SILAS

Je me suis de nouveau levée tôt aujourd’hui, autour des huit heures. Enfin, c’est pas particulièrement tôt vu que c’est l’heure à laquelle je devrais me lever en temps normal, si j’allais au travail. Sauf que pour le nid, oui, c’est considérablement tôt. Je croise pas souvent du monde à cette heure-ci, du coup j’en profite pour filer à la douche quand il n’y a personne, j’aime pas particulièrement m’exhiber, même si j’arrive à vivre avec cette idée si je suis pas seule. Je file ensuite prendre mon petit déjeuner, et je traîne dans le nid, passant d’une pièce à l’autre, m’occupant comme je peux. Je lis trois pages d’un bouquin avant d’en avoir marre, je pianote quelques notes dans la salle de musique, je fais une balade de dix minutes dans le jardin… mais j’en reviens toujours au même point : je m’ennuie. J’arrive pas à me concentrer sur une même activité, et c’est assez chiant, à vrai dire. Jusqu’à ce que, en regardant l’heure, l’idée du siècle se fraie un chemin jusqu’à mon esprit. Je me dirige vers la chambre numéro une histoire d’être sûre que l’occupation que j’ai prévue puisse se réaliser. Et c’est le cas. Silas dort toujours. C’est de bonne guerre. Il s’est pas gêné pour me réveiller lors de notre première nuit en tant que partenaires. Alors, certes, ma vengeance n’a rien d’original, mais pour le coup, j’ai rien prévu d’autre, je me suis pas vraiment levée avec l’intention de lui faire chier. Je me contente donc de ce que j’ai sous la main, donc. Je cours en direction du lit, avant de sauter sur ce dernier. « Silaaaaas ! » Que je dis. Ça a pas l’air de le réveillé. Hm. « Réveille-toi, il y a le feuuuu ! » Je prends pas de pincettes et je le secoue dans tous les sens, un peu comme un pantin. Je vois pas pourquoi je devrais être délicate, hein. Mais visiblement, il a encore de la peine à sortir de son sommeil.  « Bon, tant pis. Je venais vers toi parce que je suis grave en manque, mais je me trouverais quelqu’un d’autre. » Voilà, puisque c’est comme ça. Plus sérieusement, c’est pas vrai, mais vu son historique avec d’autres candidates, ça doit peut-être le faire tiquer. Pour le coup, son réveil se fait plus en douceur, mais le principe est le même, je veux l’empêcher de continuer sa nuit.

Me voilà, avachi tel un pacha sur le lit, les yeux fermés, la couverture presque repliée sur mon corps profitant de l’absence de ma partenaire. Je dors bien en somme. Je dois être en phase de sommeil profond et autant dire que j’suis pas prêt de me réveiller. J’me suis endormi tard comme à mon habitude et donc logiquement je devrais me réveiller tard, surement sur les coups de midi. Mais non, le destin en a décidé autrement. Il se trouve que ma chère partenaire s’est décidée à me réveiller de la manière la plus horrible qui soit. Elle me saute dessus. Si elle croit que ça va m’empêcher de dormir, elle se fou le doigt dans l’œil. Je bascule aussitôt mon corps pour la jarter. Mais visiblement, elle se laisse pas démonter et se met à crier, d’un air paniquée, qu’il y a le feu. « Hein ? » Ok, elle a à moitié gagné en cet instant précis puisque je me décide à ouvrir un peu l’œil. J’me sens.. secoué, ouais, c’est le cas de le dire. « N’importe quoi ! » Je marmonne tel un ours sorti de sa tanière en me débattant pour qu’elle me fiche la paix. J’y réfléchis pas trop à cette histoire d’incendie. Je crois que si y’avait vraiment le feu, les alarmes se mettraient à sonner. Cupidon aime tellement ses sonneries qu’il a dû en prévoir une spéciale incendie. Puis alors que mes yeux se referment, la candidate réattaque en prétendant être en manque. Bon, d’accord, là je suis définitivement réveillé. Elle a gagné. Mais quoi ? Elle devrait se méfier. « T’es en manque de cachet pour te calmer, ouais. Toxico ! » Si elle était réellement en manque de sexe, elle m’aurait déjà sauté dessus. Surtout qu’à moitié endormi, je dois être encore moins difficile. « Tu veux un bon coup de biffle ? Avec la trique du matin, ça devrait être efficace. » J’entends pour la calmer. Bref, je me redresse et ouvre enfin grandement les yeux. « Et mon petit-déj’, il est où ? » Ça serait franchement sympa de sa part.

C’est du pain béni pour ma personne que Silas soit profondément endormi pile au moment où je décide de venir l’emmerder. Il peut s’estimer heureux d’ailleurs, que, jusqu’ici, je n’aie pas exécuté une revanche pour le réveil brutal de la première nuit. Je l’ai laissé le temps de se préparer psychologiquement. Ou d’oublier, hm. Au choix. Du coup, quand je le vois étalé sur le lit, bien paisible tel un bébé, ça rend la chose encore plus savoureuse. Je saute sur le lit telle une furie, et j’ai juste le droit à une vaine tentative de me repousser. Pas de bol pour lui, je suis pleinement réveillée, contrairement à mon partenaire, et donc terriblement motivée à le réveiller. Je tente la technique du feu, ça doit le faire réagir, dites-moi quand même pas qu’il préfère pioncer que de sauver ses miches ? Il se réveille très légèrement, j’ai juste le droit à un ‘’hein’’. Bon. Je le secoue. « Mais je te juuure ! » Allez, quitte les bras de Morphée, mon grand, fais-moi plaisir. Bon Grumpy semble vraiment attaché à son lit, bien trop à mon goût. J’étais plus facile à réveiller, moi. Je sors ma dernière carte, à savoir lui assurer que je suis en manque. Ça doit le faire réagir ça, obligé. Sinon, je vais devoir me rabattre sur l’eau froide jetée sur lui, et je suis sûre de me prendre une claque. « Fais gaffe, hein, on énerve jamais un toxico, on te l'a jamais dit ? » Et voilà qu’il me parle de biffle et de trique du matin. Classe le Silas, j’en attendais pas moins de lui. Je soulève rapidement le drap, observe la bête quelques instants. « Si tu veux mon avis, c’est pas avec ça que tu vas pouvoir me biffler. » J’en reviens pas d’avoir dit ça, c’est dégueulasse quand même. Il se redresse, j’affiche un sourire, j’ai réussi mon coup. « Dans la cuisine, attendant sagement que tu le prépares. » Non mais sérieux, ça va la diva ? J’ai pas exigé un petit déj’ quand il m’a réveillé, à ce que je sache. Il peut pas se contenter des petites choses simples de la vie, genre ma présence ? « Ça va sinon, t’as bien dormi ? » J’enfonce légèrement le couteau dans la plaie. Légèrement, ça pourrait être pire. « T’as rêvé que tu tapais quelle nana cette fois ? Dis-moi tout. » Je me positionne en tailleur, en le regardant comme si sa réponse m’importe réellement. Oh ça va, je le taquine, hein, si on peut même plus emmerder son partenaire, ça craint.