« Je dis tout haut ce que je pense. A quelques exceptions près, je ne prête pas attention à ce que les autres pensent. » Rectifia-t-il dans un sourire. Il n’était en aucun cas un porte-parole, il assumait simplement ce qu’il pensait et n’hésitait pas à défendre ses opinions.

Le décorticage du crustacé terminé, le jeune homme imita sa colocataire et commença à manger. Il adorait le homard, il penserait à remercier Cupidon lors de sa prochaine escale dans la Cabane en Bois. Ainsi Charlie était comédienne et comparait Fake Lover à une pièce de théâtre. All the world's a stage and all the men and women merely players. De son point de vue, il associait l’émission à Las Vegas.

« Je suis un mauvais comédien, je ne sais jouer que mon rôle. » Se contenta-t-il de répondre. S’il aimait le théâtre, cela dépendait principalement des œuvres et des auteurs. William Shakespeare demeurait une figure incontournable.

« C'est déjà ça. » lançais-je, toujours plongée dans mon assiette. Et oui, certaines personnes ne savaient même pas encore qui elles étaient et donc, par conséquent, ne jouaient pas vraiment leur rôle. Je pense faire partie de cette catégorie. Dire qui je suis serait une vraie épreuve et je ne saurais pas vraiment répondre sans mentir. Dans un soupire, j'attrapais alors mon verre, relevant enfin le visage de mon assiette. Posant mes yeux verts intenses sur le jeune homme, je portais la coupe à mes lèvres et en bu le contenu, ne le quittant pas du regard. Leone était un garçon qui cultivait son mystère et résistait aux questions des autres. Pourquoi est-ce qu'il ne voulait pas se présenter ? Simplement se présenter. Je reposais mon verre et croisais les bras, le fixant, amusée. Je ne savais pas si il voyait ou remarquait mais à vrai dire, je m'en fichais. Avoir quelqu'un comme lui dans Fake Lover était quelque chose d'étrange, voire même de complètement décalé. Quelqu'un qui n'aime pas se montrer, dévoiler ses émotions ou sa vie ne viendrait pas faire une télé-réalité, non ?

« Je me demande ce que quelqu'un comme toi fais ici. D'habitude, on s'attend à voir ici des gens qui se soucient de leur image, de ce que pensent les autres, ce genre de choses. Tu n'es pas comme ça. Je trouve ça surprenant. »

Leone arqua un sourcil. Qu’entendait-elle par surprenant ? Ce n’était sûrement pas un reproche. Effectivement, il agissait en priorité dans ses propres intérêts et dans ceux des rares candidats qu’il portait dans son cœur. Il ne craignait pas l’image qu’il pouvait renvoyer. De toute évidence le public aurait le dernier mot et le jeune New Yorkais n’aurait rien à se reprocher ; il se battait pour ce qu’il croyait juste et était jusqu’à preuve du contraire toujours resté fidèle à lui-même.

« Serait-ce une façon polie de me faire remarquer que je n’ai pas ma place ici ? » Demanda-t-il partagé entre curiosité et humour.

L’entrée terminée, Leone se leva pour débarrasser l’assiette de son interlocutrice et la sienne. Il avança désormais le plat principal, toujours masqué par une cloche métallique. Il laissa le soin à la demoiselle de dévoiler le prochain met.

Quoi ?! Fronçant légèrement les sourcils, je me redressais sur ma chaise, et m'exclamais:

« Oh non non non ! Pas du tout ! Désolée si tu l'as pris dans ce sens, c'était vraiment pas mon attention... Non... Ce que je voulais dire c'était que... Enfin... »

Et voila. Bravo Charlie ! J'avais toujours eu le don de mal m'exprimer. J'étais affreusement gênée, et je sentais mes joues rougirent. Oh ; quelle catastrophe. Il fallait toujours que je rate toujours tout.

« Excuse-moi. Je ne voulais pas dire ça. Seulement que... Enfin... Tu as l'air d'être quelqu'un d'indépendant. Après, je sais que je peux me tromper, je te dis juste mon ressentis vis à vis de toi. Tu traces ta route sans te soucier de ceux dont tu penses qu'ils n'en valent pas la peine, tu... Enfin... Désolée, les mots me manquent. » lançais-je avant de lever les yeux au ciel. N'étant pas Irlandaise, l'anglais n'étant pas ma langue maternelle, j'avais parfois du mal à faire comprendre aux autres ce que je voulais vraiment dire par manque de vocabulaire.

« Quelqu'un comme toi, c'est étonnant dans une émission de télé-réalité. Mais un peu de vrai ici ne fais pas de mal. Je suppose. »

Je soupirais. Bon, et si on passait à autre chose après ce carnage ? Bien. Mangeons la suite du repas. Je retirais la cloche métallique dans un sourire gênée. J'avais presque réussi à gâcher l'ambiance avec ma maladresse. Se trouvait alors devant nous, deux beaux morceaux de saumons accompagnés de riz et d'une petite salade de légumes. Ravie, je décidais alors de servir Leone puis d'en faire autant pour moi-même.

