@Maha

J’avais imaginé ma sortie différemment. Déjà je pensais pas dégager comme ça mais c’est le jeu ainsi soit-il, je suis en plus parti accompagné main dans la main de la personne que je n’avais pas envie de perdre au sein du jeu. Que demander de plus ? De la simplicité peut-être. Je m’étais fait à l’idée de rentrer en France et de ne plus entendre parler de ce jeu, ou du moins d’en faire des récits pendant les premières semaines jusqu’à ce qu’on m’oublie, et que je reparte à la recherche d’un taff pouvant boucler mes fins de mois. J’suis pas super ambitieux. Ça c’était avant qu’on m’annonce qu’à une semaine près j’pouvais visiter les Etats-Unis en attendant de retrouver le confort de l’hôtel où séjournaient encore tous les candidats officiels. Forcément l’offre est alléchante alors j’suis resté en compagnie de Maha. Ca c’est la partie compliquée. Elle m’avait vraiment rendu curieux à propos de son secret alors forcément une fois dehors je menacé de mon air relou d’aller acheter un magazine people dans la première librairie sur laquelle je tomberais, y a pas eu besoin de plus. J’sais pas trop pourquoi j’suis aussi tolérant envers elle, sûrement parce qu’on s’est bien trouvés j’sais pas… mais le fait est que malgré tout j’reviens en sa compagnie dans le jeu. Cette sensation est super étrange, j’ai beau garder une certaine tolérance il y a cette part de méfiance qui s’en va pas. C’est simple : j’ai tout remis en question concernant nos moments communs. Presque tout. Y compris les instants partagés dans cette chambre que nous nous apprêtons à rejoindre. J’sais pas où on va dormir mais il doit bien rester un lit pour nous. Toutes nos valises- ou plutôt les siennes car moi une seule me suffit- embarquée dans l’ascenseur je laisse les portes se refermer derrière nous avant d’appuyer sur le bouton correspondant. « J’espère que la prod va pas nous faire passer notre nuit de come-back dans cet ascenseur. » Ils en seraient largement capables. Les autres auraient pu nous aider quand même, surtout Adélie et sa force surhumaine. Je me retourne, me retrouvant face à Maha. « Je t’avais prévu une nuit de folie ça m’saoulerais de voir tous mes plans tomber à l’eau. » Je soupire en m’appuyant contre la paroi de la cabine genre trop déçu alors qu’on avait toute l’intimité requise pour ce genre de chose la semaine passée s’il y avait eu besoin.

Finalement on n'a pas quitté le Nid bien longtemps. Bien sûr, on a dû négocié entre nous pour savoir si l'on revenait ou pas. J'écoute d'une oreille distraite Léo. Je n'avais même pas remarqué que l'ascenseur s'était stoppé dans sa montée. C'est un plan basique de la production, du réchauffé maintenant, dès que l'on a le malheur de le prendre à plusieurs, c'est le même coup. « Trop précieuse pour cela » je souligne simplement en installant un sourire moqueur sur mes pulpeuses. « Je porterai plainte pour maltraitance » je siffle simplement oui, j'aime bien la justice quand cela m'arrange. Je sais bien évidemment qu'ils ne vont pas nous laisser mourir ici, dans ce petit habitacle, une fois tout notre oxygène consommé. Je regarde clairement trop de films catastrophes. Sa remarque suivante me fait rouler des yeux mais j'esquisse un sourire amusé. Heureusement qu'on est que tous les deux. Déjà que Lamine ne fait que me parler de "mon bridé", il suffit d'une seule phrase comme celle-ci pour qu'il ne me lâche plus d'une semelle en faisant sa fouine. « Sinon tu peux me montrer ce que tu avais prévu ici, tu sais, dans les films, c'est dans les moments qui pourraient paraître gênants que les portes de l'ascenseur s'ouvre   » je lance avec sarcasme tout en essayant de paraître très sérieuse et documentée. Bien instruite sur le sujet, je le maîtrise, c'est scientifique. J'agite rapidement mon doigt impérieux sous son pauvre regard de mortel. Je croise ensuite mes fins bras sur ma poitrine. « Enfin si par nuit de folie tu entends par là, aller embêter ton ancienne partenaire, je passe mon tour par contre » je me dois de préciser tout de même parce que je sais qu'avec Léo, nous n'avons par la même définition des mots. J'aligne quelques pas dans sa direction, mes bras l'entourent avec délicatesse, mes mains se calent entre le bas de son dos et la paroi de l'ascenseur. J'incline légèrement la tête en arrière pour capter son regard.  « Je suis contente que tu sois revenu avec moi » je ronronne alors en plissant légèrement les yeux parce que je suis quand même celle des deux qui a le plus insisté pour revenir ici. Histoire de partager quelques moments avec Shay, Gigi et d'autres. Mais je suis plutôt surprise qu'il ait quand même décidé de rester avec moi, surtout après la révélation de mon secret une fois hors du jeu, en même temps, c'était bien trop évident pour pouvoir le laisser dans l'ignorance. A la base, il était quand même sensé mal le prendre, et ce n'est pas le cas, ou alors, il ne me le montre pas.

