FT. MALIK.

Etre aveugle : ça craint. Mais genre vraiment quoi, j’en ai marre, du coup je me suis réfugié dans l’auberge et j’ai du tâté un peu partout pour trouver la guitare. Mais finalement je l’ai trouvée et quand c’est le cas je me pose sur le divan et commence à jouer un peu. A force de pratiquer je n’ai pas besoin de regarder mes doigts pour savoir ce que je fais, je sais que je ne me tromperai pas, c’est devenu naturel. Je suis en train de jouer l’introduction de Hotel california quand j’entends la porte s’ouvrir. Cependant je ne m’arrête pas. Hors de question de m’interrompre pendant que je joue cette sublime mélodie et puis peu importe qui peut m’entendre. Au bout des quelques 7 minutes de morceau je coupe le son et attends que la personne s’annonce. « Je dois deviner ? » Je finis par demander au bout d’un moment. Je tends la main vers la personne, si je dois deviner c’est en touchant le visage hein. Je sens une main m’agripper doucement le poignet. « Aller, dis moi qui c’est. » Toujours rien. Au bout d’un moment la lumière se fait dans mon esprit, j’avance encore la main et mes doigts touchent la chevelure frisée et courte de Malik. Je m’en doutais, je récupère ma main et m’installe en tailleur, la guitare sur les genoux. « Désolé. » On est mal maintenant, hein, non ? On va faire comment pour se parler, il aura beau faire des gestes ou écrire sur un bout de papier ce serai inutile. Et bon on peut pas vraiment communiquer en se touchant. Enfin si mais… Ahem.

D’accord, alors maintenant on était censé faire quoi ? J’entends le candidat bouger, je ne sais pas ce qu’il va faire. Partir, surement, à vrai dire il est presque inutile que nous restions à deux dans la même pièce puisqu’on ne sait pas communiquer. Je me demande du coup comment les aveugles et les sourds communiquent… Les sourds étant souvent muets. Il me tapote la main, je crois qu’il a pensé à la même chose que : il ne nous reste que le touché comme sens commun. Je soupire. Moi je peux parler donc je vais utiliser ma langue mais je vois mal comment il va pouvoir me répondre. « On aurait du apprendre le braïe… » Comme ça il aurait pu l’écrire et j’aurais pu le lire. J’ai une idée. « Pour me dire non, t’as qu’a tapoter une fois ma main et pour dire oui, deux fois. » Je dis ça parce que, comme je viens de jouer de la guitare j’ai une petite question à lui poser. « Tu joues d’un instrument de musique ? » Si c’est le cas, j’aimerais bien entendre un peu de son talent, de toute manière il faut bien passer le temps, non ?

Communiquer avec Malik devient vraiment difficile. Parce que je ne peux rien voir et donc il est hors de question pour lui de prendre une ardoise et d’écrire dessus tout ce qu’il pourrait me dire, tout comme l’idée de communiquer par des gestes. J’ai trop envie de braver l’autorité du petit angelot et de retirer mon bandeau parce que vraiment : j’en peux plus, mais je me demande ce qu’il se passerait si je faisais ça. Pour qu’on puisse un peu communiquer, je lui dis de me tapoter une fois la main pour dire non et deux pour dire oui. Ensuite je lui demande si il joue d’un instrument, j’ai l’impression que mon ouïe est le seul sens qu’il me reste et je serais ravi de pouvoir l’écouter, la musique est une sorte de communication après tout. Il tapote deux fois ma main et je souris, content de cette réponse. Finalement je l’entends se déplacer, surement pour prendre un violon et bientôt une mélodie retentit dans la pièce. Mélancolique et douce. C’est agréable bien qu’il se loupe de temps à autre dans les aigus. « Bravo ! » Je fais en souriant. « C’était magnifique. Cette mélodie veut dire quelque chose pour toi ? » Je fais une pause. « Ou tu aimes juste l’écouter et donc, l’interpréter ? » J’imagine les explications qu’il pourrait me fournir après un oui ou un non, parce que c’est la seule chose qu’il sait me dire aujourd’hui.