Je suis installée dans l'un des canapés, les pieds étendus sur l'assise. Un vieux titre des Platters repris à de nombreuses reprises résonne dans la pièce incroyablement vide. J'ai trouvé quelques bougies que j'ai allumé, c'est très mauvais pour la lecture que je m'apprête à faire mais peu importe. L'ambiance est idéale pour me détendre. Je ne suis pas stressée qu'on se le dise, je ne connais pas cette sensation, jamais, pas même lorsque je suis supposée défendre un cas néanmoins, j'aime bien me relaxer devant un bon livre et une bonne bouteille de vin. J'ai parcourus la cave afin d'y dénicher un bon Bordeaux de très grande renommée. Je lis Contes de la Folie Ordinaire, la musique n'est pas dérangeante, elle créée une ambiance particulière. Elle apaise, de la même manière que le vin. Il transporte. La lecture est fluide, elle est rapide, je fume, puisque fumer en ces lieux est devenu monnaie courante de nos jours. Alors je ne m'en prive pas. Je fume, je bois et je lis, la soirée idéale. J'ai l'impression d'être comme à la maison, Callan en moins. Je ne sais pas du tout où il est. Je ne l'ai pas vu depuis un petit bout de temps. Il me manque, j'ai l'impression que mon tableau idyllique ne pourra être parfait qu'avec lui à mes côtés. Les minutes passent, des heures peut être je n'en sais trop rien. Le disque s'est arrêté depuis un moment, mon livre est au trois quart et la bouteille de vin au tiers. Je n'ai pas bu tant que ça, mon livre m'occupe tellement l'esprit que je ne fais rien d'autre. Je vais pour tendre la main vers lui lorsqu'il a disparu, je lève la tête, Callan est là. Le verre à la main. Le verre à la bouche. J'attends qu'il finisse de boire et tend la main vers lui, sans un mot. Tout ce passe dans le regard, un regard sans aucune dureté.

Je suis entrain d'essayer de forcer le système de sécurité, mon objectif depuis mon arrivée. Je suis plus fort que ces satanés machines. J'entends de la musique depuis le rez-de-chaussée, Unchained Melody. Je souris. Mais ne bouge pas, le pare-feu est out depuis longtemps. J'crois que j'ai réussi, je pousse un cri victorieux. Un jeu d'enfant. Mot de passe, et finalement j'éteins l'antiquité. Je commence à avoir mal aux yeux. Je descends, prêt à retrouver ma femme qui est je-ne-sais-où, et puis passe par le rez-de-chaussée par curiosité. Là-bas, la lumière est tamisée grâce à des bougies, je m'avance un peu plus profondément vers ce qui nous sert de salon. Une personne est sur l'un des canapés. Entrain de lire. Je souris et constate sans surprise qu'il s'agissait de Candace. Elle lit, avec pour seule lumière la lueur des bougies, un verre et une bouteille de vin sont sur la table qu'elle rapproché. Du vin, c'est une bonne idée. Je me place devant, j'attrape le verre sans bruit. Elle ne me remarque lorsqu'elle tend le bras pour l'attraper. Elle lève la tête et me découvre, le verre à pieds à la main. Bizarrement, son regard est doux, elle ne me fusille pas, elle ne dit même rien. Alors je bois. Le goût fruité du Bordeaux est délicieux, un excellent cru. Je le lui tends, et toujours sans un mot, soulève ses jambes pour m'asseoir dessous. J'attrape l'un de ses pieds et commence à masser délicatement la voute plantaire. Elle adore ça, elle a toujours aimé ça. Je l'observe, la détaille, et même si je la connais par coeur, je ne me lasse jamais de l'observer.

Je suis rapidement rejointe par Callan. Mon époux, l'homme de ma vie. L'homme sans qui je ne pourrais pas vivre. Je quitte mon bouquin pendant qu'il boit. Je l'observe apprécier le vin de la même manière que je l'ai apprécié. Je bois une gorgée lorsqu'il me repasse le verre. Il est vide dorénavant. Je retourne à mon livre. Je ne fais que survoler les lignes pourtant. Il s'installe et commence à me masser les pieds. J'adore ça. J'ai toujours aimé ça. Je pose mon livre et attrape la bouteille pour remplir le verre et le lui tendre. Je l'observe un instant. « Je te préfère en costume... » Je finis par annoncer, comme sorti de nul part. Mais il a l'habitude. Il a tendance à se laisser aller depuis qu'on est ici, ça ne me plait guère. Je le lui en fait part. Je laisse mon livre s'échouer sur le sol, je n'ai plus besoin de lire. Je tends le bras pour récupérer mon bien. La bouteille va se vider trop rapidement à mon goût mais peu importe, il y en a des dizaines à la cave. Je lève les jambes et me redresse au bout d'un moment de plaisir intense. « Viens par ici... » J'annonce en l'aidant à ôter son tee-shirt. Petit baiser furtif sur ses lèvres. Elles ont le goût fruité du vin je mordille sa lèvre inférieur légèrement comme pour garder le goût plus longtemps dans ma bouche. Je l'attire vers moi et me place derrière lui, j'ai envie de le masser à mon tour. Je contemple son dos. J'ai toujours apprécié son dos musclé, ses omoplates, sa carrure imposante. Et malgré le temps qui passe, son corps demeure parfait. Je pose mes mains avec une délicatesse insoupçonnable sur ses épaules et commence le massage. « Si tu pars dimanche, je vais devenir folle, mais littéralement folle, je te jure. » Je me penche vers lui et embrasse sa nuque. Il va être nominé jeudi c'est une évidence, déjà qu'il y a échappé la semaine dernière, ça n'arrivera pas deux semaines de suite. Je crois que je serais capable d'entrer dans une colère noire. Mon indifférence légendaire pourrait en être perturbé. Je sais que c'est le jeu pourtant je suis égoïste.

