J’ai l’intention de me rendre à la salle de surveillance. Tenter de récolter des indices par ci par là sur les candidats. J’ai arrêté d’y aller, uniquement pour surveiller Benjamin… Maintenant je ne cherche plus à l’éviter à tout prix. De toute façon, c’était ridicule. Parce qu’au bout du compte on finissait quand même par se tomber dessus. Alors à quoi bon perdre cette énergie ? Puis sa présence m’est moins insupportable qu’elle ne l’était au début. Pour vous dire, une petite partie de moi, s’est sentie soulagée à l’annonce de son sauvetage. Alors que depuis le début, je ne cesse de prétendre vouloir son départ… Et pourtant, je suis la première surprise de ce que j’ai pu ressentir sur le moment. Je suis partagée par tout un tas de sentiments contradictoires, c’est assez le foutoir dans ma tête. La routine en somme. Bref, je cours jusqu’à l’ascenseur parce que je vois qu’il est en train de se refermer. J’ai juste le temps de passer ma main pour le retenir. J’entre dans la cabine et…qui j’aperçois ? Benjamin, justement. J’ai un moment d’arrêt, comme si je réfléchissais à si je devais ressortir et attendre qu’il ait fini, ou rester. J’opte finalement pour la deuxième solution et appuyer sur le bouton de mon étage. Les portes se referment. Silence gênant. D’autant que la dernière fois qu’on s’est parlé c’était assez bizarre…Je lui gueulais dessus, le frappait, puis allez trop savoir comment ça s’est fini, moi dans ses bras, tous les deux en pleurs…Je n’ai même pas résisté. Et je m’en veux aujourd’hui de m’être montré aussi vulnérable, aussi faible. Bon…Bordel, il en met du temps à monter cet ascenseur. Jusqu’à ce que…il s’arrête brusquement. Et merde. « J’aurais du le voir venir… » Que je maugrée. Pourquoi n’y ais je pas pensé ? « L’occasion était trop belle pour la production. » De nous enfermer tous les deux là dedans. Je soupire, avant de m’asseoir et poser mon dos contre la paroie. « Joyeux anniversaire…en retard. » C’était hier. Bien que je ne lui ais rien dit, je n’ai pas oublié. Evidemment que je n’ai pas oublié. Comment le pourrais-je ? Et je ne sais pas pourquoi je décide de lui souhaiter maintenant. Peut être pour qu’il sache que je n’ai pas oublié justement. C’est con. « Comme on est coincé ici...Je te propose une trêve. » Ne serait ce que l'espace d'une heure. Pas d'insultes. Pas de violences. Et pas de reproches...Enfin ça c'est un peu plus compliqué pour moi, même si je peux essayer.

Précisément, je ne savais même pas où je me rendais, troisième étage peut-être. Ce n’était pas bien important, c’est pas comme si j’étais pressé ou attendu quelque part. J’irais selon mon envie. J’aurais très bien pu prendre les escaliers, mais je me sentais paresseux aujourd’hui. Ça arrive à tout le monde. Les portes de l’ascenseur sont sur le point de se fermer lorsqu’une main leur en empêche. Amy. Le malaise est bien présent, surtout face à notre dernière conversation. Habituellement, j’aurais été du genre à sortir une connerie, ou quelque chose de légèrement déplacée, mais je me retiens. Ce qui a pour effet un long et lourd silence. Surtout qu’on ne semble pas être en mouvement. « J’aurais du le voir venir… » Donc Amy pense la même chose que moi. L’ascenseur immobile, ce doit être un coup de la production. Je me souviens que la dernière fois que j’y ai été enfermé avec Babou, ils ne s’étaient pas pressés de nous sortir de là. « L’occasion était trop belle pour la production. » Soupire. C’est qu’elle pense exactement à la même chose que moi. « Les pires chieurs de tout l’univers. » je répond en me laissant glisser contre le sol, sachant pertinemment que l’ascenseur ne bougera pas d’un poils durant les prochaines minutes. « Joyeux anniversaire…en retard. » Oh tiens, elle s’en souvient. Le contraire m’aurait étonné. J’aurais peut-être pensé qu’elle me l’aurait dit la journée même. Remarque, je ne peux pas lui en vouloir puisque de mon côté, j’y avais à peine pensé. « C’est l’intention qui compte. » Un simple merci de ma part aurait aussi pu faire l’affaire, mais ce n’était pas ce qui m’était sorti de la bouche. « Comme on est coincé ici...Je te propose une trêve. » C’est que parfois, ma sœur peut avoir de bonnes idées. Je n’avais pas envie de me prendre la tête une nouvelle fois avec elle. Surtout qu’émotionnellement, notre dernier échange a été dur autant pour elle que pour moi. Je le sais. « Je suis d’accord. » Par contre, je ne sais pas quel sujet on doit aborder ou non, puisque j’ai souvent l’impression que peu importe comment on débute une discussion, cela se termine en drame, plus ou moins. « Donc, tu me racontes qui t’as comme cible ici… Dis moi que Silas n’était qu’une lubie passagère… » Le mec, je ne le connais pas, mais il ne me donne pas une bonne impression. Je sais pas, c’est moi qu’on qualifie de pervers, mais j’ai tellement l’impression qu’il est pire.

