Je me rends enfin compte que nous sommes dans un jeu et que peu importe si les gens te croient sincère ou non, tu peux être dégagé ou être mis sur la sellette d'une seconde à l'autre. Et ça même si tu as joué la carte de l'honnêteté depuis le début. Ils s'en foutent. Il faut donner un nom, il en donne un. Malheureusement, c'est le mien qui est sorti. Je l'ai appris lors du dernier prime et je dois dire que ça m'a foutu une petite claque. Être sacrifié par les candidats, ça fout un coup de mou et personnellement, ça ne me rend pas forcément de bonne humeur. Moi qui est été depuis le début un mec gentil, cool et souriant, je ne peux pas cacher ma déception. Car oui, je suis attristé d'être mis en danger. Et tout ça parce que les autres pensent que je suis un traître. C'est le jeu, ça me fait chier, mais je n'y peux rien. Sauf que je ne vais pas cacher que ça m'fout mal. Donc au lieu de me lever dans les environs de midi, comme je le fais habituellement, je décide de rester au lit. Je ne suis simplement pas d'humeur à aller voir les autres, à faire le mec cool qui va bien, alors que ce n'est pas le cas. Je veux rester seul et je ne veux voir personne. Donc la journée passe et moi, je suis resté sous la couette à somnoler. Parfois un peu de solitude ça fait du bien. Bien sûr à l'heure du coucher, Lena vient me rejoindre. Je la vois arriver et se diriger vers moi. Systématiquement, je lui souris, mais rien de plus.

Ça ne m'arrive pas souvent de montrer ma déception aux yeux de tous. Habituellement je la dissimule derrière de grands sourires et une bonne humeur. Je ne sais pas pourquoi, mais aujourd'hui ça ne marche pas. Je n'y arrive pas. J'aurais pu ce matin me lever en même temps que les autres, les rejoindre et faire mine que j'ai le moral. J'aurais pu, mais je ne l'ai pas fait. Pas envie. Je voulais rester seul, sous la couette et dormir. Je n'ai pas bougé, je n'ai pas mangé, je ne me suis pas lavé, juste l'histoire d'aller pisser dans le cours de l'après-midi, mais sinon j'ai joué les fantômes. Je ne me suis pas montré. On pourrait dire une journée de gâcher, mais lorsque la motivation n'y est pas, ni l'envie, je qualifierais plus cette journée comme une pause. Un peu de repos dans cette aventure. Et ça soulage, ça revigore. Du moins c'est ainsi que je le vois et que je le ressens. Après toute une journée au lit, je me sens plus fort, plus reposé et d'attaque pour le lendemain. Bien sûr avant de passer à un autre jour, il y a la nuit. Et je ne suis pas étonné de voir Lena me rejoindre dans la soirée. Celle-ci se pose sur le lit et me touche le front de sa main. Je ne dis rien, je présume qu'elle essaie de voir si je vais bien ou pas. « Kimo... » . Elle achève sa phrase. « Tu vas bien ? Ne me dis pas que tu n'as pas bougé de là depuis ce matin. » . Je mime un petit sourire et je lui réponds. « Non, je suis allé aux toilettes dans les environs de 16h00 .. ». Comme à mon habitude, je ne prends pas au sérieux ces interrogations. Je ne suis pas un gars qui se confit facilement, voir pas du tout. « ...non honnêtement, j'avais envie de rester au lit, pas envie de bouger .. » Et je pense que c'est tout ce qu'elle saura. Je ne vais pas changer. Je ne suis pas quelqu'un qui s'ouvre et dévoile ces états d'âme à qui veut bien les entendre. Mais qu'elle ne s'inquiète pas, si c'est le cas, car je vais bien. Je vais toujours bien .. .

Je pensais que ma non-existence ne serait pas remarquée. Après tout on est encore beaucoup de candidats, on ne se croise pas tous chaque jour, donc oui, il est facile d'en oublier quelques-uns. Moi-même je ne fais pas gaffe de qui est là, pas là. Et Lena, même si elle n'a pas passé sa journée à me chercher -encore heureux pour elle- ou à se demander où je pouvais être, s'inquiète. Elle a cette sympathie naturelle qui est assez touchante. C'est agréable de voir qu'une personne se préoccupe de votre bien-être, de savoir si ça va bien, si quelque chose ne va pas, ou encore si quelqu'un m'a apporté à manger dans la journée. « Mais... tu as mangé au moins ? » . Pour la rassurer et qu'elle ne me dit pas que ce n'est pas bien, je hoche de la tête. « Tu me connais, un glouton comme moi, ne pas manger de la journée ? Inimaginable .. ». En réalité je ne suis pas si glouton que ça. Je mange quand j'ai faim et quand je n'ai pas faim, comme aujourd'hui, je peux rester sans avaler quoi ce soit et aller merveilleusement bien physiquement. Et oui, j'embellis la réalité. Je ne voudrais pas qu'elle s'inquiète de trop, je n'aime pas ça. Du coup je préfère mentir. Mais honnêtement ne pas avoir mangé, ne m'a rien fait. Ça ne m'a pas dérangé. « C'est... à cause de ta nomination ? Tu sais, je suis sincèrement désolée que tu aies été sacrifié au conseil. Mais tu partiras pas, c'est impossible. » D'un côté, il n'était pas difficile de savoir pourquoi j'étais d'une humeur maussade. En réalité, je suis peut-être assez mauvais joueur et ça ne m'a pas plu la manière dont j'ai été mis sur le carreau. Je n'ai pas trouvé ça cool. Et c'est assez égoïste, je le conçois. Car si cela avait été un autre candidat, ça m'aurait fait ni chaud, ni froid. Donc au final, je réagis comme quelqu'un de normal, de vexé. Quiconque l'aurait mal pris, c'est sûr. Je décide quand même de lui offrir une réponse. « Je n'aime pas ce terme, sacrifié. Je trouve ça moche d'être ainsi amené au bûcher devant tous les candidats. Ce n'est pas agréable, mais je vais survivre, car ce n'est qu'un jeu .. » Dis-je en affichant un petit sourire. C'est vrai, ce n'est qu'un jeu, un jeu que je dois prendre trop à coeur d'ailleurs.