opaline
C’était donc cela la vie d’un candidat d’une émission de télé réalité ? On se levait à l’heure qu’on voulait, on mangeait, on dormait, et c’était ça. Entre temps, on laissait trainer ses affaires dans les coins de la chambre. On reste enferme, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, on doit vivre en… communauté. On doit partager son espace vital avec… Valeri avait encore une fois oublié les prénoms. Enfin, ce n’était qu’un détail superficiel. Il se contentera de les appeler par « hé ! » ou par un charmant « euh… ». Tout le monde n’y verra que du feu. Un joli jeu d’illusionniste. Après tout, nous étions les acteurs de notre propre vie. On jouait. On jouait un jeu. Un jeu nommé vie. Ainsi, Valeri devait s’y faire à ce nouveau quotidien. Ce n’était pas tant l’idée d’avoir des caméras focalisés sur lui qui le dérangeaient tant que cela. Bien au contraire. Le regard des autres, il s’en fichait un peu lui. Oui. Après tout, il y était habitué dans son quotidien, dans cette chose que l’on nommait « métier ». Etait-ce vraiment un métier ou une simple passion ? Un peu des deux. Qu’importe, là n’était pas la question. Il n’allait plus devoir se lever le matin, pour sortir. Aller trouver une place, une ruelle, où se donner en spectacle. Trouver la place idéale qui pourrait attirer le plus de personnes autour de lui. Il n’aura pas à poser sa mallette à côté de lui, à se maquiller le visage, de porter son petit chapeau et de jouer. De jouer un autre jeu. Tout cela était fini. Tout cela était à présent une parenthèse dans sa vie. Tout cela était fini. Il n’y avait plus de Valeri, le mime. C’était fini cela. Tout du moins, le temps de quelques jours, de quelques semaines. Sa journée s’achevait et il avait décidé de trouver un peu de repos dans sa chambre. Une chambre qui allait sûrement être vide, à cette heure-là de la journée. Mais qu’importe. Peut-être était-ce cela qu’il recherchait. Un peu de solitude. Jaileen le rejoindra dans quelques heures de toute façon. Alors, il n’aura pas à pleurer l’absence de compagnie à ses côtés dans ce lit. Un rictus en coin, il se dirigea vers son lit… avant de s’arrêter net. Il fronça les sourcils. Le temps d’une fraction de seconde, il avait eu une hésitation. Etait-il dans la bonne chambre ? Pourquoi une jeune fille était assoupie dans son lit ? Il était pourtant persuadé de ne pas s’être trompé de pièce. Il s’approcha, à pas de loup. Tout doucement, silencieusement. Pour ne pas la réveiller. Il put lire au-dessus de son lit, son prénom d’inscrit, ainsi que celui de sa partenaire. Il ne s’était donc pas trompé de chambrée, ni de lit. Mais cette fille dans son lit, oui. Valeri se grata un instant la nuque, comme pour trouver la solution. Celle qui lui permettrait de virer cette fille de son lit. Il pourrait très bien beugler de toutes ces forces, la secouer dans tous les sens… ou bien jouer à la Belle au Bois Dormant. Un petit rictus amusé se dessina à l’évocation de cette dernière idée. Il pouvait bien s’amuser un peu. Après tout, il était certainement ici pour cela. Il n’y avait rien d’offensant, ni de blessant dans son intention. Juste de la réveiller. Il n’allait pas la tuer, voyez-vous. Alors rassurez-vous. Valeri approcha doucement son visage de cette belle au bois dormant improvisée, et lui déposa un bref baiser. Un baiser inoffensif. Un baiser candide. Puis, il s’en fichait, elle dormait. Elle dormait si profondément qu’elle n’avait sûrement même pas senti ses lèvres se déposer lascivement sur ses siennes. Aussitôt, Valeri se redressa. Comme si de rien n’était. Il fronça doucement les sourcils, croisant les bras. Attendant alors avec une certaine hâte qu’elle se réveille. Lorsqu’elle ouvrit doucement les paupières, il lui lança un bref regard. « Hum, c’est mon lit ça. » souffla-t-il d’un air détaché, comme si de rien n’était.