Ce qu’il y a de bien avec Maha c’est qu’elle est honnête avec elle-même, tellement qu’elle s’avoue être précieuse. C’est ce que j’aime chez elle : elle se vante de ses défauts. Ils sont emmerdants et elle les rend encore plus chiants. Chez moi tout ce qui est chiant est mignon donc ça me va. « C’est courageux de vouloir aller titiller la justice avec ton profil. » Je balance l’air de rien un sourire sarcastique imprimé sur les lèvres. J’ai presque l’air de prendre toute cette histoire du bon côté en fait. Mon regard planté dans le sien et tranquillement adossé dans la cabine je suis prêt à patienter mais ça c’est sans compter sur Maha qui comme d’hab réclame que je me bouge le cul. Le truc c’est que j’suis pas tout à fait disposé à lui faire un remix de la scène de Sin City dans l’instant, je l’avais prévu pour plus tard. « Non mais là j’suis pas prêt, j’avais prévu d’y aller tout en douceur en commençant par le regard fougueux. » Le genre de regard dont je lui offre un extrait instantanément, un truc plutôt salace et dégueulasse dans un jeu de sourcils invitant à une nuit d’amour torride. « Enfin j’peux aussi directement baisser ta culotte si tu veux. » que je balance tout naturellement en haussant les épaules tel un gamin déçu. Oui ça m’a fait du bien de retrouver l’extérieur, j’y ai retrouvé toute mon énergie. Je louche sur le doigt de Maha qui vient se planter devant moi, mon regard glissant jusqu’à son visage j’esquisse un sourire. Elles sont décidemment toutes jalouses de Mylah, cette femme est une prêtresse. « Non ça je vais m’en occuper dans l’aprèm. » Je la rassure avec conviction puisque j’ai tout mon temps pour aller à la rencontre de mon ancienne partenaire d’ici ce soir. Il va falloir faire le tour d’un peu tout le monde, tout du moins de ceux avec qui j’ai construit quelques affinités, donc je me programme ça vers les dix-huit heures. J’suis un mec plutôt organisé en plus d’être ponctuel. J’observe Maha s’approcher sans prononcer un mot et tandis que mon regard se cale dans le sien, ma main vient replacer derrière son oreille une des mèches lui tombant le long du visage. « Et moi je suis étonné que t’aies voulu revenir. » Je la pensais ne s’attacher à personne d’autant plus avec ce qu’elle a pu me raconter sur elle. Son envie de remettre les pieds ici a beaucoup joué dans la confiance que j’ai conservée à son égard après sa révélation officieuse. Mes bras ballants viennent l’encercler dans une position similaire à la sienne tandis que je me redresse légèrement. « Quand t’as soumis l’idée j’me suis laissé convaincre par l’idée que t’avais peut-être pas totalement joué avec nous. » J’sais pas pourquoi l’heure est aux confidences, c’est complètement con mais j’avais besoin de lui dire car pendant un certain moment j’ai cru qu’elle se foutait de ma gueule. Des autres aussi mais ça je m’en fou. On fait tous des conneries moi le premier donc ça aide la pilule à passer, aussi grosse soit-elle.

