Mado.

Et un réveil de plus auprès de Mado, un. Tu ne les comptais plus, d’ailleurs. Bien qu’au départ tu avais hâte qu’elle parte afin d’avoir le lit pour toi tout seul, les choses avaient changé désormais. Ce n’était plus pareil. Et heureusement d’ailleurs. Maintenant, vous aviez l’award du meilleur binôme. Si ce n’était pas beau, ça ? T’en étais assez fier, d’ailleurs. Il fallait croire que Cupidon avait bien fait son boulot, bien que t’aies été certain du contraire la première semaine. Mais cette époque te paraissait bien loin. Bien que d’habitude vous n’ouvriez pas les yeux en même temps, aujourd’hui c’était différent. Vous vous étiez réveillés à la même heure. Vous vous étiez brossés les dents à la même heure. Vous vous étiez changés à la même. Autant dire que ce matin-là, toi et Mado étiez bizarrement synchronisé. Vous vous étiez donc retrouvés dans la cuisine à la même heure. Oh, ça, ce n’était pas bon signe pour elle. Clairement. « Je crois qu’il s’impose que tu fasses un délicieux petit déjeuné à celui qui a reçu l’award du plus drôle de la maison. » Toi, oui. Quoi, ce n’était pas si facile que ça de l’amadouer ? Ah. Pourtant, t’avais une bonne envie de pancakes, toi. Pancakes que tu ne savais évidemment pas faire. « Et puis si tu ne m’en fais pas, je vais mourir de faim… Et si je meurs, tu ne pourras plus bénéficier de l’award du meilleur couple de la maison, puisque tu n’auras plus de binôme. » Oui, même le matin, tu étais au taquet. Paré à dire n’importe quoi, encore et toujours.

Finalement, cette histoire de siamois, ça n'était peut être pas si délirant que ça, hein. Non parce que ce matin, Bob et Mado avaient tendance à faire preuve d'une synchronisation telle qu'on les croirait collés l'un à l'autre. Il y a quelques semaines, nul doute que cela aurait fortement déplu à la jeune femme, qui ne portait alors pas son partenaire dans son cœur, mais les choses avaient changé depuis déjà quelques temps, et leurs rapports s'étaient incroyablement améliorés, jusqu'à être devenus pour le moins fusionnels. Aux yeux de Mado, c'était une excellente chose. Elle avait laissé une chance à Bob et elle ne le regrettait pas, quoi qu'on en dise. Il était charmant et attachant, et elle ne lui aurait assurément pas trouvé de pareilles qualités si elle était restée sur sa première impression ou si elle avait laissé une malheureuse gifle avoir définitivement raison de leur relation. Ainsi donc, en cette matinée, la française et son chevelu de partenaire s'étaient rendus dans la cuisine, assurément dans l'optique d'y petit-déjeuner. Mais à cette heure-ci, Mado n'était pas nécessairement disposée à faire grand chose, hein, qu'on se le dise. La nuit, elle dormait bien peu. Alors la journée, il lui fallait souvent un peu de temps avant d'être apte à faire preuve de réactivité et d'efficacité. Autant dire que Bob était incroyablement gonflé de lui demander de lui faire à manger. Quel petit saligaud. Le pire, c'est qu'il invoquait le fait d'avoir reçu l'award du candidat le plus drôle. Ah oui, effectivement, avec ça elle ne pouvait rien lui refuser. Hm. « Tu m'expliques le rapport entre ton award et un petit-déjeuner ? » Non parce que, qu'il soit drôle c'était une chose, mais que cela implique nécessairement qu'elle doive lui préparer à manger, elle en était déjà beaucoup moins sûre, bizarrement. Okay, elle avait surtout la flemme, là. Mais tout de même, c'était tiré par les cheveux. Surtout qu'il se mit à exagérer ... Entre Fitz qui essayait de l'attaquer sur le terrain de la bouderie et Bob qui s'essayait à l'exagération, Mado n'allait pas être contente, hein. « Mourir de faim, rien que ça ? Je m'en voudrais, c'est certain. Pour autant, je crois que ça me ferait quelques vacances, quand même. Quant à l'award, il sera orphelin de l'un de ses détenteurs, mais étant donné que le meilleur des deux restera en vie, je suppose que ce sera un mal pour un bien. » Oui, elle avait décidé de ne pas abdiquer aussi facilement. Ce serait beaucoup trop facile, voyons.

