En plus d’avoir fait l’acquisition d’un partenaire hier soir on m’a attribué un lit. Il ne s’agira plus de me blottir à Jouko durant la nuit pour ressentir l’agréable sensation que celle de ne pas être seule puisque je doute fort que Maxence apprécie ; je ne suis pas aveugle vous savez, seulement un peu menteuse sur les bords. Instinctivement je lui avais tourné le dos durant la nuit et m’étais réveillée à la limite du vide trouvant la situation particulièrement pathétique. Mais j’étais contente, je déjeunais désormais en compagnie de quelqu’un et ça c’était trop bien. Quelque chose dont j’avais toujours rêvé. Soit, ce soir j’ai décidé d’aller me coucher tôt pour pouvoir m’endormir en étoile de mer, ma position préférée. Dans mon petit pyjama de dentelle et l’haleine encore mentholée, je pensais être seule lorsque je fus surprise par la présence d’un de mes camarade de chambrée. Oh. Celui qui criait fort le soir de mon arrivée, enfin qui parlait. « Bonsoir Ulysse ! » Je lui adressais un sourire avant d’aller m’enrouler dans la couette du lit commun tel un rouleau de printemps. « C’est charmant, tu ne parles pas dans ton sommeil. » Heureusement sinon il réveillerait tout le monde tellement il s’exclame. « Ta partenaire doit être ravie. Vous vous entendez bieeen ? » J’aime poser des questions, toutes sortes de questions afin d’en apprendre plus sur le monde qui m’entoure ; c’est le secret du savoir. Désormais assise en tailleur la couette autour de moi, je l’observe de mes yeux de biche grands ouverts.

Ulysse n'avait pas grand chose à faire ce soir, alors il était assez tôt dans la chambre. Comme d'habitude lorsqu'il se retrouvait seul dans la chambre -enfin, d'habitude c'était pas cette chambre là- il lisait des passages de la Bible, rangée soigneusement dans ses affaires. Après quelques minutes, il fut interrompu dans sa lecture par Teddy. « Bonsoir Ulysse ! » Il leva un instant le regard, répondant avec un salut gestuel, avec son index et son majeur pointant dans sa direction après avoir touché sa tête. Pas qu'il veuille l'ignorer, il avait juste besoin de quelques minutes pour finir son passage. « C’est charmant, tu ne parles pas dans ton sommeil. » Il ne parle pas pendant son sommeil ? Ah ben effectivement, elle a raison. Il le saurait si c'était le cas. Mais il ne l'écoute qu'à moitié, se contente d'un léger 'hm' comme réponse. Enfin, c'était même pas une question en fait, donc y avait même pas besoin qu'il réponde. Mais le voilà qu'il termine enfin, et qu'il peut se concentrer sur la jeune femme, puisqu'elle semble enclin à la discussion. « Ta partenaire doit être ravie. Vous vous entendez bieeen ? » Il ferme définitivement son livre, se met en tailleur pour la regarder, parce qu'elle est un peu loin et il lui adresse un sourire. « Danica est géniale, on s'entend assez bien depuis le début donc je suis content de l'avoir comme partenaire. » Ulysse se souvient encore il y a quelques semaines... et il réalise que pour le coup, c'est ce qu'est en train de vivre Teddy vu qu'elle commence à peine sa deuxième semaine. Elle doit tellement être dans un autre état d'esprit. Il suppose qu'elle peut pas en dire autant pour Maxence par exemple, vu qu'elle ne doit pas le connaitre très bien. Le blond va donc essayer de l'intégrer facilement, en lui proposant un petit jeu. « Dis, si tu devais te créer un personnage, comment il serait ? » qu'il demande avec un air taquin. Pourquoi il lui pose cette question ? Elle le découvrira très bientôt.

Je pense qu’Ulysse s’en fou de ce que je lui raconte mais qu’importe, je suis contente qu’il y ait quelqu’un dans la chambre alors je continue de parler. Parler seule je connais, c’est peut-être pour cette raison que j’ai souvent du mal à m’arrêter une fois lancée. D’ailleurs le blondinet ne devient bavard qu’une fois que j’évoque sa partenaire, dont il est heureux de l’association d’ailleurs. « Oh, vous avez été chanceux. » de se retrouver ensemble, parce que je ne vois en aucun cas une manière de me plaindre de mon partenaire personnel par cette remarque. Au contraire, je suis très satisfaite car il parait que j’aurais pu tomber sur pire, par exemple quelqu’un qui n’aurait pas voulu déjeuner avec moi. Je le regarde la bouche en cœur et les yeux arrondis puis je me laisse tomber sur le côté tout en gardant la couette empoignée entre mes mains, tout à coup Ulysse me semble bien plus bancal qu’avant. « Dis, si tu devais te créer un personnage, comment il serait ? » Hm ? Oh c’est marrant qu’il pose cette question. Je me redresse finalement d’un bond, de nouveau assise en tailleur et le dos plus maintenu que jamais. « Une princesse ! Même j’en suis déjà une. » Je me résigne, je ne peux devenir ce que je suis déjà. « Mais j’aimerais bien être une princesse entourée, tu sais comme dans les Disney… elles ont toujours pleins de copines ou des amoureux, enfin des gens à qui parler tu vois mais si en soit on est bien d’accord sur le cliché de la chose. » Oui tout à fait, je ne suis pas arriérée non plus. « Pourquoi ? » C’est étrange comme question. « Et toi ? » Je ne pouvais pas me contenter d’une seule question, chez moi c’est deux minimum.

