Jaileen était incapable de dire ce qui était en train de se passer entre Cosmas et elle. C’était étrange. C’était diffèrent. Les deux jeunes gens n’étaient pas en train de se hurler dessus et de se cracher des méchancetés à la figure. C’était reposant pour l’un comme pour l’autre. Elle n’avait pas envie qu’il aille prendre sa douche. Elle avait bien trop peur qu’il réveille les autres. Enfin c’était ce qu’elle voulait bien lui dire. Etrangement, la demoiselle avait envie de passer un peu de temps avec son camarade. Elle avait envie de rattraper le temps perdu et d’apprendre à le connaître. N’y voyez là rien d’ambiguë, Jaileen avait seulement envie de voir ce qu’elle pouvait bien rater en ne parlant pas à Cosmas, en étant en froid avec lui. Elle lui proposait de lui laisser son bain. Pendant qu’il se baignerait elle pourrait bien s’occuper d’elle tout en en papotant avec lui. - T'es sure qu'il est pas dangereux, ton bain ? Non, parce que j'suis pas très rassuré, moi. Il était clair que le garçon n’était pas très rassuré concernant les intentions de la demoiselle. Il se trompait. Il n’avait pas de quoi avoir peur. Elle ouvrait la bouche, mais il reprenait la parole. Je veux bien venir alors, mais que si tu restes. Comme ça, je sais qu'il n'est pas empoisonné, ou je ne sais quoi. Elle fronçait légèrement les sourcils. « Euh … oui … pourquoi pas. » bredouillait-elle tout en collant encore un petit peu plus ses jambes contre sa poitrine pour lui faire un peu de place. « Je ne vois pas pourquoi j’aurais empoisonné l’eau, mais … pourquoi pas. » Elle parlait de vanille, disant qu’elle en avait peut-être un petit peu trop mit dans son bain. Cela n’avait pas l’air de le déranger. Il n'y a rien que j'aime de plus au monde que l'odeur de la vanille. Un petit sourire venait se dessiner sur les lèvres de la demoiselle. « Ça nous fait un point commun alors. » Elle haussait les épaules, toujours souriante. C’était après ces paroles-là qu’il venait se glisser dans l’eau aux côtés de la jeune femme qui semblait un petit peu stressée à l’idée de se retrouver dans un si petit espace avec lui. Après tout, ils ne s’aimaient pas vraiment à la base. Tu es bien généreuse, ce soir. Je ne te reconnais pas. La demoiselle levait brusquement les yeux vers son camarade et se rendait compte qu’il lui tendait l’une de ses mains. Cosmas. Enchanté. Sourire amusé sur les lèvres, elle attrapait la main de son camarade pour la serrer. « Jaileen. Contente de faire ta connaissance. » Elle continuait de lui sourire avant de baisser brièvement les yeux comme si elle était gêné. [color] « Je … Tu … viens d’où ? »[/color] demandait-elle comme si c’était normal avant de reprendre soudainement : « Non, c’est nul ça comme accroche. » Elle secouait la tête de gauche à droite en signe de négation avant de se décider enfin à se détendre. Elle décollait légèrement ses jambes de son corps. « C’est quoi qui te dérange chez moi ? » demandait-elle alors soudainement.

Ne cherchons pas à comprendre ce qu'il se passe, ce soir - enfin, cette nuit - entre Jaileen et moi, et acceptons plutôt le fait que ce moment que nous vivons ensemble est bien en dehors de l'accoutumée. Je ne sais pas par quels démons nous sommes possédés ce soir, mais elle ne me semble pas être elle, ni moi ... Moi. C'est sans doute pour cela que je suis plus agréable avec elle que je n'ai su l'être par le passé. Elle m'invite alors à la rejoindre dans son bain et, allez savoir pourquoi mais, j'accepte. Uniquement si elle ne le quitte pas, par ailleurs, dans l'éventualité bidon qu'elle soit capable de m'empoisonner ou de me noyer, mais surtout parce que - et ça, je m'abstiens bien de le lui dire - je ne veux pas me retrouver ici, tout seul, au beau milieu de la nuit. C'était ce qui était prévu, d'ailleurs, à la base, mais, maintenant que j'ai un peu de compagnie, j'essaie de m'y accrocher, en fait ... Même s'il s'agit de Jaileen, en plus. En réaction à sa remarque, je lui réponds alors calmement :

- On ne peut jamais être trop sur, écoute.