Cette énième semaine se présentait plutôt bien, finalement. Tu commençais peu à peu à te faire à cet endroit, et t'y sentir comme chez toi. Bien que tu ne sois pas habitué à être constamment à l'intérieur, ça avait le don de te rendre fou. Oui, encore plus, hm. Malgré ça, certaines choses te manquaient à l'extérieur. Certaines choses comme la mer. Comme tes amis. Comme la plage. Comme le surf. Comme Isis. Mais peu importe, tu sortirais bien un jour ou l'autre de cet endroit, alors autant en profiter. Voilà, c'était ce que tu faisais depuis le début : profiter. Et pourquoi pas te faire faire à manger par ta chère et tendre partenaire. La dernière fois qu'on t'avait cuisiné quelque chose, tu avais huit ans. C'était ta nourrice. Et depuis, plus rien. Ta mère ne t'avait jamais rien fait, et tes amis étaient aussi nul que toi en cuisine. Autant dire que tu n'étais pas habitué à de la grande gastronomie, hm. « Le rapport ? Tu plaisantes j'espère ! Tu as le grand Bob devant toi qui te fait une requête. Le grand Bob avec un grand award. Tu te rends compte l'honneur que tu as de pouvoir même m'adresser la parole ? » Toi, avoir la grosse tête ? Pas du tout. Tu plaisantais, comme la plupart du temps. Et puis, tu n'avais pas le plus grand des awards, c'était clair. Tu exagérais tout, comme d'habitude. Mais t'avais fin aussi, bordel. Tu prends un air choqué aux paroles de Mado. Oh, la méchante. « Tu es un monstre...Ma mort à moi, te faire des vacances ? Je te retiens. On verra comment tu vas survivre quand je déciderai de ne plus jamais t'adresser la parole ! Et puis tu dis n'importe quoi. Tu ne peux pas avoir l'award du meilleur binôme pour toi toute seule... c'est impossible, ça n'aurait plus aucun sens. A moins que ton secret soit "Je suis schizophrène et je forme un couple avec moi-même. » Bien sûr, toi comme elle connaissiez son secret, mais peu importe. Tu te mets en face de Mado et lui fait un regard de chien battu. Autant dire que tu les faisais bien, ces regards. Peut-être qu'elle craquerait. Qui sait. « Allez, s'il te plaît... Si tu le fais, je t'épouse. » Oui, c'était censé la convaincre, cette demande en mariage. Mais au bout du compte, tu n'étais pas sûr que ce soit la bonne méthode, hm.

Très franchement, Mado n'était pas la plus disposée à rendre service, encore moins de bon matin. Alors Bob faisait preuve d'un optimisme renversant, là, vraiment. S'il croyait qu'elle céderait aussi facilement, il se mettait le doigt dans l’œil, et bien profond. Parce que déjà, pour envisager de lui préparer quelque chose, il faudrait qu'elle ait les yeux un peu plus en face des trous, et ça ne serait pas le cas avant quelques instants, disons. Donc qu'il se calme et qu'il n'aille surtout pas plus vite que la musique, parce qu'elle aurait bien vite du mal à suivre. Là, Bob laissait entendre que parce qu'il avait reçu l'award du candidat le plus drôle, elle ne pouvait que consentir à lui préparer un petit-déjeuner. Excusez donc Mado de ne pas comprendre le rapport entre la distinction qu'il avait effectivement reçu et sa requête, hein. Parce que bon, qu'il soit drôle n'impliquait pas nécessairement que sa partenaire doive satisfaire son caprice, si ? Permettez-lui d'en douter, tout de même. Mais visiblement, elle avait face à elle "le grand Bob", ce qui n'était assurément pas rien, alors bon, sans doute n'était-elle simplement pas disposée à céder avec autant de facilité. « Si je m'en rends compte ? Pas trop, en fait. Et puis, l'award du plus drôle, ça ne vaut rien. Parce que si on commence comme ça, moi j'invoque mon award de la plus franche, ou du secret qui intrigue le plus, je te sors le même baratin et t'es dans la mouise, mon gars. » Parce que oui, si elle en avait envie, elle pourrait