« Aussi, oui… » J'étais impulsif, c'était dans ma nature. Je l'avais toujours été et le serais probablement même jusqu'à la toute fin de mon existence. J'aurais voulu réagir autrement sur l'instant, mais je n'avais pas su me contenir. Je tâcherais néanmoins de me faire moins vif à l'avenir, car ça n'était vraiment pas dans mon intérêt d'agir de la sorte. La preuve, ça avait froissé Irène. Et ça, je voulais à tout prix éviter. Je lui fis ensuite comprendre que j'avais bien envie de l'inclure à ma vie, mais que celle-ci n'était pas forcément une vie pour elle. Je ne m'attendais pas à une telle riposte de sa part, l'instant d'après. « Ca veut dire quoi ça ? Que tu, du coup, tu ne me veux pas dans ta vie ? Et elle est comment ta vie alors ? » Elle ne saisissait pas une chose qui avait pourtant toute son importance : le fait que je veuille la protéger, lui épargner bien des ennuis. Elle voulait savoir à quoi ressemblait ma vie, vraiment ? Et bien j'allais le lui en parler alors, de cette vie que je n'avais pas vraiment envie de lui faire connaitre. « Vivre avec un type comme moi ne t'apportera rien d'autre que des emmerdes. Je paye le prix de la vie que j'ai menée à mon arrivée en Angleterre. Je fais l'objet de menaces quasi quotidiennement parce que bon nombre de petites anglaises ont fait un détour par ma chambre à coucher et que ça n'a pas échappé à leurs copains ou maris jaloux. J'aimerais être capable de t'offrir tout ce que tu désires, d'un claquement de doigt. Mais mon père va me déshériter. Je ne toucherai plus l'argent qu'il me versait jusque là chaque semaine. Mon quotidien, à ma sortie de ce château, va changer du tout au tout. Et on ne peut pas dire que je me sois fait beaucoup apprécier au sein de cette aventure. De là à ce que la réaction des passants dans la rue, ou de mon voisinage soit aussi vive que la mienne tout à l'heure... On sait pas ce à quoi j'aurai droit dehors Irène, on sait pas. Ma vie n'est rien d'autre qu'une grosse merde dans laquelle il serait préférable, pour toi, que tu ne marches pas. Si tu fous le pied dedans, tu tiendras pas deux semaines. Et te perdre sera très douloureux, je le sais. Alors, ça donne envie tout ça, hm ? » Non, on est bien d'accord. Fallait même être maso pour vouloir vivre au côté d'un type comme moi, qui se trimballait tant d'emmerdes au quotidien. « Ma plus grande crainte, et dieu sait qu'elle est ridicule, c'est que mon père... te mette le grappin dessus. » poursuivis-je avant de soupirer longuement. Car ça n'était pas un transsexuel qui arrêterait mon père ! Il sautait vraiment sur tout ce qui bouge, et je ne tenais pas de lui pour rien. Oh putain mais ouais en fait, cette crainte que j'avais était vraiment ri-di-cule. Je savais pourtant que mon père était capable d'une telle chose. Et je savais aussi que je l'avais suffisamment blessé et humilié au cours de l'aventure pour le pousser à entreprendre une telle horreur. J'estimais que ce gros porc était maintenant capable du pire pour me rendre la vie dure, voir m'achever pour de bon. « Je ne te suis plus Andreas. Je suis prête à te soutenir parce que tu auras sûrement besoin de moi, mais je ne fais pas partie de ta vie. Alors qu’aussi pourrie soit la mienne de vie, je t’aime et je considère que tu en fais déjà partie. » C'était... touchant, oui touchant de savoir qu'elle considérait que je faisais déjà partie de la sienne de vie. Une vie dont je ne connaissais rien non plus d'ailleurs, mais elle ne pouvait pas être aussi terrible que la mienne. « J'essaye pas de te convaincre de quoi que ce soit, ni de t'exclure de ma vie. Je préfère que tu saches à quoi t'attendre, c'est tout. » terminais-je, en baissant le regard sur le sable. Car si vraiment elle désirait faire partie de ma vie, je ne risquais pas de l'en empêcher. Elle avait raison sur un point en particulier, j'avais réellement besoin d'elle mais je ne désirais pas qu'elle subisse toutes ces choses par ma faute. Elle était à l'heure d'aujourd'hui la personne qui comptait le plus à mes yeux. Et ça ne me faisait pas rien d'ailleurs qu'elle puisse penser un instant que je ne veuille pas d'elle.