Elle sourit, parlant alors points communs. Je souris, moi aussi, faiblement, en échange. Ça me fait étrange : d'habitude, je n'aurais aucun mal à lui rétorquer que je préfèrerais mourir que d'avoir ne serait-ce qu'un seul point commun avec elle mais ... Pas là. Aujourd'hui, je n'ai pas le coeur à ça. Comme s'il fallait qu'elle me cherche pour que je l'attaque, en fait. Comme si l'absence de provocation nuisait à toute possible animosité envers elle. C'est peut être ça, le problème : elle est peut être trop provocante, cette fille. Possiblement. Surement, même. Nos mains se serrent alors, et ce moment, je ne l'oublierais jamais. C'est l'un des moments les plus étranges de ma vie, voyez-vous. Le jour où j'ai enterré une hache de guerre en ... Prenant un bain, avec l'intéressée. Jaileen. Contente de faire ma connaissance. Cooooooool. Elle me demande alors d'où je viens, ce que je trouve assez étrange, dans le contexte. Heureusement, la blondinette se rattrape, disant que cette approche est "nulle". Je reconnais bien là sa poigne et son fort caractère, mais les deux me gênent moins que d'habitude, car pour une fois, elle n'en use pas contre moi. Je ris alors légèrement, comme pour la mettre à l'aise, et j'ai l'impression de découvrir une nouvelle Jaileen, en face de moi. Mignonne. Je la trouve terriblement mignonne. Je ne m'étais pas rendu compte que son visage était aussi élégant qu'aujourd'hui par le passé, tiens. Elle me demande alors ce qui me dérange chez elle et je réfléchis à ma réponse ; à la réelle raison pour laquelle elle me déplait. Lorsque celle-ci me frappe, je me sens ... Tombé de haut. Je ne m'attendais en aucun cas à ça.

- Le fait de te déranger. J'hésite alors un instant avant de finalement lui renvoyer sa propre question : Et moi, pourquoi je te dérange, au fait ?

- On ne peut jamais être trop sur, écoute. Et pourtant, Cosmas se trompait sur toute la ligne. Jaileen n’avait pas empoissonné l’eau du bain. Pas ce soir en tout cas. De toute façon elle n’en était pas capable. Même en temps normal. Elle souriait plutôt amusé par la situation alors qu’il se présentait comme pour repartir de zéro. L’anglaise trouvait ça bizarre et en même temps tellement agréable. Elle ne savait pas ce qui était en train de se passer ce soir entre le jeune homme et elle, mais elle appréciait ce moment. Elle ne l’aurait échangé pour rien au monde. Oh non. Elle lui posait une question un petit peu stupide, mais venait bien vite se rattraper. Il ne cessait de l’observait, de la fixer. Pourtant elle ne faisait rien. Elle ne disait rien. Au bout de quelques longues secondes de silence, la demoiselle venait attrapait son propre nez de l’une de ses mains tout en demandant sur un ton enfantin et totalement innocent. Son ton habituel en gros. « Pourquoi tu me regardes comme ça ? J’ai un truc, autre que mon nez, en plein milieu du visage ? » D’habitude quand il la regardait c’était avec du dégout, comme s’il la méprisait. Là, c’était diffèrent. Et puis voilà que l’anglaise venait poser une question qui venait peut-être briser ce moment magique. Qu’avait-elle qui le dérangeait ? Il ne répondait pas très clairement. - Le fait de te déranger. Elle fronçait les sourcils et avant même de pouvoir ouvrir la bouche, voilà qu’il lui retournait la question. Et moi, pourquoi je te dérange, au fait ? Elle l’observait quelques instants avant de souffler : « Beh … j’sais pas vraiment. C’est toi qui, depuis le premier jour, me déteste. Enfin … c’est l’impression que tu donnes. » Elle ne semblait plus très à l’aise et machinalement venait se gratter la nuque tout en baissant les yeux. Même là ils n’étaient pas en train de se hurler dessus. Mais qu’était-il en train de se passer ? « En fait je suis persuadée que tu me hais parce que t’es attiré par moi ou un truc dans le genre. » En général lorsqu’elle disait cela, elle le pensait réellement. Là, c’était juste pour le taquiner. D’ailleurs, le sourire qu’elle lui adressait venait lui montrer qu’elle n’était pas franchement très sérieuse.