La remarque de Léo me fait tiquer parce qu'il a totalement raison en plus, je crois que c'est cela le pire. Hors de question de l'admettre clairement bien évidemment, j'ai ma fierté. « Je ne préfère pas encore y penser » je me marre qu'à moitié, mais on va dire que je suis une fille disposant de certaines ressources, j'arrive en général, oui, il faut nuancer, à m'en sortir. Evidemment je n'ai pas le temps de m'attarder sur cette réflexion puisque Léo nous fait son petit cinéma. « Le but est de me faire peur ? » je demande de mon délicat soprano avant de battre mes cils de biche effarée ... enfin surtout consternée. « Alors déjà de un: tu ne fais pas envie, je te jure » je lui affirme pour qu'il puisse apprendre de ses erreurs. « En plus, ta délicatesse vient de faire disparaître toute la tension sexuelle qui pouvait régner dans l'ascenseur là » j'ironise alors qu'un rictus narquois se dessine sur mon minois de poupée quasiment outré par la vulgarité de Léo. On peut donc finalement tous s'accorder sur une chose: Léo ne sait pas parler aux femmes. « Bravo, j'espère que t'es fière de toi » je fais mine d'applaudir avec un certain sarcasme et détachement tout de même. Je mentionne rapidement Mylah, apparemment Léo l'a comprise dans son planning chargé. Comment ça ? J'arque un sourcil, perplexe. « Ah tu me lâches comme ça » je souligne en faisant la gueule pour la forme. Je me rapproche de lui et je ne tarde pas à enchaîner. Léo serait apparemment surpris que j'ai décidé de revenir. Je crois que c'est le cas de tout le monde en fait, j'ai tellement une sale image ici en réalité et cela ne risque surement pas de s'arranger. « Pourquoi ? J'ai un coeur tout de même, merci » je marmonne, les sourcils passablement froncés, j'ai beau avoir un secret tout de même particulier, je me suis quand même au final attachée à certaines personnes dans ce jeu, et même si cela sera surement les dernières fois qu'on se côtoiera, je veux bien tout prendre quand même. Je l'écoute, lui offrant toute mon attention disponible parce que je crois que c'est bien la première fois qu'il en parle si ouvertement. Il lui a bien fallu une semaine pour tout digérer et je comprends, pour une fois. L'une de mes paumes de main s'en va se poser sur l'une de ses joues. « Les intentions de base ne sont pas mauvaises » je me défends comme je peux parce qu'il le sait. Il sait déjà mon point de vue de toute façon, je tente de voir au delà. « J'aurai aussi très bien pu te laisser une fois les caméras éteintes mais ce n'est pas le cas » j'avoue aussi pour lui prouver je-ne-sais-quoi. « La cause nous dépasse tous tellement » je lâche aussi, même si la fin ne justifie pas non plus les moyens, je sais. « Autre chose à demander ? Parce que c'est le moment, on a le temps » je laisse entendre avant de me serrer contre lui. Oui, la production n'a pas l'air très décidé pour le moment.

Au fond je trouve Maha courageuse de vouloir exposer son secret, elle risque de passer un sale quart d’heure avec ceux qui la reconnaîtront si jamais ça arrive. Nos milieux sont définitivement à des années lumières l’uns de l’autre et pourtant ça ne m’empêche pas de lui faire mon numéro de mec relou. « Non. »Je veux pas lui faire peur mais j’sais même pas comment qualifier la chose en fait. C’est devenu une habitude de faire et dire n’importe quoi, en général j’mets ça sur le compte de mon cerveau grillé. « Ah bon ? » Je simule la déception tant Maha me coupe dans mon élan avec son énumération. Si j’lui fais pas envie avec ça alors je sais plus quoi faire. Je suis pas fier de moi, je suis déçu pardi ! « C’est toi qu’est difficile aussi. » Boudeur, je croise les bras sous ma poitrine à l’annonce de ma défense qui clairement tient la route. Elle me casse toujours mes délires aussi nuls soient-ils. Du coup à chaque fois je fais la gueule un petit temps histoire de marquer le coup. Ce qu’il y a de bien avec nous c’est que quand y en a pas un qui boude c’est l’autre, du coup on s’ennuie jamais aussi fictif cela soit-il. Là par exemple comme mon tour est passé c’est celui de Maha ; c’est pas de ma faute si elle jalouse Mylah. De toute façon à part son sex-appeal, Mylah, elle a rien pour elle qu’on se le dise. Ah si elle sait faire le ménage. « J’comptais te filer un coloriage pour t’occuper pendant ce temps-là… mais bon si tu veux j’pourrais me rattraper autrement. » Je concède en haussant les