu’est-ce qui ne va pas ? » Forcément, la question devait arriver à un moment donné ou un autre. « Rien...Je pète la forme, ça ne se voit pas ? » répondis je sarcastique. Pas sur que c'était la réponse qu'elle aurait voulu. Hm, plus aimable Keelan. Finalement, j'arrêtais de jouer avec mon briquet, me tourna vers elle et lui tendit l'objet. « Tiens » Non, je ne désirais pas l'inciter à fumer ou quoi que ce soit. C'était juste pour lui montrer l'inscription qu'il y avait dessus. « Forever Yours ». Et de l'autre côté une date, avec des initiales gravées. Le 09/06/2007. « Un cadeau de ma femme. » Bon là généralement, c'était le moment où on s'exclamait, quoi ? Tu es marié ? Mais je n'avais pas fini. Mon regard se reporta sur le lac. « Aujourd'hui, on aurait fêté nos 5 ans de mariage » Et ça, ça valait bien une nouvelle gorgée de vodka. Santé.

Je ne veux pas paraitre trop curieuse. Surtout si c’est personnel ou trop intime. On a beau être dans une téléréalité, enfermé à trente dans un château, on est pas obligé de se raconter nos vies en long, large et travers. Oui, je suis le genre curieuse. Je l’admet et l’assume. Mais ma curiosité a des limites. D’autant que ce n’est jamais de la curiosité mal placée. Je ne dépasse pas certaines lignes. Pour cela que je demande. Et, évidemment, je comprends tout à fait qu’on ne veuille pas me répondre. Je l’accepte. Enfin, c’est normal quoi. Keelan me surnomme ensuite ‘héroïne’. Un large sourire étire mes lèvres. Fière. « T’inquiètes, tu seras ma victime favorite ! » je claironne tout sourire. « A sauver s’entend » je précise avant de prendre place à son côté sur le sable et lui assener un léger coup d’épaule contre la sienne. Vous savez, ce petit geste amical qui essaie de vous redonner le sourire, la joie de vivre. Tout ça quoi. Au bout de quelques minutes, je vois que ça ne fonctionne pas tant que ça. Alors, j’en conclus que le problème est plus profond, plus douloureux. Et, donc, le simple rire ne suffit pas. Ainsi, j’ai tendance à penser qu’il faut guérir le mal par le mal. Le plus logique serait qu’il en parle. Que l’on extrait le venin d’un coup. Qu’il souffre un bon coup. Afin d’aller mieux de nouveau. Parce que oui, selon moi, mieux vaut souffrir beaucoup en une seule fois, que de manière éparse et répétée. Enfin, ca n’engage que moi. Pour cela que je lui propose de m’en parler. S’il le souhaite. Je ne force à rien. Tout d’abord, il me sert le refrain du déprimé de base avec la note désagréable qui va avec. Pff, j’y suis habituée mon pauvre. Si tu crois que j’ai toujours des patients dociles. Bref. Je suis parée. Et, je suis patiente alors je ne relève même pas. Quelques secondes filent et il capitule. Le jeune homme me tend son briquet. J’arque un sourcil, m’apprêtant à lui dire que je ne fume pas. Du moins, je n’ai pas de paquet à proprement parlé. Mais je me ravise en lisant l’inscription à haute voix. « Forever yours... » sur un ton interrogateur alors que des millions de questions se bousculent dans mon esprit. Je regarde avec attention le briquet entre mes doigts, passe mon index sur l’inscription gravée. C’est d’un romantique. Ca fait presque rêver. Pas trop vite Nora. T’es pas en pleine investigation. Surtout qu’il poursuit en me disant que c’est un cadeau de sa femme. Je souris. Non, cette information ne m’étonne pas. Après tout, il n’est pas tout jeune alors s’être marié, ouais, non, ca m’étonne pas. « T’es divorcé ? » je demande spontanément, sans vraiment de tact, en relevant les yeux vers lui, alors qu’il me dit qu’ils auraient fêté leur cinq ans ensemble. Ou alors, dans un registre plus tragique, cette dernière est...morte ? Non, je ne préfère pas proposer cette version là.