utiliser un argument semblable au sien et réclamer également à manger. Ah bah oui, ça tout détenteur d'un award devait être capable de le faire, hein. Bon par contre, Bob semblait choqué. Mais pourquoi ? Le truc des vacances, là ? Roh, quelle susceptibilité. « Tout de suite les grands mots ! Comment je vais survivre ? Mais très bien, voyons. Et l'award, bien sûr que si je peux le garder en étant seule. Je suis suffisamment fabuleuse pour donner l'impression d'être deux, crois-moi. » Mais ça, c'était l'évidence même, n'est-ce pas ? Bon. Donc non, elle n'était pas schizophrène, mais l'imagination de Bob, elle, restait intacte. Mais voilà qu'il lui parlait de mariage, genre, comme une requête désespérée. Oula. « C'est censé faire envie ? » Non parce que se marier, avec Bob de surcroît, ça n'avait quand même rien de bien tentant, hm. « Essaie encore » poursuivit-elle, un peu sadique. Qu'il ploie devant elle, qu'il s'agenouille, qu'il la supplie ... Elle voulait qu'il se donne les moyens de ses ambitions.

Tu avais faim. Toi, grand Bob, crevait la dalle, oui. Bon, à vrai dire, tu avais tout le temps faim, vingt quatre heures sur vingt quatre. Telle était la raison pour laquelle tu n'arrêtais pas de grignoter des cochonneries. Mais pour une fois, tu voulais quelque chose de bon. Quelque chose de cuisiné. Le problème, c'était que tu ne savais pas cuisiner. Non, on ne te l'avait jamais appris. Mais t'étais certain que tu possédais une partenaire qui savait faire de bons petits plats. Elle avait la tête de l'emploi, d'après toi. Mais pourtant, Mado n'avait pas l'air ravie à l'idée de te faire à manger. Chose que tu ne comprenais pas, d'ailleurs. Elle devait t'être dévouée, voyons. C'était tellement évident. Tu étais l'homme le plus drôle de la maison après tout. Ou pas. Dans tout les cas, tu pris un air offusqué à ses dires. Elle avait osé dire ça ? Que ton award ne valait rien ? Tu en était fier, pourtant. Oui, vraiment. Enfin, pas tant que ça, mais tout de même. Ce n'était pas rien. Non non. « Mais... C'est la première fois que je gagne quelque chose dans la vie, tu pourrais me récompenser en me faisant un petit déjeuner, non ? » dis-tu en faisant une moue qui se veut mignonne. Bien évidemment, ce n'était pas la première chose que tu gagnais dans la vie. Tu vivais de compétitions, alors forcément, des choses, tu en avais gagné. Mais peut-être qu'elle te croirait tellement nul qu'elle ne remettrait pas en cause tes paroles. Sait-on jamais. Si ça marchait, tu serais sûrement le plus fort des plus fort. Hum. Et puis finalement, elle prétend être fabuleuse, et mériter l'award du meilleur couple à elle toute. « C'est plutôt parce que tu es grosse que tu donnes l'impression d'être deux... » expliquas-tu en reprenant ses paroles. Toi, l'avoir mauvaise ? Si peu. Bien sûr qu'elle n'était pas grosse, et tu ne pensais pas ce que tu disais. Tu l'avais d'ailleurs dit sur un ton boudeur, montrant bien que ton seul but était de la vexer. Tu n'étais pas très doué, en somme. Quant à ta demande en mariage foireuse, elle n'avait pas l'air emballée. Oh bah. Pourquoi ? Tout le monde rêverait de se marier avec toi. Tu étais le mari idéal, pas chiant du tout. Du tout, du tout. Hum hum. « Oui, n'importe quelle femme rêverait que je l'épouse. Saisis donc l'occasion ! » Très, très mauvais vendeur le Bob. C'en était presque désolant. Essayer encore ? Bon. « Je t'en supplie mon petit cochon des bois... Je meurs de faim. Je ferai tout ce que tu voudras, promis. » Pour affirmer tes dires, ton ventre se met à gargouiller assez violemment. Comme si ton estomac était une tanière où rugissaient plusieurs lions en colère. Par contre, tu regrettais déjà ta dernière phrase. Avec Mado, tu n'étais à l'abri de rien.