épaules, envisageant déjà de lui servir le repas ou carrément de faire le lit lorsqu’on en trouvera un. Je sais je suis trop serviable. Tandis qu’elle me loge dans ses bras je l’écoute, ne prenant pas la peine de répondre et constatant la corde sensible de Maha. J’ai déjà remarqué qu’elle pouvait se vexer quand on évoquait son absence de sentiments. En s’attardant un peu sur elle on en voit le contraire sauf que je m’estime en droit d’avoir eu des doutes. Etrangement je ne peux m’empêcher de lui confier une partie de mon ressenti par rapport à la situation. Si d’habitude j’arrive à garder une certaine distance en considérant la vie des autres comme la leur et pas la mienne là c’est différent. C’est différent parce que Maha j’y tiens. J’approuve mentalement sa première justification tandis que ma main décolle délicatement celle qu’elle a plaquée sur ma joue lors de la seconde. Je la caresse un temps en l’observant pensif. Oui, sa réponse me convient. Je resserre mon étreinte lorsqu’elle se serre contre moi, tête baissée et prêt à coller un bisou sur le haut de son front je me redresse en posant mon menton sur le sommet de son crâne. Oui j’ai une autre question. « Comment tu t’appelles ? » Ca elle ne me l’a pas dit et ça me noue la gorge de demander un truc pareil. C’est juste gênant pourtant c’est nécessaire… je crois.

Léo est vexé que je le coupe dans son élan avec des arguments tout à fait solides. Parce qu'il est plus flippant qu'autre chose lorsqu'il tente de se prendre pour un séducteur en folie. Je fais cela pour son bien, je donne de ma personne en analysant sa technique, je suis sûre qu'aucune autre fille se dévouerait comme moi. « Je ne suis pas difficile, je suis exigeante » je fais mine de nuancer. Parce qu'il y a une différence tout de même. « Très exigeante, mais on se compense du coup » je laisse entendre comme si c'était un lot de consolation, Léo n'est pas très difficile à satisfaire, en général, j'imagine que c'est un peu pour cela que notre duo marche bien. J'écoute la réponse de Léo qui pensait pouvoir m'occuper en attendant qu'il aille martyriser son ancienne partenaire. Je lui lance un regard blessé et appuyé. Je suis une excellente comédienne, il faut dire. « Je ne sais pas ce qui est le pire: que tu te veuilles te débarrasser de moi pendant quelques heures sans scrupules ou que tu penses qu'un tel abandon pourra être pardonné si facilement ? » Je lui demande en faisant mine d'adopter la position du penseur de Rodin. Cela pourrait presque être un sujet de philosophie à mon avis. Bon j'exagère un peu mais quand même l'idée de base est là. On finit par vaguement dériver sur un sujet un peu moins léger. Je suis un peu obligée de justifier mes actes, simplement parce que c'est lui. Quand le temps de révélation viendra, il ne sera pas de même avec les autres, autant prévenir. De tout façon, ce qui est fait est fait, on ne peut pas revenir dessus, je ne suis même pas sûre de le vouloir en plus. Je trouve quand même Léo bien silencieux, je n'y suis pas habituée. Je fronce les sourcils lorsque Léo me demande mon prénom, je l'observe sans rien dire pendant quelques secondes. C'est un peu la seule chose qui m'appartient de toute ma vie, je ne suis pas sûre que le partager soit une bonne idée, même avec lui. Bon la situation est un peu ridicule parce que c'est une conversation qu'on est sensé avoir au début d'aventure mais je crois qu'il est en droit de savoir et puis maintenant qu'il connait déjà tout. Foutue pour foutue ... J'avise rapidement la caméra dans l'ascenseur, je nous positionne pour que je puisse lui faire dos. Je m'approche de Léo parce que je n'ai pas envie que ça soit connu par le monde entier ou même repris dans l'une de leurs rubriques minables. « Raïssa » je souffle à voix très basse simplement avant de pouvoir enfin m'écarter et de reculer. « Mais ne te fatigues pas à m'appeler comme ça, je ne suis pas sûre de me reconnaître » je lui confie en haussant les épaules comme pour lui dire que je préfère qu'on s'en tienne tous les deux à Maha, parce que ça risque d'être aussi perturbant pour lui que pour moi. Et de plus, cela fait des longues années que l'on ne m'appelle plus comme cela, je ne pense pas avoir l'automatisme de lever ma tête si on crie mon prénom. Je sais que c'est con à dire mais c'est la vérité, je n'aurai surement aucune réaction parce que c'est un prénom que je me suis forcée à oublier.