Je monte dans l’ascenseur sans savoir qui s’y trouve. Erreur. Benjamin est présent. Je décide de rester. Seconde erreur. La cabine se bloque entre deux étages. J’aurais du le voir venir. Je me pensais plus intelligente que ça. L’occasion est trop belle pour que la production n’en profite pas, et nous laisse coincés durant un bon bout de temps. Je m’autoflagelle. Ce que je suis conne. Je râle. Le frangin semble penser comme moi. En même temps ça doit l’enchanter tout autant. « Les pires chieurs de tout l’univers.» J’hoche la tête, tout à fait d’accord. C’était déjà bien suffisant qu’ils nous réunissent dans le même jeu, il faut qu’en plus de cela ils nous fassent chier jusqu’au bout. Comme lorsque la musique de Cupidon a retentit, pour qu’on s’embrasser. Haha. Bref, je m’assois par terre, parce que bon il ne servira à rien de s’agiter, appuyé sur tous les boutons, crier, on restera tout autant coincé. Il faut juste prendre son mal en patience. J’en profite pour lui souhaiter son anniversaire, en retard certes. Mais au moins moi je ne l’insulte pas, contrairement à ce qu’il s’est passé lors du mien. « C’est l’intention qui compte. » Je me serais contenté d’un simple merci. En tout cas il va de soit que je n’ai pas prévu le moindre cadeau. Ou alors a la limite, c’est qu’on fasse une trève là. Mais bon c’est aussi pour ma propre santé mentale. Je ne pourrais pas supporter autant de charges émotionnelles que la dernière fois… Si on doit craquer à chaque fois qu’on se croise, ce n’est pas la peine. Le problème étant, de quoi parler. Ben semble avoir son idée. « Donc, tu me racontes qui t’as comme cible ici… Dis moi que Silas n’était qu’une lubie passagère… » Sa réflexion m’agace. « Trop tard, j’en suis tombé follement amoureuse. » On y croit. Je reprends plus sérieusement. « Silas est seulement une distraction, au même titre que toutes tes… » J’allais utiliser un mot insultant, mais qu’est ce qu’on avait dit ? « …conquêtes. » Voila, c’est gentil. « Et puis au moins avec lui on sait à quoi s’attendre. » Que je conclus dans un haussement d’épaules. « Tu ne t’es jamais posé durant ces dix dernières années ? »

Je suis prisonnier de l’ascenseur pour une deuxième fois depuis le début du jeu. Je crois que c’est arrivé à tout le monde de rester coincé ici. Par contre, j’aurais préféré être en compagnie de Babou comme la dernière fois, plutôt qu’avec Amy. Surtout vu le certain malaise de notre dernière rencontre. Je suis presque soulagé qu’elle demande une trêve, n’ayant pas envie de replonger dans les émotions une fois de plus. Trop c’est comme pas assez. Et ça nous demande, je le sais, à elle comme à moi, énormément d’énergie. Je lance donc un sujet, qui ne créera, je l’espère, aucun conflit. Dans le genre qu’elle ne compte pas développer