Quatorze heure de l’après midi. Je venais de finir de manger. J’me casse pas la tête à faire la vaisselle, je dépose le tout dans levier. Le nid est rempli de bonnes femmes, elles peuvent bien se rendre utiles pour une fois. Non, mais plus sérieusement, faire la vaisselle, j’aime pas ça. Il y a forcément un/une accro du ménage qui s’efforcera de la faire pour moi. J’ai pas touché une éponge depuis le début de l’aventure, c’est pas aujourd’hui que je vais commencer. Surtout que maintenant, c’est l’heure de la clope post-repas. Je cherche mon paquet, un briquet, et un des seuls endroit où j’ai une chance d’être un peu seul : l’escalier de secours. Je passe la porte. Personne à signaler. Parfait. Je m’approche du rebord, lève les yeux, et à l’étage du dessus, aperçois une silhouette qui m’est familière. Jasmine. Je l’aime bien finalement, Jasmine. Elle n’est pas si méchante. Elle griffe. Elle mord. Mais quand on la brosse dans le sens du poils, non, elle n’est pas bien méchante. En tout cas, je n’ai pas à me plaindre d’elle. « Suicidaire ? » lui lançai-je, sous un large sourire. Elle est accoudée à la rambarde, proche du vide. Je glisse une cigarette entre mes lèvres, l’allume et commence à monter quelques marches pour aller la rejoindre. Arrivé à sa hauteur, je lui dis. « En même temps, si ce qu’on raconte sur toi et l’autre guignol espagnol se révèle vrai, j’te comprends » Je lui adresse un large sourire, taquin, presque moqueur. Véridique ; ce mec est un con. J’pensais qu’elle avait un minimum de goût, ou du moins, assez pour ne pas se contenter d’un boulet pareil. J’suis pas jaloux. J’comprends simplement pas. Après, je me base sur les rumeurs, rumeurs qui les disent tout de même relativement proche. Peut-être qu’elles ne sont pas fondées… Pour elle, sa fierté, et mon image d’elle, je l’espère.

Elle m’a l’air bizarre. Non, je ne retrouve pas la Jasmine piquante, prétentieuse que j’ai l’habitude de cotoyer. Son allure la dévoile bien plus fragile, ou du moins, pensive, réflective. Je le remarque. Mais ne le cite pas pour autant. C’est une personne fière, elle ne dévoilera jamais ses faiblesses. C’est un trait que j’admire chez elle. Sa force. Alors, j’pense pas que se soit le moment pour en discuter. Mon petit pique sur son copain latino ne semble pas la faire rire. Ce mec est un guignol. J’comptais juste lui faire remarquer. Rien de bien méchant ; Même pas de jalousie. Enfin, si, peut-être ; concrètement, je ne comprends vraiment pas ce qu’elle fabrique à fricoter avec un individu pareil. Il n’est pas trop ridicule ?! Honnêtement ? C’est un cliché. Un cliché extrapolé du beau gosse espagnole. En sommes, rien de plus qu’une vraie tête à claques… Qu’elle me dise qu’elle l’apprécie, et là, clairement, toutes les qualités que je trouvais à cette femme disparaissent. Enfin bon. Elle ne savait pas qu’on était exclusif. Mon sourire s’accentue. « Maintenant, tu le sais » avouai-je, sur un ton plutôt bas. Je ne suis pas sérieux. En quoi serions-nous exclusif l’un à l’autre ? Rien du tout. Elle n’est même pas partenaire. Elle me doit autant que je lui dois : rien. Elle rebondit sur la relation que j’entretiens avec Tifenn. Bien vu. Elle contourne le sujet, tout de même. On parlait d’elle, pas de moi. Néanmoins, je permets de lui répondre. « Avoue, t’es juste super jalouse en fait » Je rentre dans son jeu. Je tire une latte sur ma cigarette avant de reprendre aussitôt. « Je te comprends » Je hausse les épaules brièvement. Tout à fait que je la comprends : j’suis intelligent, beau, grand, fort. Très objectivement : je suis l’homme parfait. Oui. Carrément. « D’ailleurs elle s’appelle Tifenn » J’ajoute simplement. Comme si elle ne savait pas… Mais c’est sorti instinctivement. Elle mérite d’être nommée. Puis, dans une nouvelle perspective, je m’approche un peu plus de la jeune femme. Je m’accoude à la rambarde, juste à côté d’elle. Je dépose mon regard sur elle. Je la dévisage, quelques instants avant de remonter mes yeux sur son visages, son regard. « Mais clairement, elle n’est rien à côté de toi… » soufflai-je, à voix basse, enjôleur. Je la reluque, me mordille la lèvre inférieure. Je lui fais du rentre dedans. Du charme à l’espagnole ; un truc de kéké, quoi. Je ne peux m’empêcher de lui adresser ensuite un large sourire qui me vole tout sérieux.

