Je pense que tout le monde l'aura compris, à présent, je suis un goinfre. Ou une grosse vache, si vous voulez. Je mange, mange, mange et dors à longueur de journée. Une chance que mon corps ne manifeste pas de grands changements. Je suis de nature fin. Dieu est de mon côté, oui. Vautré dans mon fauteuil, je reste pour une fois passif face au poste de télévision. Non, je ne compte pas regarder de dessins-animés aujourd'hui. Je ne compte pas non plus m'empiffrer de gâteaux. Oh non, bien loin de là. J'ai même opté pour un repas équilibré spécialement préparé par mes soins. C'est dégueulasse, soit, mais je ne vais pas cracher sur ma propre cuisine. Enfin si on peut appeler ça comme ça. Alors je mange, silencieux. Plus vite je me débarrasserai de ce truc- dont la substance et la couleur me rappellent étrangement celles d'une merde de chien-, mieux je me porterai. En plus, ça pue grave. Prêt à tout dégueuler dans mon assiette, je ne remarque d'abord pas la présence humaine qui est- intentionnellement ou non- venue me rejoindre. Je quitte mon repas des yeux, décidé à tout jeter dans la poubelle, et découvre avec stupeur.. Sven ?! Je reste bouche-bée un instant, dépose finalement le récipient sur le canapé et cours vers mon acolyte pour lui sauter au cou. « Svenito ? » Je le serre un peu plus fort dans mes bras. « Pourquoi personne ne m'a dit que tu étais là ? » Je lui tapote sur le dos, recouvre son baiser de front et me détache enfin de lui pour le laisser respirer. C'est vrai ça.. Pourquoi personne ne m'a tenu au courant de son arrivée ? Je manque un prime et voila que je découvre que mon plus fidèle allié est avec moi dans la maison. A moins qu'il ne vienne tout juste de faire son retour ? Ce qui paraîtrait vachement plus plausible. Je ne l'ai quand même pas raté pendant une semaine, si ?

Ça fait une semaine que je suis à nouveau entré dans ce nid puant, même si ça ne s'est pas franchement remarqué, si ce n'est mon entrée au prime, tout de même. Prime auquel Joshi n'était pas présent, c'était peut-être mieux après tout, Sïana et Arès m'avaient suffi. Une semaine que j'suis là et que j'suis cloué au lit. Y a tellement de microbes dans ces mètres carrés que c'était pas étonnant que j'me chope une saleté, moi petite chose fragile et frêle. Une semaine donc que j'ai hiberné et c'était sûrement mieux ainsi pour le bien de tous. Oui parce qu'à part gueuler sur tout le monde -alors que personne ne m'apprécie plus vraiment ici- je n'aurais pas fait grand-chose de conséquent. Bien que ce soit mon passe-temps favori, j'avais passé mon tour, préférant me réfugier sous les couettes, sans personne, juste avec mes gentils petits microbes dociles qui, finalement, me donnèrent le feu vert pour retourner faire chier mon monde. Premier réflexe, aller manger, bien sûr. Je suis peut-être maigrichon mais j'bouffe comme quatre et heureusement ça ne se ressent pas dans ma morphologie, ô dieu soit loué. Alors que j'arrive dans la cantine, mon coeur rate un battement, j'aperçois monsieur dans le fauteuil en train d'afficher une mine dégoutée devant un machin bizarre qu'il s'amusait à manger, bon. Et puis il me voit. Il me saute au cou. Ca change de nos rapports de d'habitude, ou du moins les rapports que nous avions eu l'habitude de prendre au sein du nid. Même si à vrai dire, j'étais meilleur comédien que lui dans le cinéma du faux-couple. On avait tenu longtemps quand même, j'étais fier de nous. Même si Joshi avait montré quelques faiblesses dans le fait de m'embrasser à pleine bouche, on s'en sortait rudement bien. Surtout que notre faux-couple n'était notre secret, juste une tactique servant à dissimuler quelque chose. Il me saute au cou, me couvre de baisers – pas sur la bouche je précise. « Parce qu'on a joué à un cache-cache pendant une semaine ? » je réponds, sur la même intonation. Puis je le resserre dans mes bras. « Soulagé ? » j'demande avec un grand sourire moqueur. Bah oui, soulagé de ne plus devoir nous faire voir comme un charmant petit couple. Moi ça ne m'avait pas dérangé, aimant les hommes par nature et le trouvant plutôt beau gosse. Quant à lui, demandez-lui hein.

Sven m'a manqué. Indéniablement. Il faut dire que depuis quelques années maintenant, lui et moi avons pris l'habitude de fréquemment nous côtoyer. Ainsi, lorsque je le vois débarquer dans la cantine, je ne peux m'empêcher de lui sauter au cou. De toute manière, je cherchais une excuse pour me lever et, de cette manière, me débarrasser de mon "plat". Pourquoi personne ne m'a tenu au courant de son arrivée, au juste ? Maintenant que notre stratégie n'est plus un secret pour personne, mes camarades devaient bien se douter qu'en réalité nos rapports, à Sven et moi, sont plutôt bons en dehors du jeu, non ? « Parce qu'on a joué à un cache-cache pendant une semaine ? » Je glousse doucement. Qu'est-ce qu'il est con, celui-là. Il me resserre dans ses bras et j'en profite pour le serrer davantage de mon côté. « Soulagé ? » Il le dit sur le ton de la plaisanterie, mais je ne suis pas encore sûr qu'il le prenne réellement à la rigolade en fait. Ce que je disais à Sïana l'autre jour n'était pas faux. Je le pensais réellement. Oui, je crois que Sven a développé des sentiments à mon égard. Et ce n'est pas mon égo de mâle qui a parlé pour moi. Non, sérieusement. Ce sont ses faits, ses gestes. Je sais très bien reconnaître le mensonge de la vérité chez lui. Je le connais assez bien maintenant. Et ses actes me paraissaient franchement sincères. Une des raisons pour lesquelles je n'ai pas cessé de le repousser. Ou pas. Bon, je l'avoue, l'idée de l'embrasser à pleine bouche ne m'enchantait pas tellement. Je n'ai rien contre l'homosexualité, je respecte chaque personne pour ce qu'elle est, pas pour ce qu'elle aime. Seulement, je ne suis pas attiré par les hommes. Je ne l'ai jamais été. Moi, ce sont les formes qui me font bander. J'aime les gros nibards, les grosses fesses, pas les pectoraux et les longues queues. Mon Dieu, quel vocabulaire. Si ma mère savait lire dans mes pensées, je serais dans une bien belle merde. « Ce n'est pas le terme que j'aurais employé, mais oui. Soulagé. », dis-je dans un sourire. « J'en avais marre de te faire la gueule. »