« Oh, vous avez été chanceux. » Elle a raison. Y a bien deux trois personnes avec qui Ulysse n'aurait pas aimé tombé. Oh il peut les citer si elle le souhaite, il n'a rien à cacher. C'est pas comme si les personnes en question pensaient que le blond les appréciait. Il n'est pas hypocrite. Bref, puisqu'elle a engagé la discussion, Ulysse suit et lui demande de créer un personnage. « Une princesse ! Mais j’en suis déjà une. » Il arque un sourcil. Comment ça, j'en suis déjà une ? Est-ce qu'elle veut dire par là qu'elle est comme une princesse, chouchoutée et gâtée ou bien qu'elle a un sang noble ? « Mais j’aimerais bien être une princesse entourée, tu sais comme dans les Disney… elles ont toujours pleins de copines ou des amoureux, enfin des gens à qui parler tu vois mais si en soit on est bien d’accord sur le cliché de la chose. » Oui, il pense comprendre ce qu'elle veut dire... Mais ça veut dire qu'elle, elle n'a personne ? Il veut bien qu'ici, elle n'ait pas encore beaucoup d'amis, ce serait normal. Lui aussi à sa première semaine, il n'était pas super ami avec tout le monde. Mais pas à l'extérieur, si ? « T'as personne à qui parler d'habitude ? » Étrange, ou alors il n'a pas compris ce qu'elle voulait dire. Puis elle lui demande pourquoi il lui demande ça et un sourire transforme son visage, parce qu'il sent que l'idée qu'il va lui soumettre va la ravir. « Avec d'autres candidats, on joue à se créer des personnages, à les incarner quelques fois, à créer de fausses histoires. Tu vois Jouko ? Dans le faux Fake Lover, c'est mon frère jumeau, Jake. Et Danica, ma partenaire, bah dans cette version, c'est Kristin, une fille adorable avec qui j'en suis sur, tu pourrais très bien t'entendre. » Et donc le personnage de Ulysse, ce serait... « Dylan, un mec mystérieux, un peu salaud mais pas méchant. » Voilà voilà. Et s'il lui confie tout ça, c'est parce qu'il pense qu'en participant à ce jeu privé, bah ça l'intègrera tout de suite facilement, et qu'elle se sentira intégrée au sein d'un groupe surtout.

« T'as personne à qui parler d'habitude ? » Ma bouche s’arque en une grimace tandis que mes yeux glissent sur le côté. Ce n’est pas un secret pourtant ça me gêne un peu de le dire car moi-même je suis attristée par cette constatation : je n’ai personne ou du moins pas de gens qui sont là pour moi simplement parce qu’ils m’aiment. Je vis malheureusement dans un milieu plein d’apparences et d’intérêts alors… disons que je suis seule, oui. « Pas vraiment, non. » Mais qu’importe, ils n’allaient pas rester sur ce sujet indéfiniment d’ailleurs il me questionne à propos d’un personnage. C’est intrigant, je trouve sa question un peu étrange alors je me permets de lui demander et la réponse est tout autant étrange. Enfin j’aime beaucoup, c’est une très bonne idée mais je pense que pour moi ça risque d’être un jeu dangereux. Qu’importe, j’ai vraiment envie de participer moi aussi ! Jouko serait aussi de la partie, j’hoche la tête pour affirmer que je vois qui c’est. Il est serait donc son frère jumeau. « Oh c’est vrai qu’il y a une ressemblance ! » Je cale ça entre ses mots tellement ça me frappe là, tout de suite. Quant à Danica sa partenaire je n’ai jamais eu l’occasion de lui parler et je serais vraiment curieuse de savoir pourquoi je m’entendrais bien avec elle ; dans le jeu s’entend. Est-ce que ça veut dire qu’en réalité ce ne serait pas vraiment le cas ? En tout cas pour Ulysse c’est intéressant d'appendre qu’il possède un personnage comme celui-là. « Pourquoi tu as choisi ce personnage ? Parce qu’il est ton contraire ? Ton idéal ? » Je suis toute excitée enroulée dans ma couette, tel un chiot ne demandant qu’à ce qu’on lui lance la balle. « Et moi j’aurais quoi comme prénom alors ? » Je cligne des yeux comme une enfant, trépignant. Je veux en être !

