ft. adie

Une question se posait. Depuis combien de temps m’étais-je assoupi dans les écuries? Très bonne question, même. Déjà que je n’avais aucun souvenir de m’être seulement endormi. Je n’étais pas tant fatiguée que ça, il me semble. La nuit dernière, et les nuits d’avant, j’avais dormi un bon huit heures sans sourciller, et j’étais en pleine forme. Il faut croire que la pile de foin m’avait soudainement paru des plus confortables, assez, du moins, pour me glisser dans le pays des rêves en moins de deux. Étrange, très étrange. Mais ça n’avait rien d’un sommeil réparateur, oh non. Je dirais plutôt même qu’il était du type assez agité. Si quelqu’un me voyait là, fort à parier qu’il se douterait bien que je ne rêvais pas de poneys magiques et de prince charmant, hein. C’était tout à l’inverse. Seulement, le sommeil me gardait captive, et avec lui, ces horribles images et ces souvenirs douloureux. Prisonnière de ma propre tête. Pitié, venez-moi en aide.

En général, Adie n'aime pas trop retourner dans l'écurie. Elle en a de mauvais souvenirs, enfin, il s'agissait tout de même d'une conversation libératrice mais Adie n'en ai pourtant pas fière. Car c'est ici que la brune avait donné rendez-vous à Sive le lendemain de ce prime où tout avait dérapé, là qu'elle s'était expliqué et qu'elle avait eu si peur de perdre celle qui était sa meilleure amie au sein du nid. Heureusement, tout s'était bien terminé mais Adie redoutait cet endroit depuis. Les choses avaient cependant changées suite au prime et Sive n'était plus là. Alors pourquoi Adie retournait dans cet endroit, elle n'en avait aucune idée mais peut-être qu'il s'agissait là d'une sorte de petit pèlerinage en souvenir de son amie. Dans tous les cas, Adie était donc là, dans les écuries, vides, le silence pesant. Enfin pas si pesant que ça. Alertée par un léger bruissement, Adie se retourne et découvre... Anabel, allongée sur une pile de foin entrain de... dormir. A cette vision, Adie ne peut s'empêcher de sourire parce que bon, c'est tout de même cocasse comme situation. A moins que... à moins qu'Anabel ait copulé dans le foin et que son amant l'ai laissée s'endormir en prenant la poudre d'escampette. Hum, mouais. Sauf que bizarrement, Anabel ne semble pas faire de doux rêves vu les grimaces qui s'enchaînent sur son visage. Et ça n'a pas l'air de s'arrêter. Adie hésite alors à la réveiller, elles ne sont pas forcément proches, peut-être qu'Anabel pourrait mal le prendre. Oh et puis mince, elle a vraiment l'air de faire un horrible cauchemar. Elle s'approche, s'agenouille près de la jeune femme et pose sa main sur son épaule, faisant de légers mouvements pour la réveiller en douceur. « Anabel ? » répète-elle alors à voix basse. D'autant plus qu'à dormir sur cette paille, elle risque d'avoir bien mal au dos demain.

Pourquoi ici, et maintenant. Je l’ignore. Mais de toute évidence, je me suis assoupie, et me voilà prise au piège d’un affreux cauchemar dont je n’arrive pas à me sauver. Que ce soit par n’importe quel moyen, en rêve, ou dans la réalité. Je suis même incapable de m’éveiller moi-même, ce qui pose un sérieux problème. Mais c’est sans compter sur une présence charitable, qui, par le plus grand des hasards, me trouve ainsi étendue sur le foin, en proie à d’affreuses visions imaginaires. Sa main, sur mon épaule, je la sens. Tout comme les petites secousses qu’elle me prodigue. Puis il y a une voix, la sienne, qui se fraye un chemin parmi les méandres obscurs de mon imaginaire. « Anabel ? » C’est comme un brusque retour à la réalité, cette voix est tellement différente de celles dans mon rêve que mes yeux s’ouvrent, telles deux billes rondes, scrutant en panique le décor qui m’entoure. J’ai cette impression d’être sauté d’un univers parallèle à l’autre, je me sens paniqué, essoufflé… et étrangement, j’ai un étrange trou noir sur ce qui vient tout juste de se passer. Comme si ce cauchemar avait tout simplement disparu dès que mes yeux ont rencontré la lumière du jour. Une présence se fait sentir à mes côtés, et je tourne la tête vers celle-ci. Il s’agit d’Adie. « Mais qu’est-ce qui se passe ? » je lui demande, complètement paumée, tout à coup. J’ai toujours ce genre de moment d’égarement après une telle virée dans mes sombres méandres. Et le fait que mon esprit ait effacé ces dernières minutes me porte à croire que ma propre tête semble vouloir me protéger de quelque chose… et il n’est pas bien difficile de deviner ce dont il s’agit. Il n’y a qu’une seule chose qui hante, et hantera toujours mon esprit.

La voir comme ça, semblant si mal, si terrifiée serre le cœur d'Adie qui pourtant n'est pas vraiiment la personne la plus proche d'Anabel dans le nid. Elle la connaît, elle connaît son secret, elle sait donc que ça ne doit pas être facile tous les jours, un peu comme tout le monde peut-être voir un peu plus. Adie ne peut donc pas la laisser comme ça, c'est impossible car elle sait ce que ça fait, de faire des cauchemars, ceux dans lesquels on se perd, encore et encore, ou chaque sortie donne sur une scène plus horrible, où le sommeil n'est plus du tout réparateur. Alors elle s'approche, c'est plus fort qu'elle. Elle pose sa main sur son épaule et l'appelle doucement, pour ne pas la brusquer. Il paraît qu'il ne faut pas réveiller les somnambules trop brusquement, c'est peut-être pareil pour les cauchemars en fait. Et puis, alors qu'Adie prononce le nom d'Anabel, cette dernière revient à la réalité, ouvrant grand ses yeux, laissant s'échapper un regard perdu mais surtout effrayant. « Ça va ? » lui demande-t-elle, sa main toujours posée sur l'épaule. Mais Anabel est encore ailleurs, très certainement en transition entre son rêve et la réalité, ce laps de temps où l'on se demande encore où est le vrai du faux. « Je t'ai trouvée ici, endormie mais le moins qu'on puisse dire c'est que tu n'avais pas l'air très sereine alors j'ai préféré te réveiller, j'espère que... ça t'ennuie pas trop. » On sait jamais, elle est peut-être maso et elle aime les cauchemars, sait-on jamais. Mais bon, venant d'Anabel, ce serait surprenant. « Ca va aller ? » s'assure-t-elle à nouveau parce que bon, elle lui a fait de la peine quand même.