Repartir à zéro. On est en train de repartir à zéro. Je me demande ce qui se passe, là ; ce qui fait que l'on s'entende tous deux aussi bien ... Pour une fois. C'est hors du commun. C'est irréel et, surtout, ça ne nous correspond pas. Du moins, pas à ce que je sache. Je la fixe. Je la dévore des yeux, tant et si bien que j'ai peur d'y laisser une marque au fer rouge ... Comme si j'ai le regard de Superman, mais en invisible, en fait. Elle attrape d'ailleurs son nez. Je crois qu'elle a compris que je la regarde. En même temps, il faudrait être bête pour ne pas l'avoir compris, à ce stade, hein. Souriant, je réponds, distraitement :

- Je ... euh non, je ...

Je ne sais pas quoi dire. Confus. Je suis totalement confus, en fait. Elle me dit avoir l'impression que je la déteste, et ce, depuis le premier jour. Cette impression me fait rire, légèrement, car il n'en est rien.

- La vie est trop courte pour détester les gens. Je lui déclare alors. Elle se met alors à plaisanter. Elle dit qu'elle pense que c'est parce qu'elle m'attire. Je ris, à moitié. Je ris jaune. Parce qu'il s'avère qu'elle n'a pas tort. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive, ce soir, mais j'ai l'impression de tout voir ... Différemment. Doucement, je lui réponds, sur un ton tout aussi plaisantin, mais un brin sérieux :

- C'est plutôt parce que t'es attirée par moi mais essaies de te voiler la face, oui. Un sourire. Un grand sourire se pose sur mes lèvres. Je suis fier de ma vanne pourrie. Puis, je me rapproche d'elle, avant de souffler, doucement :

- Je crois que j'entends la musique de Cupidon, moi ...

Ou pas. Toujours est-il que je l'embrasse, et que cette fois-ci, je n'y vais pas de main morte. Il fallait bien lui montrer, un jour, que je savais le faire, ça, après tout.

C’était comme si les deux jeunes gens se voyaient pour la toute première fois. Ils ne se criaient pas dessus. Ils apprenaient à se connaître. Ils se faisaient les yeux doux. Presque. Cosmas ne cessait d’observer le visage de la demoiselle. Cela commençait à la gêner un tout petit peu. Elle n’avait pas l’habitude qu’on la regarde avec autant d’insistance. D’autant plus qu’elle ne savait pas à quoi il était en train de penser. Peut-être pensait-il à la torturer ou un truc dans le style ? Non. Impossible. Il avait un sourire bien trop sage sur son visage pour penser à lui faire du mal. Pour en savoir plus, la grande blonde décidait de prendre la chose avec dérision et c’était d’une voix enfantine qu’elle demandait si elle avait quelque chose, autre que son nez, en plein milieu de la figure. - Je ... euh non, je ... Il bredouillait, un petit peu comme si quelque chose le dérangeait, le rendait confus. Haussant les épaules, Jaileen venait répondre : « Tant mieux. Je n’aurais pas besoin de faire de chirurgie esthétique dans ce cas. » L’humour encore et toujours. Finalement, ils se laissaient aller à quelques confidences. Ainsi ils n’arrivaient pas à s’apprécier parce que l’un pensait que l’autre le détestait et inversement. Etrange. Une petite grimace d’enfant venait s’emparer du visage de la blondinette. - La vie est trop courte pour détester les gens. Et il n’avait pas tort. Cependant Jaileen avait son avis sur la question. « Ouai, mais concernant les gens qui t’ont fait du mal, alors là, la vie est justement tellement courte qu’il faut les détester pleinement, intensément, pour ne pas regretter par la suite. » S’il y avait quelque chose après la mort bien entendu. La demoiselle venait plaisanter encore une fois. Cosmas ne tardait pas à lui répondre : - C'est plutôt parce que t'es attirée par moi mais essaies de te voiler la face, oui. Foutaises. L’index de l’anglaise venait se pointer vers sa propre poitrine. « Moi ? N’importe quoi. C’est toi qui est fou de moi depuis le premier jouer et qui n’ose rien dire. » Il semblait ne pas l’écouter. Il semblait préférer s’approcher d’elle, tout doucement, pour souffler quelques mots : - Je crois que j'entends la musique de Cupidon, moi ... Quelle musique. Jaileen levait très légèrement la tête pour entendre la fameuse musique dont il était en train de parler. « Ah bon ? C’est pourtant trois heures du mat… » du matin, Cupidon n’ait pas assez fou pour mettre de la musique à une heure aussi avancée de la nuit et risquer de réveiller tout le nid. Elle aurait bien voulu terminer sa phrase, mais son interlocuteur ne lui en laissait pas le temps. Il préférait s’emparer des lèvres de la jeune femme pour lui offrir un baiser. Un véritable. Pas un pour les enfants. Ne sachant pas trop ce qui était en train de lui arriver, Jaileen mettait bien deux ou trois secondes avant de réagir, avant de venir passer ses mains dans la nuque de son camarade et de fermer les yeux, se laissant transporter dans un monde parallèle par ce baiser. Ses doigts glissaient le long de la clavicule du garçon pour s’aventurer sur son torse.