une histoire avec Silas. « Trop tard, j’en suis tombé follement amoureuse. » Je grimace légèrement face à cette réponse qui je le sais, n’est pas sérieuse. Je secoue la tête de gauche à droite pour signifier à quel point je déplore cette déclaration. « Silas est seulement une distraction, au même titre que toutes tes… conquêtes. » Elle était mieux de dire conquêtes. J’ai bien perçu qu’elle cherchait le bon terme pour les qualifier. En même temps, je ne lui aurais pas mis mon poing sur la gueule si elle avait été vulgaire, mais je n’aurais pas nécessairement apprécié non plus. Et je suis plutôt d’accord avec ce qu’elle avance. « C’est vrai qu’une distraction ne fait jamais de tord… » Je ne vais pas lui dire qu’elle pourrait faire mieux, puisque je sens qu’elle me renverra la balle assez vite. « Et puis au moins avec lui on sait à quoi s’attendre. » C’est vrai que c’est mieux comme ça. Bon, ça va, si il reste un plan cul pour elle, je ne vois pas où est le problème. Bien que je ne crois pas avoir mon mot à dire sur les personnes qu’elle fréquente. « Tu ne t’es jamais posé durant ces dix dernières années ? » La question qui tue. C’est vrai que lorsque je regarde en arrière, dix ans c’est tout de même très long. Et ma vie amoureuse, dans tout ça, n’a pas réellement eu l’apparence d’un long fleuve tranquille. « C’est arrivé, à deux reprises, plus sérieusement. » Il y avait eu des petites amourettes, mais rien de bien sérieux. « La première c’était au Brésil, deux ans après que je vous ai quitté… Elle était belle, parfaite. Sauf qu’aussitôt que c’est devenu plus sérieux, qu’elle a commencé à parler d’avenir, ça m’a complètement terrifié. J’ai eu peur de m’engager en gros. J’ai pris un billet pour l’Australie et j’ai disparu. Je lui ai rendu service je dirais, je n’étais pas au meilleur de ma forme dans ce temps là. » Je buvais encore plus que maintenant, deux ans, ce n’était pas encore assez pour refermer la blessure de la perte de Rosie. « Sinon, plus récemment, avant de venir ici, j’habitais avec une fille, Diah, à Uluwatu, à Bali. On habitait ensemble depuis plus d’un an. Disons qu’on était plus que de simple coloc… C’est une bonne fille… Mais bon, je suis venu ici, et donc, ça doit dire quelque chose... » Que j’ai encore prit la fuite… J’imagine, oui. Je lève le regard en direction de la caméra, lançant un faible sourire, celui-ci s’adressant directement à Diah qui doit être entrain de me regarder. Elle avait dit qu’elle s’achèterait une télévision seulement pour pouvoir me regarder. « Et sinon, toi ? » Je reporte mon attention sur ma sœur, me disant qu’aborder sa vie amoureuse n’est peut-être pas la meilleure idée, mais d’un côté, je lui demande seulement ce qui s’est passé pour elle durant les dix dernières années, rien de plus.