« Pas vraiment, non. » Alors il avait bien compris le message et c'était assez triste pour elle. Il n'imagine pas sa vie pour en arriver là, lui qui a une tout à fait banal mais ce qu'il peut faire en revanche, c'est d'essayer de changer cela. Fake Lover, ça peut être tellement différent de ce qu'elle subit tous les jours. Et il tient surtout à corriger ce point-là. « Même si on se connait pas vraiment, bah je suis là si t'as besoin de parler en tout cas. » qu'il fait avec un sourire rassurant. C'était tout ce qu'il y a de plus sincère. Ulysse est un homme de parole, et loin d'être un hypocrite. S'il lui dit, c'est qu'il le pense vraiment. Elle peut compter sur lui. Il sait ce que c'est d'avoir quelqu'un qui veille sur lui dans cette aventure -il a même trois merveilleux anges gardiens- et ça change vraiment beaucoup de chose. On se sent tout de suite mieux. Donc pour qu'elle se sente mieux aussi, il lui propose ce Fake Lover alternatif, ce petit jeu de rôle tout à fait divertissant. Il lui parle de Jouko évidemment. « Oh c’est vrai qu’il y a une ressemblance ! » Il lâche un rire. « Quand tu te seras habitué à nos visages, tu vas dire qu'on a rien à voir, sauf les cheveux ! » C'était comme ça avec presque tous les candidats. Maintenant, ils ne les considèrent plus du tout comme des jumeaux, mais c'était amusant de jouer avec cela. Il lui parle de Danica aussi, puis de son personnage à lui : Dylan. « Pourquoi tu as choisi ce personnage ? Parce qu’il est ton contraire ? Ton idéal ? » Il réfléchit un instant. « Mon contraire ouais. Puisqu'il faut créer un personnage, je me disais que c'était plus drôle de jouer un gars qui ne me ressemble pas du tout ! » Voilà, tout simplement. Finalement, il se pose sur le lit avec Teddy pour mieux discuter. « Et moi j’aurais quoi comme prénom alors ? »« C'est à toi de choisir... Laisse libre cours à ton imagination ! » Il est sur qu'elle en a à revendre, de l'imagination.

Mon camarade de chambrée n’est encore qu’un inconnu, au-delà de son prénom je ne sais rien de lui. Mis à part qu’il aime visiblement lire et qu’il a tendance à parler fort, et encore je le trouve moins fanfaron que lorsque je l’ai connu. Bien que je ne le connaisse pas il me propose son oreille, ce qui en soit me fait grandement plaisir. Je suis contente. « Merci Ulysse. » Je lui adresse un sourire poli après avoir débité une tournure de phrase que j’avais si souvent entendu chez mère, je m’étais longtemps entrainée à avoir la même intonation soutenue et courtoise qu’elle. Quant à la ressemblance des deux blonds… « Vous n’avez pas les mêmes caractères aussi. Il est moins gentil. » Je ne le pense pas vraiment, il est sympathique seulement lorsqu’il a décidé de ne pas me prendre pour une enfant. Mais ça l’a peut-être calmé de penser que j’avais le même âge que lui. D’ailleurs je me demande quel âge a Ulysse. S’ils sont faussement jumeaux c’est qu’il y a des chances qu’il ait aussi 21 ans. Dans le cas inverse ça ne collerait pas autant qu’il le prétend. J’observe Ulysse venir se positionner près de moi et je ne peux empêcher un large sourire venir s’immiscer sur mes lèvres. « Hmmm… » je réfléchis un instant avant de tomber sur le côté, ensaucissonnée comme un salami dans ma couette. « Molly ! C’est bien non ? » Je roule jusqu’à me cogner contre lui, plus ou moins puisque l’épaisseur du tissu amortit le choc. « Je voulais Cindy mais Cindy ça fait trop bimbo pour une princesse et puis Daisy c’est pareil c’est trop « canard » tu vois. Molly Holly Hoop c’est cool, on peut faire pleins de combos de mots avec ! » Ma réflexion aussi rapide soit-elle en valait vraiment la peine, j’ai trouvé mon prénom parallèle. « Tu aimerais être ce que tu joues parfois ? » Je le regarde un peu plus sérieusement, m’intéressant réellement à sa future réponse. Je suis curieuse de savoir pourquoi ils jouent à ce genre de jeu. Je suis personnellement habituée, beaucoup trop même, à avoir un autre moi mais eux… pourquoi ?