Evidemment j’ai pas raison. J’ai pas tort non plus puisqu’en réalité je suis dans le vrai sauf que Maha trouve quelque chose à redire. Je proteste même pas tant ça me passe au-dessus, j’estime même avoir l’habitude en fait. Si ça peut lui faire plaisir en plus que voulez-vous que je lui dise.  Je me marre quand elle évoque mon manque total d’exigences, tous les arguments sont bons pour tourner ça à son avantage. « Encore une preuve que t’as de la chance de m’avoir trouvé. » Je me trouve très complaisant, j’pense pas qu’elle ait été amenée à rencontrer beaucoup de gens qui la supportent autant que moi dans sa vie. Faut dire qu’on est pas beaucoup à se marrer quand une nana fait trop de caprices. Ceux de Maha ils sont gentillets et drôles. Je l’observe faire son numéro de chaton abandonné, c’est assez flippant maintenant que je sais de quoi elle est capable. Heureusement que j’arrive à déceler son ironie parce que sinon je me ferais avoir comme un blaireau. D’ailleurs qu’elle stoppe sa pseudo-réflexion car j’ai trouvé la réponse. « Ce qui est le pire, c’est que tu puisses plus te passer de moi. » Je parade, haussant les sourcils un sourire satisfait sur les lèvres. J’crois qu’elle mesure pas à quel point j’suis quelqu’un de sympa. Le coloriage c’est une occupation gentillette, j’peux lui trouver quelque chose de plus hardcore pour satisfaire les nombreuses exigences dont elle s’est vantée y a à peine trente secondes. « Mais très bien. Comme t’es pas contente j’appellerai Gigi en l’informant de ta désolation à son égard pour le fait qu’elle passe beaucoup moins bien à la télé qu’en vrai. » Et là y en aurait pour des heures. De toute façon c’est pas comme si Gigi n’allait pas lui sauter dessus à peine les portes de l’ascenseur ouvertes pour lui raconter tous les potins de la baraque. En une semaine on a eu mieux à faire. On a profité des voyages, c’était cool mais ça n’empêche pas que j’ ai beaucoup repensé à ce qu’elle avait pu me raconter à notre sortie. J’ai fait mine d’accepter avec compréhension ce qu’elle a pu cacher pendant ces mois de jeu mais c’est plus compliqué que ça. Il y a cette question lambda et débile qui me taraude l’esprit. J’ai besoin de sa réponse pour me targuer de vraiment savoir qui elle est alors je profite de l’opportunité pour la poser. C’est le bon moment et sûrement une des rares fois où j’aurais envie de remettre le sujet sur le tapis. Je la laisse faire, j’imagine qu’elle prend des précautions vis-à-vis de la surexposition pour me livrer la réponse. J’aurais probablement dû m’y intéresser avant mais qu’importe. Raïssa. Mes mains se hissent jusqu’à ses joues afin d’encadrer son visage et silencieusement mes yeux glissent sur ses traits. C’est étrange. Lui donner un autre nom serait comme lui coller une autre personnalité. Quand je regarde ce visage je ne vois que Maha, rien d’autre. Ayant terminé leur chemin mes yeux viennent de nouveau se planter dans les siens. « Je préfère Maha de toute façon. » que je souffle dans un maigre sourire. Je ne parle pas que du prénom, j’ai aussi une préférence pour celle que je connais et que je souhaite voir rester. Pas au profit d’une nouvelle croqueuse de diamants.

