ft. jared

Mon plus grand regret : ne pas avoir apporté dans mes valises mon violon. C’est idiot, j’aurais très bien pu le glisser parmi mes sacs, sans soucis, mais je craignais qu’il ne lui arrive quelque chose. Objet de valeur à mes yeux, je m’en serais voulu pour le reste de mes jours s’il s’en était retrouvé abimée. Non, non, il valait mieux qu’il soit resté aux États-Unis, en sureté dans son étui. Et puis, la rumeur voulait que ce charmant village soit doté d’une espèce de salon salle de musique, et qu’une grande quantité d’instruments - certes, à la qualité douteuse - s’y trouvait. Ni une, ni deux, je me décidais d’aller visiter ce lieu fantastique, qui se trouvait justement à être l’auberge, située dans le quartier voisin. La noirceur commençait à étendre sa couverture sur l’horizon, je me dépêchais donc de rejoindre les lieux, qui, fus-je surprise de le découvrir, étaient déserts. Et pourtant, j’aurais pu mettre ma main au feu que les jeunes se plairaient bien, ici, à faire quelques parties de billard, ou s’improviser star d’un soir. Mais pas aujourd’hui, de toute évidence. Mon regard scruta la pièce, analysant les lieux avec une minutie très précise, avant qu’ils ne repèrent enfin ce pour quoi j’étais venu. Dans l’un des coins trônait, oh miracle, une réplique à peut-être correct de mon instrument fétiche. Délicatement, je m’en emparais pour le scruter de plus près. Je caressais du bout des doigts chacune des parties le composant : le volute, la cheville, le sillet, puis continuait mon chemin, marquant le contour de la caisse de résonnance, puis de l’une des ouïes. Je tâtais les cordes, et approuvait en mon for intérieur la qualité de l’instrument. Qui certes, n’était pas à la hauteur du mien, mais valait quand même son pesant d’or. Néanmoins, il me fallait l’essayer pour me faire une réelle idée de son potentiel. J’attrapais l’archet et posait mon menton sur l’extrémité de l’instrument, puis fit glissé la mèche le long des cordes. Le son qui en résultat fit naître un fin sourire sur mes lèvres. Léger, simple, mais tout à fait sincère. Cette petite découverte venait, littéralement, de faire ma journée.

TENUE DU MOMENT.

Il fallait que je connaisse le moindre recoin de ce village et ce avant la fin de la semaine. Donc, sans personne pour m’accompagner, je me mis à fouiller les pièces, les maisonnettes, la Mairie, tout ça, avant d’entendre une petite musique venir du bâtiment que je venais tout juste de dépasser. Je fis marche arrière et ouvris doucement la porte, si doucement qu’elle fit à peine un peu de bruit. J’y pénétrai sur la pointe des pieds alors que la jeune femme ne semblait même pas m’avoir remarqué… Trop tard. Elle tourna la tête vers moi et je lui fis un signe de la main pour la saluer. Oh non, flute, elle s’arrête de jouer. Je m’approche en regardant l’instrument d’un air fasciné. « Tu joues bien, tu peux continuer, je ne vais pas te déranger. » Dis-je avec un sourire, en fait la seule chose qui pourrait la déranger est ma présence… Ou mon odeur corporelle ? Ah bah non j’ai pris une douche ce matin. Je résister à la tentation de renifler l’odeur de mon t-shirt et pose à nouveau le regard sur le reste de la pièce où se trouve une quantité d’autres instruments. Pour les plus connus : la flûte à bec, le piano, la guitare, le violon (entre les mains de la candidate) et même une batterie. Cool. « Au fait, moi c’est Jared. » fis-je en levant les yeux vers elle, elle n’avait pas jouer donc je pouvais parler, non ?

Je me suis laissé emporter. La joie d’avoir su mettre la main sur un instrument, celui-là en particulier, me comble d’une joie intense, et, guidée par mon seul instinct de musicienne, je laisse l’instrument libéré ses jolies notes avec une souplesse que j’ai acquise avec des années et des années de pratique. Le violon fait partie de moi, j’avais cinq ans la première fois que l’on en a mis un dans mes mains, et depuis, c’est l’amour fou. Il est le seul qui m’a été fidèle jusqu’à présent. Et je n’ai pas l’intention de le laisser filer. Du coin de l’œil, alors que je continue ma mélodie, je remarque une silhouette qui se mouve dans la pièce. Mon regard le suit pendant un instant, ma tête finit par se tourner légèrement en sa direction. Léger signe de la main de sa part. Constatant qu’il s’approche, je relâche ma position, coupant ainsi court à mon interprétation. « Tu joues bien, tu peux continuer, je ne vais pas te déranger. » me mentionne aussitôt le jeune homme. Seulement, je suis poli et comme il est venu vers moi, je ne vais pas tout bonnement l’ignorer et continuer à jouer. Même si je dois avouer que l’envie est plaisante – mais il faut mettre ça sur le compte de mes retrouvailles avec un très bon ami, rien d’autre. « Au fait, moi c'est Jared. » « Tris. » le saluais-je à mon tour. « J’aurai toutes les occasions de jouer quand je serai seule. Aussi bien profiter d'un peu de compagnie. » Me justifier n’aurait surement pas été nécessaire, mais j’étais Tris, et chaque effet avait une cause. Et celle-ci était la mienne, pour avoir cessé mon improvisation musicale. « Tu joues d’un instrument ? » fit-je, curieuse. Je voyais son regard qui pétillait d’excitation à la vue de cette ribambelle d’accessoires de musique.