Elle parle chirurgie esthétique, je ris. Elle a plus d'humour que je ne lui croyais. Un peu auto dérisoire, en fait, mais ça lui va relativement bien. C'est bien. Elle est moins coincée qu'elle en donne l'impression aux premiers abords. On en vient à se dire qu'on ne se supportait pas ... Parce que l'autre ne nous supportait pas. C'est une situation bien étrange. Je me demande si autrui l'a déjà vécue par le passé. Possiblement. Probablement peu d'autres, dans ce cas. On parle alors haine. Elle dit que certaines personnes la méritent, justement, cette haine. Je la regarde, docilement. J'espère qu'elle ne parle de moi. Certes, nous n'avons pas été cools, tous les deux ... Mais ... Je ne pensais pas l'avoir offensée au point qu'elle ne m'en haïsse ... Si ? On se cherche, alors. Elle me déclare que je suis éperdument amoureux d'elle, et ce, depuis notre première rencontre. En effet ... Pourquoi pas, hein. Je me rapproche alors d'elle, et Jaileen lève alors de la tête vers le plafond, lorsque je parle de la musique de Cupidon. Comme prévu. Je saisis alors ses lèvres, comme une imposante forteresse qui est là, à notre disposition. Je me les approprie. J'en fais miennes. Nous nous embrassons. Enfin ... Je l'embrasse. Fougueusement, qui plus est. Je me demande si elle va me repousser, crier au viol ... Ce serait fort facheux, et honteux à la fois. Je n'aimerais pas que cela se produise. Elle semble hésiter. Et puis ... Et puis, je l'avais bien anticipée, sa réaction. Il y a eu tellement de tensions dans l'air autour de nous, depuis dix semaines, qu'elle en était devenue palpable, sur la fin. Il fallait bien l'évacuer, un de ces jours, non ? Nous nous embrassons, langoureusement, et elle caresse mon torse nu. Ma main gauche, quand à elle, vient caresser ses boucles blondes, trempées aux bouts, tandis que la droite s'évade et caresse délicatement le bas de son dos. Une seconde, deux ... Dix ... Vingt ... Puis, je romps le contact, j'inspire. J'ai besoin d'air. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas quel diable m'a possédé ainsi. Pourquoi ... Enfin ... Pourquoi on vient de s'embrasser, quoi. Je la regarde, penaud. Je ne comprends plus rien. On ne s'entend pas, pourtant. Il ne peut rien y avoir entre nous, si ? Rien hormis de l'animosité. Et puis, il y a Odessa ... Non, décidément, je ne comprends plus rien. Je bredouille, alors :

- D ... Désolé ...

Mais je ne le suis pas. Pas réellement. J'ai honte, mais je ne regrette pas. Je sais que j'ai eu tort de faire ça. Et pourtant, tous mes sens me crient que j'ai eu raison.