J'aurai apparemment la chance d'avoir Léo. Je suis et certaine que d'autres candidats ne seraient pas du même avis. Je me contente de laisser dériver mon regard dans sa direction pendant une poignée de seconde. « On va dire ça, si tu veux » je fais mine de concéder parce qu'il a quand même l'air d'y tenir, et moi, je veux bien évidemment lui faire plaisir. Je me plains, pour ne pas changer. Il me sort l'option C, celle qui ne faisait pas parti des réponses possibles, pourquoi faire simple lorsqu'on peut faire compliqué. Je ne peux pas me retenir de rire devant son assurance mais je me dois de remettre les choses en place, tout de même, pour ma fierté ! « Dit-il alors qu'on était même pas encore sorti que monsieur voulait déjà que je rentre avec lui au lieu d'aller voir ma famille » je claironne parce que c'est la pure vérité. C'est lui le fragile qui a besoin de ma présence. Quant à moi, on va dire que je donne volontairement et généreusement de ma personne, en fait. « Alors n'inverse pas les rôles s'il te plait » je place avec un air moqueur en pinçant les lèvres comme pour compatir à sa dépendance. Je sens que Léo se creuse les méninges pour que je puisse survivre quelques heures sans lui. Difficile. Il me sort une autre occupation: Gigi. « Elle n'est pas si superficielle qu'elle peut en avoir l'air tu sais » je rétorque simplement avec un doux sourire, parce que j'en suis persuadée, bon, j'ai eu du mal avec ce côté d'elle qu'elle laisse souvent paraître, mais on s'y fait. Enfin, pas Léo il me semble. « Tu serais surpris » j'ajoute même avec un petit haussement de sourcil comme pour laisser un peu de suspense tout de même. Deux secondes plus tard, je me présente. Ça ne me fait aucun effet de prononcer ce prénom que je ne considère plus tellement comme le mien. Ses mains emprisonnent mon minois, je me laisse faire, je subis et j'attends que l'inspection se finisse pour que le verdict tombe. Mes mains s'en vont naturellement se nouer sur chacun de ses poignets. Je l'écoute avec attentivement. Il préfère Maha. Je pourrais presque me faire l'effet d'une schizophrène, à l’entendre. Je me contente d'afficher un léger sourire parce qu'on peut dire qu'il est au moins très clair sur ce point. « C'est noté » je réponds d'une voix douce en faisant la moue. J'imagine qu'il craint que je ne me métamorphose petit à petit sous ses yeux pour devenir une parfaite inconnue, c'est légitime. « Je savais bien que tu l'avais un peu mal pris au final » je conclus en soupirant discrètement quand même avant de redresser légèrement ma tête, mes prunelles délavées se plantant dans les siennes. Je ne suis pas totalement conne au quand même, j'ai quand même pris en compte son silence face à ce que je lui annonçais. « Mais sois pas fâché » je lui demande de ma voix caressante alors que le bout de mon nez s'en va se frotter contre le sien. Il n'a pas le droit. Après tout, c'est la première fois que j'ai une personne dont je me soucie physiquement avec moi, tout près. Léo est mon crash test. Je ne sais pas faire. C'est tout.

J’estime avoir remporté la manche. Maha est dure en affaires, elle défend son bout de beaf comme il faut mais j’arrive quand même à la faire plier de temps en temps. C’est un duel de concessions permanent. Elle se marre et se fou de ma gueule, c’est noté. Moi en attendant je m’indigne. « Quoi ?! Non mais alors voilà j’ai pas le droit de me montrer sentimental le soir de mon éviction.» Pour une fois que je suis sérieux en plus, elle qui me l’a tant reproché. Elle sait pas ce qu’elle veut mais ça j’évite de le lui dire sinon elle va trouver un argument à me renvoyer dans la gueule, on a assez d’un débat. « T’oublies le fait que tu m’as pratiquement supplié pour que je revienne ici avec toi. » C’est par pur plaisir de contradiction là, elle peut revoir son air de pitié puisque je viens d’adopter le même en signe de compassion. D’ailleurs je pourrais adopter la même expression quand j’irais la confier à Gigi tout à l’heure même si elle fait partit des candidats qui ont motivé Maha à revenir ici. Je lui accorde un « Mh. » sceptique, signe que je l’écoute sans grande conviction. Je sais pas d’où Maha sort son discours mais pourquoi pas, j’ai déjà été étonné d’apprendre qu’elle vivait dans la misère il y a quelques années. Cela dit je pense n’avoir aucun terrain d’entente avec cette fille, ça s’est confirmé de semaines en semaines donc être surpris … non, je ne crois pas. « J’ai eu tout le temps