« Tris. » fit la candidate après que je me fus présenté. Je souris et hochai la tête, signe que j’avais compris et que j’allais tenter de mémoriser son prénom. Joli prénom d’ailleurs, orignal, normalement je devrais le retenir plutôt facilement. « J’aurai toutes les occasions de jouer quand je serai seule. Aussi bien profiter d'un peu de compagnie. » Je hausse les épaules. « Comme tu veux. » Après tout je ne vais pas l’obliger à jouer ou, au contraire, à arrêter de jouer parce que je suis là. Qu’elle en fasse à sa guise. « Tu joues d’un instrument ? » Demande-t-elle. Je souris, manifestement elle a remarqué les étoiles que j’ai dans les yeux quand je vois cet amoncellement d’instruments tous plus intéressants les uns que les autres. « C’est banal à mourir, mais oui je joue de la guitare. » Le cliché, je sais, mais j’adore ça. J’adore la musique mais vraiment la guitare me fait vibrer plus que tous les autres. Même le son des doigts qui glissent sur les cordes métalliques me plait, c’est le coté authentique de la pratique de l’instrument, je vous met au défi de ne pas faire crisser les cordes en faisant un slide. Impossible.

Je ne prends même plus la peine de leur dire mon véritable nom, à savoir Beatrice. Ils s’en soucient si peu, et de toute façon, j’ai même perdu l’habitude que l’on m’appelle ainsi. Tris est devenu mon identité, et elle est à l’image de celle que je veux devenir. De celle que je veux être. Mais je n’allais pas lui expliquer ça. Ce genre de réflexion, je les gardais pour moi, parce que ça n’intéressait nul autre de toute façon. Par politesse, j’ai décidé de m’arrêter de jouer, afin de profiter de sa présence, ne pas avoir l’air d’une sauvage en continuant ma petite besogne sans me soucier davantage de sa présence. En seule guise de réaction, il ose les épaules, à croire que ça n’a pas tant d’importance à ces yeux qu’aux miens. « Comme tu veux. » Je décide de bifurquer de cette discussion pour aller vers une autre, plus approprié vu l’endroit où nous nous trouvons. Généralement, un musicien sait en repérer un autre. J’ai hérité de ce sixième sens, et avec Jared, j’ai bel et bien visé juste. « C’est banal à mourir, mais oui je joue de la guitare. » J’esquisse un sourire alors que je dépose le violon dans son étui avec grand soin. « Oh, tu sais, il n’y a pas de sot métier… » laissais-je entendre. « Ou de sot talent, dans le cas présent. » La guitare était certes un instrument bien populaire auprès des artistes, bien plus que mon instrument à cordes fétiche. « Si tu aimes, alors le reste n’a pas tellement d’importance. » Parole d’une passionnée.

« Oh, tu sais, il n’y a pas de sot métier… » fit-elle après que j’eus déclaré que je jouais de l’instrument le plus joué au monde (surement, j’en sais rien mais surement) : la guitare. J’adorais cet instrument, c’était toute ma vie et tant que j’avais ma guitare et mes clopes je pourrais vivre heureux. « Ou de sot talent, dans le cas présent. » Je lâchais un petit rire. « En effet. » Approuvais-je avec un sourire en hochant doucement la tête. « Si tu aimes, alors le reste n’a pas tellement d’importance. » Je m’approche d’une guitare et en caresse la tête, mes doigts frôlant doucement les clés qui servent à accorder l’instrument. « C’est plus qu’aimer si tu veux mon avis, mais je pense que tu comprends ce que je veux dire. » C’est même pas aimer, c’est presque adorer, c’est trop fort pour le dire en mot, parfois l’envie de jouer est si forte que ce n’est plus une envie : c’est un besoin. Et j’imagine que ça, la candidate le comprends très bien. « Tu joues depuis longtemps. » Demandais-je finalement en levant les yeux sur la brune.