"Le grand Bob", rien que ça ? Et les chevilles, ça allait ? Oh, assurément. Il avait de toute façon pour habitude de se lancer mille et unes fleurs, le Bob. Pourtant, de grand, il n'avait a priori que la taille. Parce que jusqu'à preuve du contraire, il n'était pas le seul candidat à avoir reçu un award dimanche soir, hm. Il y en avait d'autres, comme Mado par exemple. Elle en avait même reçu deux individuels. Eh ouais. Donc qu'il cesse de partir du principe que son award du candidat le plus drôle lui donnait le droit de réclamer quoi que ce soit, parce que franchement, elle pourrait se lancer dans le même délire que lui, réclamer également quelque chose à manger, et il ferait bien moins le fier, c'est certain. Il disait alors que c'était la première fois qu'il remportait quelque chose, et très franchement, elle avait juste un peu l'impression qu'il essayait de faire pleurer dans les chaumières, là. « C'est marrant, j'ai cru entendre un air de violon, au loin » laissa-t-elle entendre, en une moue mesquine. Parce que là, il essayait simplement de la prendre par les sentiments, ce qui n'était pas franchement une bonne idée, qu'on se le dise. Et puis, de toute manière, elle n'avait aucune raison de le croire, sachant bien qu'en tant que surfeur de haut niveau, Bob avait du recevoir plus d'une récompense. Il la prenait pour un jambon, et ça non plus ça n'était pas l'idée du siècle, clairement. Et ce qui l'était encore moins, c'était d'insinuer qu'elle était grosse. Comment osait-il ? Elle en avait marre qu'on s'en prenne à son physique. Un coup elle était vieille, un coup elle était grosse. Merde, hein. « Retire ce que tu viens de dire ou ... ou je ... ou je subtilise tes yeux à l'aide d'une cuiller ! » Oh bon sang, c'était un peu la menace du siècle. Oui, assurément. C'était bien trouvé, pas vrai ? Pas vrai ... ? Hm. Quant à cette histoire de mariage, c'était, comme dire, un peu du grand n'importe quoi. Dans quel monde voudrait-t-elle d'un mari comme Bob ? Il était américain, bon sang. « Notre amour est impossible, Bob, je l'ai lu dans l'horoscope » souligna-t-elle, assez solennellement. C'était comme une sorte de fatalité, ils n'y pouvaient rien. « Et puis, c'est là qu'est ton erreur : je ne suis pas n'importe quelle femme. » Et s'il en doutait, c'est qu'ils ne pouvaient décidément pas se marier. Autant dire qu'elle n'était pas prête de céder. Et encore moins maintenant qu'il se risquait à faire usage d'un certain surnom, hm. « Tu sais que t'es entrain de sacrifier le peu de chances que tu as déjà de me faire céder ? Ce surnom, décidément, j'en ai une sainte horreur. » Et dire que c'était elle qui l'avait choisi, enfin, parmi quelques surnoms encore pires, disons. Aujourd'hui, elle ne le supportait plus. Quant au ventre de Bob, bon sang, il était bruyant. « On doit s'attendre à voir un avion te sortir du bide, ou ... ? » Juste histoire d'être sûre, hein.

