Nerveusement, je grattais la peinture rouge qui s'écaillait de la bibliothèque. Pour être rustique, le décors était rustique. Il fallait que je règle ça avant de changer entièrement la couleur du meuble en le décapant. Le « ça » en question, c'était mon partenaire. Franz, le charmant Franz, le coureur de jupons avec un humour particulièrement excellent lorsqu'il le voulait. Ou bien Franz : actuellement l'énervée. Et ce à cause de ce troisième prime que nous venions de vivre durant lequel sa sœur avait ostensiblement déclaré son attirance pour Rafael le macho sans cerveau. C'était à se demander ce qui était passé par la tête de la petite blonde. Réflexion faite et décision prise je m'armais d'un pull trois fois trop grand pour moi et d'une écharpe que j'enroulais quatre fois autour de mon coup avant de sortit de la maison sur les traces du dit Franz. Il était bien là, un peu (beaucoup) plus loin dans le jardin, au milieu, une cigarette coincée entre les lèvres. Il du m'entendre arriver grâce aux cris étouffés que je lançais chaque fois que je manquais de tomber dans la neige encore dense. « Deux fois que tu me laisses tomber, ça va se payer, et cher ! » Je lui adressais un sourire à la limite du rictus sadique dont j'étais adepte. « Allez Franz, fais pas la tête. Surtout à cause de lui, ce serait lui donner trop d'importance. »

Je n'avais pas vraiment parlé à Billie-Jean de toute la semaine, j'étais ainsi plutôt touché qu'elle vienne en personne me chercher, même si je n'étais pas spécialement enclin à la conversation à l'instant. Tirant une nouvelle bouffée sur le bâtonnet de nicotine, je me détournai de la jeune fille, mort de froid et les lèvres fumantes.

Allez Franz, fais pas la tête. Surtout à cause de lui, ce serait lui donner trop d'importance.

Je ne fais surement pas la tête, j'avais juste besoin de prendre du recul avant de dégommer une porte.

Fier comme un coq, je préférais ainsi tourner le dos à la jeune fille à contre-coeur. Je savais qu'elle avait ce chemin pour moi et je tenais au fond qu'elle reste à mes côtés, mais ma colère passagère m'empêchait de me montrer trop reconnaissant ou même proche de la rousse. Je me sentais stupide, idiot de m'être laissé avoir par les mots de ce maudit manipulateur, il était clair que je préférais encore l'ignorer pour de bon que de devoir me battre avec lui. Cupidon n'était pas le seul au courant des sanctions qui s'imposaient dans le cas contraire.

J'ai... il fait un froid de... pingouin sur cette... cette foutue île.

« Bon ... je ne sais pas, je voudrais pas que tu te vantes après ... » Il réussi à m'arracher un énième sourire, ça devenait presque une habitude. Visiblement il réfléchissait à mes deux propositions. J'attendais patiemment sa réponse, car de toute façon, les deux solutions ne me déplaisaient pas car l'une promettait une discussion au chaud, et l'autre un contact sûrement pas désagréable, même si très froid, avec mon partenaire. Après une réflexion heureusement courte pour les lèvres de Franz qui viraient dangereusement au violet, il s'approcha de moi, l'air indécis, puis m'enlaça. Ses genoux se plièrent, si bien qu'il se retrouva à ma hauteur et enfoui son visage dans mon écharpe de taille assez conséquente. Je penchais à mon tour mon visage de manière à coller ma joue sur son épaule. « Tais-toi donc, j'étais l'homme que le moindre de tes fantasmes espéraient, voilà tout. » Il m'arracha non pas un sourire, mais un rire cette fois-ci, de mieux en mieux. Décollant mon visage de son épaule, je le regardais lever les yeux au ciel en me tapant les fesses de manière assez délicate si j'ose dire. Tandis qu'il replongeant son visage dans l'écharpe qui entourait mon coup, je lui saisissais la main avec laquelle il m'avait décerné ladite tape et approchais mes lèvres de son oreille, un sourire quasi enfantin au visage. « D'abord mon genoux, ensuite mes fesses … nous serions donc nos fantasmes réciproques ? » lançais-je d'un air faussement interrogateur. « Si tu continues, je vais vraiment laisser libre cours à mes fantasme. Et évidemment, par fantasme je ne parle pas de bataille de boules de neige. » Mon sourire s'agrandit et je lui adressais un clin d'œil en reposant ma joue sur son épaule glacée même au travers de son pull.