Candace est imprévisible. Toujours. Quand je m'attends à ce qu'elle me fusille du regard pour lui avoir subtilisé son verre, elle me le remplit et me le tend. Je crois que j'ai jamais autant aimé une femme que j'aime cette femme. Peu importe son côté inhumain, sa rage, son caractère improbable, son indifférence flagrante. Elle m'a sauvé de l'Enfer, à deux reprises qui plus est, je lui en serais éternellement reconnaissante quoi qu'il arrive. Peu importe les atrocités qu'elle pourrait éventuellement faire. Je suis là pour elle. Je ne suis pas décontenancé lorsqu'elle me dit sans raisons apparentes qu'elle me préfère en costume. C'est vrai que je ne porte qu'un tee-shirt et un jeans, presque ordinaire. Je souris. « Je pensais que tu me préférais sans aucun vêtement. » Je ris. Elle interrompt sa lecture, laisse son livre s'écraser sur le sol. Je lève les yeux vers elle sans cesser son massage. Je la sens se détendre sous mes doigts. Pourtant, elle retire ses pieds de mes mains. Elle se redresse même, elle m'attire vers elle, elle ôte mon tee-shirt. Je la laisse faire. Je m'attarde sur ses lèvres lorsqu'elle décide de m'embrasser. Candy pose ses mains sur moi. Elle pose ses mains, délicatement. Elle a les mains glacés, comme d'habitude. Je frissonne, je ne m'attends pas à ce qu'elle soit aussi douce, quelque chose se trame. Et sa remarque me soulève le coeur. Je me sens tellement mal à cet instant, mais ne laisse rien transparaître, jamais. « Tu n'as jamais eu besoin de qui que ce soit Candy, t'as pas besoin de moi pour réussir parfaitement ton aventure. » Je murmure et pivote et la fait glisser sur mes jambes. « Il est trop tôt pour que je parte, mais les dés sont jeté, je ne suis pas maître de mon destin, tu le sais... » Je l'embrasse à nouveau. Ce sera plus dur pour moi que pour elle, j'en suis certain.

Callan répond à ma réplique au tac-o-tac. Une réplique digne de sa perversité. Il n'a pas tord ceci dit. Mais je me retiens de le lui dire. Il n'y a rien à répondre à une chose telle que celle-ci. Alors je garde le silence. Je préfère me concentrer sur ma nouvelle lubie. Le masser, avec douceur, lui faire plaisir, pour compenser mon agacement. Je suis agacée et je le lui fais savoir. Il me sort une tirade qui m'agace davantage. Je déteste ce surnom qu'il me donne. J'ai l'impression d'être une pute. Cette pute blonde innocente qui court dans les champs avec son ami raton laveur. Je suis agacé et je soupire. « Epargne moi tes discours préconçus, tes conneries à deux balles qu'on sort à ces petites minettes pleurnichardes Callan. » Je ne suis ni froide ni sèche puisque j'ai passé mes jambes autour de la taille de mon époux. Si tel avait été le cas, j'aurais sans doute quitté la pièce, en larme. Mais le jour où il me verra pleurer n'est pas encore arrivé. « Je sais que je peux me débrouiller sans toi. Ton absence ne me fait pas peur. Je suis entrain de te dire que ton départ risque de m'emmerder profondément du con ! » Je lève les yeux au ciel avant de passer mes bras autour de son cou. Je l'embrasse. Qu'est-ce qu'il peut être con ce type parfois. « Fais moi danser Callan. » Je suis assise à califourchon sur lui, je suis beaucoup trop enthousiaste, mais j'aime danser. J'aime danser et il le sait. Je arrêté de le masser, il m'a coupé l'envie de continuer. Plus tard peut être. Je suis passée à être chose. C'est aussi simple que cela.

Je crois que j'y suis allé un peu fort. Je ne sais même pas pourquoi je lui ai dit ça. A elle. Elle n'a pas besoin d'entendre ça. Elle n'a pas besoin que je me comporte comme ça ici. Elle ne s'énerve pas, même si ses mots pourraient être blessant dans la bouche de quelqu'un d'autre. Dans la sienne, elle ne l'est pas bien qu je puisse lire de la colère dans ses yeux. Je préfère ne rien ajouter au risque que de l'énerve davantage. J'ai pas envie de l'agacer. Je préfère largement rester silencieux. D'autant qu'elle passe ses bras autour de mon cou et qu'elle m'embrasse. Je pourrais lui dire que je suis désolé sauf que non. Je ne dis rien, je me contente de l'embrasser avidement. J'ai mes mains sur sa peau. Et lorsqu'elle s'écarte de moi, elle me demande de la faire danser. Je souris. « Vos désirs sont des ordres madame. » Nouveau baiser. Finalement, je passe mes mains sous ses fesses et me relève, la soulevant dans les airs. J'avance, avec ma femme dans mes bras jusqu'au tourne-disque. Je remets la musique dont les premières notes ne tardent pas à se faire entendre puis l'embrasse une nouvelle fois avant de la faire descendre sur le sol. J'entoure sa taille de mes mains et commence à la faire danser. Elle est légèrement plus petite sans ses talons, pas énormément puisqu'elle est naturellement grande, mais la distance qui sépare nos lèvres est plus importante. Je ne la quitte pas des yeux tandis qu'on danse au rythme de la musique.