Jouer la carte de la pitié, peut-être que ça allait marcher. Peut-être qu'elle voudrait bien te faire un semblant de petit déjeuner. Pourtant, Mado n'est pas dupe. Elle parle de violons, ou connerie dans le genre. Et malgré toi, tu lâches un rire. Bon, peut-être que tu avais légèrement exagéré. Tu ne savais pas quelle méthode choisir pour qu'elle accepte. Ta partenaire était si compliquée et chiante à convaincre. A coup sûr, même si elle acceptait de te nourrir, elle cracherait dans le plat, ou quelque chose dans ce genre là. T'en étais certain. La pendre par les sentiments ne marcherait donc pas, non. Alors tu entrepris d'insinuer qu'elle était grosse. Ce pourquoi l'award du meilleur couple lui irait à elle toute seule, serait parce que Mado était tellement large qu'on pourrait croire que c'était deux personnes collées ensemble. Hum. Elle l'avait cherché, après tout. Et puis, cette menace, mon dieu, tu en tremblais de tout ton corps. Ce qu'elle était effrayante, cette partenaire. « Tu subtilises mes yeux à l'aide d'une cuillère ? Vraiment ? » Tu arques un sourcil, lui lançant un regard amusé. Oh non, elle n'oserait pas. « Comme si c'était de ma faute si tu es grosse, et qu'on puisse te prendre pour deux personnes... il faut s'accepter comme on est, tu sais. » Psychologue, bonjour. Tu ne faisais que la chercher, bien évidemment. Elle devait le savoir, mais elle devait bien être agacée aussi. Ce qui était le but. Quant à votre éventuel mariage, il paraissait bien imaginaire. Non, tu ne voulais même pas essayer d'imaginer ce fiasco, en fait. Tu poses ta main sur ton coeur, comme si elle venait de tirer une balle dedans. « Tu laisses donc l'horoscope guider ta vie ? Mais que devenons-nous, nous deux ? Et notre avenir ensemble ? » Tu prends un air désespéré. Désespoir que tu n'as pas, cela va de soi. Et puis elle, pas n'importe quelle femme ? Bien sûr que non, elle était beaucoup plus chiante que la norme. Et il fallait le faire. Au sujet du surnom, par contre, tu te révélais un peu déçu de sa réaction. Beaucoup, même. Elle n'aimait donc pas ? Oh, désespoir. « C'est toi qui a choisi ce surnom, alors maintenant il t'est attribué. Il fallait y réfléchir avant d'accepter. » Voilà. Maintenant, c'était trop tard pour revenir en arrière, ce surnom resterait à jamais graver dans votre histoire. « Et puis, pourquoi tant de méchanceté ? Donne-moi une seule raison pour laquelle tu ne veux pas me faire un petit déjeuner ? Qu'est-ce que je t'ai fait ? C'est pas comme si je te demandais ça tout les jours. » Clairement, c'était la première fois que tu lui demandais quelque chose, généralement. Parce que jusqu'ici, aucune requête n'avait été faite. Sûrement parce que tu savais qu'elle refuserait, en fait. Mais tu voulais tenter ta chance, cette fois. Tu fais donc la moue. Et puis ton ventre gargouille. Il a aussi faim que toi, tiens. Vous étiez deux, donc. « Il y a plusieurs lions qui risquent de sortir pour te bouffer. Et je ne les en empêcherai pas, puisque tout ça sera de ta faute. » Bah oui, si les lions sortaient, c'était parce qu'ils avaient faim. Et s'ils avaient faim, c'était parce qu'elle ne voulait pas te cuisiner quelque chose. Logique.

