La cuisine était un peu devenue ta deuxième maison dans le château. T’y passais vraiment beaucoup de temps. Pas parce que tu étais le larbin de tout le monde, non. Parce que tu aimais prendre du temps à préparer un bon plat digne des grands restaurants. Manger des steaks et des frites, c’était vraiment pas pour toi. T’avais besoin de quelque chose de bien préparer, minutieusement. Quelque chose qui a pris du temps. Sinon, c’est impossible pour toi de manger. Alors forcément, t’y passes deux trois heures minimum par jour, dans cette cuisine. Comme aujourd’hui, où tu te préparais un truc tandis que les autres passaient un par un pour grignoter ce qu’il y avait dans le frigo. A croire qu’ils se fichaient bien de la chose qui avait dans leur assiette. « Oh Ivan, je te cherchais justement. » Il te cherchait ? Pourquoi ça ? Tes sourcils se froncent, bien évidemment. « Tu te souviens que je t'ai offert un cadeau, deux même ? Tu sais pas toi mais les clopes j'y tiens comme à la prunelle de mes yeux, ça doit te paraître dérisoire toi mais c'est pas facile d'en avoir en taule alors tu comprends. Donc je me disais que tu pourrais me laisser manger ce que tu prépares. C'est un bon deal non ? » Ah.. Généralement tu proposais toi-même de partager ce que tu préparais, mais là on te suppliait presque, et c’était bien différent. Oh oui, vraiment différent. Il faisait carrément la manche. « Tu me les as offert parce que t’étais en retard je te rappelle. » Déjà, de une. C’était trop facile sinon. « Tu dois m’offrir un autre cadeau si tu veux manger, alors.. » que tu dis hésitant, comme si au final tu voulais te rétracter sur ce que tu venais de dire. Tu ne voulais pas énerver la bête. Surtout que bon, tu allais lui en passer de la nourriture. Peut-être.

« Et tu m'as abandonné au profit d'une nana, vive le rencard.  » Quoi ? Tu le regardes en arquant un sourcil. T’aimais pas les menteurs. En plus India était venu vers toi qu’au moment du loup-garou, et c’était bien après qu’il soit parti. Tu secoues la tête de droite à gauche. « T’avais qu’à être plus gentil.. Et puis c’est toi le fautif. » Ouais, d’abord. Enfin bon, c’est n’importe quoi tout ça. Et puis en plus c’était même pas un vrai rencard. Tu ne voulais pas de rendez-vous avec Cian, toi. Oh non, vraiment pas. En tout cas, il te fait drôlement moins peur que depuis la première fois, dans la salle de sport. Peut-être parce que tu te dis qu’il est inoffensif parce qu’il sort de prison. T’en sais rien. Maintenant t’assimiles plus sa tête avec une grosse tête de nounours blond. Mais un nounours pas très gentil. Parce que tu gardais en tête qu’il avait fait un truc pas cool s’il était allé en prison. Et que rien, au fond, ne l’empêchait de recommencer. En tout cas, toi, ton déjeuner, t’as fini de le préparer, il reste plus que quelques minutes de cuisson. Alors tu mets le tout dans le four. « Non mais laisse tomber, j'suis sur que t'es bidon en cuisine en plus... » Là, tu ne peux pas t’empêcher de rire. Tu hausses les épaules, tant pis pour lui. S’il croyait que t’étais bidon en cuisine.. ce n’était pas la peine de lui donner un peu de ce que tu préparais. « Il reste toujours des bouts de pain et du beurre si t’as faim. » Ouais, voilà, na. « Mais je suis cuisinier, j’dis ça, j’dis rien.. » tu marmonnes. En plus dans un des meilleurs restaurants de la capitale anglaise. « Mais tant pis, j’suis bidon en cuisine, alors j’garde tout pour moi… » Bah oui, bien sûr. Un vrai gamin. De toute façon, ce n’était pas comme si Cian avait la peau sur les os. Et il devait avoir pris l’habitude de manger peu en prison. Ouais, ça t’obsède un peu cette histoire de prison, ce n’est pas de ta faute.

« Tu te fous de ma gueule ? C'est toi qui t'es dégonflé quand on a dû faire le show, quand j'suis revenu y'avait India à tes côtés, et j'ai rien dit... » Oui bon, il avait peut-être un tout petit peu raison. Un tout petit peu. Tu fais automatiquement la moue, pour le coup. Et tu secoues doucement la tête. « C’est pas de ma faute si j’aime pas faire ce genre de truc.. et puis c’est India qui est venue, moi je t’attendais » T’en parles comme si c’était une affaire d’Etat, alors que pas du tout. En fait tu t’en fichais pas mal faut dire, et puis t’aimais bien la présence d’India alors tu n’allais pas lui dire de partir parce que tu attendais Cian. Enfin bon, en fait, tu disais tout ça juste pour avoir le dernier mot, rien de plus. En tout cas le blondinet fait le mendiant. T’aimes pas trop les mendiants toi, pour en avoir été un. Ce n’était pas vraiment un des meilleurs souvenirs que tu pouvais avoir, hm. En tout cas, tu allais bien évidemment lui passer de la nourriture, tu étais beaucoup trop gentil pour refuser. Et puis t’aimais bien partager. T’avais juste décidé de rentrer dans son petit jeu débile, puisque monsieur avait dit que tu ne savais sûrement pas correctement cuisiner. « T'étais pas censé être sympa toi ? » Quoi ? Mais tu étais super sympa ! Comment est-ce qui pouvait dire ça ? non non non, tu refusais qu’on dise que tu ne l’étais pas. D’ailleurs il doit bien voir à l’expression de ton visage que tu es choqué. Mais t’as pas le temps de répondre qu’il surenchérit. « Ou alors j'peux te bouffer toi, j'suis sûr qu'avec un peu de persil et du beurre tu dois être tendre comme tout. » Hein ? Il était cannibale maintenant ? Ce n’était pas très bon signe, tout ça. « Mais j’allais t’en passer de toute façon… » que tu bredouilles d’une voix faible. Tu ne voulais vraiment pas te faire manger, et en plus le prie c’est que c’était vrai. Tu avais vraiment l’intention de lui en donner, de ton déjeuner. Mais il ne t’avait pas laissé le temps de le dire. Tu sors finalement le plat du four, et tu le mets sur la table. Ça sent bon, c’est bon signe, non ? Et tu sors deux assiettes, deux paires de couverts, deux verres. Et comme le bon saint-Maritain que tu es, tu lui sers même à manger directement dans son assiette. « Je suis gentil tu vois. » Non, parce que tu ne voulais pas trop qu’une personne sur cette terre pense que tu ne l’étais pas.