Leone s’amusait de la situation, son sourire ne faisait que s’élargir au fur et à mesure qu’elle tentait de s’expliquer tant bien que mal. Ses justifications étaient bancales et ses joues avaient viré au rouge. En gentil moqueur qu’il était, il ne put s’empêcher d’éclater de rire. Elle semblait vraiment embarrassée. Il hésita un instant, partagé entre l’envie de l’enfoncer davantage et celle, plus sage, de lui faire comprendre qu’il n’avait pas mal pris ses propos.

« Rassure-toi, je vais prendre tes bafouillages pour un compliment. » Répondit-il taquin.

Le jeune homme se laissa servir, puis la remercia d’un sourire. Il lui laissa le temps de se remettre de ses émotions. Comme s’il voulait se donner du courage ou quelque peu d’humanité, il termina son verre de vin blanc et décida de faire un nouvel effort pour s’intéresser à la jolie demoiselle.

« Célibataire ? Intéressée par un candidat ? » Demanda-t-il sachant pertinemment que cela ne le regardait pas. D’ailleurs il serait sûrement surpris qu’elle daigne lui répondre.

Je ris légèrement. Il le pouvait. En quelque sorte. Je ne considérais pas ce que je lui avais dit de négatif. Si il le prenait positivement, alors tant mieux. Valait mieux ça que le contraire. Attaquant mon saumon, qui soit dit en passant est mon poisson préféré, je gardais le silence avant qu'il ne parle une seconde fois. Finissant ma bouchée, je fronçais légèrement les sourcils. Puis, j'affichais un petit sourire avant de me lancer... J'aimais raconter ma vie, c'était un de mes vices, j'étais trop bavarde.


« Célibataire, oui. Depuis plus d'un an. Tu sais que c'est long plus d'un an, hein ? Non, mais vraiment un an entier ! Genre, pas de copains furtifs, ni coups d'un soir. Que dalle. J'suis trop sage pour ça. » lâchais-je dans un rire. C'est vrai que l'odeur d'un homme, être dans les bras d'un homme, un peu de tendresse, tout ça me manquait. Mais je faisais avec et je ne comptais pas me taper le mec bourré de la soirée pour assouvir mes désirs. Je n'étais vraiment pas comme ça.


« Quant au candidat, tout dépend de ta définition de 'intéressée'. » dis-je dans un haussement d'épaule avant de reprendre une fourchette.

Malheureusement pour elle, elle semblait dire la vérité. Célibataire depuis plus d’un an, étrange. Pourtant Charlie paraissait intéressante et plutôt agréable à regarder, peut-être était-elle extrêmement difficile ou alors il s’agissait d’un choix de vie où l’amour comme le sexe n’étaient pas une priorité. Leone respectait ses valeurs et ne se permit aucun commentaire, continuant de manger son saumon avec appétit.

Le terme « intéressée » ne nécessitait d’aucune explication pour être compris. Selon lui, la demoiselle feintait et préférait ne pas lui dévoiler ses ressentis. Par conséquent le jeune New Yorkais n’insista pas, respectant son intimité. Silencieux, il la défiait régulièrement de son regard azur.

Il n'ajouta rie et le silence s'imposa. Je n'aimais pas le silence. C'était synonyme de mort, pour moi. Le début de la fin. Je détestais ça. Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de rester silencieuse face à lui. Je trouvais Leone différent, dans un sens. Et j'étais comme une petite fille face à lui. Poussant un long soupire, presque gênée, je posais mes couverts avant de lever les yeux vers lui.

« Et toi ? » demandais-je tout simplement, sans rien ajouter. Je n'avais pas besoin de préciser ce que je lui demandais, il allait savoir. Nous n'avions pas parlé pendant de longues minutes, alors forcément, c'était un reflet de sa question. J'avais envie de savoir, d'en apprendre plus sur lui. Mais il ne parlait pas et il semblait être quelqu'un assez difficile à cerner, peut-être même à comprendre. Mais je ne désespérais pas. Ça non.

Comme il aurait pu s’y attendre, Charlie lui retourna sa question. La réponse semblait vraiment l’intéresser, à moins que ce soit le silence qui l’avait perturbée. Elle avait posé ses couverts, plongeant son regard dans le sien. Soucieux de ne pas paraître impoli, il termina d’abord sa bouchée avant de répondre :

« Je suis célibataire. »

Il aurait voulu lui adresser un léger sourire mais le cœur n’y était pas vraiment. Conscient que l’ambiance était retombée, il but quelques gorgées de vin et reprit la parole, plus enjoué :

« Quelle est ta plus grande source d’inspiration ? »