« T’inquiètes, tu seras ma victime favorite ! » claironna t'elle tout fière d'elle. Hein ? Sa victime ? Elle avait l'intention de me maltraiter ? « A sauver s’entend » précisa t'elle. Ah oui, là c'était un peu plus compréhensible. Elle se leva de son transat pour finalement s’asseoir à mes côtés. C'était mieux ainsi non ? Je commençais à croire que mademoiselle préférait garder ses distances. « Tu veux dire que je n'aurais qu'à t’appeler, et grâce à ta super ouïe, tu accourras tout de suite pour me sauver ? » Mon super héros personnel, si ça c'était pas la classe. Peut être était ce la boisson qui me faisais raconter n'importe quoi. Ou pas. Puis elle désira savoir ce qui me mettait dans cet état. Au primes abord j'avais l'intention de ne rien lui dire, puis finalement, me disant qu'elle n'allait sûrement pas lâcher l'affaire, j'entrepris de lui expliquer. Pour cela, je lui prêtais mon précieux briquet – j'y tenais comme à la prunelle de mes yeux, alors elle avait intérêt à en prendre soin. Je l'informais donc qu'aujourd'hui, on aurait fêté nos 5 ans de mariage. Sauf que j'aurais dû me montrer plus précis. En rajoutant à la fin de ma phrase « si elle n'était pas morte ». Parce qu'une fois de plus, on fit un autre raccourci. Divorcé ? Pourtant il est vrai que c'était l'hypothèse la plus logique, et à laquelle on devait penser en premier. Pour moi ça me paraissait évident, mais forcément pas pour les autres qui ne connaissaient rien à mon histoire. Seulement je n'aimais pas dire à voix haute la brusque réalité des choses. Je ne répondis pas tout de suite à sa question, et bu une autre gorgée d'alcool. Je sentais que ça commençais à me monter à la tête. Finalement au bout d'une trentaine de secondes je répondis « Non. » Simple, concis. Ne me dites pas qu'elle n'avait pas compris là ? « Je suis veuf. » Bon là ça ne pouvait pas être plus clair. « Mais par pitié, ne me dis pas que tu es désolée »

[justify]« C’est exactement ça. Faudra que tu penses à crier bien fort. C'est qu'ici, avec les ondes tout ça, ca pourrait interférer, tu vois. » je plaisante, un sourire aux lèvres lorsqu’il me parle d’une super ouïe. C’est bien là, l’un des dons des super héros après tout. Par ailleurs, je tiens toujours son briquet entre mes mains, je le malaxe un moment entre mes mains, passant et repassant mes doigts sur les lettres gravés. Pourquoi un briquet ? C’est la question qui me taraude maintenant. Oui, il y’avait quand même plus romantique comme objet qu’un briquet. Ou alors c’est symbolique. Un quelque chose qu’il y’a eu entre eux. Une sorte de private joke. Puis, je l’actionne. Il fonctionne. Plutôt bien même. Sa réponse se fait attendre mais je sais me montrer patiente. Je ne vais pas non plus le brusquer. Ca reste du domaine privé, personnel, intime. Donc, je n’ai aucune exigence à avoir de ce côté-là. Surtout qu’il ne veut simplement pas en parler. Ainsi, c’est la signification de ce silence. Je le vois boire une nouvelle gorgée. « Ne force pas trop quand même, je serais incapable de te porter jusqu’au château » je lui glisse doucement, un fin sourire aux lèvres alors qu’il me répond un ’non’. Non, il n’est pas divorcé. J’arque un sourcil. Ceci dit, ca reste flou. Flou parce que je ne veux pas penser à l’option dans laquelle sa femme serait morte. Mais, il me confirme bien vite mes craintes. Je pince mes lèvres. Et, je ne saurais pas trop qualifier ce que je ressens si bien que je ne sais trop quoi lui dire. Certains ont vécu tellement de chose que je me sens bien conne à côté, parfois. Enfin, je ne dis pas que je voudrais connaitre ce genre de situation mais c’est juste, parfois, perturbant. Oui, perturbant de voir le décalage entre les expériences de chacun. La forme voudrait que je lui fasse mes condoléances, que je lui dise être désolée. Cependant, il n’en veut pas. « Très bien... » j’échappe alors d’une voix lointaine. Je secoue la tête et reporte mes prunelles sur lui. « Comment est-ce arrivé ? ...Si je peux me permettre » je demande.