Regardez comme je suis bien élevée, je me retiens d’user de mots un peu plus cru concernant ses conquêtes. Conquêtes…Cela a une bien meilleure connotation. Dans le genre trophée, t’es fier… Les mecs adorent parler en ces termes. Y en a même certains qui tiennent un petit registre sur un carnet de toutes les aventures qu’ils ont eu. Allant même jusqu’à donner des notes, je vous jure, je suis tombée dessus une fois. Désolant. « C’est vrai qu’une distraction ne fait jamais de tort… » Je me doute bien que ce n’est pas lui qui va me dire le contraire. Et puis moi ça en ait à un point que parfois c’est vital…La seule façon que j’ai de me sentir vivante. Et de me vider complètement la tête. Ne penser à rien. Rien d’autre que le plaisir, l’extase…Enfin bref, le sujet Silas étant maintenant clos, je demande à Benjamin s’il ne s’est jamais posé durant ces dix dernières années. C’est que ça fait long. Allez savoir ça se trouve il a eu le temps de se marier, divorcer…Même si je n’y crois pas franchement. C’est arrivé à deux reprises, qu’il me dit. La première fois, lorsque c’est devenu trop sérieux, devinez ce qu’il a préféré faire ? Prendre la fuite. Et lui il ne fait pas les choses à moitié dans ces moments là…Il quitte le pays. Au moins c’est radical. Quant à la dernière en date, il habite avec. Mais vu qu’il a débarqué ici, et qu’il a sauté plusieurs nanas, on voit l’importance du lien. Nouvelle fuite. « Si on pouvait tous faire comme toi, prendre un billet d’avion et se barrer à l’autre bout du monde… » La solution de facilité. Même si je le voulais, je ne pourrais pas. Je n’ai pas de fric pour ça. D’ailleurs je me demande comment lui il le trouve. Faut croire qu’il est plein de ressources. En attendant j’avais dis pas de reproches non ? Non mais ça va, s’en est pas vraiment un hm… Bon c’est à moi de répondre à la question… « J’ai eu plusieurs relations sérieuses…Mais j’ai cette propension à être attirée par les mauvaises personnes… » Que je dis en le regardant… D’un autre côté je le cherche, entre un mec gentil, attentionné, et un connard macho, je choisis toujours le deuxième… « Je suis tombée follement amoureuse d’un type qui m’entrainait plus vers le fond qu’autre chose… » De très mauvaise influence. A me rendre complice de ses activités illégales. Alimentait mon addiction. Mais je m’en foutais. Je trouvais cette relation tellement excitante, dangereuse… « J’ai fini par y mettre un terme lorsqu’il a tenté de proposer mes faveurs sexuelles pour régler une dette. » Il devait du fric à un type. Ce type avait des vues sur moi. Alors mon ex s’est dit que je pourrais bien faire ça pour lui…Pour le sortir des emmerdes. Juste l’histoire d’un soir. C’est là que j’ai compris que je devais sortir de cette relation malsaine dans laquelle je m’étais sciemment engagée. Il a eu le droit à la furie ce jour là, il a comprit sa douleur. « Les autres ne sont guerres mieux, des connards, une lesbienne refoulée…Faut croire que j’aime les relations destructrices. » Comme si je ne méritais pas mieux. « Et puis il y a eu Paul. Il était différent des autres…Maman l’adorait. » Or elle n’a jamais approuvé le moindre de mes petits amis depuis le décès de Rosie. Sauf Paul. Il se rapprochait plus du gendre idéal faut dire. « Mais je suis tombée enceinte…Je te rassure, t'es pas tonton. » Des fois qu'il s'imagine des choses. « J’ai avorté sans lui dire, résultat il est parti…Je suppose qu'il a eu raison. » Pas étonnant qu’il m’ait quitté. Et là je me rends compte, que je me suis confiée bien plus que je ne l’avais prévu. Pourquoi ? « Sérieusement, comment tu fais pour te payer tous ces voyages ? » Oui voilà, repassons à lui.