Non mais franchement, Bob avait tout faux ce matin. Premièrement, il osait réclamer un petit-déjeuner à Mado qui, autant le dire, était aussi peu matinale qu'elle était habituellement peu serviable. C'était donc peine perdue, ou en tous les cas, chose difficile à obtenir. Et deuxièmement, il se risqua à provoquer sa pitié, comme si elle était susceptible de gober son petit manège, alors que bon, non seulement elle savait qu'il avait déjà été primé, mais en plus, elle n'était absolument pas conquise par son douteux jeu d'acteur. Il s'y prenait décidément bien mal, le pauvre chou. Et ça n'était assurément pas comme ça qu'il obtiendrait quoi que ce soit d'autre de Mado qu'un peu de sarcasme. Et bien oui, le matin, elle était encore moins sensible à ce genre de choses. Qu'il réessaie ce soir, ce serait peut être plus glorieux. Quant au fait de dire qu'elle était grosse, franchement, c'était une très mauvaise idée. C'était petit, hein. Elle espérait au moins qu'il n'en pensait pas un mot, car elle en pleurerait, très certainement. En tout cas, elle ne se priva pas de le menacer. Le coup de la cuiller, elle en était fière, ouais ouais. Hochant d'abord fermement la tête, elle ne manqua pas de le frapper au niveau du bras lorsqu'il insista. Non mais oh. « Ne me force pas à évoquer quelque chose dont on s'était promis de ne plus parler » fit-elle alors, plus tellement en plaisantant. Disons qu'à force, c'était un peu lourd d'être critiquée. Une fois, okay, quinze fois, stop quoi. Il verrait de quoi elle parlait, et clairement, elle n'avait qu'une parole. Sauf quand on l'obligeait à la bafouer. « L'astrologie a beaucoup de choses à nous apprendre, tu sais » insinua-t-elle ensuite. En réalité, elle n'accordait aucune foi à ce genre de choses. Là, elle avait juste décidé de le contredire. « On n'a aucun avenir ensemble, tu le sais aussi bien que moi. » Allez, qu'il cesse de se faire des idées, il valait mieux qu'il l'accepte, vraiment. Il se faisait souffrir pour rien, là. C'était dommage. « Je te rappelle que j'avais le choix entre être associée à une baleine, à une morue ou à un cochon. Si j'ai opté pour le cochon, c'est parce que les poissons m'énervent. J'ai choisi par dépit, c'est tout. » Il était absolument horrible ce surnom, tout de même. "Petit cochon des bois", mais au secours quoi. A long terme, elle ne pourrait pas cautionner une telle chose. « Une seule raison, dis-tu ? Très bien. J'ai la flemme, voilà. Quand je me réveille relativement tôt, la dernière chose dont j'ai envie, vois-tu, c'est de préparer quoi que ce soit. Et si tu me le demandais tous les jours, je t'enverrais chier tous les jours, voilà tout. » Okay, elle n'était pas bien conciliante, et elle ne voulait pas qu'il pense qu'elle refusait catégoriquement. C'est juste que là, elle réfléchissait. Oui, voilà, elle réfléchissait. « Des lions, ah oui ? Je leur casserai la gueule à tes lions, tu vas voir ! » De sa faute, non mais c'était trop facile ça, hein. « De toute manière, je suis sûre que tu es très, même trop difficile dans ton genre ... » souffla-t-elle, l'air de rien. Oui, elle en-vi-sa-geait de lui préparer quelque chose. Mais elle était sceptique, clairement.

En tout cas, ta partenaire se révélait beaucoup moins facile à convaincre que ce que tu pensais. Elle osait même te taper. Oui oui. Bon, ce n’était quasiment rien, mais le geste restait ce qu’il était. C’est-à-dire agressif. Tu venais seulement de prétendre qu’elle était grosse, pas qu’elle collaborait avec Ben Laden. Quoi que, Mado en serait capable. Bref, ce n’était pas le sujet. « Je ne vois pas de quoi tu parles. » lui réponds-tu alors, lancer dans l’idée de la contredire coûte que coûte. Et bien, qu’elle parle. Toi, tu voulais un bon petit déjeuner, rien que ça. Ce n’était pas beaucoup lui demander, tout de même. Mais elle trouvait toujours un moyen pour ne pas te faire