Super jalouse. Oui. Bien sûr qu’elle l’est. Elle essaye de faire comme si, en tout cas. Arf. Elle ne confirme que mes doutes. Et une de plus parmi mes prétendantes. Qu’elle se joigne aux autres et qu’elles se battent. Je partirais avec la survivante. Enfin. Que de drame. Que de drame. La comédie est clairement faite pour elle. Qu’elle passe de la carrière de chanteuse à celle d’actrice, la nouvelle Paris Hilton est parmi nous ! Oui, niveau référence d’actrice, je n’ai pas trouvé mieux, mais je ne doute pas une seconde que son jeu d’actrice soit meilleur que celui de Jasmine, ou moins excentrique. Son jeu me fait sourire. Elle est presque douée. Mais que répondre à une telle déclaration. Les mots me manquent. La joie. L’étonnement. L’amour… Sans doute, oui. Trèves de plaisanterie. Elle parle de l’allemande, que je nomme Tifenn. Moi ? Sacrément mordu ? Je ne relève pas. Je ne pense pas que se soit moment propice  à une discussion autour de ma relation avec Tifenn. Non. D’ailleurs, c’est le genre de conversation que je n’entretiendrais qu’avec une seule et même personne, Tifenn elle-même. Non pas que j’assume pas. Mais il y des choses que je n’aime pas partager, dont je n’aime pas discuter. Bref. Le jeu de séduction reprends. Je lui fais du charme. Je me trouve très perspicace. Comme quoi, mon jeu d’acteur est tout aussi bon. Mais je me perds sur la fin. Dommage, je suis sûr qu’elle était à deux doigts d’y croire. Mais bon, voyons, le but ici n’est tout de même pas de lui briser le cœur, hein… Ma prestation la fait rire. Si bien qu’elle me donne même un coup de coude. Mon sourire s’élargit face à ses réactions. Je tire une nouvelle latte sur ma cigarette, la jette ensuite en l’écoutant dire la suite. Hilarant ? Bien évidemment. En plus d’être beau, grand, fort et intelligent, j’ai de l’humour : si quelqu’un ose dire que là, je ne suis pas parfait ! Ca ne l’étonnerait pas que je le pense vraiment. « bien évidemment que je le pense vraiment. » répondis-je, instinctivement, sans pouvoir effacer ce sourire niais, taquin de mes lèvres. Je l’observe s’installer dos sur la rambarde. Je me place face à elle. « et ça depuis que je t’ai sauvé la vie, sur les rochers » Mon ton se fait vaporeux, souple, léger. J’extrapole, beaucoup. Car dire  lui avoir ‘sauver la vie’… c’est mentir. Alors certes, j’ai joué au preux chevalier avec elle, mais elle n’était pas entre la vie et la mort pour autant. Néanmoins, cet évènement me sert d’accroche. Je balance mon regard sur elle. Ce dernier  dérive sur son visage, cherchant le sien. Si j’étais meilleur acteur, je ferais en sorte d’avoir les yeux qui pétillent. Malheureusement, je n’ai pas encore atteint ce stade. Je m’avance légèrement, atteint une proximité intime avec la jeune femme. « ça a été comme un coup de foudre » Mon ton s’attendri davantage. Je prends sur moi pour ne pas sourire bêtement. Mon regard reste figé sur le sien. Je la contemple, sans rien dire de plus. Ma main vient effleurer son bras, délicatement.  « et je suis sûr que depuis ce jour, j’hante tes pensées comme tu hantes les miennes » Garde ton sérieux. Garde ton sérieux. Garde ton sérieux. Pour tout dire, si je ne devais pas me remplir la tête de toutes ses pensées, je me trouverais moi-même plutôt convaincant.

Que j’arrête mes conneries. Sa réplique me coûte un bref sourire. Je l’entraîne dans ma bêtise, l’emporte. Je ne sais pas ce qu’elle croit. Je ne sais pas si elle me croit. J’espère que non. Je serais odieux de lui faire de faux espoirs, ou de manière moins prétentieuse, d’installer le doute sur l’étendu de notre relation, qui, dans la normal, est purement platonique. Néanmoins, au fil du déroulement de mon jeu, j’impose de plus en plus le doute. Elle n’en dit rien. Elle m’écoute. Et très honnêtement, je trouve que tout ceci devient fortement ambigu. Je m’y perds moi-même. Je parle de coup de foudre. Qu’elle hante mes pensées. Certes, c’est tout de même un peu gros pour que ce soit réel. Mais qui sait ? Qui sait ? Peut-être que je dis la vérité ? Peut-être que je me cache derrière ce jeu pour lui avouer l’étendu de mes sentiments ? Peut-être pensais-je chaque mot, chaque phrase. Le coup de foudre. Tout… Personne ne peut le dire, si ce n’est, moi. Après me dernière réplique, un silence s’installe ; Mes yeux ne la quitte plus. Je me retiens de sourire tandis qu’elle, ne lâche rien. Rien du tout. Et sans même que je m’en rende réellement compte, elle s’approche dangereusement, effleure mes lèvres des siennes. Sérieusement ?! J’imaginais déjà ce baiser sur mes lèvres. Mais non. Elle s’est dégonflée. Je dois dire que j’en suis presque déçu, mais c’est avec un sourire taquin que je retrouve son regard. De quoi alimenter mes pensées, dit-elle. Elle se moque de moi, là. D’une certaine manière, j’ai envie de dire : tant mieux. Elle pose sa main sur mon torse, me pousse en arrière. Elle me demande de m’éloigner ; je lui donne l’impression de la pousser dans le vide. Je m’écarte un peu. Et elle, elle en profite, semble m’éviter. C’est trop simple. Elle ne va tout de même pas, fuir, là, maintenant ? Elle ne fait que deux pas avant que je la retienne par le poignet. Je l’amène à moi, dans mes bras, alors que l’une de mes mains vient s’emparer de sa nuque afin que mes lèvres puissent se poser sur les siennes. Je laisse ce baiser s’étendre sur une poignée de seconde, rien de plus. Je recule légèrement mon visage, sans détacher mes mains de son corps. A quelques centimètres de son visage, je lui souffle au passage « A force de jouer avec le feu, on finit par se brûler » Je lui adresse un sourire en coin avant de rompre cet étreinte. Je n'explique pas ma phrase. Elle doit comprendre. Ou sinon, tant pis. « De quoi rêver. Je suis sûr que t’en mourrais d’envie » Dis-je, sous un plus large sourire. Je vais loin, tout de même, sans doute trop loin, même.