Parler de mes relations amoureuses, c’est un sujet qui ne devrait pas créer de nouveaux conflits entre Amy et moi. En même temps, mes histoires ne sont pas bien longues, étant donné qu’elles se terminent tous de la même façon. Je prend peur, et je me pousse. « Si on pouvait tous faire comme toi, prendre un billet d’avion et se barrer à l’autre bout du monde… » Je sentais le jugement dans sa voix, puisque bon, je me doute qu’elle ne fait pas que référence à ce que je viens de lui raconter, mais bien à la fois où je suis partie de la maison. Mais pour rester sur la promesse qu’on s’est fait, je vais faire comme si je n’avais pas capté la référence. « C’est sur que c’est facile… Enfin, facile à faire peut-être, mais je t’assures qu’à un certain point, ça ne m’a pas rendu plus heureux. » Et je suis certain que ça lui fera plaisir de savoir que je n’ai pas été heureux malgré tout. Assez parlé de moi, j’aimerais bien savoir ce qui lui est arrivé de son côté. « J’ai eu plusieurs relations sérieuses…Mais j’ai cette propension à être attirée par les mauvaises personnes… » Je sens son regard lourd sur moi, détournant les yeux en fixant un point invisible, ne tenant pas particulièrement à commenter cette remarque. Elle reprend la parole, pour me dire qu’elle avait fréquenté un mec qui n’était pas de bonne influence. J’imagine qu’il était drogué lui aussi. « J’ai fini par y mettre un terme lorsqu’il a tenté de proposer mes faveurs sexuelles pour régler une dette. » Je fronce les sourcils, fixant ma sœur à nouveau, serrant un peu plus la mâchoire. « C’est pas sérieux. » Quel genre de mec fait ça ? Ça me dépasse complètement. Heureusement qu’elle vient de me dire qu’elle l’a quitté à ce moment là, et qu’elle n’a pas accepté sa proposition ou je ne sais quoi. Je sais que j’ai perdu le droit de m’inquiéter pour elle, mais je dois avouer qu’entendre une telle histoire est loin de me faire plaisir. « Les autres ne sont guerres mieux, des connards, une lesbienne refoulée…Faut croire que j’aime les relations destructrices. » Faut croire oui. Pourtant, elle mériterait tellement mieux. Elle me parle d’un certain Paul, que maman adorait. « Mais je suis tombée enceinte…Je te rassure, t'es pas tonton. » J’aurais été un peu sonné de l’apprendre. Pas qu’elle ne ferait pas une bonne mère, mais ça fait deux mois que nous sommes enfermés ici ensemble, j’aurais aimé le savoir si ça avait été le cas. Je ne commente pas encore, préférant entendre la suite. « J’ai avorté sans lui dire, résultat il est parti…Je suppose qu'il a eu raison. » Je crois que je ne suis pas supposé juger, mais pour le coup, j’ai du mal à retenir mes paroles. « T’as pris la décision toute seule… Comme ça, sans lui demander son avis ? » Je me met à la place du gars, je l’aurais aussi très mal prit. Pas que je désire avoir un enfant, mais merde, c’est bien de l’apprendre avant que la décision soit prise. C’est une question de respect pour l’autre non. Je soupire, me disant que je ne devrais pas être dur avec Amy alors que je suis certain que la décision n’a pas du être facile à prendre. « Mais pourquoi tu ne l’as pas gardé… si tu étais si bien avec Paul ? » En fait, je viens de déduire qu’elle était bien avec Paul, mais jamais elle ne m’a fait part de son ressentie à elle face à cet homme. « Sérieusement, comment tu fais pour te payer tous ces voyages ? » D’accord. Elle veut clairement changer de sujet. Pas que ça me dérange non plus. « Rien d’exceptionnel. Quand tu n’as pas de responsabilité, tout l’argent que tu ramasses peut servir à ça. J’ai toujours travaillé, fais des petits boulots, dans des restos, j’ai même travaillé dans des rizières au Viêt Nam. » Pas la meilleure expérience de ma vie. « J’ai dormi sur les canapés de quelques amis, vécu dans des maisons avec plusieurs personnes. Bref, je me suis toujours arrangé pour bien vivre malgré un revenu faible et surtout, m’assurer d’avoir un coussin financier si l’envie me prenait d’aller voir ailleurs. » Bien que ma vie a été beaucoup plus posée durant la dernière année, comme je le lui expliqué plus tôt.

