callan

Ça fait presque deux nuits que je ne dors pas. Premièrement parce que je n’ai plus vraiment de lit à moi, merci à Candace de squatter le lit de son mari ainsi que le mien à tous les soirs, mais surtout parce que j’ai plusieurs préoccupations. Plusieurs doutes. Évidemment, il est trop tard pour ces doutes, il est trop tard depuis maintenant six ans. Bref, pour tout oublier, j’ai trouvé refuge dans le seul endroit où je me sens bien ici, c’est la salle de musique. Et c’est tellement paradoxal, que ce soit la musique qui m’aide à aller mieux. Ça et la bouteille de whisky que je me suis bu cette nuit. Il est donc tôt, j’ai dormi deux heures sur le canapé, j’ai des cernes qui doivent descendre jusqu’au menton et je décide de passer par l’école des garçons pour prendre une douche, pour au moins me sentir propre. Complètement blasé, je décide de me rendre jusqu’à la cantine pour me mettre quelque chose sous la dent. J’y retrouve Callan, mais pas Candace. C’est presque surprenant. Je m’installe devant lui alors qu’il est entrain de faire à manger. « Pourquoi tu ne m’en fait jamais des crêpes à moi. On est censé être les meilleurs potes de la terre maintenant. » Je lui souris, sarcastique, alors que je dois encore sentir le vieille alcool malgré ma douche. Le vieux saoulons, c’est bien moi.

Ça fait deux jours de suite que je me rendors lorsque Candy se lève, je crois que mon corps me fait payer mes excès. J'ai fait pas mal de sport aussi hier, du coup je suis totalement déréglé, je me lève et mange plus tard. Ce n'est rien parce qu'on a rien à faire ici, je ne travaille pas, j'ai pas de rendez-vous ou de déjeuner d'affaire, non j'attends presque le soir pour aller me coucher avec impatience parfois alors ce n'est pas dérangeant. Je rencontre simplement des personnes différentes dans les pièces que je fréquente habituellement seul le matin. Un peu comme ce matin ou la porte de la cantine révèle le fantôme de mon partenaire. Si je dis fantôme c'est à cause de son aspect cadavérique. Il semble épuisé, il semble abattu aussi, et étrangement ça me met un coup au moral. Serait-ce parce que je commence à l'apprécier ? Il s'installe et une vieille odeur de whisky fermenté me soulève l'estomac. Mon dieu. « Parce que j'en fais déjà à Branca et qu'elle a un plus joli sourire que toi ! » Ce n'est pas la raison pour laquelle je lui fais des crêpes non, mais elle a tout de même un plus joli sourire que William. « C'est marrant tu portes le même parfum que ma femme il y a deux jours... » Cette fameuse soirée où ils se sont saoulé ensemble. Attention, loin de moi l'idée de lui faire un reproche, je m'en moque pas mal. J'en viens simplement à me demander s'il a fait une pause alcool entre ce laps de temps. Je me tourne pour sortir une assiette supplémentaire, je la dépose devant lui. Je fais le tour de l'îlot central et dépose la crêpe qui cuisait dans son assiette. « Tu veux en parler ? » Il n'a pas le profil type de l'alcoolique, si tant est qu'il y ait un profil, alors je suppose bien qu'il boit pour oublier. Quoi, c'est la question que je me pose. En attendant, je dépose de la pâte dans la poêle et lance la prochaine crêpe, puis verse du café dans une tasse que je lui tends. Je suis un partenaire idéal, je sais.

« Parce que j'en fais déjà à Branca et qu'elle a un plus joli sourire que toi ! » Hého, j’ai un joli sourire aussi. Il ne paraît pas maintenant et il n’est pas sur le point d’apparaître, mais si je n’avais pas passé la nuit debout à boire et gratter ma guitare, je lui en ferais un beau sourire. « Quoi, parce que t’en fais aussi à Branca ! » dis-je, faussement offusqué alors que bon, je m’en fous un peu. Puis il me fait une remarque sur le parfum de Candace, ou plutôt sur la nuit que nous avons passé à boire elle et moi. « Je suis innocent ! » dis-je en levant les mains devant moi comme pour appliquer la parole au geste. Je ne le prends pas comme un reproche, mais il est vrai que je suis innocent pour ce coup là. Candace était aussi déchirée que moi lorsqu’elle est venue me rejoindre. Et bien que nous aillions été proche toute la soirée, je crois qu’il n’a plus de soucis à ce faire, nous sommes plus comme des amis que des amants, maintenant. Je le regarde faire une crêpe et venir la déposer dans mon assiette. « Merci. » Je baisse les yeux sur celle-ci alors qu’il me pose une question que je ne comprends pas vraiment sur le coup. Parler de quoi ? Je reste muet pendant un moment, prenant la tasse qu’il me tend en souriant finalement faiblement. « Tu participes au concours du meilleur partenaire du nid ? » Je plaisante, c’est juste que je ne suis pas habitué à ce genre d’échange avec lui. Et surtout, en disant ça, j’évite de répondre à sa question que j’ai bien saisi maintenant. Je bois une gorgée de café, mange un bout de crêpe, le silence pesant dans la cuisine. « Tu ne me juges pas… par rapport à ce que tu sais de moi ? » Non parce qu’il n’y a jamais fait allusion. Rien du tout, alors je me pose la question. Et puis, si je bois, c’est bien à cause de ça, en ce moment.

Il s'offusque de ma révélation concernant les crêpes. Ca me fait sourire. Parce que mine de rien, j'ai l'impression qu'on mime un semblant de relation. « Tu ne voulais tout de même pas que je la laisse mourir de faim ? » Je réplique sur un ton égal au sien. Et puis après tout, il ne me l'avait jamais demandé. Bon, certes, je l'aurais sans doute envoyé baladé s'il l'avait fait mais là sur l'instant, je suis tout de même entrain de lui faire une qui m'était initialement destinée. Lorsque les effluves d'alcool dont il est encore imprégné me parvienne je fais une remarque sur la nuit qu'il a passé avec Candace. Il déclare son innocent. Je ris. « C'est pas moi l'avocat, tu peux te relaxer. » J'annonce tout sourire, et puis bon ce genre de discours je le connais par coeur. A vrai dire, je m'en fiche, je sais très bien qu'elle aurait pu finir dans cet état sans son aide à lui. Après ça, je lui offre une crêpe et lui sers une bonne tasse de café, il semble en avoir bien besoin. Puisqu'il ne semble pas comprendre ma question de prime abord. Mais il n'en reste pas moins malin puisqu'il change de sujet. « Je suis déjà le meilleur partenaire, je ne t'ai pas cassé la gueule, tu te souviens ? » Je plaisante à mon tour, enfin entre guillemet, parce que oui, j'aurais pu être très violent, et là aujourd'hui, je suis entrain de partager mon repas avec lui. Il ne répond pas à ma question. Je réserve la crêpe que je viens de terminer et la dépose dans une assiette tandis que j'en prépare une nouvelle. Et puis, il me pose une question qui me surprend assez. « Non. J'ai aucun droit de le faire. Si tu as fait ce choix, je présume que tu avais tes raisons. » Je dis simplement en haussant les épaules puis poursuis. « Mais je suppose que tu regrettes maintenant, tu ne serais pas dans cet état sinon ... » Je ne parle peut être pas beaucoup mais je suis loin d'être con, et puis Candace m'a un peu parlé, alors je n'ai pas mis bien longtemps pour faire le rapprochement.