« C’est exactement ça. Faudra que tu penses à crier bien fort. C'est qu'ici, avec les ondes tout ça, ca pourrait interférer, tu vois. » Oui bien sur, je voyais tout à fait. « Je n'hésiterais pas alors. » J'aurais pas l'air d'un cinglé si je me mettais à hurler son prénom. Hm faudrait peut être que j'essaye un jour pour voir si ça marcherait. Je bus une nouvelle gorgée d'alcool, et là miss me mis en garde. « Ne force pas trop quand même, je serais incapable de te porter jusqu’au château » « Je croyais que t’étais une super héroine, tu me déçois » Bah ouais, n’était elle pas ma sauveuse attitrée ? Elle devait avoir une super force non ? « Mais ne t’en fais pas, je saurais me traîner tout seul jusqu’au château. Au pire je dors ici, c’est très bien » Pas pire que dormir avec Ezéquiel, donc bon. On devait être bien sur le transat non ? Et puis je lui confiais finalement ce que j'avais sur le cœur. Enfin c'était vite dit. Je lui faisais simplement part d'un fait important de ma vie. Que ma femme était décédée. Évidemment cette question suivit. « Comment est-ce arrivé ? ...Si je peux me permettre » Elle se permettait beaucoup de choses cette jeune femme. Une petite gorgée, ça allait me donner du courage. « Boum. Fini. » lui répondis je. Simple et clair non ? Hm à voir sa tête pas vraiment. Je crois que je venais de buguer là. Mes capacités de communication étaient sérieusement entamées. La connexion ne semblait pas se faire très bien au cerveau. Quelques synapses mal reliées. Ah attendez, si il semblerait que ça me ça me revenait. « Attentat terroriste au Caire. » Bon il n’y avait pas encore de verbes, mais c’était mieux. Et alors que je comptais m’arrêter là, allez savoir pourquoi, je décidais finalement de donner plus d’explications. « On y était pour les vacances. Ah le mec de l’agence de voyage ne nous a pas menti. Séjour inoubliable. » Humour de merde bonsoir. Ce n’était même pas drôle, juste…tragique. « Elle avait toujours rêvé d’aller voir les pyramides…Alors je lui avais fais la surprise. J’avais tout préparé. J’étais fier de mon coup » N’étais je pas le mari le plus attentionné ? Grâce à moi je l’avais conduis vers une mort certaine. « J’aurais dû être avec elle. Mais j’avais oublié mon porte-feuille à l’hôtel. Je l'ai laissé seule pour y retourner… J'avais pas fais 300m que l'explosion a retenti. Il n’a fallu qu'une poignée de secondes pour que ma vie bascule. C’est fou comme la vie peut être imprévisible non ? Un matin, t’es le mec le plus heureux de la Terre, et l’instant d’après, plus rien. » Très fou. C’était la première fois que je racontais cette histoire à quelqu’un ici. Je n’étais pas aussi bavard sur le sujet habituellement. L’alcool ne devait pas être étranger à mon comportement. « Nora…Tu crois à la vie après la mort ? Au Paradis et tout ça ? »