Valeri n’était pas de nature possessif. Enfin, un petit peu quand même. Cette fille se trouvait quand même dans sa chambre, dans SON lit. Oui. Son lit. Certes, qu’il partageait avec SA partenaire. Valeri n’était pas prêt à partager son lit avec une autre que Jaileen. Certes, il faut dire que le lit était bien assez grand pour deux, alors il pouvait très bien contenir trois personnes. Un rictus s’était dessiné lorsque cette jeune fille ouvrit les paupières. Il ne manqua pas de lui faire remarquer qu’elle était dans son lit. Qui plus est, elle était allongée sur son oreiller. Mais il préféra garder cette réflexion pour lui seul. Elle semblait déjà bien mal à l’aise comme cela. Elle s’excusa. Une première fois. Puis une seconde. A croire qu’elle se sentait si fautive que cela, dans cette histoire. Après tout, ce n’était qu’un lit. Valeri secoua doucement la tête. Se remémorant très vaguement sa première rencontre avec cette fille, lors de leur première « soirée » ou plutôt devrait-on appeler cela matinée au sein de ce jeu. Elle était seule, en pleur. Et naïvement, il avait voulu la consoler en compagnie de sa partenaire, Jaileen. Ses attentions furent un véritable échec. A croire qu’il n’était pas si doué que cela pour consoler, pour rassurer les jeunes filles en pleur. Il ne savait si ce souvenir était teinté de compassion, ou bien de raillerie. Une fille entrain de pleurer, lors du premier jour, sans raison certainement. Elle pouvait facilement faire l’objet de quelques observations moqueuses. Il garda les bras croisés, l’observant attentivement. Elle se releva, se mettant alors au garde-à-vous, prête à s’en aller. Il fronça doucement les sourcils, lorsqu’elle prit la parole. Elle allait partir. Valeri dessina une petite mine boudeuse. « Oh, mais tu peux rester, tu sais ! » souffla-t-il alors. Sa main attrapa doucement son poignet, comme pour la retenir. Elle n’allait pas partir loin comme cela. « Ca fera plaisir à Jaileen, en plus. ». En vrai, il ne savait pas vraiment si voir une autre fille dans son lit, en compagnie de son partenaire, ferait plaisir à Jaileen, mais soit. Dans cette situation, tous les arguments étaient justes. Même les plus faux. « Le lit est assez grand pour trois, en plus ! ». Deuxième argument irréfutable. Valeri finit par s’asseoir dans son lit. « Puis… souffla-t-il dans un petit murmure. J’ai un peu peur quand je suis tout seul… tu ne veux pas rester avec moi ? » souffla-t-il, en baissant quelque peu la tête. Il se pinça les lèvres. « S’il-te-plait. » et sur cette douce locution, il releva la tête, lui lançant un petit regard enfantin.