plaisir. Bon, au pire, tu mangerais n’importe quoi comme tu le faisais toujours. Seulement la prochaine fois qu’elle te demanderait quelque chose, tu n’en ferais rien. Parce qu’il ne fallait pas exagérer tout de même. Tu n’allais pas lui faire ce qu’elle demandait si elle-même ne le faisait pas. Bon pour le moment vous n’y étiez pas. Et très certainement que Mado ne te demanderait jamais rien. Mais sait-on jamais. Tu n’allais pas en mourir, mais tu retiendrais cet acte ignoble de sa part. Oui, oui, ignoble. Quant à l’astrologie, sérieusement ? Cette chose était complètement débile, réservé pour les personnes âgées n’ayant aucune vie. A croire qu’elle y ressemblait. Tu lèves donc les yeux aux ciels. « Vraiment, Mado ? Et tu tires les cartes aussi, je suppose ? » Tu te foutais clairement de sa gueule, là. Mais peu importe. Elle le méritait en quelque sorte, vu ce qu’elle venait de te dire. Toi et elle, aucun avenir ? Il fallait que tu ailles de ce pas t’enfermer dans les toilettes pour pleurer. Ou pas. Hum. « Tu dis ça seulement parce que tu veux t’en convaincre… on est fait l’un pour l’autre, c’est évident. » dis-tu un peu trop sérieusement. Mais c’était faux, et vous le saviez bien. Une Mado et un Bob ensemble, ça donnerait trop d’étincelles pour pouvoir survivre au feu que vous engendreriez. Métaphore foireuse, et alors ? Pour ce qui était du surnom, tu n’étais pas prêt à changer d’avis. Petit cochon des bois, c’était définitivement un surnom coup de cœur. Et il allait à la perfection à ta partenaire. « «Et bien tant pis pour toi, maintenant, c’est et ça restera petit cochon des bois. Qu’est-ce que tu aurais proposé pour toi, si t’étais à ma place, hm ? » Très bonne question, ça. Estimait-elle qu’elle méritait un meilleur surnom ? Qu’en était-il ? Ses dires prouvèrent pourtant le contraire. Mado méritait bien pire que cochon des bois comme surnom. Quelle méchanceté. Elle montrait qu’en clair, tu ne pouvais pas compter sur elle, pour rien du tout. Très bien. Tu perds donc ton semblant de sourire que tu as la plupart du temps pour prendre une mine boudeuse, sourcils froncés, bras croisé sur le torse. Il était clair que c’était peine perdu. Tu ne l’aurais jamais ce petit déjeuner. Bon. « Merci beaucoup, ça fait plaisir de le savoir. » Non, ce n’était pas le cas en réalité. Mais elle devait l’avoir compris. Et puis il était évident que si ces fameux lions sortaient de ton ventre, c’était pour assassiner Mado qui les laissait rugir sans réagir. Quelle honte. « Tu crois vraiment avoir assez de force pour vaincre les lions de MON ventre ? Ils te haïssent en ce moment même. As-tu déjà rencontré un lion qui a la haine ? » Tu divaguais, mais l’essentiel restait que tu lui en voulais pour son refus. « Oh arrête, tu sais très bien que c’est faux ! Je peux me contenter d’une plaquette de beurre ! » Tu étais légèrement offusqué par tes paroles. Parce que s’il y avait bien quelqu’un qui n’était pas difficile, c’était toi. Tu étais tolérant en tout point de vu, dirons. Mais tu ne savais pas si elle disait ça pour t’embêter, ou si elle le pensait vraiment. Alors tu t’étais senti obligé de te justifier. De toute manière, Mado avait l’air décidé pour ne rien te cuisiner. Tant pis. Il fallait que tu te débrouilles tout seul, encore une fois. Dans le frigo, tu attrapas donc la fameuse plaquette de beurre qui n’était pas encore entamée, et tu t’assieds. Tu mords dedans, te fichant pas mal que les traces de dents puissent déranger d’autres candidats. Tu mords et tu mâches. Tu avales. Oui oui. Tu venais vraiment de faire ça. Et à vrai dire, ce n’était pas la première fois. Tu avais cette fâcheuse habitude de manger du beurre comme on pouvait manger du chocolat. Certes moins souvent, mais de la même manière. C’était bon, et ça callait. Il fallait bien, parce que tu t’apprêtais à mourir de faim sous peu si tu n’avalais rien.

