SLOW DOWN
FANTINE ET GASPARD

Goûter des vins avec Fantine ne nous avait aucunement permis de nous connaître. Nous avions simplement échangé quelques mots d'usage, quelques réflexions sur nos présences respectives dans cette émission, mais comme à son habitude, Fantine était restée discrète. Voilée. Je crois que c'est ce que j'appréciais le plus chez elle, sa chaleur avec les gens qui l'entouraient sans pour autant en devenir vulgaire, trop facile d'accès. Elle était une énigme qui n'avait rien de froide, une femme complexe mais non distante. Je n'étais pas pressé de la connaître, parce que la connaître impliquait une certaine mise à nue chez Fantine, qui, je crois, ne se dévoilait au sens figuré que dans l'intimité au sens propre. Ce n'était pas ça qui m'intéressait chez elle, et je la préférais incomplète, à demi murmurée, méconnue. Dans le salon-salle de musique où résonnaient quelques notes de Chopin que je ne jouais pas – je n'avais jamais appris le piano ni manifesté l'envie d'apprendre – je profitai du silence apaisant de ce début de soirée, tandis que les autres faisaient la fête quelque part dans le village, sûrement le bistrot. Je m'étais échappé des dortoirs pour m'installer sur le canapé le plus confortable, face au feu ronronnant dans l'âtre et, nuque appuyée contre le dossier recouvert de velours vert, je fermai les yeux, me laissant bercer par la musique et le son du crépitement des flammes. Le bruit d'une porte qui s'ouvre me fit relever la tête, pour apercevoir Fantine, à laquelle j'étais justement en train de penser, se glisser à l'intérieur et refermer la porte derrière elle. Je lui adresse un sourire, masquant ma surprise face à sa présence: je la pensais avec son partenaire au bistrot, comme les autres.

J'abandonne mon livre à la bibliothèque, suivant le mouvement insconcient des habitants qui se rendaient au même endroit. Je me demande pourquoi, un moment "collectif, tous ensemble" est prévu ? C'est plus par curiosité que par envie, mais j'y vais. La plupart des candidats sont au bistrot, je m'y rends, avant de m'en rendre compte que j'y étouffe. Trop de monde, trop de bruits, je ne suis pas faite pour cela. J'ai besoin d'être au calme, ou d'observer de loin, mais on vient constamment me soliciter pour un oui ou pour un non, pour une conversation futile et peu interressante. Enfin, que je juge pas interressant sur le moment. Je décide alors de m'en aller, préférant le calme de l'extérieur. Une légère brise se lève et c'est parce que j'ai voulu faire la maligne avec Louis en lui disant que je n'avais pas besoin de son pull que je commence à frissonner. Vraiment. Mon orgueil me perdra un jour. C'est les mains dans les poches, pour les réchauffer que je passe devant l'auberge, l'école des garçons étant encore un peu plus loin, je me décide et m'y engouffre sans la moindre hésitation. C'est avec un soupir de soulagement que j'accueille la chaleur de la pièce, je suis prête à me laisser glisser, dos contre la porte, avant d'attérir sur le sol mais je croise le regard de Gaspard qui m'empêche de faire cela. « Tu fuis ? » Je lui demande doucement avant d'aller m'installer sur l'un des fauteuils. Je m'assois en travers, je pose la tête sur un accoudoir tandis que mes cuisses vont s'appuyer sur l'autre accoudoir, mes jambes battent l'air. Je tourne ma tête vers Gaspard.