Il se peut que mes propos soient un jugement face à sa lacheté…A peine déguisé. Sa solution à tous les problèmes : fuir. On a rarement vu plus courageux. Oui bon d’accord une trève… Mais je ne peux pas aller à l’encontre de mes instints non plus. « C’est sur que c’est facile… Enfin, facile à faire peut-être, mais je t’assures qu’à un certain point, ça ne m’a pas rendu plus heureux. » Alors à quoi bon ? « Sans parler des gens que tu laisses derrière toi… » Eux non plus ils ne sont pas très heureux. C’est bon, je me tais. Si si je vous promets, je suis gentille à présent. Regardez je me confie à lui et tout sur ma vie amoureuse. Lui palant de mes relations passées chaotiques. Benjamin est très bien placé pour savoir à quel point je peux être attirée par les mauvaises personnes. Et bien faut croire que ça n’a pas changé durant toutes ces années. C’est pas sérieux Concernant le fait que mon crétin d’ex ait pu penser que j’accepterais de lui rendre ce service…Ce qui reviendrait à me prostituer. Il a clairement surestimé les limites que je pouvais supporter. Bon faut dire que j’ai accepté beaucoup de choses aussi…Quand beaucoup de filles se seraient déjà barrée, moi je suis restée. Mais là, c’était trop. Non c’est non. Je me contente d’hausser les épaules en toute réponse. J’évoque une autre relation. Pas des moindres. La dernière réelle que j’ai eu. Qui commence à dater d’ailleurs. 4 ans. J’ose même parler de ma grossesse. Dont j’ai mis un terme, sans même prévenir le principal intéressé. Ce qui semble révolter mon frère. « T’as pris la décision toute seule… Comme ça, sans lui demander son avis ? » Piquée au vif, je ne peux m’empêcher de répliquer instantanément. « Parce que tu nous as consulté peut être quand t’as décidé de te barrer ? » Que je lui demande froidement. Ok, qu’est ce que j’avais dis 30 secondes plus tôt ? En même temps, je ne supporte pas son jugement. D’autant que ce n’est pas la chose dont je suis le plus fière, et je suis un peu sensible sur le sujet. Je me radoucis. « Je savais qu’il n’aurait pas été d’accord, qu’il aurait voulu le garder…Il m’aurait surement même demandé en mariage… » J’en suis quasi certaine, il est le genre à vouloir faire les choses bien. « Je ne voulais pas prendre le risque qu’il me fasse changer d’avis. » Je ne suis pas sure que j’aurais été capable d’aller au bout après tout ça.   « Mais pourquoi tu ne l’as pas gardé… si tu étais si bien avec Paul ? » Qui a dit que j’étais bien avec lui ? « Tu m’as bien regardé ? Si je ne suis pas capable de prendre soin de moi, comment veux tu que je prenne soin d’un gosse ? » J’aurais fais une mauvaise mère. « Paul était merveilleux avec moi. Pour une fois j’avais trouvé quelqu’un avec qui j’aurais pu faire ma vie mais…j’étais…je suis…brisée. Et à l’époque, je me droguais…Je mentais à tout le monde, manipulais... » Si bien que lui-même n’était pas au courant. Durant toutes ces années, j’ai toujours su très bien cacher mon addiction. « Qu’est ce que j’aurais pu faire d’autre… » Que je dis en baissant les yeux, jouant avec mes mains. Oui, l’avortement était la seule solution qui me paraissait envisageable à l’époque. Même si ça a été l’une des décisions les plus dures de ma vie. Puis je reporte la conversation sur Benjamin. Qu’il parle un peu. A son tour s’il vous plait. Et justement, y a un point qui m’intrigue, comment fait il pour se payer tous ces voyages à l’autre bout du monde ? Cela m’impressionne quelque peu. Je souris lorsqu’il me parle des rizières. « Désolée…Mais toi t’imaginant en train de travailler dans une rizière au Viet Nam, c’est trop drôle. » Non mais vraiment, j’essaie de me l’imaginer là…Pffiou. Mais je reprends un visage sérieux très rapidement. « Tu sais que parfois, je t’ai envié d’être parti... » Que je lui confesse alors soudainement. « Combien de fois j’ai eu envie de faire la même chose. Tout quitter, pour ne jamais revenir… » Echapper au passé, à tous ces souvenirs. Mais je ne pouvais pas quiter ma famille. Les gens qui comptaient sur moi. « Dire que je ne suis jamais allée plus loin que les Etats Unis. » Alors que lui il en a vu du monde. Peut être n’a-t-il pas eu une vie heureuse, mais au moins, elle est intéressante.