Retrouver une fille dans son lit, c’était malgré tout assez déroutant. Surtout quand celle-ci n’était pas sa partenaire. Il est certain que Valeri n’allait pas s’en plaindre. Non, bien au contraire puisqu’il en avait profité de faire un remake de la Belle au Bois Dormant. Il n’avait pas pu lui faire remarquer que ce lit était sien. Il aurait très bien pu le dire d’une autre manière, d’une façon plus douce et délicate. Il était trop tard pour revenir en arrière. Alors qu’elle avait voulu partir, qu’elle avait décidé qu’elle allait s’en aller de toute façon, Valeri en avait décidé autrement. Elle pouvait rester. Elle devait rester. Si elle croyait qu’elle allait pouvoir s’échapper si facilement, elle s’était très certainement trompée. Après avoir usé de quelques arguments, elle finit par accepter. Par accepter de rester. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Il fallait croire que son petit jeu du garçon timoré avait très bien marché, et il était fier. Fier de lui. Il était presque arrivé à ses fins. Elle avait décidé de rester, mais pour combien de temps. Alors qu’une avalanche d’interrogations s’imprégnait à l’esprit du jeune garçon, elle reprit la parole. Elle disait s’appeler Opaline. Encore un prénom qu’il allait devoir tenter de retenir, à défaut de devoir lui trouver un sobriquet. Ainsi, il allait tout de même pouvoir mettre un prénom à ce visage. Opaline. Elle s’appelait alors ainsi. Etrange prénom ça aussi. « Moi, c’est Valeri ! Mais, tu le sais déjà ça » reprit-il. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Evidemment, elle le savait déjà puisqu’il s’était présenté lors de leurs entrées au sein de ce jeu. Il avait fait un effort à aller vers cette gamine en larmes. Il reporta quelque secondes son attention sur le lit, avant de reporter sur ce visage juvénile qui s’offrait à lui. « Tu peux te remettre dans le lit si tu veux. D’ailleurs, tu devrais peut-être te mettre en pyjama ou juste en sous-vêtements, non ? Tu seras certainement plus à l’aise pour dormir comme ça. » lui lança-t-il alors. Ce n’était qu’un conseil, elle n’était évidemment pas obligée de le suivre. « Je peux même me retourner, comme ça je ne te regarderai pas pendant que tu te déshabilles. Hum, ça te va ? ».

Après avoir endossé le rôle du garçon chétif, le voilà dans le rôle du grand-frère protecteur. Il aurait très bien pu la laisser partir. Il aurait pu laisser s’envoler cette douce colombe, loin de lui. Lui, il n’avait rien de colombe. Il l’avait retenu, lui tenant alors par le poignet. Il ne voulait pas qu’elle s’enfuit, qu’elle fugue. Après tout, à quoi bon fuir ? Il n’avait rien d’offensant en soi. Elle n’avait pas à avoir peur de lui. Il finit par lui proposer de se vêtir d’un pyjama, ou bien de se mettre en sous-vêtement, c’était comme elle le souhaitait. Il jugeait ces tenues bien plus confortables que de devoir dormir en jean et tee-shirt. Il pouvait même se retourner et ne pas la regarder pendant qu’elle se déshabillait. Il avait beau se donner des airs de petit merdeux, il n’en était pas pour autant un voyeuriste. Si cela la gênait de devoir se mettre en sous-vêtement devant lui, alors il se retournerait. Après quelques minutes de silence, Opaline, puisque c’était sous ce prénom qu’elle s’était présentée, lui demanda si elle était obligée. Obligée de devoir dormir en pyjama ou en sous-vêtement ? Il sourcilla quelque peu surpris par ces douces paroles, qui avaient un arrière –goût de candeur. Il finit par secouer la tête, de gauche à droite tout en silence. Elle disait ne plus avoir sommeil. Elle disait ne plus avoir envie de dormir. « Non. Non, évidemment non, tu n’es pas obligée » souffla-t-il alors, calmement. Il finit alors par la lâcher ce frêle poignet qu’il tenait entre ses mains. Alors ? Qu’allait-il arriver maintenant ? Elle allait partir, n’est-ce pas ? Après tout, c’était ce qu’elle voulait depuis son réveil. Partir. Fuir. S’échapper. Mais fuir qui, quoi ? Il ne savait pas. Il reporta son attention sur cette jeune fille, qui se trouvait encore à côté de lui. « Dis-moi, je peux te poser une question ?... » souffla-t-il alors, laissant sa voix en suspens. « Tu ne me sembles pas très à l’aise, voire pas du tout… tu… tu es comme ça avec les autres aussi ? Ou je suis juste l’exception ? » demanda-t-il à tout hasard. Il avait réussi à prononcer tant bien que mal ces quelques paroles, sûrement quelques erreurs syntaxiques ou grammaticales se dissimulaient entre ses mots. Qu’importe, personne ne le jugera pour cela de toute façon. Alors qu’elle venait de lui répondre, il prit un petit air songeur. « Avec ton partenaire, ça se passe… bien ? ». Après tout, lors de son entrée dans le nid, Valeri l’avait trouvé en sanglot, peu après sa rencontre avec ledit partenaire. Il n’avait fait que supposer que cette première rencontre avec ce garçon s’était mal passée. «Tu n’es pas obligée de répondre. » reprit-il.

