jeudi 30 mai, 11h01, le jardin botanique, avec oliver

Le jardin botanique. Rien que le nom, ça donne envie de méditer. Si je viens ici, c'est surtout pour chiller. C'est calme, y'a de la végétation partout et les petits étangs contribuent à donner à cet endroit une impression de petit paradis sur terre. Ce jardin se démarque des autres endroits du nid d'amour. Les autres endroits sont typiquement américains, tout droit sortis de films hollywoodiens. Ici, on est plus au Japon qu'à Hollywood. Du coup, je préfère. Les lieux sont géniaux et extrêmement bien réalisés mais hollywood et le cinéma, c'est pas trop mon truc. C'est vrai, on est bien ici. Il fait beau, c'est calme, c'est grand, aéré, c'est relaxant. Je suis allongé sur le ventre sur une étendue de pelouse vide près d'un des étangs, mes lunettes de soleil sur la tête. Je sors une cigarette et un livre de la poche de ma veste. C'est un polar que j'ai piqué l'autre jour, après le conseil des habitants, dans la grande bibliothèque. J'aime bien lire moi. Surtout des polars. Maintenant, qu'est ce qu'il faut demander de plus ? Ma musique peut-être. Ouais, je peux toujours attendre. On nous a tout pris ici. On a le droit à rien, nada. C'est comme ça et si on est pas content, c'est pareil. C'est pas grave, je vais me contenter de mon livre et de ma cigarette. D'ailleurs, je l'allume et commence à lire tranquillement, relaxé par le bruit des oiseaux et celui du ruissellement de l'eau.

La nature, il n’y a rien de plus relaxant que ça. Sauf peut-être le bruit d’un chat qui ronronne. Mais, bref, ça ne se compare pas. J’adore me détendre au bord d’un lac, prendre le temps de me détendre un peu, bien que ces occasions se font de plus en plus rares, avec le temps. Mon bistro me gruge énormément de temps libre. Heureusement que j’ai su m’entourer d’une bonne équipe de gens compétent. Car impossible de partir tranquille, si c’est pour m’embarquer dans cette aventure sans avoir la tête vide de tout tracas. Là, je ne m’inquiète. Je m’ennuie de cette routine, du chaos de la cuisine et de la besogne quotidienne, mais je profite du moment présent. Une occasion comme celle-là, c’est l’occasion d’une vie. Ça ne se reproduira jamais plus, ensuite. Je me balade au gré du vent dans le jardin botanique, une beauté exotique en plein cœur de ce décor préfabriqué. Il l’est probablement lui aussi – en grande partie – mais quand même. Ça change des studios. Y’a un mec qui s’est installé près d’un étang, et bien que j’ai eu des envies d’errances en solitaire, je me décide quand même à m’inviter auprès du candidat. « Ça t’dérange si je me joins à toi? » Je lui demande, quand même, avant de m’installer par terre, pas trop loin. Mon dos se pose contre le tronc de l’arbre derrière moi et je fouille dans mes poches pour en sortir un petit calepin et un crayon. J’aime, parfois, mettre sur papier tout ce qui me passe par la tête. Des pensées, des poèmes, des réflexions, des recettes même, parfois. J’en avais d’ailleurs justement une en réserve, que je m’empresse d’annoter, question de ne pas la perdre dans le méandre de mes pensées.

Je suis à fond dans ce polar. C'est pour ça que j'adore ce type de livres. Ils tiennent toujours le lecteur en haleine. On sait jamais sur quel pied danser, on sait jamais à quel personnage on peut accorder notre confiance. Il suffit d'un petit mouvement pour que la situation bascule et c'est ce que j'aime. La spontanéité. Il y a quelque chose qui vient me cacher la lumière. Je mets quelques secondes à réaliser que c'est une ombre. Je lève les yeux de mon livre et jette un coup d'oeil au nouvel arrivant, au dessus de mes lunettes. Je le connais pas encore lui. Mais si mes souvenirs sont bons, ce mec c'est bien le partenaire de Thelma. «Ça t’dérange si je me joins à toi? » Je tire sur ma cigarette en le regardant avec un sourire. Plus on est de fous, plus on rit non ? « Non, bien sûr. Reste, t'es le bienvenu. » De toute façon, il a l'air d'être là pour quelque chose aussi, pas seulement pour glander. Parce qu'on a que ça à faire ici, glander. Encore et encore. Appuyé contre un arbre, je le regarde sortir un petit calepin. Avec un stylo, il se met à écrire. Ou peut-être qu'il dessine. Je sais pas trop. Je ferme mon livre, expire la fumée dans un rond presque parfait. Oui presque, ça mérite encore de l'entraînement. Bref, je reporte mon attention sur lui, plus que curieux. « C'est quoi ? Un journal intime ? » Je réfléchis jamais avant de parler et il n'y a que quand les choses sont dites que je réalise que c'est plutôt indiscret. Quoique s'il sort ce petit carnet en face de moi, c'est que ça le dérange pas tant que ça. « Je suis trop curieux, il faut que j'arrange ça. » Je retire mes lunettes et me redresse. C'est vrai, j'ai plus vraiment envie de lire maintenant.