Elle ne cessait de rire contre mon épaule. C'était agréable, doux, j'en venais presque à rire avec elle doucement, resserrant un peu plus mon étreinte autour de sa taille. Malgré les conditions périlleuses, c'était un moment que je ne voulais briser pour rien au monde, Billie se révélait au fil des jours comme la partenaire que je n'aurais jamais osé espérer pour ce jeu. C'est une bonne chose en soi que des personnes comme elle soit ici pour tempérer les caractères de plus belliqueux, tel que moi.

D'abord mon genoux, ensuite mes fesses … nous serions donc nos fantasmes réciproques ? Si tu continues, je vais vraiment laisser libre cours à mes fantasme. Et évidemment, par fantasme je ne parle pas de bataille de boules de neige.

J'éclatai de rire, me redressant sans la lâcher, mes bras glissant ainsi autour de son cou. J'arquai un sourcil, les iris plantées dans les siennes, prenant une expression qui me paraissait de mon point de vue curieuse mais amusante.

Tout en toi me fait fantasmer ma chère Billie, et s'il ne faisait pas aussi froid je t'aurais déjà couché sur cette table sans crier gare.

J'embrassai ainsi le dos de sa main du bout des lèvres délicatement sans la lâcher du regard, laissant un sourire mutin s'étaler sur celles-ci. Une bataille de boule de neige? Ni une ni deux, je me penchai pour en amasser entre mes doigts, me redressant ainsi pour venir éclater la boule sur le nez de ma partenaire. J'éclatai alors de rire face à son expression, me reculant légèrement, prenant une bouille d'enfant malheureux et profondément innocent.

La chère tête brûlée qui me tenait office de partenaire riait à présent à l'unisson avec moi tel que je le comprenais grâce à ses mouvements d'épaule saccadés. Je pense que si l'on m'avait proposé de choisir un partenaire parmi les candidats et que j'avais moi-même choisi Franz, j'aurais eu de quoi être fière de ma décision. Il était amusant, parfois inconscient (et ça aussi était amusant d'ailleurs), toujours agréable (et ce même lorsqu'il était énervé contre un quelconque espagnol, si vous voyez ce que je veux dire …) ou du moins il prenait sur lui pour le paraître et pour ne pas m'envoyer sur les roses à cause d'une dispute qui ne me concernait pas, ce qui était d'autant plus appréciable. A la différence, lorsque j'étais énervée contre quelqu'un, tout le monde en prenait pour son grade. Sur ce point là j'aurais pu paraître moins posée que Franz, mais il était visiblement le plus belliqueux de nous deux, ce que je pouvais aisément comprendre en le connaissant un tant soit peu. Éclatant de rire à ma remarque, le charmant jeune homme se redressa, faisant par la même occasion glisser ses mains dans mon cou et planta son regard dans le mien. « Tout en toi me fait fantasmer ma chère Billie, et s'il ne faisait pas aussi froid je t'aurais déjà couché sur cette table sans crier gare. » Un grand sourire aux lèvres et tout en me retenant pour ne pas rire, je répondais presque immédiatement à sa phrase. « Je pense que j'aurais été plus rapide ! On t'as déjà dit que tu étais un grand romantique ? Enfin un homme qui sait parler aux femmes. Merci mon dieu ! » répliquais-je en me retenant pour ne pas lui tirer la langue. A la suite, il m'embrassa le dos de ma main et le contact presque tiède était étrangement agréable.