Mado était donc grosse. Remarquez, elle était déjà vieille, donc elle n'était plus tellement à ça près, hein. Non vraiment, elle n'avait rien pour elle, cette pauvre femme. Pas attirante pour un sou, c'est certain. C'est à se demander si ça n'était pas la raison pour laquelle sa vie sentimentale était un désert depuis quatre ans, hein. Techniquement, non, ça n'était pas pour cette raison-ci, mais là, très franchement, on oserait presque le supposer. Tout ça pour dire qu'il n'était tout de même pas très agréable d'entendre ce genre de remarques à longueur de journées. Qu'on se le dise, Mado n'était pas tellement susceptible du point de vue de son apparence, n'ayant jamais tellement eu de complexe et n'ayant surtout jamais tellement porté d'attention à tout ça. Pour autant, ça commençait à faire un peu beaucoup. Entre les "critiques" sur son âge et celles sur son poids, disons qu'elle commençait doucement à saturer. Bien sûr, elle se doutait que Bob ne disait jamais cela pour être désagréable et avec un réel sérieux, mais cela n'empêchait pas Mado d'en avoir un peu marre, quand même. Ainsi donc, elle se permit non seulement de frapper son bras, mais aussi et surtout d'insinuer qu'elle pourrait en être réduite à évoquer une certaine histoire. Vous savez, la gifle, celle qu'ils s'étaient promis de ne plus évoquer. Et bien qu'il fasse gaffe, parce qu'elle était à rien de rompre sa promesse. Il fit l'innocent, l'autruche plutôt et elle adopta une mine sévère. Ça irait pour cette fois, mais espérons pour lui qu'il n'y en aurait pas d'autres, hm. Quant à l'astrologie, et bien non, elle n'y croyait pas. Ce n'était pas tellement pour elle, ce genre de choses. Mado croyait au concret, pas à l'abstrait. Pourtant, elle prétendait le contraire. Juste par esprit de contradiction, oui, voilà. « Oui. La nuit venue, je sors mes cartes, ma boule de cristal et je deviens Madame Irma. Tu sais bien que c'est mon secret, Bob, en plus. » Oui, bien évidemment. C'était tout Mado, en effet. « Ah oui, vraiment ? Et que fais-tu d'Isis ? » souffla-t-elle, seulement pour le taquiner. Elle espérait ne pas faire de gaffe. Mais ils en avaient déjà parlé, et elle ne s'en moquait pas. C'était surtout pour couper court à son délire. Le surnom de Mado, en tout cas, était des plus improbables. Elle n'en démordrait pas ! Soupirant, elle prit la peine de réfléchir lorsqu'il lui demanda ce qu'elle aurait choisi, elle, à sa place. « Oh, rien de trop prétentieux. "Déesse des eaux", ça m'aurait largement contentée, hein. » Non, en fait, elle n'aurait probablement choisi aucun surnom, parce qu'elle n'aimait pas ça. Surnommer les autres, déjà, ça n'était que rarement son truc. Alors être surnommée, vraiment, ça lui déplaisait plus qu'autre chose. Tout ça pour dire que non, Mado ne lui préparerait rien. Ou du moins, pas dans l'immédiat. Elle venait de se lever et n'était pas particulièrement apte à préparer quelque chose, disons. Et effectivement, si l'idée lui venait de récidiver demain, il serait tout aussi bien reçu, hm. Oh il pouvait la remercier, y'avait pas de quoi, c’était gratuit. Les lions, eux, ne l'effrayaient pas. « Je ne crois pas, j'en suis certaine. Je mords et je griffe moi aussi, tu sais. Et j'ai tout autant la haine qu'eux, ça c'est certain. » Non elle n'avait pas la haine, elle était simplement un peu blasée par l'insistance de son partenaire. Partenaire qui disait pouvoir se contenter d'une plaquette de beurre. Bah voyons. « Roh arrête, personne ne saurait se contenter d'une ... » Elle n'eut alors même pas le temps de finir qu'elle le vit se lever et se diriger vers le frigo. Et devinez ce qu'il en sortit ? Une plaquette de beurre. Évidemment. Perplexe, Mado laissa sa phrase en suspend, l'observant se rassoir et ... écarquillant de grands yeux lorsqu'il mordit dedans à pleines dents. « ... plaquette de beurre » souffla-t-elle alors, assez perturbée à vrai dire. Non, il ne venait quand même pas de bouffer du beurre, comme ça, en croquant directement dedans ? Eh si. Ce type était fou à lier. « Mais t'es malade ?! Ça ne se mange pas comme ça ! » s'exclama-t-elle, tentant de lui subtiliser la plaquette, histoire qu'il ne récidive pas. « C'est pour me faire culpabiliser, c'est ça ? C'est pour que je cède à ton caprice ? » le sermonna-t-elle ensuite, effarée. Si vraiment il tenait à son petit-déjeuner, elle lui en préparerait un. Donc, vraiment, pas la peine de se péter l'estomac, hein.