Je comprenais peut-être mal ce qu’il voulait dire, sauf que ça me faisait mal de croire qu’il pourrait ne pas vouloir de moi au-delà du jeu. Dans la vraie vie quoi. Mais au juste, sa vie ressemblait à quoi ? Qu’il me réponde ou non, je restais campée sur mes positions : je souhaitais, à ma grande surprise, continuer un bout de chemin avec lui. Quoiqu’il en pense. Malgré une vie peut-être horrible, que sais-je, mais si je prenais mes jambes à mon cou au moindre aspect de sa vie qui ne me convenait pas, cela signifierais sans aucun doute que je ne l’aimais pas assez pour rester avec lui. Etant donné que je sais que je ne pourrais jamais aimer quelqu’un plus que lui, je savais que je pourrais vivre pour une fois, pour quelqu’un d’autre. Alors il me parla de sa vie, des conséquences de sa vie menée. Du fait que son père irait jusqu’à le déshériter, ce qui pourrait l’empêcher de m’offrir ce que je voulais. Que son quotidien allait être chamboulé. Certes très peu de chose engageante et pourtant, qui ne faisait absolument pas peur. D’ailleurs il me demanda si ça me donnait envie. « Dis comme ça, non, c’est vrai. Mais l’idée d’apporter un peu de bonheur dans tout ça, ça oui, ça me donne envie… » Etrangement oui, j’avais bien envie de supporter de multiple chose rien que pour être son rayon de soleil à côté. C’est la première fois que je suis certaine de compter tant que ça, pour quelqu’un et je me sens prête, pour la première fois, à laisser mon ‘bonheur’ de côté pour construire celui d’un autre. « Ma plus grande crainte, et dieu sait qu'elle est ridicule, c'est que mon père... te mette le grappin dessus. » Je tournais un peu plus ma tête vers lui, plissant des yeux, ne cachant pas mon étonnement. Son père ? Le grappin que moi ? Il craignait sérieusement ça ? J’esquissais un léger sourire, sans me moquer de lui encore une fois. « T’as pas remarqué ? J’fais pas dans les vieux moi ! » Bah c’est vrai ? Regardez-le, il est plus jeune que moi et la moyenne d’âge de mes amants ne dépassait pas les quarante ans. À moins que sont père l’ait eu très jeune, il n’y avait aucune crainte à avoir là-dessus. Pour ça, mais aussi parce que je suis une transsexuelle et que j’ai bien l’habitude de me défendre contre les hommes un peu trop entreprenants. Machinalement je me rapprochais un peu de lui, après m’être éloignée quelques minutes plus tôt. « Et moi, à quoi j’aurai le droit dehors ? Les regards obliques ou insistants des passants. Des remarques de toutes sortes. Je vais devenir un animal de foire… Sans parler du fait que j’habite dans une cité. Les kairas, ils vont m’accueillir comment, hm ? J’ai aussi avoué à la télé avoir mentit sur mon âge pour pouvoir travailler au Crazy Horse. Je suis assurée alors de ne plus avoir de boulot en sortant d’ici… Et j’ai des dettes Andreas. C’est l’une des raisons de ma présence ici. Les opérations, ça coûtent cher et les hormones aussi et les séances de psy que j’ai du suivre pendant un an. Mes parents m’ont jeté dehors, sans rien. Sans même me donner quoique ce soit à manger. Sans se soucier de savoir où j’allais vivre, dormir. Je n’avais que mes petites économies pour moi, pas grand-chose autrement-dit. Je crois maintenant dans tout ça, j’ai envie d’avoir quelqu’un avec moi... » Je ne savais pas si ma vie était beaucoup mieux que la sienne, mais il n’était pas le seul à ressentir le besoin d’avoir quelqu’un à ses côtés, pour l’épauler. Je lui parlais notamment de mes problèmes d’argent, sans arrière pensée. Juste pour lui dire qu’il n’était le seul à en avoir des problèmes. Que ma vie n’était pas rose et que si je devais faire partie de la sienne, j’étais habituée aux emmerdes. « J'essaye pas de te convaincre de quoi que ce soit, ni de t'exclure de ma vie. Je préfère que tu saches à quoi t'attendre, c'est tout. » Finalement, je m’agenouillais devant lui, posant mes mains sur son visage. « Et maintenant que je sais à quoi m’attendre, je te le dis : je suis certaine de ne pas pouvoir vivre sans toi… » Tout simplement. Ce n’était pas plus compliqué que ça. J’approchais mes lèvres des siennes pour les poser délicatement, pour un baiser simple. Je crois que c’était tout ce que j’avais envie de lui dire finalement. Que j’étais devenue presque dépendante et que je ne pourrais pas vivre sans lui. « On peut rentrer s’il te plait ? Passer la nuit dans un lit plus confortable que le sable… » Lui demandais-je doucement. Ou n’importe où. Tant que j’étais avec lui…