Il lui avait posé cette question-là à tout hasard. Une question comme une autre. Une question qui lui était venue à l’esprit comme cela, par hasard. Ou plutôt après avoir échangé quelques brèves paroles avec cette petite fugitive. Elle n’avait pourtant aucun raison de le fuir. Valeri est chou, tout du moins, c’était ce que Jaileen, sa partenaire osait prétendre. Alors si une personne le disait, c’était certainement qu’il y avait une part de vérité dans ses propos, n’est-ce pas ? Alors bon. Quoi ? Quel était le problème à cette fille ? Oui, parce qu’elle avait un sérieux problème. Ca ne devait pas tourner bien rond dans sa tête. Ca tournait peut-être carré, ou rectangle, il ne savait pas vraiment, à vrai dire, il ne voulait pas savoir, et vous non plus, j’en suis sûr. Alors, il pouvait pronostiquer au sujet de cette colombe fuyante pendant des minutes, des heures. Peut-être était-ce tout simplement parce qu’elle avait été gênée qu’il la surprenne entrain de dormir dans son lit, et qu’elle craignait qu’il la rouspète pour cela. Sûrement que Valeri se serait mis en colère si ça avait d’autres candidats. Mais là, il ne lui avait fait aucune remarque agressive. Il lui avait même, si gentiment, proposé de rester dormir dans son lit, en sa compagnie et en compagnie de Jaileen. Elle ne pouvait donc pas lui reprocher de ne pas s’être montré sympathique, ou agréable avec elle, tout simplement parce qu’il l’avait été et qu’il avait fait les efforts nécessaires pour. Alors, quoi ? Vous le savez peut-être, vous non ? Parce que lui, il ne comprenait pas. Il fronça légèrement les sourcils lorsqu’elle prit la parole. Elle lui demandait alors ce qu’il voulait entendre comme réponse. Ne réponds pas en fonction de ce que, moi, je souhaite écouter, mais en fonction de ce que toi tu ressens… » souffla-t-il alors. Sur ces quelques mots, Valeri se leva afin d’attraper son livre qui trônait dignement sur la petite table de nuit. « Tu sais… je n’aime pas les hypocrites et encore moins les menteurs, alors bon… » reprit-il calmement, avant de s’asseoir de nouveau sur son lit. Ainsi, elle ferait mieux de lui dire la vérité. Si c’était lui qui la mettait tout simplement mal à l’aise, ou si elle se comportait comme cela avec tout le monde. C’était assez déroutant de ne pas savoir. Valeri continua de lui poser une autre question, sûrement la dernière. Il n’allait pas l’importuner plus longtemps avec cette crédule curiosité qui s’envahissait petit à petit de son esprit. Ainsi, cela se passait bien avec son partenaire. Tout du moins, elle lui avait simplement répondu d’un simple « ça va ». Elle ne semblait pas pourtant autant s’amuser comme une petite folle avec ce garçon qu’on lui avait imposé. D’ailleurs, il ressemblait à quoi lui ? Opaline lui demanda alors si ça se passait bien avec la sienne. Avec Jaileen, fallait-il comprendre. Un large sourire se dessina sur ses lèvres. L’un de ses sourires enfantins et rempli de gaité. « Pour le moment, je n’ai pas à m’en plaindre ! ». Ce n’était que les premiers jours qu’il la cotoyait et qu’il devait jouer le petit couple avec elle. Après tout, elle était sa partenaire, autant jouer le jeu du fake lover jusqu’au bout.