Il n’hésitera plus. J’approuve d’un signe de tête solennel, pour la forme. J’ai bien hâte de voir ça tiens. Cette pensée m’arrache une légère esquisse. La minute d’après il me rétorque que je le déçois. J’affiche une mine offusquée. « J’ai dis que être une héroïne pas un ange-gardien » je lui balance en levant le nez, fière. Oui, il y’a une grande différence. Un immense fossé entre les deux. Le héros sauve de la mort. L’ange-gardien, c’est le héros de seconde zone. En gros, il s’occupe des trucs nuls, les accidents de la vie quotidienne qui ne menacent en rien la vie. Après quoi il m’assure pouvoir se trainer seul jusqu’au château, sinon il dormirait ici. Blague. J’arque un sourcil. « Je ne crois pas non » je me contente de lui dire avant de lâcher un soupire. Ces hommes, je vous jure. D’autant que je l’aurais sur la conscience si je le laisse dépérir ici. Donc, oui hors de question. Je jouerais mon rôle de Sam jusqu’au bout. Sauf que je serais à pied. Bref. Je fais preuve de curiosité, certes. Mais en même temps je ne peux pas faire comme si ca ne m’intéresse pas. Ou faire comme s’il ne m’a rien dit. Ce serait, à mon sens, un manque de respect aussi bien envers lui qu’envers sa défunte épouse. Enfin, je trouve que c’est un juste retour des choses. S’il l’a évoquée jusqu’à présent c’est qu’au fond de lui il veut en parler. Et moi je suis là. Alors, je suis tout à fait prédisposée à l’écouter. Keelan me répond par une onomatopée et un verbe. Il se fout de ma gueule. Je ne vais pas jouer aux devinettes quand même. Je braque mon regard émeraude sur lui, posant mes prunelles relativement dures afin qu’il explicite, qu’il délie sa langue. Petit à petit, les choses semblent se relier dans son cerveau puisqu’il ajoute la raison de la mort. J’écarquille les yeux, ma bouche s’entrouvre pour former un ’o’. Cette expression file aussi rapidement qu’elle est apparue. Je ne veux pas montrer ma surprise ou quoi. Je trouve ça trop déplacé. Après tout, ce n’est pas un phénomène de foire. Je ne veux pas froisser ses sentiments. Cependant, cette révélation me laisse sur le cul, c’est un fait, si bien qu’il me faut quelques secondes, minutes, pour trouver quoi dire. Et, rien. Rien ne me vient. Mais, il me sauve en poursuivant. Je note l’humour noir. Je ne relève pas. J’écoute avec attention la suite, le visage tourné vers lui. Son regard se perd vers l’horizon. Puis, vient le temps des ’auto’ reproches, des « j’aurais du », des « et si ». Je ressens sa tristesse, sa peine, et même son amertume. On dirait presque qu’il se sent coupable de quelque chose qui, pourtant, l’échappe. En fait, on ne dirait pas. Il l’est. « Arrête » je tranche net, en tentant de capter son regard. Rien à faire. Alors je me mets debout sur mes genoux dans le sable, face à lui, et le prend pas les épaules. Je le secoue légèrement avant de détacher une main de son épaule pour aller lever son menton, le forçant à me regarder. « Ce n’est pas de ta faute, tu m‘entends. Tu ne pouvais pas savoir, tu ne pouvais pas prédire ce qui allait arriver. Tu te fais du mal là, pour rien. » j’ajoute sur un ton assez autoritaire. Il ne faut pas qu’il se pense coupable. Ca ne sert à rien. Je n’aime pas croire au destin, m’en remettre à une force suprême. Mais il faut qu’il se dise qu’il est en vie. Qu’il doit y avoir une raison. Et surtout que c’est une chance. Quelques minutes filent, et je relâche la pression que j’exerce sur ses épaules lorsqu’il me demande s’il y’a une vie après la mort. Et, me cale sur mes talons. « Hm… » j’échappe pensive. A vrai dire, j’ai toujours eu du mal avec la religion. J’ai toujours eu du mal avec ce qui n’est pas prouvé scientifiquement. Ou prouvé tout court. J’ai pas l’esprit fermé pour autant. « …je ne sais pas trop… » je lui confie, le regard dans le vide avant d’ajouter. « A chaque fois que j’essaie d’y réfléchir, ce n’est qu’une horrible sensation de vide infini qui m’envahit… Et toi ? Tu y crois ? » Penser qu'il n'y'a rien après la vie sur Terre est bizarre. Tout autant que penser qu'il y'a un paradis ou un enfer. Surtout que dans cette dernière vision, je me dis que c'est surtout pour aliéner l'homme à la bonne conduite. Un moyen détourné de le contrôler en faisant pression sur lui, la peur.

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Boulevard of broken dreams (9.06 – 22h37)

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