de l’être, c’est jamais arrivé. » Je fais ma mauvaise foi mais je veux bien lui accorder le bénéfice du doute. Après tout elle, elle a bien réussi à me surprendre. Enfin, c’est déjà moins surprenant puisque je la savais pleine de mystères mais elle a fait fort. Tellement que j’en viens à lui demander son prénom. C’est inutile, elle est et restera Maha. « C’est pas ça. » Je me justifie comme par nécessité, mes prunelles plantées dans les siennes. « Il faut le temps de le digérer. » Je crois qu’elle peut s’estimer heureuse, beaucoup auraient réagi différemment. Pour ma part j’estime simplement qu’il me faut juste le temps de m’habituer à l’idée. De toute façon mon statut de tocard me laisse hors de danger. Si j’ai pu être énervé dans un premier temps ça a maintenant tendance à s’estomper. Chacun sa vie, il était de toute façon évident que celle de Maha ne ressemblait en aucun points à la mienne. L’une de mes mains vient se glisser sous son visage, coinçant délicatement son menton entre mon pouce et mon index afin qu’elle arrête ce qu'elle fait là, avec son nez. « Tu devrais arrêter ça. » Elle devrait cesser de jouer de la sorte. J’ai compris : c’est une fille intelligente. Elle sait ce qu’elle fait et quand elle se rapproche comme ça moi je ne peux que tomber dans le panneau. « Parce que c'est trop tentant. » Forcément, je ne suis qu'un homme m'voyez. Je l'embrasse dans l'instant, le bas de son visage toujours en ma possession. J'en ai envie, autant ne pas m'en priver surtout pour le temps que ça dure. Ca en était presque bref.

Léo trouve toujours des arguments, ça m'épuise parce qu'il faut que j'innove, parce que j'ai un peu l'habitude d'avoir le dernier mot quand même, mais je sais que c'est dû principalement au fait que Léo le fait exprès. « De notre éviction» je le corrige en roulant des billes parce qu'il me semble que je n'ai pas fait la fragile ce jour là, il aurait dû prendre mon exemple, comme toujours. J'ai quand même envie de dire qu'on a eu de la chance de partir en même temps sinon je pense que cela aurait été difficile de se revoir parce qu'il va falloir que j'évite la France pendant un petit moment quand même. Léo me fait passer pour une faible la seconde d'après. Je bats des cils, outrée et vexée, enfin c'est surement l'impression que je dois donner. « Menteur » je scande alors, il n'est pas sérieux de dire ça, et mon image oh ! « Je t'ai gentiment proposé de venir avec moi et tu n'as pas été si difficile à convaincre il me semble» je siffle en dressant un index impérieux. Je ne sais pas pourquoi je parle de surprise mais je suis sûre que Gigi n'est pas si portée sur l'apparence, la réponse de Léo me fait rire. Où est passée son indulgence ? « T'es difficile » je commente, amusée. Il est même dur quand même avec cette pauvre Gigi. En attendant, je préfère quand même me concentrer sur un sujet plus sensible que celui de la candidate. Léo m'annonce qu'il lui faut quand même encore un peu de temps pour assimiler la nouvelle. J'approuve discrètement de la tête, il est vrai que sa réaction a été assez soft, on ne peut pas nier. « Je te laisse encore quelques heures alors » je lance, moqueuse, comme si c'était un de mes énièmes caprices. « On a le temps de toute façon» je conclus simplement en haussant les épaules. Mais bon, ça fait déjà une semaine et il n'est pas non plus le principal concerné par cette histoire, ce n'est pas un dommage collatéral. Je dois arrêter cela. Je me contente de froncer les sourcils dans l'attente d'une explication supplémentaire. Je fixe simplement Léo en affichant un sourire sur mon minois de poupée. Il m'embrasse et mes mains survolent son dos pour finir par squatter sa nuque. « C'est bien d'admettre ses faiblesses » je concède alors d'un air amusé avant de me hisser sur la pointe des pieds pour déposer un rapide baiser sur ses lèvres. Je me permets de reculer d'un demi pas pour laisser cinq centimètres entre nous, et c'est déjà pas mal parce que depuis des semaines on est souvent collé l'un à l'autre. Je fais bien attention à ce que je ne touche et n'envahisse pas son corps. « Tu te maîtrises mieux comme ça ?» je lui demande de ma plus belle voix en affichant un sourire narquois avant de ranger sagement mes mains dans mon dos. Je ne voudrai pas trop le tenter, bien évidemment, puisqu'il semble si mal le vivre. Je redresse vaguement ma tête alors que mes grandes opales ne se vrillent aux siennes avec un regard qui se veut totalement innocent.