Irène pensait que je voulais l'exclure de ma vie, or ça n'était pas du tout le cas. Je préférais juste éviter de lui attirer des ennuis, car mon quotidien n'était pas des plus tranquilles et qu'elle devait avoir subi beaucoup de choses ces dernières années pour ne pas en plus que je lui fasse subir ce que j'étais amené à vivre, à endurer, à encaisser chaque jour que dieu faisait. Je lui fis un petit descriptif de ce à quoi ressemblait ma vie de tous les jours, une vie qui, j'en étais certain, ne faisait pas grandement envie. « Dis comme ça, non, c’est vrai. Mais l’idée d’apporter un peu de bonheur dans tout ça, ça oui, ça me donne envie… » Elle était donc partante pour faire office de rayon de soleil au mieux d'un ciel particulièrement nuageux ? Si c'était réellement le cas, alors je préférais m'en réjouir. Parce que j'avais besoin d'elle, parce que j'avais essayé de la protéger mais que malgré tout, elle persistait. Néanmoins je préférai lui faire part d'une crainte que j'avais au sujet de mon père, à savoir celle qu'il puisse tenter, une fois les présentations faites, de lui sauter dessus comme un gros cochon qu'il était. Une remarque qui ne manqua pas de la surprendre. « T’as pas remarqué ? J’fais pas dans les vieux moi ! » Ah, c'était censé me rassurer que de savoir ça ? Non parce tout à fait honnêtement, qu'elle fasse dans les vieux ou pas, mon père n'en restait pas moins déterminé et je savais que quand il voulait quelque chose, il finissait toujours par l'avoir. « Ouais bah lui, par contre, il fait dans les jeunes... » soupirais-je, tout en levant les yeux au ciel. Et pour son âge, fallait quand même admettre qu'il n'était encore pas trop mal conservé. C'était la seule chose qui faisait que j'étais certain de ne pas être adopte : le fait que mon père et moi, on pue la classe comme il puait le fric. « J'suis pas du genre violent d'ordinaire, mais je pense que s'il tente quoi que ce soit, ses dents finiront sur le plancher. » Papa, si tu voyais actuellement ces images, ceci était pour toi, tu étais prévenu. Tout à fait honnêtement je n'avais pas peur de lui, même s'il m'arrivait, comme maintenant, de redouter ses actes - comme moi, il était incroyablement prévisible. Mais je ne le laisserais pas s'approcher d'Irène. Je ne sais pas si elle méritait un type comme moi, mais elle méritait en tout cas bien mieux qu'un fumier dans son genre. « Et moi, à quoi j’aurai le droit dehors ? Les regards obliques ou insistants des passants. Des remarques de toutes sortes. Je vais devenir un animal de foire… Sans parler du fait que j’habite dans une cité. Les kairas, ils vont m’accueillir comment, hm ? J’ai aussi avoué à la télé avoir mentit sur mon âge pour pouvoir travailler au Crazy Horse. Je suis assurée alors de ne plus avoir de boulot en sortant d’ici… Et j’ai des dettes Andreas. C’est l’une des raisons de ma présence ici. Les opérations, ça coûtent cher et les hormones aussi et les séances de psy que j’ai du suivre pendant un an. Mes parents m’ont jeté dehors, sans rien. Sans même me donner quoique ce soit à manger. Sans se soucier de savoir où j’allais vivre, dormir. Je n’avais que mes petites économies pour moi, pas grand-chose autrement-dit. Je crois maintenant dans tout ça, j’ai envie d’avoir quelqu’un avec moi... » Je commençais à penser que si nous avions tous deux tant de problèmes, notre rôle serait de nous soutenir mutuellement dans chaque épreuve que nous serions amenés à traverser. J'avais besoin d'elle, elle semblait aussi avoir besoin de moi à ses côtés - tout était clair dans mon esprit maintenant, c'était avec elle que je voulais être, et personne d'autre. Elle vint poser ses menottes sur mon visage après s'être agenouillée devant moi. « Et maintenant que je sais à quoi m’attendre, je te le dis : je suis certaine de ne pas pouvoir vivre sans toi… » rétorqua-t-elle, avant de ne m'offrir un baiser des plus tendres que je pris le soin de prolonger quelques instants. « Je suis moi aussi certain de ne pas, de ne plus pouvoir vivre sans toi. » terminais-je finalement. Je savais maintenant ce que je voulais, avec qui je voulais être ; et je considérais qu'à présent, Irène faisait partie de ma vie, au même titre que je faisais partie de la sienne. Nous nous étions trouvés tous les deux. Chaque instant passé à ses côtés me rappelait que j'étais chanceux, très chanceux. Je me foutais de l'image que nous reflétions, de la réaction des gens dehors, des surnoms ridicules ou des moqueries auxquelles nous aurions droit à cause de nos secrets respectifs. « On peut rentrer s’il te plait ? Passer la nuit dans un lit plus confortable que le sable… » Je n'avais moi aussi plus tellement envie de me geler les miches sur cette plage. Ce qui me fit soudainement penser que nous étions encore et toujours nus comme des vers. Ni une ni deux, j'enfilai mes vêtements et lui donnais les siens, afin qu'elle puisse se rhabiller elle aussi. Cela ne prit que quelques secondes, et une fois que ce fut fait je me relevai, bien décidé à regagner le château. « Oui rentrons. » fis-je, tout en lui tendant une main qu'elle s'empressa de saisir. Nous partions ainsi main dans la main, et des pensées plein la tête. Je ne pensais, de mon côté, qu'à elle, qu'à nous. Cette ultime semaine qui débutait ne serait certainement pas de tout repos, néanmoins je ne redoutais plus grand chose à présent. Du moins c'était le cas sur l'instant.

Sujet terminé pour Andreas.