Brusquement et bien évidemment sans que je m'y attende, Franz se baissa sans que je comprenne d'abord pourquoi. Mais la boule de neige qui vint lentement s'écraser contre mon nez m'éclaira sur ses intentions. « Tu sais même pas dans quoi tu viens de te lancer là ! Tu as devant toi la reine des batailles de boule de neige ! » dis-je le plus sérieusement possible. Je me baissais donc rapidement et formait une masse solide bien qu'incongrue avec mes mains pour la lancer sur mon compagnon. Cette dernière s'écrasa sur la pommette droite et l'oreille du jeune homme, allant jusqu'à éclabousser d'une gerbe de neige son oreille. Ce qui me fit rire à ce moment là ? J'avais visé son nez. « Par contre tu seras prévenu, je n'ai jamais su viser. Si tu me renvoies rien qu'une boule de neige, je te saute dessus ! Et pour le coup tu vas vraiment te transformer en esquimau. » L'air que j'avais pris, bien que soit disant menaçant, était tout sauf crédible.

Tu sais même pas dans quoi tu viens de te lancer là ! Tu as devant toi la reine des batailles de boule de neige !

Même pas peur!

Je lui tirai alors la langue d'un geste puéril, pas du tout impressionné par la jeune fille, que ce soit dans son ton ou ses gestes. Elle se baissa ainsi rapidement afin de me rendre la monnaie de ma pièce, ce qui échoua lamentablement ou presque étant donné que la boule de neige vint s'écraser sur mon oreille. Stoïque, je glissai alors ma main sur celle-ci d'un geste robotique avant de toiser longuement la candidate, lèvres serrées, me rapprochant dangereusement.

Par contre tu seras prévenu, je n'ai jamais su viser. Si tu me renvoies rien qu'une boule de neige, je te saute dessus ! Et pour le coup tu vas vraiment te transformer en esquimau.

Pas pour le moins du monde intimidé par sa menace, je m'arrêtai néanmoins. Bien sûr que j'avais remarqué qu'elle ne savait pas viser, c'était même une évidence, Billie ne semblait pas vraiment bonne à grand chose avec ses mains (a) Feignant un instant la crainte, je me penchai vers le sol d'une lenteur calculée, amassant un peu de poudreuse dans ma paume avant de me relever. Faisant échouer mon regard sur la boule, puis sur la rousse, une fois, puis deux fois, je levai finalement mon bras en haussant les épaules, lui lançant cette dernière qui vint aussitôt s'écraser sur sa bouche avant qu'elle ne puisse piper mot.

... Oups?

J'étais mort de rire.

« Même pas peur ! » Je ne pouvais pas lui en vouloir, il avait raison. Il n'y avait vraiment pas de quoi avoir peur. Pour avoir peur d'une bataille de boules de neige, déjà, fallait pas être bien fini, mais avoir de moi … non là franchement je vois pas. Je n'étais pas particulièrement musclée, pour ne pas dire pas du tout. Tel un robot, il enleva la neige qui s'était accumulée sur son oreille et sur sa joue. Sa pommette avait ainsi pris une teinte rosée, lui offrant un air enfantin. Ce faisant, il me tira la langue, ce que je fis automatiquement, comme pour protester. Concrètement, oui, là on avait l'air de deux gosses à moitié abrutis. Enfin lui plus que moi quand même (a). Après avoir énoncé une menace que j'étais prête à mettre à exécution, il se mit à avancer vers moi dangereusement. J'avouais me demander ce qu'il comptait faire. Ma curiosité fut cependant réduite à néant lorsqu'il commença à former une nouvelle arme avec la poudreuse. Pendant quelques secondes, il se mit à fixer sa nouvelle arme, probablement fière de lui pour au final me la lancer sur les lèvres. « ... Oups ? » Ni une ni deux, j'attrapais fermement Franz par les épaules pour me jeter sur lui. Notre chute fut, heureusement pour mon partenaire, amortie par l'amas de flocons. Sans même réfléchir un peu plus à une vengeance digne de ce nom, je collais mes lèvres encore pleines de neige à celles du charmant bonhomme de neige sur lequel j'étais allongée. Manière de lui rendre avec exactitude la monnaie de sa pièce, à la différence que je n'avais même pas eu besoin de me congeler les doigts pour lui refroidir la bouche. Un sourire angélique au visage, je le fixais, impassible. « Laisse tomber, rien de ce que tu diras ne m'atteindra, j'suis trop fière de moi là. »